Mercredi 22 novembre 2023

- Présidence de M. Jean-François Rapin, président -

La réunion est ouverte à 16 h 35.

Institutions européennes - Audition de M. Olivier Costa, directeur de recherche au CNRS, chercheur au Centre de recherches politiques de Sciences Po Paris (CEVIPOF), directeur du département d'études politiques et de gouvernance européenne au Collège d'Europe, et Mme Daniela Schwarzer, membre du conseil d'administration, Fondation Bertelsmann, professeur honoraire à l'Université libre de Berlin, co-rapporteurs du groupe d'étude France-Allemagne sur la réforme des institutions de l'Union européenne, auteurs du rapport Naviguer en haute mer : réforme et élargissement de l'Union européenne au XXIe siècle (18 septembre 2023)

M. Jean-François Rapin, président. - Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui deux éminents professeurs, Mme Daniela Schwarzer, membre du conseil d'administration de la Fondation Bertelsmann, professeur honoraire à l'Université libre de Berlin, et M. Olivier Costa, directeur de recherche au CNRS, chercheur au Centre de recherches politiques de Sciences Po Paris (CEVIPOF), directeur du Département d'études politiques et de gouvernance européenne au Collège d'Europe.

Au nom de mes collègues, je suis très heureux de vous accueillir au Palais du Luxembourg et je vous remercie d'avoir accepté de venir devant notre commission nous présenter les conclusions de votre rapport.

Vous avez été, en effet, co-rapporteurs du groupe des douze experts franco-allemands sur la réforme des institutions de l'Union européenne, mis en place en janvier dernier à l'initiative de la secrétaire d'État aux affaires européennes, Mme Laurence Boone, et de son homologue allemande, Mme Anna Lührmann, ministre adjointe chargée des affaires européennes et du climat.

Il est en effet progressivement apparu aux États membres que l'élan vers l'élargissement, nourri par des considérations géopolitiques évidentes dans le contexte de la guerre en Ukraine, ne pouvait pas ignorer la nécessité, en parallèle, de mettre l'Union en capacité d'intégrer de nouveaux membres, potentiellement au nombre de huit, voire de dix si la Géorgie et le Kosovo se voyaient aussi reconnaître le statut de pays candidat. Car le constat de départ est le suivant - je vous cite : « L'Union européenne n'est pas encore prête aÌ accueillir de nouveaux membres, ni sur le plan institutionnel ni sur le plan politique ».

Il est heureux qu'une initiative franco-allemande ait ainsi été prise pour réfléchir ensemble à ce défi : quelle réforme de l'Union européenne peut-on ou doit-on envisager pour maintenir sa capacité d'action, protéger ses valeurs fondamentales, renforcer sa résilience et la rapprocher des citoyens européens, dans la perspective d'un possible élargissement mais aussi dans le prolongement de la conférence sur l'avenir de l'Europe ?

Je tiens à préciser, pour y avoir représenté le Sénat avec ma collègue Gisèle Jourda, que, paradoxalement, le sujet de l'élargissement n'a quasiment pas été abordé dans les travaux de cette conférence.

Après plusieurs mois de travaux, vous avez présenté, le 18 septembre dernier, vos conclusions et propositions dans un rapport au titre bien choisi : « Naviguer en haute mer : réforme et élargissement de l'Union européenne au XXIe siècle ». Il a été transmis aux membres de notre commission. Je précise que vous avez travaillé en toute indépendance et que vos propositions n'engagent pas les gouvernements français et allemand.

Si nous avons souhaité vous entendre, c'est parce que notre commission a la conviction que ce sujet de l'élargissement de l'Union européenne et de la nécessaire réforme de l'Union à mener au préalable s'impose comme l'enjeu majeur des prochaines élections européennes de juin 2024 - mais je ne sais pas si tout le monde en a conscience.

Votre audition, tombe, heureuse coïncidence, le jour même où les eurodéputés doivent adopter eux aussi leurs propositions de réformes de l'Union européenne, préparées par cinq rapporteurs, dont quatre Allemands, il faut le relever.

Nous sommes donc particulièrement intéressés d'échanger aujourd'hui avec vous sur les conclusions de votre rapport, qui portent sur des pistes pour assurer à la fois l'avenir des politiques européennes et un fonctionnement efficace des institutions européennes - qu'il s'agisse de l'effectif de la Commission européenne, du système décisionnel au sein du Conseil ou encore de la composition du Parlement européen.

Il s'agit de propositions innovantes : par de nombreux aspects, votre rapport présente le mérite de « sortir des sentiers battus ». Audacieux, il n'en est pas moins réaliste. Je pense, en particulier, à vos propositions pour rendre acceptable une extension du vote à la majorité qualifiée, en créant un « filet de sécurité pour la souveraineté », voire la possibilité d'un opt-out. Réaliste aussi, l'idée d'une intégration différenciée, avec une Europe à quatre cercles au moins : un noyau restreint, l'Union européenne, les membres associés puis la Communauté politique européenne.

Cela rejoint nos propres réflexions sur l'intérêt du recours à la différenciation. Je vous renvoie à ce sujet au rapport d'information sur les suites de la conférence sur l'avenir de l'Europe que ma collègue Gisèle Jourda et moi-même avons soumis à notre commission, qui l'a adopté en juillet dernier. En effet, dans une Europe à 27 aujourd'hui - et peut-être à 35 demain, voire plus -, tous les États ne voudront et ne pourront pas progresser au même rythme et il sera indispensable de permettre à ceux qui le veulent d'aller plus loin dans la voie de l'intégration, comme cela a été le cas avec l'euro ou Schengen.

En même temps, il faudra rendre substantielle l'intégration dans le club européen pour d'autres États, en utilisant des flexibilités leur permettant de participer par étapes à certaines des politiques européennes, c'est-à-dire en les accueillant dans chaque pièce de l'édifice européen, l'une après l'autre. Mais cette différenciation doit être encadrée et obéir à des principes garantissant l'unité européenne : à cet égard, vos propositions méritent toute notre attention.

Votre rapport a aussi l'intérêt de présenter plusieurs options possibles pour modifier les traités, en tenant compte notamment des réserves de nombreux États membres à se lancer dans une révision des traités, tant l'incertitude est grande, à la fois sur le fruit qui résulterait d'un tel processus de révision et sur la capacité des États membres à faire chacun ratifier ladite révision.

Je relève enfin votre insistance sur le respect des valeurs communes et de l'État de droit, tant en ce qui concerne les membres actuels de l'Union européenne que les candidats à l'adhésion. J'aimerais savoir comment, en votre qualité de juristes, vous appréhendez cette notion d'État de droit : citée parmi les valeurs de l'Union à l'article 2 du traité, cette notion n'a pas de définition juridique précise. Pourtant, c'est en référence à l'État de droit qu'a été construit le mécanisme de conditionnalité budgétaire qui est basé sur l'article 7 du traité et que vous suggérez d'étendre. C'est aussi sur son fondement que les institutions européennes justifient un contrôle de plus en plus étroit des politiques menées par les États membres - je pense au rapport annuel que la Commission publie sur l'État de droit depuis quatre ans. Quel jugement portez-vous sur ces évolutions ?

