Lundi 30 octobre 2023

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 14 h 35.

Proposition de loi visant à associer les épargnants à la transmission des exploitations agricoles françaises - Examen des amendements au texte de la commission

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons les amendements de séance sur la proposition de loi visant à associer les épargnants à la transmission des exploitations agricoles française. Nous commençons par l'examen de trois amendements du rapporteur.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR

Article 1er

M. Christian Klinger, rapporteur. - L'amendement n° 4 dispose que les statuts du groupement foncier agricole d'investissement (GFAI) devront obligatoirement prévoir un droit de priorité aux personnes physiques pour l'acquisition des parts du GFAI. De plus, un droit de priorité pourra être prévu spécifiquement pour les associés participant à l'exploitation des biens du groupement, notamment en vertu d'un bail, comme pour les groupements fonciers agricoles. L'objectif est de mieux protéger encore les exploitants agricoles.

L'amendement n°  4 est adopté.

L'amendement de coordination n°  5 est adopté.

M. Christian Klinger, rapporteur. - L'amendement n° 6 rappelle explicitement, en réponse à certaines inquiétudes, que les règles de fonctionnement des GFAI ne pourront pas déroger au régime juridique des baux ruraux.

L'amendement n°  6 est adopté.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

Article 1er

M. Christian Klinger, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°  1. Notre objectif est de faire en sorte que la création des GFAI ne se traduise pas par de nouvelles règles pour les exploitants agricoles, au regard de celles qu'ils connaissent dans le cadre d'un groupement foncier agricole (GFA). Ainsi, les baux consentis dans le cadre d'un GFAI doivent respecter strictement les règles applicables aux baux ruraux. Or, cet amendement imposerait de nouvelles conditions tenant, par exemple, à la surface de l'exploitation ou à l'engagement dans la transition écologique.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.

M. Christian Klinger, rapporteur. - Je demande le retrait de l'amendement n°  3, car la précision ne me semble pas nécessaire et pourrait même s'avérer contreproductive. En effet, dans le cadre de la transformation d'un GFA en GFAI, il ne faudrait pas que le bail d'un exploitant agricole déjà installé ne puisse pas être renouvelé.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 3.

Article 4

M. Christian Klinger, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement de suppression n°  2.

L'article 4 étend aux GFAI les avantages fiscaux prévus pour les GFA en matière de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) et d'impôt sur la fortune immobilière (IFI). Il ne s'agit que d'un alignement sur les mesures prévues pour les GFA. Un traitement fiscal différent entre les porteurs de parts d'un GFA et d'un GFAI n'est pas justifié.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2.

La commission a donné les avis suivants sur les amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :

TABLEAU DES AVIS

Article 1er

Auteur

Avis de la commission

M. BOCQUET

1

Défavorable

M. BOCQUET

3

Demande de retrait

Article 4

Auteur

Avis de la commission

M. BOCQUET

2

Défavorable

La réunion est close à 15 h 10.

Projet de loi de finances pour 2024 - Mission « Pouvoirs publics » - Examen du rapport spécial

M. Grégory Blanc, rapporteur spécial de la mission « Pouvoirs publics ». - En vertu du principe d'autonomie financière des pouvoirs publics, la mission « Pouvoirs publics » regroupe, pour rappel, les crédits dédiés aux différents pouvoirs publics constitutionnels que sont la présidence de la République, l'Assemblée nationale, le Sénat, les chaînes parlementaires, le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la République.

Je commencerai par une rapide analyse de l'évolution des crédits de la mission et de chacune des institutions, avant de vous livrer quelques remarques générales, qui pourront aussi, pour certaines, constituer de futurs axes de travail.

Concernant l'évolution générale des dotations, ces dernières sont restées stables à un peu moins de 1 milliard d'euros de 2015 à 2021, puis ont augmenté à partir de 2022 jusqu'à atteindre 1,14 milliard d'euros dans le projet de loi de finances pour 2024, soit une hausse de 5,7 % par rapport à 2023. Les pouvoirs publics ont largement participé à l'effort de redressement des comptes publics, la dotation ayant progressé d'un montant bien inférieur à celui de l'inflation constatée, ce qui signifie une baisse en termes réels.

Pour l'année 2024, l'évolution est plus hétérogène. En effet, la dotation de la présidence de la République augmentera de 10,96 % ; celle de l'Assemblée nationale de 6,42 % et celle du Sénat de 2,07 % seulement. En revanche, elle augmentera de 34,86 % pour le Conseil constitutionnel.

La dotation de la présidence de la République atteindra plus de 125 millions d'euros, soit 10,5 millions d'euros de plus que l'année précédente. Cette hausse s'explique d'abord par le coût des déplacements internationaux (21 millions d'euros inscrits au projet de budget pour 2024), impacté par l'inflation internationale et les nouvelles conditions de sécurité dans les hôtels. Ce montant reste toutefois inférieur à celui qu'on a pu connaître sous la présidence 2007-2012, avec un montant record s'élevant à près de 22 millions d'euros en 2009.

Quant aux dépenses de fonctionnement, elles subissent, elles aussi, la hausse de l'inflation. Elles ne peuvent désormais être financées que par une hausse de la dotation, la présidence de la République nous ayant en effet expliqué avoir puisé, lors des exercices précédents, dans sa trésorerie et ses réserves, qui sont désormais presque épuisées.

Cela démontre que des politiques volontaristes de stabilité peuvent conduire à des effets de rattrapage et qu'il convient, notamment en matière d'investissement, d'être réaliste.

Concernant les dotations des assemblées parlementaires, rappelons qu'elles étaient toutes deux gelées entre 2012 et 2021, ce qui a obligé ces institutions à puiser dans leurs réserves. La hausse octroyée cette année représente 6,42 % pour l'Assemblée nationale et 2,07 % pour le Sénat, atteignant respectivement 607,65 millions d'euros et 353,47 millions d'euros.

J'évoquerai le budget du Sénat.

Si la dotation augmente légèrement de 2,07 %, son budget est en hausse de seulement 1,7 %, en tenant compte du recours à ses réserves. Notons la stabilité des dépenses de fonctionnement, signe d'une gestion vertueuse puisqu'elles s'élèveront en 2024 à 356,33 millions d'euros, soit une hausse modérée de 2,51 %, essentiellement due à la revalorisation du point d'indice et plus généralement à l'inflation.

S'agissant des dépenses d'investissement, elles s'élèveront à 16,29 millions d'euros. Signalons que des opérations d'ampleur sont en cours, avec la rénovation des deux immeubles situés aux 26 et 36 rue de Vaugirard, mais aussi la restauration des façades et des couvertures des pavillons Est du Palais du Luxembourg, ainsi que celle des grilles et des murets du Jardin du Luxembourg.

Permettez-moi de parler plus précisément du recours aux réserves.

L'ensemble des institutions ont puisé dans leurs réserves au cours des dix dernières années. Toutefois, il me semble essentiel de limiter les prélèvements pour maintenir les disponibilités a minima entre trois et quatre mois de dépenses, soit entre 90 et 120 millions d'euros pour le Sénat, un niveau nécessaire pour garantir l'autonomie de notre assemblée en cas de crise de régime.

J'en viens au budget des chaînes parlementaires. Celui-ci augmente légèrement, de 2,17 %, pour s'établir à 35,25 millions d'euros. Celui de LCP-Assemblée nationale connaît une hausse de 4,45 %, tandis que le budget de Public Sénat est, lui, reconduit à l'identique.