Enfin, je voudrais regretter que la place des Parlements nationaux n'ait pas été mieux reconnue dans votre rapport. Vous évoquez la création d'une chambre commune des cours et tribunaux suprêmes de l'Union pour les inciter à mieux dialoguer, mais les chambres parlementaires nationales restent les grandes oubliées de votre rapport, alors qu'elles ont à mon sens un rôle important à jouer pour rapprocher l'Union européenne des citoyens.

Madame le professeur, monsieur le professeur, je vous laisse maintenant la parole, dans l'ordre qui aura votre préférence, pour présenter votre travail, avant de répondre aux questions de mes collègues.

M. Olivier Costa, rapporteur du groupe d'étude France-Allemagne sur la réforme des institutions de l'Union européenne. - Je commencerai par quelques mots sur le contexte de la rédaction de ce rapport.

Vous avez présenté sa raison d'être, liée à la guerre en Ukraine qui rebat toutes les cartes et ouvre de nouvelles perspectives. Jamais l'Ukraine et la Moldavie n'auraient accédé au statut de pays candidats aussi rapidement sans ce bouleversement géopolitique. Jamais la Géorgie n'aurait pu accéder à ce statut qui va peut-être lui être également reconnu le mois prochain sans cela. De la même manière, les négociations avec les pays des Balkans occidentaux n'auraient pas été relancées sans ce nouveau contexte.

Cela crée donc une forme d'urgence qui exige des institutions européennes qu'elles se mobilisent pour penser la suite. Peu l'ont fait. Cela fait cinquante ans que se succèdent les rapports sur l'avenir de l'Union européenne mais, dans la période récente, assez peu de personnes se sont penchées sur cette question et sur les difficultés liées à l'unanimité nécessaire pour réformer les traités et les ratifier.

Un autre enjeu très important est l'affirmation somme toute nouvelle de l'Union européenne comme puissance. Il y a cinq ans, il était encore tabou à Bruxelles d'affirmer que l'Union était une puissance devant trouver sa place dans le jeu international, entre les États-Unis, la Russie et la Chine. Aujourd'hui, assez peu de personnes le contestent. Il faut donc mettre en musique l'idée que l'Union européenne doit assurer sa propre sécurité dans un monde devenu un peu plus dangereux et très incertain. Une réélection de M. Trump à la présidence des États-Unis l'année prochaine relancerait aussi la réflexion sur la possibilité de s'en remettre uniquement à l'OTAN pour assurer notre sécurité.

Il faut donc repenser l'Union européenne : quelle Union voulons-nous, quelles institutions pour la faire fonctionner, comment organiser l'élargissement sans brader l'acquis communautaire et les valeurs de l'Union et faire en sorte qu'une Union européenne à 35 reste fonctionnelle, dans ce contexte qui demande de la réactivité et une certaine capacité à prendre des initiatives ? C'est ainsi que Laurence Boone et Anna Lührmann ont lancé cette réflexion, en nous demandant de nous focaliser sur les institutions et non sur les politiques. Tel était le mandat qui était le leur, en tant que membres du Conseil affaires générales, où se discutent les questions institutionnelles mais pas les politiques publiques. Or il est évident qu'il faudrait aussi mener une autre réflexion sur la réforme des politiques de l'Union européenne et de ses priorités budgétaires si l'on veut réussir à penser l'avenir de l'Union.

Le groupe qui a été créé était composé de douze membres, six Français, six Allemands, les uns issus des think tanks, les autres professeurs, d'autres encore praticiens à la retraite, avec un bel équilibre des générations et des profils - malheureusement sans équilibre des genres, puisqu'on comptait sept femmes pour cinq hommes, ce qui est assez rare pour être souligné.

Nous n'avons pas bénéficié d'un secrétariat et avons eu peu de moyens pour nous déplacer et nous rencontrer, mais cela nous a permis de prendre en charge tous les aspects de notre travail de manière très autonome.

Nous avons travaillé essentiellement en visioconférence, deux fois par mois. Nous avons produit un grand nombre de notes détaillées qui ont toutes été rédigées par un membre français et un membre allemand du groupe. Daniela Schwarzer et moi-même avons ensuite rédigé le rapport sur la base de toutes ces notes et des minutes de nos réunions.

Notre objectif était d'avoir un rapport le plus court possible. Les ministres auraient souhaité qu'il tienne en 20 pages ; il en compte finalement plutôt 30, que nous avons essayé de rédiger dans un langage relativement simple et accessible. Juridiquement, c'est un élément de critique facile pour nos collègues les plus affûtés, mais c'est un choix délibéré.

Nous avons auditionné une longue liste d'acteurs venus de toute l'Europe et des pays candidats au cours de nos travaux, à huis clos et sans en publier la liste, certains ne souhaitant pas y figurer. Cela a été très utile pour tester un certain nombre d'idées et de propositions.

Je ferai simplement trois remarques sur notre travail. La première, c'est son indépendance. Le président l'a dit : le rapport n'a pas été endossé par les ministres, et nous-mêmes avons travaillé de manière totalement indépendante des autorités françaises et allemandes. Nous avons aussi oeuvré de manière bénévole, ce qui était une caution supplémentaire de notre liberté d'esprit. Nous n'avons pas vraiment rapporté aux cabinets ou aux ministres. Nous les avons rencontrés deux fois, plus pour leur indiquer les thématiques sur lesquelles nous réfléchissions que pour leur proposer des solutions opérationnelles. De la même manière, nous avons fait un point d'étape avec le Conseil affaires générales le 29 mai. Néanmoins, là aussi, Daniela et moi avons plus parlé des thématiques qui nous préoccupaient que soumis des idées.

Nous n'avons pas pris en compte les intérêts ou les positions françaises et allemandes. L'idée était de réfléchir de manière abstraite, à l'échelle des Vingt-Sept, et nous n'avons jamais eu de débat franco-allemand au sein du groupe. Cela m'a agréablement surpris. Nous avons d'ailleurs proposé un certain nombre de pistes dans ce rapport, qui ne vont pas forcément dans le sens des intérêts français et allemands : en effet, si l'on veut penser à une réforme d'ensemble, il faut trouver un équilibre qui permette à chacun d'y trouver son compte.

Le rapport n'a pas été repris par les ministres, mais je pense qu'il commence à avoir un impact sur certaines positions, aussi bien des ministres des affaires étrangères que, dans une certaine mesure, de MM. Macron et Scholz.

Mon deuxième ensemble de remarques concerne la portée de nos propositions. L'idée était de trouver un équilibre entre les positions de nombreux analystes pessimistes, consistant à souligner toutes les divisions qui peuvent exister entre les Vingt-Sept et l'impossibilité qu'aucune réforme n'advienne, et celles bien plus ambitieuses, notamment celles du Parlement européen qui sont effectivement délibérées aujourd'hui et me semblent assez peu susceptibles d'être massivement reprises à leur compte par les États membres.

Nous avons essayé de proposer un ensemble de solutions réalistes permettant de contribuer à l'élaboration d'un compromis entre les Vingt-Sept.

Les questions que nous traitons sont de veilles questions. Beaucoup de nos propositions sont des idées qui circulent depuis un certain moment. Notre idée était de revisiter tout cela à la lumière du nouveau contexte de la guerre en Ukraine, qui crée un état d'esprit très différent parmi les Vingt-Sept. On a pu le voir en temps réel : lorsqu'on a fait une première présentation d'un certain nombre d'idées, le 29 mai, elles ont été accueillies dans une ambiance relativement froide mais, lorsque nous avons présenté la version finale du rapport, mi-septembre, les choses avaient déjà changé. En l'espace de quelques mois, même les europhiles les moins enthousiastes avaient accepté l'idée qu'il allait falloir réaliser une réforme, qu'on l'aime ou non, puisque l'élargissement s'imposait plus comme une nécessité géopolitique que comme un choix de société ou un choix par rapport à l'intégration européenne. Tout cela avance très vite.

La situation est très tendue pour l'instant s'agissant des politiques publiques et du budget, mais j'ai bon espoir que les discussions qui s'annoncent progressent assez rapidement. Encore une fois, nous n'avons pu évoquer dans ce rapport la question des politiques publiques, et c'est évidemment un grand manque.

Troisième remarque : je crois qu'il existe aujourd'hui un consensus au Conseil, non sur les réformes à entreprendre mais sur l'idée qu'il va falloir en entreprendre certaines et que ceci est possible. D'une certaine manière, cela n'a pas été une surprise pour nous, car nous considérons l'intégration européenne avec un oeil d'historien.

D'un point de vue introspectif, on peut dire qu'à toutes les étapes de la construction européenne, les choses furent compliquées. Néanmoins, on a connu quatre réformes majeures des traités depuis 1990, quatre vagues d'élargissement, et tout ceci avec des exigences d'unanimité pour la négociation ou la ratification. Les contraintes sont aujourd'hui les mêmes. Plus il y a d'États membres et de joueurs, plus les choses sont complexes, mais on ne peut pas commencer en disant que rien n'est possible.

Certes, certains leaders nationaux ont moins d'appétence pour l'élargissement. M. Orbán ne s'en cache pas. Il existe une problématique budgétaire avec les États membres dits « frugaux », mais je pense qu'il n'y a rien d'insurmontable et qu'il faut explorer sérieusement et concrètement les possibilités d'une réforme si l'on veut qu'elle puisse intervenir.

Mme Daniela Schwarzer, rapporteure du groupe d'étude France-Allemagne sur la réforme des institutions de l'Union européenne. - Le rapport ayant dû être court, il nous a fallu choisir entre beaucoup de réformes possibles. Nous avons donc d'abord défini des objectifs et avons choisi des propositions qui renforcent au moins un des trois principes suivants : accroître la capacité d'action de l'Union européenne, notamment au regard du contexte politique, préparer les institutions à l'élargissement et renforcer l'État de droit et la légitimité démocratique.

Ce troisième principe est aussi le premier grand chapitre du rapport. Pourquoi a-t-on commencé le rapport par celui-ci ? Tout d'abord, on a parlé de l'état de l'Union européenne tel qu'on l'observe aujourd'hui. Or une de ses faiblesses est le fait qu'elle ne puisse efficacement défendre le principe d'État de droit au sein des Vingt-Sept. On a beaucoup discuté de la Hongrie, tout comme alors de la Pologne, laquelle est aujourd'hui en train de mettre en place un autre Gouvernement qui pourrait renverser les réformes du parti gouvernemental Droit et justice (PIS). C'est un grand défi pour l'Union européenne, l'État de droit étant la base du marché intérieur, que de voir remis en question des principes comme l'indépendance judiciaire au sein des Etats ou la reconnaissance de la primauté du droit européen et de la Cour de justice européenne.

Sur ces sujets, nous faisons deux propositions. Tout d'abord, nous avons étudié de près la conditionnalité budgétaire qui a été introduite avec le Fonds européen de reconstruction (NextGenerationEU). C'est selon nous un principe efficace qu'il faut revisiter, notamment dans le cadre de la définition du nouveau cadre financier de l'Union européenne.

Le groupe est tombé d'accord sur le fait que les citoyens des États membres donateurs au titre du budget européen doivent s'attendre à ce que l'argent soit dépensé dans un cadre d'État de droit et de transparence. Nous pensons que cette proposition sert non seulement à renforcer le principe de l'État de droit au sein de l'Union européenne, mais ajoute de la légitimité politique aux dépenses européennes.

Nous avons proposé d'améliorer la procédure visée à l'article 7 du traité sur l'Union européenne, ce qui nécessiterait une réforme du traité, en remplaçant le vote à l'unanimité moins une voix par un vote à la majorité des quatre cinquièmes du Conseil. Il serait ainsi plus facile de sanctionner un État membre.

Deuxièmement, nous proposons de renforcer le cadre automatique de la réponse en introduisant des délais contraignant le Conseil à statuer une fois la procédure ouverte. Aujourd'hui, on observe que les délais sont très longs. Or pour avoir plus de poids politique, il est très important que la procédure avance rapidement.

Troisième élément, lié au précédent: nous demandons de prévoir des sanctions automatiques dans les cinq ans qui suivent toute proposition visant à déclencher la procédure.

Nous avons fait figurer ces propositions au premier chapitre, car l'Union européenne telle qu'on la connaît aujourd'hui, avec son marché intérieur, ne saurait se maintenir sans être capable de défendre ce principe de base : l'État de droit.

Le deuxième chapitre porte sur les défis institutionnels. Nous avons identifié cinq domaines clés à réformer. Nous avons évoqué le Parlement européen en suggérant notamment de ne pas accroître le nombre maximal de députés, à savoir 751, à répartir selon la formule de Cambridge.

Nous avons ensuite étudié le fonctionnement de la présidence de l'Union européenne, qui intervient sur une période de six mois. Nous trouvons qu'il s'agit d'un élément très important, à la fois pour la gestion du Conseil des ministres de l'UE, mais aussi pour que chaque État membre s'approprie les affaires européennes et puisse communiquer sur son propre rôle au sein de l'Union européenne vis-à-vis de ses citoyens.

Nous pensons que la coordination des présidences du Conseil peut être renforcée. Nous proposons de passer d'un trio - trois pays membres qui se coordonnent sur une période de dix-huit mois - à un quintette donc cinq présidences successives organisées sur deux ans et demi, la moitié du mandat de la Commission européenne et du Parlement européen. Nous pensons que cela permettrait ainsi de mieux coordonner les initiatives politiques avec le programme de travail de la Commission et d'avoir plus de cohérence entre deux élections européennes.

S'agissant de la Commission européenne, nous avons naturellement choisi de parler de la taille et de l'organisation du collège. C'est aujourd'hui, avec 27 commissaires, une organisation très complexe. Le collège à 35 commissaires serait encore plus : il faudrait inventer des dossiers supplémentaires pour chaque pays et chaque commissaire.

Le traité de Lisbonne offre la possibilité de réduire la taille du collège. C'est une première option, mais nous sommes conscients du prix politique que cela peut avoir si un pays membre n'a pas de commissaire pendant cinq ans.