Pour clôturer cette présentation j'évoquerai le budget du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de la République. Il fait un peu le « yo-yo » puisqu'il avait augmenté en 2022 de 32 % en raison des élections présidentielle et législatives, puis baissé en 2023 de 16,7 % ; il augmentera de nouveau en 2024, pour s'établir à 17,93 millions d'euros, soit une hausse importante de 34,86 %. Cette hausse s'explique par une dotation spéciale de 3,8 millions d'euros destinée à financer, d'une part, les dépenses relatives à l'organisation, en juin 2024, à Paris, d'une conférence des chefs des cours constitutionnelles francophones dans le cadre de l'année de la francophonie, dont le secrétariat général est assuré par le Conseil constitutionnel, et celles qui sont liées à la rénovation du rez-de-chaussée des locaux de la rue Montpensier.

Enfin, la dotation de la Cour de justice de la République est identique à celle de l'an passé, à hauteur de 984 000 euros.

Je terminerai mon intervention en formulant quatre remarques qui vont guider mon travail.

Tout d'abord, il est primordial d'avoir une vision transparente et responsable de la gestion des pouvoirs publics, notamment du coût de la démocratie. Il est essentiel de respecter l'autonomie de gestion de chaque institution, les contraintes de chacune d'entre elles n'étant pas comparables, qu'il s'agisse du renouvellement électoral des assemblées parlementaires - l'Assemblée nationale doit, qui plus est, provisionner en cas de dissolution -, d'investissements urgents pour entretenir le patrimoine historique, ou de faire face à l'inflation internationale, qui impacte en particulier les déplacements présidentiels.

Ensuite, je suis partisan d'avoir une connaissance globale des budgets afin de pouvoir les comparer avec ceux des institutions équivalentes au niveau européen. Même si le périmètre des exécutifs est différent, comparons au moins les missions. Il en est de même pour les assemblées parlementaires ; comparons par exemple les budgets du Sénat et du Bundesrat rapportés à chaque parlementaire.

Par ailleurs, je souhaiterais évoquer la construction d'un budget vert et le rôle d'exemplarité de nos institutions face aux collectivités territoriales qui sont de plus en plus sollicitées à ce sujet. L'ensemble des institutions mènent un grand nombre d'actions écoresponsables. C'est particulièrement vrai pour le Sénat qui développe de nombreuses actions, et mène un travail de consolidation de la méthodologie de son bilan carbone ainsi que de mise à jour de sa stratégie environnementale. Pour ce qui est du budget vert, certaines institutions invoquent comme frein l'importance de la masse salariale. Mais les collectivités s'engagent dans cette voie, alors qu'elles sont confrontées à la même problématique.

Enfin, j'ai souhaité mieux appréhender ce que représente pour nos concitoyens le coût de la démocratie. Le coût de l'ensemble des institutions est d'environ 16,50 euros par Français, dont 9 euros pour l'Assemblée nationale, un peu plus de 5 euros pour le Sénat et un peu moins de 2 euros pour l'Élysée, ce qui nous place sous la moyenne européenne. Cette démarche apparait fort utile pour combattre les idées reçues, voire les populismes. La démocratie a un coût, et il importe d'évaluer l'efficacité de l'argent public.

M. Claude Raynal, président. - Est-il souhaitable que le Sénat continue à puiser dans ses réserves qui s'amenuisent ? N'aurait-on pas pu prévoir une augmentation de la dotation du Sénat à hauteur de 3 ou 4 % au regard de l'inflation notamment ? Outre les dépenses d'investissement, qui sont propres à chaque assemblée, n'y aurait-il pas intérêt à prévoir une évolution similaire des dotations avec l'Assemblée nationale ?

M. Marc Laménie. - Concernant les dotations des assemblées parlementaires, quelles sont les raisons pour lesquelles la dotation de l'Assemblée nationale est supérieure à celle du Sénat ? Par ailleurs, pourquoi les dépenses de fonctionnement du Jardin du Luxembourg, patrimoine très fréquenté, sont-elles en légère baisse ?

Mme Sylvie Vermeillet. - Vous avez relativisé le coût de la démocratie pour nos concitoyens par rapport à la moyenne européenne. Pourrait-on avoir plus de précisions sur les pays qui auraient des coûts plus élevés, afin d'établir des comparaisons ?

Mme Isabelle Briquet. - Il est légitime que la démocratie ait un coût. Aussi est-il souhaitable d'évoquer en parallèle la préservation de notre patrimoine. À cet égard, le Sénat prouve qu'il peut poursuivre un programme d'investissements très important avec un budget constant.

Au sujet de la dotation de la présidence de la République, l'inflation et les déplacements du Président de la République dans un contexte international particulier ne me paraissent pas justifier à eux seuls cette nette augmentation. Serait-il possible d'avoir plus d'éléments sur ces dépenses ?

Par ailleurs, la hausse des crédits alloués au Conseil constitutionnel manque aussi de lisibilité. L'évocation d'importants travaux et la préparation de la conférence dans le cadre de l'année de la francophonie ne justifient pas là non plus totalement cette augmentation. Comme chaque année on ne peut que regretter le caractère très minimaliste des données concernant le Conseil constitutionnel. Avez-vous d'autres éléments d'information ?

Mme Christine Lavarde. - Il est étonnant que le Conseil économique, social et environnemental (Cese), souvent considéré comme étant la troisième assemblée de l'État, ne figure pas dans cette mission. Quelle en est la raison ?

En outre, je m'interroge sur le montant des ressources propres des assemblées. En 2012, l'Assemblée nationale a enregistré des recettes budgétaires propres à hauteur de quelque 12 millions d'euros, contre 1,9 million pour les années 2023 et 2024. Or les recettes propres du Sénat se maintiennent, quant à elles, autour de 5 millions d'euros. Même si ce sujet relève du projet de loi de règlement, pouvez-vous m'apporter des éclaircissements à ce sujet ?

M. Grégory Blanc, rapporteur spécial. - J'ai effectivement attiré votre attention sur les réserves, car il importe d'avoir une vision globale. Chaque institution a la volonté d'avoir des outils de pilotage lui permettant d'être plus précise, plus efficace et surtout plus transparente. Une convention est en cours de signature entre l'Élysée et l'Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (Oppic), qui intervient sur la gestion patrimoniale, en vue de clarifier et préciser ses domaines d'intervention. D'ailleurs, il serait intéressant d'avoir un budget annexé pour avoir une idée de l'ensemble des coûts.

Par ailleurs, j'ai été surpris de constater que, au cours des dix dernières années, les dotations ont augmenté de manière inférieure aux dépenses, chaque institution prélevant sur ses réserves. Or les réserves sont différentes d'une institution à l'autre : celles du Sénat sont, rapportées à son coût de fonctionnement, comparables à celles de l'Assemblée nationale. De son côté, l'Élysée a bénéficié d'une augmentation de ses réserves de 2012 à 2017, en raison d'un niveau d'investissement peu élevé. Après une période de rattrapage et plusieurs prélèvements importants au cours des exercices récents, les réserves s'élèveraient désormais à seulement 2 millions d'euros, pour un budget de 125 millions d'euros, ce qui pose problème pour financer les investissements futurs.

L'Assemblée nationale souhaite avoir des réserves qui couvrent les dépenses de fonctionnement pendant six mois, afin d'anticiper notamment une éventuelle dissolution, dont le coût est de 50 millions d'euros. Les réserves du Sénat couvrent aujourd'hui deux à trois mois de dépenses de fonctionnement. Porter ce niveau à quatre mois nous permettrait d'avoir une vision pluriannuelle plus solide. Au cours de ces dernières années, le Sénat a réussi à peu prélever dans ses réserves en raison d'une relative sous-exécution des dépenses d'investissement. De son côté, l'Assemblée nationale a sollicité une augmentation de sa dotation qui vise à faire face à l'inflation et à couvrir des investissements importants, comme la rénovation des plafonds Delacroix de la bibliothèque.

Concernant le jardin du Luxembourg, il enregistre effectivement une baisse de ses dépenses de fonctionnement, en raison principalement d'une prévision affinée des crédits dévolus aux dépenses de personnel.

Quant au coût de la démocratie, des comparaisons ont déjà été établies par l'Assemblée nationale, et il en ressort qu'il est largement inférieur à celui du Parlement européen. Je souhaite que l'on poursuive les investigations à ce sujet.

Concernant les dépenses de la présidence de la République, le coût du carburant a effectivement augmenté et les contraintes sécuritaires lors d'un déplacement à l'étranger sont plus onéreuses qu'il y a quinze ans, compte tenu du contexte diplomatique actuel. Il semblerait notamment que les hôtels prévoient désormais des frais plus élevés qu'auparavant en cas d'annulation d'un déplacement.

Concernant le Conseil constitutionnel, des efforts pourraient être réalisés en matière de transparence. J'ai, par exemple, été surpris par le coût des déplacements de ses membres, qui frôle les 250 000 euros. Peut-être y-aurait-il d'autres postes budgétaires à regarder.

Je vous rejoins, madame Lavarde, concernant le Cese, mais les textes le prévoient ainsi et cette institution relève d'une autre mission.

Enfin, concernant votre question sur les ressources propres de l'Assemblée nationale, il s'agit d'une ressource hors dotation qui relève tout simplement d'une restitution de solde d'avance de frais de mandat par les députés sous la XVe législature, à hauteur de 12,1 millions d'euros, ce qui équivaut à une hausse de 9,4 millions d'euros par rapport à l'année 2021.

Mme Christine Lavarde. - Ce sont des ressources propres ?

M. Grégory Blanc, rapporteur spécial. - Il s'agit d'une ressource hors dotation.

Au vu de tous ces éléments, j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

La réunion est close à 15 h 10.

Mardi 31 octobre 2023

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 8 h 30.

Projet de loi de finances pour 2024 - Mission « Participation de la France au budget de l'Union européenne (article 33) » - Examen du rapport spécial

M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial de la mission « Participation de la France au budget de l'Union européenne ». - Comme chaque année, le projet de loi de finances fournit une évaluation du prélèvement sur recettes du budget de l'État qui est versé au profit de l'Union européenne (UE). L'examen de l'article fixant le montant de ce prélèvement nous donne l'occasion de faire le point sur les relations financières de la France avec l'UE.

Pour mémoire, le financement de l'Union européenne repose sur les ressources propres traditionnelles, c'est-à-dire : les droits de douane collectés par les États membres ; les contributions des États membres, qui sont fondées sur plusieurs ressources, à savoir une assiette harmonisée de TVA, une deuxième assise sur le revenu national brut (RNB) de chaque État membre et une troisième en fonction du taux de recyclage des déchets plastiques ; diverses autres ressources, marginales, telles que le produit des amendes ou le report du solde de l'exercice antérieur.

Pour rappel, l'année dernière, le montant du prélèvement sur recettes au profit de l'UE avait été évalué, en loi de finances initiale, à 24,994 milliards d'euros. L'adoption de plusieurs budgets rectificatifs de l'Union européenne ayant ajusté ce montant à la baisse, le prélèvement sur recettes devrait finalement atteindre 24,437 milliards d'euros en 2023.

J'en viens maintenant au coeur de mon rapport en commençant, sans surprise, par évoquer le montant de la contribution de la France au budget européen pour 2024.

L'article 33 du projet de loi de finances pour 2024 évalue le montant du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne à 21,61 milliards d'euros, ce qui équivaut à une diminution de près de 2,287 milliards d'euros par rapport à la prévision actualisée pour 2023.

En ajoutant au montant du prélèvement les droits de douane nets versés par la France au budget européen, la contribution totale s'élèverait à 23,95 milliards d'euros.

Cette baisse relative du prélèvement sur recettes par rapport à l'année précédente résulte de facteurs conjoncturels. En effet, la ressource dite RNB des États membres constituant la ressource d'équilibre du budget européen, la contribution des États membres dépend de l'équilibre entre les recettes et les dépenses de l'Union.

S'agissant des dépenses, tout d'abord, la mise en oeuvre de la politique de cohésion 2021-2027 connaît d'importants retards, qui conduisent à une diminution conjoncturelle des besoins de paiement par rapport à 2023.

S'agissant des recettes, ensuite, plusieurs effets peuvent être constatés : d'une part, l'inflation produit des effets asymétriques sur le revenu national brut des États membres, conduisant à une baisse relative de la part de la France dans le RNB européen ; d'autre part, la reprise du commerce international conduit à une hausse des droits de douane.

En tout état de cause, cette baisse relative du montant du prélèvement ne saurait refléter une stabilisation ou un ralentissement de la contribution française à moyen terme. En effet, le montant du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne s'élèverait en moyenne à 26,9 milliards d'euros sur la période 2023-2027. L'exercice 2024 constitue ainsi une stabilisation conjoncturelle.

Toutefois, il convient de rappeler que la France reste l'un des principaux bénéficiaires en volume des dépenses de l'Union européenne - le deuxième en 2022, derrière la Pologne. Les dépenses réalisées en France s'élevaient à 16,9 milliards d'euros, hors crédits du plan de relance, soit 11,2 % du total des dépenses réparties de l'Union.

Comme il est d'usage, je rappelle que le montant évaluatif de ce prélèvement sur recette pourra être actualisé par amendement du Gouvernement au cours de l'examen du projet de loi de finances, lorsque le projet de budget de l'Union européenne sera définitivement adopté.

La Commission européenne a présenté son projet de budget pour 2024 en juin dernier, proposant un niveau de dépenses s'élevant à 189,3 milliards d'euros en crédits d'engagement et à 143,1 milliards d'euros en crédits de paiement. Le Conseil a adopté une position légèrement en deçà, tandis que le Parlement européen s'est exprimé en faveur d'un niveau plus ambitieux. Les négociations vont se poursuivre dans les prochaines semaines pour aboutir, normalement, au cours du mois de novembre.

Au-delà de la question du montant de l'évaluation de la contribution de la France pour 2024, je voudrais aborder trois défis auxquels devra répondre le budget européen au cours des prochaines années.

En premier lieu, la Commission européenne a proposé une révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel 2021-2027. Selon la Commission, plusieurs facteurs ont rendu nécessaire une telle actualisation : la guerre d'agression menée contre l'Ukraine par la Russie, qui a nécessité une réponse de l'Union européenne ; la recrudescence du phénomène migratoire ; la double transition énergétique et numérique, qui suscite des besoins d'investissements de long terme.

Pour tenir compte de ces effets, la Commission européenne propose une révision à la hausse du cadre financier pluriannuel de l'ordre de 66 milliards d'euros en crédits d'engagement sur la période 2024-2027. Ces nouveaux crédits devraient permettre de financer de nouveaux dispositifs.

Premièrement, la Commission a proposé une plateforme Technologies stratégiques pour l'Europe (STEP), amorce d'un fonds européen de souveraineté, qui devrait encourager les investissements dans les technologies dites critiques : les technologies de rupture et digitales, les technologies à zéro émission nette et les biotechnologies.

Deuxièmement, la Commission a annoncé une nouvelle facilité pour l'Ukraine, plafonnée à hauteur de 50 milliards d'euros sur la période 2024-2027 sous la forme de prêts et de soutiens non remboursables, afin d'aider à la reconstruction du pays et d'accompagner les réformes dans le cadre de sa candidature pour rejoindre l'Union européenne.