Notre deuxième option, politiquement plus facilement négociable selon nous, consiste à différencier les commissaires et à établir une certaine hiérarchie sans nécessairement réduire le droit de vote ce qui impliquerait de réformer le droit primaire, ce qui semble trop difficile.

Nous avons aussi parlé du processus de décision au Conseil. Vous avez déjà évoqué le principe du vote à la majorité qualifiée. C'est selon nous un élément très important, notamment pour avoir plus d'efficacité dans le processus de décisions au sein du Conseil. Nous nous sommes longuement entretenus avec des personnes très proches du fonctionnement du Conseil. Elles ont notamment évoqué les mécanismes de prise de décision. Vous avez déjà évoqué nos recommandations principales. Je veux y ajouter un élément d'explication : même si la majorité qualifiée n'est pas appliquée mais qu'elle existe, elle peut avoir un effet favorable à la construction d'un consensus entre les États membres.

C'est pourquoi nous pensons, même si on introduit une clause de protection de la souveraineté nationale et la possibilité de transférer des décisions au Conseil européen, que notre proposition aurait un effet de discipline politique en facilitant le consensus entre les États membres.

Enfin, pour renforcer la démocratie à l'échelle de l'Union européenne, nous proposons l'harmonisation des lois électorales au sein de l'Union européenne entre les États membres. Les conditions dans lesquelles les élections se déroulent au sein des États membres ne sont pas harmonisées. Nous soumettons donc des mesures très concrètes pour arriver à cet objectif.

Nous proposons par ailleurs des éléments de démocratie participative. Beaucoup ont été testés au sein de l'Union européenne. Nous pensons que ce sont des outils très intéressants pour renforcer la démocratie représentative, que nous ne remettons pas en question. Nous proposons aussi d'utiliser ces instruments pour préparer l'élargissement.

Nous suggérons d'impliquer les citoyens des États candidats dans les décisions pour chaque question qui les intéresse. Cela peut être le début d'un débat transeuropéen. Nous ne voyons pas de contraintes politiques ou légales à cette évolution.

S'agissant des questions de transparence et de lutte contre la corruption, grand sujet pour le Parlement européen, nous proposons de créer un nouvel office de la transparence et de la probité chargé de superviser les activités de tous les acteurs travaillant pour les institutions de l'Union européenne.

Nous avons abordé la question des compétences, des attributions et des ressources de l'Union européenne, qui n'était pas strictement dans notre mandat, sous l'angle institutionnel et décisionnel. Nous faisons des suggestions qui tiennent compte de la nouvelle situation géopolitique extérieure de l'Union européenne, mais aussi des défis intérieurs qui ont augmenté du fait des crises, auxquels le budget doit répondre.

Nous proposons d'introduire de nouveaux mécanismes de décision pour les dépenses, mais aussi de réexaminer les ressources du budget européen, notamment avec l'exemple du fonds NextGenerationEU.

M. Olivier Costa. - S'agissant de l'État de droit, nous ne nous sommes pas lancés dans une définition afin de ne pas rendre un rapport de 200 pages.

Nous étions d'accord pour dire que cette question, qui n'a pas toujours été très centrale dans les réflexions sur l'intégration européenne, l'est devenue. Nous-mêmes n'étions pas convaincus qu'elle soit si centrale. À force de travailler sur le sujet, nous nous sommes dit que c'était absolument fondamental et qu'il est impossible de détacher intégration économique et État de droit. Nous nous inscrivons donc en faux contre la possibilité, défendue aujourd'hui par certains, de ramener l'UE à un simple marché et de laisser les responsables politiques nationaux gérer les choses comme ils l'entendent chez eux.

Nous sommes vite arrivés à la conclusion que, sans État de droit, il ne peut y avoir de marché unique, car si on ne peut éviter les distorsions dans l'application du droit européen, on ne peut garantir les droits individuels des citoyens européens qui iraient travailler, étudier ou vivre dans un autre État membre ni même conférer la sécurité juridique aux opérateurs économiques qui iraient signer un contrat ou ouvrir une entreprise et risqueraient d'être dépouillés de leurs biens ou de leurs droits faute d'indépendance de la justice. C'est pourquoi nous lui avons donné un rôle très central dans le rapport.

Nous avons dû faire des choix assez difficiles pour tenir l'objectif de 30 pages. Certaines thématiques très importantes n'ont pas été évoquées, soit parce qu'elles ne nous semblaient pas réalistes, soit parce qu'elles ne nous semblent pas prometteuses, comme les propositions qui ont cours au Parlement européen sur les listes transnationales pour les élections européennes, le droit d'initiative du Parlement européen, la fusion des postes de président de la Commission et du Conseil européen. Nous avons estimé que toutes ces réformes étaient porteuses de plus de problèmes que d'avantages.

Il existe d'autres sujets sur lesquels nous n'avons pas travaillé parce que nous avons estimé ne pas avoir grand-chose à ajouter à ce qui était proposé. C'est le cas du rôle des Parlements nationaux dans le fonctionnement de l'Union européenne.

Beaucoup de propositions et de rapports circulent ici et là. Des idées comme le carton vert nous semblent tout à fait positives, mais il n'y avait rien d'intéressant à ajoutersur le sujet. J'attire l'attention de votre commission sur le rapport récemment publié par le Centre d'étude et de prospective stratégique (CEPS), un think tank de Bruxelles, rapport rédigé par Kalypso Nicolaidis, Sophia Russack et Nicolai von Ondarza. Sophia Russack et Nicolai von Ondarza sont membres du groupe des douze. Leur rapport porte spécifiquement sur la question démocratique et envisage cinq ensembles de réformes pour améliorer la démocratie dans l'Union européenne. Il donne une large part à la question du rôle des Parlements nationaux dans la gouvernance européenne.

M. Jean-François Rapin, président. - Au-delà des crises - guerre en Ukraine, Covid, etc. - qui ont fait progresser l'Union européenne vers des compétences mieux assumées, il faut aussi considérer les politiques intérieures de chaque État membre et l'évolution des mandats politiques confiés aux gouvernants de ces États membres.

Les relations compliquées que l'Union européenne peut avoir avec certains pays - je pense à la Pologne, à la Hongrie - sont directement liées à la politique interne de ces États et de leurs Parlements nationaux.

Nous avons beaucoup travaillé pendant la présidence française sur la façon dont on peut mieux organiser la relation entre les Parlements nationaux et les institutions européennes.

La réduire à la Conférence des organes parlementaires spécialisés dans les affaires de l'Union européenne (COSAC), qui se réunit une fois par semestre à chaque présidence, n'est pas acceptable. Il faut une implication plus forte des parlementaires nationaux. C'est ma conviction personnelle. Elle sera, je l'espère, portée par la suite, car c'est un enjeu très fort de la vie européenne.

Mme Marta de Cidrac. - Je trouve que le titre de votre rapport constitue tout un programme. On comprend la difficulté de la tâche à laquelle vous vous êtes attelés.

Vous avez rappelé les trois objectifs que vous vous étiez imposés dans cet exercice pour faire un certain nombre de recommandations, parfois relativement techniques : accroître la capacité d'action, préparer les institutions à l'élargissement, renforcer l'État de droit et la légitimité démocratique.