Troisièmement, la Commission propose un nouvel instrument spécial « EURI » (European Union Recovery Instrument) pour faire face à la hausse des coûts de financement de Next Generation EU. En effet, la Commission a estimé que les crédits évalués en 2020 ne seront pas suffisants pour couvrir le coût des intérêts de l'emprunt.

Sans nul doute, certains États membres plus frugaux feront part de leur réticence à une telle augmentation du budget de long terme de l'Union.

En deuxième lieu, la Commission européenne a également présenté le 20 juin 2023 une proposition relative à la nouvelle génération de ressources propres. Elle prévoit notamment une ressource fondée sur le marché carbone européen - quelque 30 % des recettes générées par le système communautaire d'échange de quotas d'émission seraient affectés au budget européen ; une ressource fondée sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières - la Commission propose que 75 % des revenus issus de la vente des certificats du mécanisme d'ajustement deviennent une ressource propre de l'Union ; une ressource fondée sur le pilier 1 de l'accord multilatéral de l'OCDE et du G20 sur la fiscalité internationale ; une nouvelle ressource propre statistique qui serait temporaire et fondée sur l'excédent brut des entreprises.

Si cette avancée sur la question des ressources propres me semble positive, j'estime qu'il nous faut rester prudents sur ce sujet.

En effet, il n'est pas certain que les recettes tirées de ces nouvelles ressources soient suffisantes pour couvrir les besoins de financement du remboursement du plan de relance et de ses intérêts ainsi que ceux du Fond social pour le climat. Or je rappelle que l'engagement financier de la France au titre de Next Generation EU est de l'ordre de 75 milliards d'euros. Un défaut de réalisation du projet de nouvelles ressources propres ferait augmenter de 2,5 milliards d'euros la contribution française à partir de 2028.

En troisième et dernier lieu, j'aborderai l'état d'avancement du plan de relance Next Generation EU, dont le principal support est la facilité pour la reprise et la résilience (FRR).

Au total, la France devrait percevoir un montant de 37,5 milliards d'euros au titre de la FRR. Elle en serait la troisième bénéficiaire, derrière l'Espagne et l'Italie. Pour mémoire, l'enveloppe française de la FRR avait été revue à la baisse en juin 2022 par la Commission européenne, compte tenu de la reprise de la croissance sur la période 2020-2021.

Le versement des fonds se poursuit pour la France, qui a déposé une deuxième demande de paiement le 31 juillet 2023 pour un montant de 10,3 milliards d'euros. Cette demande est en cours d'examen par la Commission européenne.

Il nous appartiendra d'être vigilants sur la mise en oeuvre des financements du plan de relance pour éviter tout double financement avec les politiques traditionnelles de l'Union.

Pour terminer, je vous rappelle qu'un nouveau plan, nommé RePowerEU - redonner de la puissance à l'Union européenne - est intervenu l'année dernière afin d'assurer son indépendance à l'égard des énergies fossiles russes d'ici à 2027 et, avant cela, de réduire de deux tiers les importations de gaz russe dès cette année. Les États membres ont eu la possibilité de mettre à jour leur plan national de relance et de résilience (PNRR). La France a rapidement présenté une mise à jour du sien, le 20 avril 2023. Ce plan RePowerEU devrait financer des mesures visant à accroître la décarbonation de l'industrie et l'indépendance énergétique de la France.

Concernant le prélèvement sur recettes, en l'état actuel des données disponibles, je recommande à la commission l'adoption, sans modification, de l'article 33 du projet de loi de finances pour 2024. Cet article n'a pas été modifié par le texte transmis par l'Assemblée nationale et sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le rapport montre l'importance des contributions de la France au financement du budget de l'Union européenne.

Lors de la conférence interparlementaire sur la stabilité, la coordination économique et la gouvernance dans l'Union européenne à Madrid, la semaine dernière, nous avons senti que chacun des pays membres était préoccupé par l'avenir. L'ambition européenne a besoin d'un nouveau souffle et d'un regard critique sur l'intérêt que porte l'opinion publique à l'Europe.

Lors de la visite de membres de notre commission en Allemagne au printemps dernier, nous avons pu constater les difficultés que rencontre le couple franco-allemand. Il convient de nous montrer vigilants et attentifs. Ne lâchons rien sur nos ambitions européennes, notamment sur la souveraineté énergétique, cruciale pour notre économie. Nous sommes peut-être à un point de bascule.

M. Claude Raynal, président. - Si nous avons retenu quelque chose de la conférence interparlementaire à Madrid, c'est en effet les interventions très sévères de nos homologues allemands, qui estiment que nous devons nous en tenir aux accords sur la dette européenne. Elles ont quelque peu refroidi l'ambiance, d'autant que les deux grands partis étaient représentés.

Faisons donc preuve d'attention, et tâchons de répondre aux inquiétudes quant à nos capacités à aller de l'avant.

M. Jean-François Rapin. - Nous avons entendu en commission des affaires européennes la direction du budget. J'en tire trois remarques.

Tout d'abord, le retour à la France n'est pas mauvais, mais il dépend essentiellement de la politique agricole commune (PAC), car ce n'est pas faire preuve de forfanterie que de dire que l'agriculture européenne repose sur nous. Il y a donc une forme de jalousie de la part de certains États membres.

Ensuite, nous savons que des besoins de financements complémentaires, de l'ordre de 80 milliards d'euros, seront nécessaires. Or la Cour des comptes européenne a mis au jour le fait que 4,5 % - soit 80 milliards d'euros - à 6 % - soit 108 milliards d'euros - des subventions versées par l'Union européenne n'étaient pas justifiées. Une source d'économie pourrait donc découler d'un regard plus précis sur celles-ci, même si un taux de 4,5 % n'est pas excessif.

Enfin, une inquiétude est ressentie à propos de la facilité accordée à l'Ukraine. Bien sûr, je ne dis pas qu'il ne faut pas l'engager, mais nous partons sur un prêt de 50 milliards d'euros, qui ne sont pas cautionnés. Il faudra assumer la dette qui en découlera. Or je ne vois pas d'autre levier que la contribution des membres de l'Union. Les ressources propres sont un réel sujet, qui avance à très petits pas. Il n'y a pas de consensus européen sur ces ressources, dont la ratification implique de toute façon un passage par les parlements nationaux.

M. Vincent Delahaye. - J'aimerais obtenir quelques compléments d'information. Depuis 2017, le prélèvement sur recettes évolue. Pourrait-on disposer d'une comparaison avec le budget total de l'Union européenne pour connaître la part de la France ?

Le rapporteur a indiqué que notre part de contribution baissait du fait de l'évolution du RNB. Est-ce à dire que nos richesses reculent par rapport à d'autres États ? M. Mizzon a également dit que cette évolution était liée à l'inflation, ce que je n'ai pas bien compris. L'inflation est-elle plus forte dans les autres pays que chez nous ? Cela peut évoluer ; cette année, il me semble que c'est plutôt l'inverse.

J'ai entendu que le prélèvement sur recettes était fixé à 21 milliards d'euros pour 2024 - c'est bien ! -, mais également qu'il serait de 26 milliards d'euros dans les années à venir. Ces montants coïncident-ils avec ceux qui sont inscrits dans la loi de programmation des finances publiques ?

Par ailleurs, j'aimerais également obtenir une comparaison des reversements perçus par les États sur plusieurs années.

M. Marc Laménie. - Certes, la France est l'un des principaux bénéficiaires du budget européen, mais elle en est également l'un des premiers contributeurs. Monsieur le rapporteur, quelle est votre position à cet égard ?

Jean-François Rapin a rappelé l'importance de la PAC dans les versements à la France. J'aimerais savoir ce que représentent, sur le terrain, les fonds européens dédiés aux collectivités locales - Fonds social européen (FSE), Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), fonds Leader... Qu'en est-il du partenariat avec les régions ?

M. Michel Canévet. - Je constate que notre situation, cette année, est favorable, puisque notre contribution est en baisse. Toutefois, celle-ci va s'accroître de 5 milliards d'euros dans les prochaines années, ce qui entraîne un risque non négligeable pour la situation financière de la France.

Pourquoi les financements du FRR s'étalent-ils sur cinq ans ? Il aurait peut-être été préférable de les verser sur une période plus courte.

Par ailleurs, quelle sera, à moyen terme, la part des ressources propres de l'Union européenne dans le budget européen ?

Mme Florence Blatrix Contat. - Ce projet de budget pour 2024 est le quatrième du cadre financier pluriannuel. Le prélèvement sur recettes diminue cette année. Comme mes collègues, je m'interroge sur l'évolution de ces contributions.

Par ailleurs, qu'en est-il de la participation de la France aux rabais et au rabais sur rabais ?

La France reste le deuxième bénéficiaire en volume - le vingt-troisième par habitant - des versements européens. Comment évolueront les retours à la France sur les différentes politiques publiques ?

Le cadre pluriannuel a été révisé pour tenir compte de la guerre en Ukraine, de l'évolution des taux d'intérêt et des problèmes de compétitivité face aux États-Unis, mais la somme de 66 milliards d'euros est insuffisante.

Sur les ressources propres, nous pensons que les contributions annoncées seront insuffisantes. C'est pourquoi nous souhaitons la création d'un impôt sur la fortune (ISF) vert, d'une taxation des profits exceptionnels au-delà du secteur de l'énergie et d'une augmentation de la taxe sur les multinationales.

Nous voterons les crédits de cette mission.

M. Christian Bilhac. - Nous mesurons la complexité des financements : les délais de versement des crédits sont très longs - les élus locaux en savent quelque chose - et les financements s'entrecroisent - plan de relance Next Generation EU, fonds traditionnels...

Monsieur le rapporteur, vous évoquez des crédits nouveaux, avec une nouvelle génération de ressources propres. A-t-on une idée de ce que cela représenterait ? Quelle en sera l'incidence sur la participation de la France ?

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Le calendrier de versement semble contradictoire avec les objectifs d'un plan de relance ; il y a une inefficacité temporelle. Les lenteurs d'encaissement des crédits sont habituelles, car les instances européennes manquent de confiance envers les États et inventent des procédures complexes.

Quels rendements sont-ils attendus des ressources prétendument nouvelles dans la révision du cadre financier pluriannuel ? La France doit percevoir 37 milliards d'euros au titre du plan de relance, alors qu'elle est engagée à hauteur de 75 milliards d'euros. Nous pouvions donc espérer des ressources nouvelles, telles qu'une taxe environnementale aux frontières, mais il n'en est rien ou presque.

Les États seront fortement mis à contribution pour financer ce plan et la France en premier lieu, puisque sa participation sera équivalente à deux fois ce qu'elle aura perçu. Si nous nous réjouissons de la baisse conjoncturelle de notre contribution, l'addition risque d'être salée pour la France s'il n'y a pas de nouvelles ressources.

M. Claude Raynal, président. - Monsieur le rapporteur, il semble que la phrase de votre rapport selon laquelle « il n'est pas certain que les recettes tirées de ces nouvelles ressources soient suffisantes pour couvrir les besoins de financement » appelle une prise de risque...

M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial. - Monsieur Jean-François Rapin, la France est effectivement de longue date le premier bénéficiaire en volume de la PAC, même si la part qui nous revient s'amoindrit chaque année. Comme vous le savez, c'est tout simplement parce que la PAC est non plus la première politique de l'Union, mais la troisième, après les nouvelles priorités et la politique de cohésion. Je ne puis vous apporter de réponse à vos interrogations quant à l'Ukraine.

Vincent Delahaye s'est réjoui du faible montant du prélèvement sur recettes de cette année, qui n'est cependant que conjoncturel. L'une des raisons tient aux retards pris par les programmes. Or, comme vous le savez, la quasi-totalité du budget de l'Union est exécutée par les États membres sous la forme choisie par ces derniers. En critiquant ces retards, on critique donc indirectement l'organisation choisie par les États membres. La France a choisi de changer de méthode et de s'appuyer désormais sur les régions, ce qui me semble être une bonne chose, mais dans le Grand Est les acteurs de terrain rencontrent toujours des difficultés, notamment dans les communes de petite taille.

Le RNB ne recule pas, mais il progresse moins : cela participe à l'explication de l'évolution du prélèvement sur recettes, relative et conjoncturelle. Proportionnellement, notre place se réduit, et notre contribution est moindre.

Je confirme que nous avons inscrit dans la loi de programmation des finances publiques les 26 milliards d'euros prévus pour le remboursement du prélèvement pour l'année suivante. Les retours ou profits, quant à eux, sont stables.

Marc Laménie m'a interrogé au sujet de la mobilisation sur le terrain. Les acteurs, ce sont essentiellement les autorités de gestion des régions. Cette année, la difficulté avec la facilité pour la reprise et la résilience vient des doubles financements. L'État français a mis en place un système piloté par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), en lien avec Régions de France, pour éviter les doubles financements, ce système étant salué par la Cour des comptes européenne. Les doubles financements participent d'ailleurs du retard pris dans l'élaboration de certains projets, fléchés au titre de la politique de cohésion, mais finalement retenus au titre de la politique du plan de relance.

Michel Canévet souhaiterait que la facilité pour la reprise et la résilience soit plus rapide et plus dynamique. Mais il faut un certain temps pour réaliser les projets : ceux qui, comme nous, ont été acteurs locaux savent que le temps nécessaire pour monter des projets tient moins à leur réalisation qu'à la longue recherche des autorisations et des financements. Il était donc difficile de faire plus vite.

Plusieurs ont exprimé des interrogations, et vous avez raison d'être inquiets : le rapport l'indique, 24 milliards d'euros ne suffiront pas à rembourser le plan de relance. La Commission européenne progresse sur la définition des ressources propres ; cela ne va pas vite, et personnellement je doute qu'au 1er janvier 2024, des ressources propres soient mises en oeuvre au niveau de l'Union européenne. Nous avons jusqu'en 2028, date à laquelle le remboursement démarrera, mais cela n'est pas non plus une raison pour traîner des pieds. Comme nous sommes vingt-sept, les choses sont compliquées, et même s'il y a des avancées, nous en restons au stade des discussions. Le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières lui-même, pourtant bien lancé et dans les circuits depuis le départ, n'avance pas si vite que cela.

Madame Marie-Claire Carrère-Gée, cinq pays continuent de bénéficier de rabais : il s'agit de l'Allemagne, des Pays-Bas, de l'Autriche, de la Suède et du Danemark. La France, principal contributeur du financement de ces rabais, était totalement opposée à leur existence, mais cela n'a pas été accepté au niveau européen.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 33 du projet de loi de finances pour 2024.