Sur ce dernier point, il convient de rappeler que l'Europe est constituée d'États membres qui comptent des citoyens et souligner l'importance de leur représentation au sein de nos institutions européennes.. Cela rejoint la réflexion du président Rapin lorsqu'il se pose la question de savoir quelle place vous octroyez aux Parlements nationaux dans votre rapport. Comment nous, parlementaires, représentant nos concitoyens, pouvons-nous participer à la démocratie à l'échelle européenne, notamment par ces temps un peu troubles que nous traversons ?

Mme Schwarzer, vous évoquez la création d'un office de la transparence et de la probité. Vous dites même qu'il serait bon qu'on le transforme en une institution européenne. Ne pensez-vous pas que si les Parlements nationaux pouvaient être mieux entendus et avoir plus de place dans le jeu européen dans son ensemble, cela pourrait sans doute résoudre un certain nombre de questions ? N'oublions pas que ce sont les contribuables européens qui, d'une certaine manière, financent nos actions européennes.

Nous sommes à la veille d'élections importantes, et nos concitoyens vont à nouveau nous interroger sur l'Europe, sans toujours comprendre t en quoi l'Union européenne est présente dans leur quotidien.

M. Claude Kern. - Au-delà des mérites et de la capacité des pays candidats à mener les efforts nécessaires pour s'adapter à l'acquis communautaire et aux exigences de l'adhésion, quelle est votre évaluation de la capacité d'absorption de l'Union européenne ?

J'ai été frappé, dans votre rapport, par la gradation qui renouvelle la théorie des cercles concentriques chère à Hubert Védrine : l'adhésion doit-elle être un tout ou rien ? Peut-elle au contraire être progressive ? Selon quelles modalités ?

Mme Audrey Linkenheld. - Je trouve particulièrement intéressante la réflexion qui est la vôtre et les recommandations qui en découlent afin de fortifier et protéger l'État de droit à l'échelle de l'Union européenne, tout en envisageant son élargissement.

Je dois toutefois reconnaître que je vous trouve relativement optimiste de ce point de vue. Je ne suis pas complètement certaine que ces éléments soient suffisants quand on voit la désaffection des citoyens européens à l'égard des institutions, de l'Europe, et de l'idée européenne en général. Je ne suis pas sûre que les prochaines élections me démentent ni que ce soit suffisant face à la montée des nationalismes en Europe, conséquence ou dommage collatéral de cette désaffection. J'aurais aimé vous entendre à ce sujet.

Je relève un paradoxe dans vos recommandations. Vous dites à juste titre que l'élargissement apparaît comme un choix géopolitique, renforcé après les événements survenus en Ukraine. Or le seul sujet qui reste soumis à l'unanimité dans vos recommandations concerne la politique étrangère et de sécurité commune. On peut le comprendre, mais l'élargissement est d'abord un choix géopolitique plus qu'un choix économique et social.

Quel regard portez-vous depuis le 7 octobre sur les recommandations et les constats que vous avez établis sur l'impératif géopolitique de l'élargissement? Je fais évidemment référence à ce qui se passe en Israël et en Palestine, question sur laquelle l'Europe a eu du mal à se positionner, avec des divergences de positionnement jusque dans le couple franco-allemand. Y a-t-il des choses que vous diriez autrement depuis ces événements ? Au contraire, certaines choses vous confortent-elles depuis ces événements ?

Enfin, vous avez indiqué que vous étiez heureux qu'il n'y ait pas eu de débat franco-allemand entre vous. Pouvez-vous nous en dire plus ? Quels sont les sujets sur lesquels vous pensez qu'il aurait pu avoir lieu ? Je suis moi-même franco-allemande et je vais participer très prochainement à des échanges entre nos deux pays au plus haut niveau puisque j'accompagnerai demain le Président du Sénat, ainsi notamment que le Président de notre commission, en Allemagne. Cela m'intéresserait que vous nous en disiez davantage, même s'il n'y a pas eu officiellement de débat.

Mme Valérie Boyer. -Je serai plus directe que ce qui a été dit jusqu'à présent : comment peut-on envisager d'intégrer dans l'Union européenne des États qui sont le théâtre de conflits, gelés ou non. J'aimerais qu'on m'explique comment c'est possible. Nous allons bientôt discuter de la Géorgie qui fait face, sauf erreur de ma part, à deux conflits gelés.

Par ailleurs, je reviens d'Arménie avec quelques collègues, au titre de notre appartenance à l'Assemblée parlementaire de l'OSCE. Cela fait très longtemps que l'Arménie aurait aimé un geste, un regard, quelque chose qui la sorte de son isolement abominable face aux Turcs, aux Azéris, après son abandon par les Russes.

La Géorgie a pu avancer sur le chemin de l'Union. Pourquoi n'irait-on pas plus loin pour l'Arménie, pour ne pas y laisser carte blanche aux Azerbaïdjanais ?

Enfin, je souscris totalement à ce que vient de dire le président : on ne peut plus continuer à parler d'Europe sans l'assentiment des parlements nationaux. Ce n'est pas un sentiment antieuropéen qui se dégage en Europe, mais plutôt un sentiment anti-institutions européennes. C'est plus la supranationalité de nos institutions qui gêne nos concitoyens. Mon sentiment est que les Français - et probablement les autres peuples d'Europe - se sentent européens mais ne comprennent probablement pas les agissements et le dogmatisme ou les pratiques administratives des institutions européennes

M. Didier Marie. - Je partage nombre des postulats que vous avez posés à propos de la nécessité du respect de l'État de droit, qui a peut-être été insuffisamment mise en exergue précédemment, de la conditionnalité des aides, qui a été testée avec succès dans le cadre du plan de relance, et de la question du changement du mode décisionnel avec la fin de l'unanimité sur la plupart des sujets.

Cela étant, j'ai deux inquiétudes. La première porte sur le calendrier. Considérez-vous qu'un certain nombre d'éléments que vous proposez puissent être mis en oeuvre avant le renouvellement du Parlement européen et la mise en place d'une nouvelle Commission, c'est-à-dire d'ici novembre 2024 ?

Deuxièmement, si cela semble difficile, au regard des échéances politiques que nous connaissons, et notamment des échéances nationales dans un certain nombre de pays et d'États membres, pensez-vous qu'il soit aisé de trouver une majorité d'États pour faire avancer ces dossiers?

De la même façon, vous avancez un certain nombre de propositions qui peuvent se faire dans le cadre des traités actuels, mais vous soulignez qu'un certain nombre d'autres ne pourraient se faire que dans le cadre d'une révision des traités. Selon vous, quelles sont les conditions à réunir pour permettre d'engager cette révision ? Cela doit-il se faire par la consultation des citoyens européens, par procédure intergouvernementale ou par toute autre possibilité ? La première solution est la plus démocratique, mais la plus porteuse de risques. À l'inverse, si on passe par des procédures intergouvernementales, les citoyens considéreront que ce grand « machin » européen fonctionne encore par lui-même.

Enfin, la question de l'élargissement est revenue au coeur des débats du fait de l'agression russe en Ukraine et devient certainement encore plus nécessaire aujourd'hui avec ce que nous connaissons depuis le 7 octobre. Ceci étant, avez-vous le sentiment que ce choix géopolitique qui s'impose à l'Europe est partagé par l'ensemble des États membres ?