Projet de loi de finances pour 2024 - Mission « Direction de l'action du Gouvernement » et budget annexe « Publications officielles et information administrative » - Examen du rapport spécial

M. Claude Raynal, président. - Nous en venons à l'examen du rapport spécial sur la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et le budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

M. Christopher Szczurek, rapporteur spécial de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et information administrative ». - La mission « Direction de l'action du Gouvernement » telle qu'elle nous est présentée cette année connaît une augmentation de ses moyens de 76 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 120 millions d'euros en crédits de paiement (CP) par rapport à la loi de finances initiale pour 2023 (LFI 2023). Une partie importante de cette évolution s'explique par des transferts en base, principalement le rattachement au programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » de la subvention pour charges de service public versée à l'Institut national du service public (INSP, anciennement École nationale d'administration), soit 40 millions d'euros en AE et en CP. Jusqu'alors, cet opérateur de l'État était rattaché au programme 148 « Fonction publique » de la mission « Transformation et fonction publiques ».

À périmètre constant, les crédits de la mission connaissent une hausse notable de 3,7 % en AE et de 8,5 % en CP. Environ 90 % de cette hausse concernent les dépenses du programme 129, qui regroupe les crédits des administrations placées auprès de la Première ministre, dont les dépenses de fonctionnement augmentent de 5,6 % en AE, soit 18 millions d'euros, et de 10,6 % en CP, soit 36 millions d'euros. De même, le schéma d'emplois du programme 129 progresse de 127 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires en 2024, pour une croissance des dépenses de personnel de 4 % à périmètre constant.

Cette évolution des dépenses affectées aux ressources humaines du programme 129 reflète les priorités poursuivies par les services de la Première ministre pour 2024, et plus particulièrement la défense et la sécurité nationale, avec le renforcement de la sécurité des systèmes d'information, c'est-à-dire de la cybersécurité, et la planification écologique. Je reviendrai ultérieurement sur ces deux sujets. Cependant, je souhaiterais, à titre d'observation générale, attirer votre attention sur un élément important relatif à la gestion des ressources humaines des services relevant du périmètre de la mission, à savoir la part significative et croissante des agents contractuels au sein des effectifs.

Les agents contractuels représentent aujourd'hui 60 % de la masse salariale globale de la mission. Leur augmentation continue dans la période récente s'explique notamment par la priorité donnée aux services informatiques, dont les recrutements s'effectuent essentiellement par la voie contractuelle. Certes, des procédures d'habilitation sont prévues pour les postes les plus sensibles, à l'image des informaticiens dépendant des services du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), au sein de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) ou de l'Opérateur des systèmes d'information interministériels classifiés (Osiic). Je voudrais souligner la nécessité de cartographier et d'anticiper les besoins en ressources humaines des administrations concernées. En effet, il existe un risque avéré de forte volatilité des agents contractuels sur certaines fonctions.

J'en viens aux deux points de ce budget qui présentent à mes yeux les enjeux les plus forts.

Le premier point porte sur la priorité accordée au numérique et à sa régulation. Nous le savons tous, un nombre croissant de cyberattaques touche directement les intérêts de l'État, mais également ceux des collectivités territoriales, des entreprises, de divers établissements publics ou de certains opérateurs d'intérêt vital. En 2022, l'Anssi a ainsi reçu pas moins de 2 173 signalements et traité 831 incidents. Dans ce contexte, le présent projet de loi de finances prévoit un nouveau renforcement des moyens alloués à l'Anssi et à l'Osiic, qui bénéficieront respectivement d'un schéma d'emplois de 40 ETP supplémentaires et 10 ETP supplémentaires en 2024. De même, le groupement interministériel de contrôle (GIC), qui centralise les demandes d'autorisation de mise en oeuvre des techniques de renseignement, disposera de moyens financiers et d'effectifs nettement accrus, avec 6 ETP supplémentaires, et devrait occuper un nouveau bâtiment à Montrouge au cours du premier semestre 2024. Quant à la direction interministérielle du numérique (Dinum), elle bénéficiera également de moyens significatifs avec 11,9 millions d'euros supplémentaires en CP pour un budget porté à 45,4 millions d'euros en 2024, ainsi que 30 ETP supplémentaires, notamment pour sécuriser les communications des administrations par internet.

Concernant la régulation du numérique, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) se voit accorder des moyens accrus, avec une dotation budgétaire en progression de 2,1 millions d'euros et 10 ETP supplémentaires, portant son plafond d'emplois à 380 ETP pour 2024. Ce renforcement doit notamment permettre à l'Arcom de mettre en oeuvre les nouvelles missions qui lui ont été confiées, en particulier l'application du règlement sur les services numériques dès 2023 pour les très grandes plateformes et son extension à l'ensemble des plateformes courant 2024.

Le second point que je voudrais souligner concerne la nécessaire rationalisation des organes de planification et de réflexion prospective. Le présent projet de loi prévoit en effet un renforcement des moyens alloués à la planification, en particulier dans le domaine de la transition écologique et énergétique. Créé en juillet 2022 et après une première année consacrée à la définition d'une stratégie de transition couvrant les différents secteurs d'activité, le secrétariat général à la planification écologique (SGPE) devrait suivre en 2024 le déploiement des mesures annoncées par le Président de la République en septembre 2023. Pour ce faire, le SGPE bénéficierait en 2024 d'un quasi-doublement de ses effectifs, avec 10 ETP supplémentaires, pour former une équipe de 25 ETP, ce qui devrait représenter environ 2 millions d'euros de dépenses de personnel. Certes, le rattachement de la planification écologique aux services de la Première ministre peut favoriser l'impulsion, la coordination et les arbitrages sur cette question. Néanmoins, il importe de ne pas créer de doublons avec les services des ministères concernés, le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires d'une part, et le ministère de la transition énergétique, d'autre part. En conséquence, et sans remettre en cause l'importance de la question de la transition écologique, je vous propose d'amender le budget du programme 129 afin de rationaliser les moyens alloués au SGPE, en diminuant sa dotation de 1 million d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement.

Dans le même esprit de rationalisation de l'organisation et du fonctionnement de l'administration, la dotation d'un second organisme devrait également être amendée. Il s'agit du Haut-Commissariat au Plan (HCP), institué en septembre 2020. Celui-ci s'est vu confier une mission très étendue, consistant, selon son décret de création, à « animer et coordonner les travaux de planification et de réflexion prospective conduits pour le compte de l'État et éclairer les choix des pouvoirs publics au regard des enjeux démographiques, économiques, sociaux, environnementaux, sanitaires, technologiques et culturels ».

Doté d'effectifs passés de 10 ETP en 2020 à 20 ETP aujourd'hui, pour une masse salariale de 1,3 million d'euros, avec une double antenne à Paris et à Pau, le HCP assure, depuis septembre 2022, le secrétariat général du Conseil national de la refondation (CNR), dont les dépenses de fonctionnement sont communes à celles du HCP. À ce titre, le HCP bénéficie d'une dotation globale supplémentaire de 250 000 euros destinée à financer l'organisation des CNR en format plénier. Or, la majeure partie des dépenses liées à ces sessions du CNR est en réalité prise en charge directement par les services ou ministères concernés. Quant aux sessions thématiques et territoriales, celles-ci sont assumées par les collectivités. Je rappelle qu'à ce jour, seules trois sessions plénières du CNR ont été organisées. Alors que la contribution des travaux du CNR aux politiques publiques n'apparaît pas évidente, je vous propose donc de tirer les conséquences de cette situation, en amendant le budget du programme 129 afin de supprimer la dotation de fonctionnement du HCP au titre du secrétariat général du CNR.

Je conclurai mon propos par quelques mots sur le budget annexe « Publications officielles et information administrative », géré par la direction de l'information légale et administrative (Dila), et dont 98 % des ressources proviennent des recettes d'annonces légales. En 2024, le présent projet de loi prévoit, étant donné les incertitudes de la conjoncture économique actuelle, une hypothèse de recettes prudente, à hauteur de 167,3 millions d'euros. Dans ce contexte, le budget annexe devrait malgré tout dégager en 2024 un nouvel excédent de 15,7 millions d'euros. Ce résultat est la conséquence des importants efforts consentis ces dernières années par la Dila pour réduire le niveau de ses dépenses de personnel et de fonctionnement. Pour 2024, la direction prévoit une nouvelle diminution de 15 ETP, soit un effort cumulé de 173 ETP depuis 2018.

Alors que des évolutions des sites service-public.fr et entreprendre.service-public.fr sont programmées, la Dila poursuivra l'amélioration du site Légifrance, avec notamment la création de liens depuis Légifrance vers service-public.fr, l'expérimentation d'un compte utilisateur ou encore la refonte de la page d'accueil. Le site Légifrance devrait faire l'objet de près de 155 millions de visites en 2023, et 160 millions en 2024.

À la lumière de ces différentes observations, je vous propose donc d'adopter les crédits ainsi modifiés de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » ainsi que les crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je remercie Christopher Szczurek de la qualité de son rapport, qui démontre que si les missions ne paraissent pas toutes d'égale importance en termes strictement budgétaires, il y a toujours des choses intéressantes à mettre en lumière dans la manière dont les crédits sont dépensés.

Je dirai deux choses concernant les amendements déposés. Concernant le secrétariat général à la planification écologique, l'augmentation des moyens pose le problème du contrôle a posteriori d'outils qui montent en puissance. Je le redis, il aurait été préférable que l'impulsion fût venue du politique, avec des moyens mis dans les ministères. Pour autant, faut-il aujourd'hui remettre en cause ces créations nouvelles, alors que nous avons l'occasion de faire sortir les ministères et les administrations de leur raisonnement en silo ? Je ne le crois pas. Est-ce que le secrétariat général à la planification écologique a trouvé sa place dans le fonctionnement général, notamment avec les assemblées ? Je ne le crois pas non plus.

Concernant le HCP, je m'étonne comme le rapporteur de l'existence d'une antenne locale, qui peut certes correspondre à une volonté de décentralisation, mais il n'a échappé à personne que son lieu correspond au lieu d'exercice des fonctions et mandats du Haut-Commissaire au Plan, et qu'il y a ainsi de quoi s'interroger.

Je partage ces préoccupations, mais je ne souscris pas aux amendements. Au lieu d'arriver « après coup », nous devons effectuer un contrôle bien plus rigoureux pour nous assurer de la parfaite traçabilité de ces crédits et nous positionner lors du prochain projet de loi de finances : c'est indispensable. L'un des sujets qui a percé lors de la dernière campagne sénatoriale est cette « surréglementation », cette « suradministration », dont nous devons tirer les conséquences.

Je reconnais que ces amendements mettent en lumière certaines questions. Je préconise, plutôt que leur adoption, un véritable travail de contrôle et d'évaluation, qui devra être engagé dès l'adoption du budget. C'est indispensable afin de traquer les mauvaises dépenses et les doublons, et faire en sorte que chaque euro investi par l'exécutif au service des politiques soit utile.

Mme Isabelle Briquet. - Nous accueillons favorablement le renforcement considérable des moyens de la mission, pour une large part dû aux 40 ETP supplémentaires et aux crédits supplémentaires dont bénéficiera l'Anssi. Compte tenu de l'importance de la menace cyber pendant les Jeux Olympiques, ce renfort est souhaitable. L'Anssi devrait pouvoir également renforcer son action auprès des collectivités, souvent cibles d'attaques cyber. Dispose-t-on d'éléments concrets pour la protection des collectivités ?

Nous saluons également le renforcement des autorités indépendantes en matière de protection des droits et des libertés. Il en va ainsi de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), dont la hausse d'activité, particulièrement importante, passant de 700 plaintes reçues en janvier 2022 à 2 500 plaintes en janvier 2023, a de quoi interroger.

De même, la Défenseure des droits, qui connaît une progression importante de ses activités, verra ses moyens augmenter de 10 ETP. Nous nous satisfaisons parfois de l'augmentation des moyens alloués en raison de l'augmentation de l'activité, mais parfois nous regrettons cette dernière : un plus petit nombre de plaintes traduirait une société en meilleure santé.

Comme l'an passé, nous remarquons l'absence totale d'information concernant le Haut-commissariat au Plan piloté par François Bayrou. Cette opacité pose problème. Je rejoins la position du rapporteur général : il faut un contrôle plus rigoureux de ces crédits.

Si le renforcement des moyens de la Dinum est à saluer, sa difficulté à recruter constituait les années précédentes une importante source de préoccupations. Lors des auditions, ce souci a-t-il été évoqué ?

Mme Christine Lavarde. - Ma première question concerne l'utilisation croissante de contractuels à la Dinum : comment le Gouvernement a-t-il réduit son recours aux cabinets de conseil, qui devait être contrebalancé par une professionnalisation de la Dinum et une internalisation des procédures ? Si l'internalisation consiste en réalité à recruter des contractuels mis à disposition par des entreprises comme Alten, je ne sais pas si nous avons obtenu ce que nous souhaitions lors de la commission d'enquête sur l'influence des cabinets de conseil sur les politiques publiques...

Ma seconde remarque concerne l'augmentation considérable des effectifs du secrétariat général à la planification écologique. Un récent recrutement interroge puisqu'il a probablement été choisi pour offrir une nouvelle opportunité à quelqu'un qui n'exerçait plus de fonction au sein de l'exécutif, d'autant que cette personne sera chargée de la planification écologique à l'international : au lieu d'aller voir comment faire chez les autres, mieux vaudrait commencer par chez nous et coordonner les politiques publiques ! Quelle sera la procédure de recrutement des vingt postes ouverts ?

M. Jean-Raymond Hugonet. - Les deux missions que nous examinons ce matin sont liées dans la mesure où la réglementation européenne relative aux services numériques entraîne un renforcement des moyens de l'Arcom en France. Je souhaiterais obtenir des précisions à cet égard.

M. Stéphane Sautarel. - Je partage l'interrogation de Mme Lavarde concernant la rationalisation des organes de planification et de réflexion prospective. Nous nous interrogeons en effet quant à l'utilisation et à la mobilisation des fonds par le SGPE comme par le HCP, en particulier pour le premier, qui connaît une hausse des recrutements. Les orientations du Gouvernement, discutables, manquent de lisibilité quant au rôle et à la place de chacun alors que les enjeux sont considérables.

S'ils sont bienvenus, les amendements proposés par le rapporteur me semblent insuffisants. C'est ce qui m'amène à appuyer la proposition du rapporteur général visant à s'orienter vers une mission de contrôle rapide et renforcée de l'utilisation de ces crédits. Cette méthode nous permettrait d'affiner notre vision et d'adopter une position plus ferme et sévère à l'avenir.

M. Christian Bilhac. - Pourquoi l'INSP a-t-il été intégré au périmètre de la mission ? La formation et le recrutement des fonctionnaires devraient relever, en toute logique, du ministère de la fonction publique.

Par ailleurs, quel est le montant global des crédits de la mission ?

M. Michel Canévet. - Une série de hausses d'effectifs est prévue dans les services de la Première ministre, dont certaines sont justifiées si l'on entend mener à bien la transformation et la sécurisation numériques de notre pays.

Pour autant, des efforts de rationalisation sont-ils engagés dans lesdits services ? La multiplication des effectifs et des actions doit, selon moi, s'accompagner de réajustements : tel est le cas de la trajectoire de la Dila, qui connaît une véritable mutation numérique assortie d'un ajustement des effectifs permettant de dégager un excédent. Une dynamique similaire est-elle enclenchée ailleurs ?