Mme Gisèle Jourda. - Comment évaluer les contrats d'association des pays qui ont contractualisé avec l'Union européenne dans le cadre du partenariat oriental - je pense à la Moldavie, à l'Ukraine et à la Géorgie -, alors que ces pays sont maintenant engagés dans un processus vers l'élargissement ? Comment évaluer ces contrats d'associations toujours en cours avec ces trois pays ?

Par ailleurs, nous avons, avec le président Rapin, représenté le Sénat à la conférence sur l'avenir de l'Europe. Lorsqu'on parle de la décision d'élargissement, on parle d'une possible décision des gouvernements, mais est-on bien sûr que les peuples concernés soient vraiment en accord avec cette décision ?

M. Olivier Costa. - Monsieur le président, vous avez raison d'insister sur le fait que le jeu se joue à deux niveaux. C'est pourquoi il faut conserver l'esprit ouvert. Peu de personnes auraient parié sur un changement de majorité en Pologne. Ce changement va avoir des répercussions majeures sur la possibilité de négocier une réforme des traités et les conditions d'un élargissement. Je ne pense pas que le gouvernement polonais devienne soudainement europhile, mais on ne sera pas dans une situation polarisée comme on a pu la connaître ces dernières années.

Cela peut bien sûr aller dans les deux sens : on n'est pas à l'abri de changements de gouvernement dans des pays pour l'instant pro-européens, mais il faut se donner la possibilité que quelque chose se passe si rien n'est préparé.

Il faut éviter de faire ce qu'on a fait dans les années 2000 : l'Union européenne attendait que les États candidats soient prêts et les États attendaient que l'Union européenne soit prête. Or personne n'était prêt. L'élargissement s'est ainsi fait dans des conditions suboptimales, avec un traité de réforme qui est arrivé après les élargissements et des États candidats qui n'étaient pas tous à niveau lorsqu'ils sont entrés dans l'Union européenne.

S'agissant de la place des Parlements nationaux, même si nous n'en avons pas parlé dans le rapport, les douze experts se sont mis assez vite d'accord pour reconnaître l'Union européenne comme un système politique hybride, qui est comme tel et qui le restera, c'est-à-dire un hybride entre la méthode communautaire originale inventée dans les années 1950, qui a subi une forme de parlementarisation avec le Parlement européen, les élections européennes, les partis nationaux, et un retour des États par le biais du Conseil, du Conseil européen et des Parlements nationaux. C'est inscrit dans les traités. Je pense qu'il y a là une forme d'équilibre.

C'est certes compliqué à comprendre mais très efficace. Il ne faut surtout pas toucher à cet équilibre. Le point de vue des rapporteurs était de ne rien proposer qui constitue un changement radical de la nature du système politique de l'Union européenne, qui doit conserver trois approches, avec un rôle pour la Commission et la Cour de justice, un rôle pour le Parlement européen, un rôle pour les organes représentant les États.

De fait, deux logiques de légitimation sont à l'oeuvre : une européenne, via le Parlement européen, la Commission, la Cour, et une nationale, via le Conseil, le Conseil européen et les Parlements nationaux. D'une certaine manière, le rôle de Parlements nationaux n'est pas évoqué dans notre rapport, mais il est présent entre les lignes.

S'agissant des questions de Mme de Cidrac, notre rapport est sans doute relativement technique, notre ambition étant de fournir des éléments de réflexion à destination des futurs négociateurs. Nous nous adressons essentiellement aux parties prenantes au débat, même si nous avons essayé de le faire de manière brève et pas trop jargonnante.

Concernant le rapport des citoyens à l'Union européenne, je ne serais pas aussi pessimiste que vous : je crois qu'on revient à l'Europe fonctionnelle des années 1950. L'opinion publique change assez positivement parce que les citoyens sont de nouveau amenés à comprendre à quoi elle sert.

L'Union européenne n'est pas simplement là pour fabriquer des normes qui n'ont aucun sens ou avoir des institutions qui tournent à vide. Elle mène des politiques pour penser la transition numérique, le Green Deal, les enjeux de sécurité. Tant que l'Union européenne produira des biens publics, elle pourra donner satisfaction à une partie de l'opinion publique. Ce qu'il faut absolument éviter, c'est de retomber dans la séquence constitutionnelle des années 2000, à savoir réfléchir sur les institutions sans réfléchir sur les contenus, les missions et les objectifs. Cela a été selon moi une erreur politique.

Monsieur Kern, la capacité d'absorption de l'Union européenne est très faible. C'est pourquoi il faut des réformes majeures dans le cycle législatif 2024-2029. Si ces réformes ne sont pas entreprises, je pense que l'Union européenne ne pourra pas accueillir de nouveaux États : il faut changer les politiques, changer les institutions et changer le fonctionnement du budget pour s'adapter à ce nouveau contexte.

S'élargir à tel ou tel État des Balkans occidentaux n'est pas un grand enjeu, mais s'élargir à l'Ukraine est une tout autre affaire, qui aura des répercussions massives sur le budget, la politique régionale, la politique agricole. Il faut adapter ces politiques. Ce débat doit commencer car, pour l'instant, on n'y est pas du tout.

Concernant l'adhésion « tout ou rien », notre proposition de quatre cercles, dont on débat depuis 30 ans, définit l'Union européenne comme un deuxième cercle avec, au sein de cette Union, la possibilité pour un nombre plus restreint d'États d'aller bien plus loin dans l'intégration. On trouverait autour de l'Union un cercle de membres associés pour créer une catégorie homogène avec les États qui ont des rapports particuliers avec l'Union, comme la Suisse, la Norvège, la Turquie voire le Royaume-Uni. Enfin le quatrième cercle serait celui du continent, avec la Communauté politique européenne.

D'une certaine manière, l'élargissement doit aussi se penser dans ce contexte, avec des États qui voudraient peut-être d'abord accéder à un statut de membres associés avant de devenir membres pléniers.

Notre idée est que chaque État doit se trouver dans le cercle où il a envie d'être. Il n'est pas question de forcer les Britanniques à revenir dans l'Union ni de les exclure définitivement de tout arrangement, mais de proposer une structure claire où chaque État a un niveau d'implication et d'engagement.

On peut aussi réfléchir à une adhésion par étapes, qui a déjà été pensée lors de la réforme du processus d'élargissement de 2020. On a maintenant six grands paquets de négociation et éventuellement la possibilité pour un État candidat de commencer à bénéficier d'une politique sans en avoir terminé avec tous les autres. Cela nous semble assez pragmatique, car attendre que les États candidats aient bouclé l'ensemble des négociations sur les six paquets sera très long.

Si on veut néanmoins réaliser une adhésion par étapes, il existe plusieurs conditions : on ne peut séparer l'État de droit du marché intérieur. L'idée qui consisterait à dire que les États candidats pourraient très rapidement rejoindre le marché intérieur sans se préoccuper de réforme de la justice ou de protection des droits fondamentaux ne me semble pas bonne.

Deuxièmement, il faut que ce soit réversible. L'État qui participe à une politique parce qu'il dit qu'il est prêt ou qu'il est reconnu comme tel doit y participer tant qu'il continue à faire les efforts attendus.

Troisièmement, il faut un calendrier précis. Il faut absolument éviter une situation de gel où un État participerait à telle ou telle politique et s'en contenterait. On entrerait là dans une Europe à la carte, qui ne serait pas gérable du point de vue institutionnel ni sur le plan de la lisibilité.

Mme Linkenheld a évoqué la désaffectation des citoyens. Je ne suis pas sûr de celle-ci. Les gens parlent beaucoup des élections de l'année prochaine. Je constate qu'en 2019, en France, on a eu un taux de participation aux élections européennes de 50 %, contre 46 % aux législatives en 2022 et 47 % en 2017. Les députés européens sont donc en quelque sorte mieux élus que les députés à l'Assemblée nationale, et personne ne va les contester.

Mme Audrey Linkenheld. - Je ne trouve pas que ce soit bon signe !

M. Olivier Costa. - Je constate simplement un déclin de la participation dans toutes les élections, sauf les élections européennes, où on a eu un rebond de participation de huit points en 2019, soit une hausse de 20 %. C'est énorme.

Cela veut dire que, confusément, les citoyens comprennent qu'il s'agit d'enjeux importants. Quand on regarde plus précisément les enquêtes d'opinion, les citoyens sont critiques à l'égard de l'Union européenne mais restent attachés au principe de participation de leur pays. On pourrait faire le même constat avec le rapport aux institutions en général. Les gens sont très critiques vis-à-vis des élus, mais sont attachés à leurs institutions et à la façon dont elles fonctionnent.

Pour ce qui est de la politique étrangère, nous n'avons pas proposé de sortir de l'unanimité pour les grandes décisions parce que l'Union européenne n'est pas une fédération : elle est composée de 27 États, très attachés à leur souveraineté et à leur politique étrangère. Si on avait une majorité qualifiée pour les grandes décisions touchant la politique étrangère, on risquerait, lors d'un sommet européen, par exemple, d'avoir une décision adoptée à la majorité qualifiée pour un nouveau train de sanctions contre la Russie, avec trois ou quatre membres du Conseil européen disant aux médias : « On m'a forcé la main, j'ai été mis en minorité. Je ne me sens pas concerné par cette décision ».

Je pense que la majorité qualifiée est un outil adapté à certains types de décision et non à d'autres, de même que, dans nos institutions françaises, on peut plus facilement changer une loi lambda que la Constitution. Les règles de majorité ne sont pas les mêmes.

Quant à l'existence ou non d'un débat franco-allemand dans le groupe, il y a peut-être une tendance française à avoir une vision plus intergouvernementale de l'intégration européenne, plus gaullienne, - oserais-je dire - un peu « à la Macron », et, côté allemand, une approche des institutions européennes en référence à des institutions fédérales. On n'a jamais eu ce type de débat entre nous, ce qui était plutôt une bonne surprise. Cela nous a évité des soucis.

S'agissant des questions de Mme Boyer, la capacité pour l'Union d'intégrer des pays avec des conflits constitue évidemment une problématique très importante. La situation des États qui sont en conflit avec un autre État candidat ou un État membre de l'Union européenne doit être résolue avant l'entrée dans l'Union. En revanche, on ne peut donner les clés de l'élargissement à la Russie.

Ces questions doivent être traitées très sérieusement. On ne peut faire entrer un État en guerre dans l'Union européenne, mais ce doit être possible pour la Moldavie, y compris la Transnistrie, sans attendre une hypothétique solution.

S'agissant des questions du sénateur Marie à propos du calendrier, il faut absolument avoir un accord politique sur la procédure de désignation de la présidente ou du président de la Commission avant l'élection. Les traités sont à mon sens mal rédigés de ce point de vue. Il y a une incertitude sur qui choisit le président ou la présidente de la Commission, et le Parlement européen devrait élire cette personne à la majorité des membres.

Dans le futur Parlement à 720 députés, la majorité correspondra à 361 députés ; tous les abstentionnistes et les absents seront considérés comme votant contre. C'est difficile. Mme von der Leyen avait eu une majorité de sept voix. Je suis assez inquiet : s'il advenait que le Conseil européen propose un candidat et que le Parlement européen ne soit pas très enthousiaste, ce candidat pourrait ne pas avoir la majorité et on entrerait dans une crise institutionnelle longue.

Nous n'avons pas proposé une institutionnalisation de la procédure dite du spitzenkandidat, mais il faut un accord politique entre le Conseil européen, le Parlement et les groupes politiques sur cette question pour éviter une catastrophe.

La révision des traités est une question dont on a beaucoup débattu. Nous proposons six scénarios de révision. Les choses sont assez complexes. Il existe trois approches. La première est la vraie révision, selon ce qui est prévu dans les traités, avec une convention et des référendums potentiels dans un certain nombre d'États. À titre personnel, j'y suis favorable. Il y a un vrai risque politique, mais je pense que les citoyens sont des gens raisonnables et qu'il faut ouvrir le débat sur l'élargissement et la réforme des traités, faire preuve de pédagogie et ne pas laisser ce sujet à l'extrême droite ou à l'extrême gauche, qui en ont parfois une approche un peu biaisée.

La deuxième approche serait une révision des traités via les traités d'accession, car qui dit élargissement dit modification des traités existants. Un certain nombre de réformes institutionnelles pourraient figurer dans les traités d'accession - modifier la composition du Parlement, de la Commission - que sais-je ?

Enfin, la troisième solution est la solution de repli, qui consisterait, en cas de blocage, à avoir un traité ad hoc, hors Union européenne. Rien n'interdit aux États ou à un certain nombre d'États membres de « bricoler » quelque chose dans l'intergouvernemental. Ce n'est pas souhaitable, mais c'est une solution de repli en cas de véto durable d'un ou plusieurs États membres.

Enfin, j'en viens à la question de Mme Jourda sur l'attitude des pays candidats est une très bonne question. Chaque pays a sa propre procédure pour valider un éventuel élargissement à l'Union européenne. À titre personnel, je pense que le référendum s'impose pour une décision aussi importante pour l'avenir de ses citoyens. On sait qu'il existe des pays divisés de ce point de vue. Nous recommandons dans notre rapport d'associer les citoyens de pays candidats à la procédure d'élargissement, ce qui n'a pas été fait les fois précédentes.

On a eu le sentiment que la négociation n'impliquait que les responsables politiques des États, parfois contre les citoyens parce que cela impliquait de mener toute une série de réformes souvent impopulaires. On a bien vu que les responsables politiques des pays candidats, dans les années 2000, ont perdu toutes les élections du fait de ces réformes. Je pense qu'il faut renverser la vapeur, associer les citoyens de pays candidats au processus via les instruments de participation qu'on a déjà, de sorte qu'ils soient impliqués et que la pression des citoyens porte davantage sur les responsables politiques plutôt que l'inverse.

Mme Daniela Schwarzer. - S'agissant des pays en conflit et de notre politique d'élargissement, vous avez évoqué particulièrement le cas de l'Arménie. L'Ukraine, la Moldavie et la Géorgie ont depuis des années renforcé les liens avec l'Union européenne, avec par exemple la fin des visas pour l'Ukraine, les traités de partenariat qui incluent des liens économiques plus étroits et l'intégration dans des politiques partielles.

Parmi les six pays du Partenariat oriental qui étaient, au début, sur un pied d'égalité, l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Biélorussie n'ont pas choisi d'avancer comme les trois premiers que je viens d'évoquer. La Géorgie va très probablement devenir officiellement candidate à l'adhésion.

La porte n'est pas fermée pour l'Arménie, mais les choix stratégiques du gouvernement en place et ses liens avec la Russie, pour l'instant, n'ont pas placé le pays en position de demander le statut de candidat.

M. Jean-François Rapin, président. - Le fond de la question de Mme Jourda portait sur le fait que le statut de ces États, qui passent de membres du partenariat oriental à candidats, les fait entrer dans une autre stratégie.

Mme Daniela Schwarzer. - Les traités d'association avec l'Union européenne resteront en place, mais effectivement avec une nouvelle qualité politique.

Mme Gisèle Jourda. - Ce qu'on demande dans la procédure d'élargissement n'est pas du tout la même chose que ce qu'on demande dans le cadre du contrat d'association relatif au partenariat oriental.

Mme Daniela Schwarzer. - Il y aura des éléments supplémentaires très importants, mais cela n'annule pas les contrats en place.

Comment intégrer des pays en conflit ? Le grand défi pour l'Union européenne se trouve dans l'article 42.7 du traité sur l'Union européenne, qui apporte une garantie de sécurité à chaque membre de l'Union européenne. La France est le seul pays à avoir évoqué cet article après les attaques du Bataclan. C'est une clause de solidarité au sein de l'Union européenne. Si on intègre un pays comme l'Ukraine, que la Russie maintiendra sans doute sous une pression forte, il faudra avoir un cadre de garantie de sécurité qui va au-delà de l'Union européenne.

Ce n'est pas dans notre rapport car cela va au-delà de notre mandat, mais il est important de répondre à la question : on ne peut séparer la question de l'adhésion à l'OTAN de celle d'un cadre de garantie de sécurité et de défense pour les pays qui vont intégrer l'Union européenne si la Russie reste la menace qu'elle constitue aujourd'hui.

L'Union européenne n'a pas les moyens de garantir la sécurité et la défense de ses États membres, bien qu'un article du traité l'y oblige. C'est une nouvelle situation géopolitique dont on doit tenir compte.

Enfin, ce rapport est sans doute technique, mais il constitue une tentative de développer un narratif politique qui lie la question de la réforme de l'Union européenne et de son élargissement. Il peut y avoir une pression forte pour avancer vers l'élargissement, sans tenir compte de la capacité de l'Union européenne d'absorber les pays membres.

Nous avons traité des questions institutionnelles, mais la capacité d'absorber de nouveaux pays inclut la réforme et le financement des politiques, et notamment le soutien aux pays candidats. C'est pour cela que nous avons développé un narratif qui explique pourquoi le nouveau contexte géopolitique à l'extérieur et au sein de l'Union européenne doit être pris en compte. Il faut un débat, et nous mettons beaucoup l'accent sur le rôle des parlements et le mécanisme de participation des citoyens dans la procédure.

Si on le cache au public et qu'on n'engage pas le débat parlementaire, la ratification des traités d'adhésion risque de ne pas aboutir. Les choses doivent être à la fois transparentes et très investies politiquement. Cela doit jouer dans les élections européennes de juin prochain.

Que doit-on préparer avant cette date ? J'attire votre attention sur la page 49 de notre rapport. Sans entrer dans les détails, nous avons mis en avant celles de nos propositions qui peuvent se faire avant les élections européennes. Nous pensons que la situation après les élections ne sera pas forcément plus simple politiquement. Tout ce qu'on peut achever d'ici là devrait l'être pour démontrer que l'Union européenne peut répondre aux défis. Il vaut donc mieux mettre en oeuvre ce qu'on peut avec le traité existant avant les élections européennes. On aura un argument de plus pour dire que l'Union européenne se prépare.

M. Jean-François Rapin, président. - Des questions reviennent assez souvent en commission à propos de décisions de la Cour de justice de l'Union européenne, qui supplantent notre droit national.

Avez-vous eu à en traiter par rapport la question de l'élargissement ?

M. Olivier Costa. - La primauté du droit européen sur le droit national et l'autorité des décisions de la Cour de justice sont fondamentales pour l'intégration européenne. L'intégration européenne, c'est un projet économique sans politique, qui ne fonctionne qu'avec du droit.

Si le droit européen n'a pas prévalence sur le droit national, il en serait fini de l'intégration européenne en l'espace de six mois. Si tel pays commence à ne plus respecter tel pan du droit social européen, chacun va faire son choix et la confiance mutuelle sur laquelle repose tout l'édifice serait ruinée. L'Union européenne n'est pas une fédération. Nous n'avons pas d'administration déconcentrée, pas de système de cour déconcentrée. C'est la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et ses décisions qui font tenir tout le système.

Néanmoins, de plus en plus de décisions de la Cour de justice sont contestées. C'est pourquoi nous avons introduit dans le rapport l'idée d'une chambre des cours de justice, qui ne serait pas un organe qui viendrait décider à la place de la Cour de justice, mais serait, un peu comme la COSAC pour les parlements, un lieu d'échange, de dialogue et de socialisation entre les juges de différents niveaux.

Si on examine les choses à l'échelle globale, on voit que, du côté des exécutifs, on a beaucoup d'organes où les ministres ou les chefs d'État ou de gouvernement sont amenés à discuter entre eux. Tout cela permet un échange constant. Du côté des parlements, cela commence à être aussi le cas. La COSAC, les procédures de carton jaune ou orange sont l'occasion de nombreux échanges entre les parlementaires, mais il n'existe rien du côté des cours. Cela crée des tensions et des malentendus entre les différents niveaux de juridiction. Cette chambre aurait une vertu de socialisation et de pédagogie.

M. Jean-François Rapin, président. - On irait ainsi au-delà de la seule consultation préjudicielle.

M. Olivier Costa. - Il faut un vrai espace de débats qui permette aux parties en présence de se parler. Les juges constitutionnels, dans un certain nombre de pays, se plaignent des prétentions de la Cour de justice à trancher le droit contre leur avis. Un vrai dialogue avec les juges de Luxembourg est une nécessité démocratique. On ne peut plus s'en tenir à une stricte approche juridique. Il faut à un moment donné prendre également en compte les forces sociales et la réalité des choses, en ajoutant un peu de liant. Il faut faire avec les cours ce qu'on a fait avec les parlements nationaux depuis le début des années 1990.

M. Jean-François Rapin. - Nous pourrions développer ultérieurement notre conversation sur la relation entre les parlements nationaux et les institutions européennes.

Le système de la COSAC, même si vous considérez importantes ces structures interparlementaires, reste une belle endormie, sur laquelle le Parlement européen a une grande influence. Il faut donc être assez vigilant si l'on veut que les parlements nationaux existent dans une Europe qui serait élargie et encore plus puissante.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 14 heures 50.