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Je partage la perplexité du rapporteur général au sujet des amendements, car les solutions proposées me semblent inadaptées. Le premier laisse ainsi à penser que l'existence d'un secrétariat général chargé de la planification écologique n'est pas justifiée. Or elle l'est par la nécessité de rendre des arbitrages interministériels et de porter une vision à moyen et à long terme en matière d'écologie, une mission que les membres du cabinet du Premier ministre, débordé par leurs tâches quotidiennes, ne peuvent assumer.

En revanche, la dérive soulignée par Mme Lavarde doit être dénoncée et conduire à contrôler l'organigramme et l'efficacité de cette structure interministérielle, afin d'éviter que l'existence même du SGPE ne devienne l'objet d'arbitrages supplémentaires.

Le deuxième amendement manque lui d'efficacité dans la mesure où le HCP n'existe guère sans budget qui couvre l'ensemble de ses activités. Si le Président de la République entendait nommer une personnalité politique à la tête d'instances de prévision interministérielles, il aurait pu - cela a déjà été fait par le passé - se contenter de la nommer à la tête de France Stratégie et de modifier le nom de cette structure en y intégrant le terme « plan », ce qui aurait permis d'éviter la coexistence de ces deux organismes.

En outre, l'amendement porte sur les frais de coordination du HCP au titre du secrétariat général du CNR, ce qui me permet de rappeler que le Plan intégrait, à l'origine, la concertation avec les partenaires sociaux. Si un contrôle doit bien être mené, nous pouvons nous passer de ces amendements à ce stade.

M. Vincent Delahaye. - Au lieu de montrer l'exemple, les services de la Première ministre présentent un florilège des pratiques budgétaires à éviter. Je suis ainsi effaré par la hausse des crédits de paiement à hauteur de 10 % sans que l'on s'interroge sur l'existence d'éventuels doublons : soit les missions du SGPE sont confiées au ministère de la transition écologique, soit elles le sont à Matignon, mais il faut alors supprimer des postes d'un des deux côtés.

Il est sans arrêt question de muscler les nouvelles politiques, mais encore faut-il réduire les dépenses ailleurs, cet effort n'étant aujourd'hui que peu ou pas fourni. Déjà opposé au CNR lors de sa création, je continue à considérer que cet organisme est inutile et suis donc favorable à l'amendement du rapporteur. De la même manière, l'augmentation des effectifs du SGPE n'est pas justifiée. Des efforts ont certes été fournis au niveau de la Dila, mais cette direction compte encore environ 500 ETP.

Je voterai donc les amendements, mais pas les crédits de la mission.

M. Claude Raynal, président. - Je partage l'avis du rapporteur général concernant le premier amendement. Le caractère transversal de la planification écologique justifie la présence auprès de la Première ministre d'un secrétariat général apte à rendre des arbitrages sur les moyens considérables mobilisés dans ce domaine, même si cela n'enlève rien à la pertinence d'engager une réflexion sur les doublons qui peuvent exister dans les ministères.

J'estime que nous devrions, avant de prendre une décision de nature financière, développer le contrôle et affiner notre vision de l'organisation mise en place, sans a priori.

En revanche, je suis personnellement plus favorable au second amendement, même s'il ne vise qu'à économiser 250 000 euros. Le CNR est, à mes yeux, inconsistant : dépourvu de sens, il est au mieux le fruit d'un coup politique. Les productions du HCP sont quant à elles rares : j'ai reçu récemment un document de la part de cet organisme, mais cela n'était pas arrivé depuis longtemps.

M. Christopher Szczurek, rapporteur spécial. - J'ai sans doute abordé l'examen de cette mission en étant guidé par des réflexes liés à mon expérience au sein des collectivités territoriales, dans lesquelles la répartition thématique par délégation est de mise, ce qui limite en général les chevauchements de compétences.

J'ai évoqué dans ma présentation la nécessité d'une cartographie, car je reconnais sincèrement avoir eu un mal fou à comprendre la répartition des compétences entre les différents acteurs. Par exemple, pourquoi les services de la Première ministre interviennent-ils sur des sujets déjà pris en charge par les ministères ? L'argument officiel avancé pour justifier cet empiétement est celui de la coordination, mais l'argument officieux me semble être celui de la cosmétique et de l'affichage.

Madame Briquet, je tiens à souligner, venant d'Hénin-Beaumont, que j'ai été très choqué par la cyberattaque qui a visé la mairie de Lille en début d'année, démontrant ainsi qu'une mairie de cette importance n'était pas à l'abri de tels actes, d'où la nécessité de se protéger contre ceux-ci. Pour répondre à votre question, 715 collectivités territoriales ont pu bénéficier de l'aide de l'Anssi en 2022.

En ce qui concerne le Défenseur des droits, il semble, à la lumière de certains retours du terrain, que le médiateur de la République accomplissait en comparaison un travail plus qualitatif, alors que des bénévoles sont sollicités pour assumer des missions du Défenseur des droits. Ces éléments peuvent contribuer à expliquer la hausse des moyens prévue.

J'en viens, Madame Lavarde, aux difficultés de recrutement et à la hausse de la proportion de contractuels. Je ne suis pas persuadé que ce mode de recrutement prémunisse contre les recrutements politiques et me suis interrogé sur les risques liés à ces embauches de contractuels, qui pourraient encourager le mercenariat. Il m'a été répondu que le fonctionnariat n'empêchait pas non plus ce phénomène, ce que je peux tout à fait entendre.

Pour autant, la question de la déontologie est posée dès lors que la personne employée travaille dans des domaines tels que la cybercriminalité ou la sécurité des systèmes d'information. Il me paraîtrait plus rassurant d'embaucher des fonctionnaires de carrière, mais des difficultés de recrutement existent dans ces secteurs.

Concernant l'Arcom, les règlements européens ont effectivement élargi son champ de compétences à la surveillance de la pédocriminalité et de l'apologie du terrorisme, ainsi qu'à la régulation des sites et des réseaux sociaux, ce qui crée logiquement un alourdissement de sa charge de travail.

S'agissant de l'INSP, les évolutions intervenues par rapport à l'ENA ne m'ont pas particulièrement convaincu et s'apparentent davantage à un « ripolinage » de cette école qu'à de véritables changements de fond.

Le montant global des crédits de la mission s'élève à 1,05 milliard d'euros. Or, force est de constater que les efforts de rationalisation n'apparaissent pas clairement. Dans le cadre de l'examen de cette mission, je n'avais guère de visibilité sur le fonctionnement d'ensemble et n'ai pas été en mesure de vérifier si un renforcement des moyens dans l'un des services s'accompagnait d'un effort d'économies dans un autre.

J'insiste sur ce problème de lisibilité et l'importance de réaliser une cartographie : un organigramme politique du Gouvernement ne suffit pas et devrait être complété par un organigramme administratif clair des services de la Première ministre. En l'état, l'accumulation de services entraîne une opacité problématique et un enchevêtrement des compétences qui empêche une utilisation rationalisée des deniers publics.

Je partage vos interrogations sur le fait que les ministères pourraient reprendre certaines missions en propre : l'argument de la coordination, utilisé pour justifier des besoins et des augmentations d'effectifs, ne saurait être invoqué à l'infini.

Enfin, je précise que le premier amendement n'a pas vocation à remettre en cause l'existence du SGPE et je concède qu'ils ont tous deux un caractère symbolique compte tenu des montants en jeu. Néanmoins, les élus de terrain et nos concitoyens ont besoin de symboles. Je maintiens donc mes amendements, mais me rangerai à l'avis de la commission.

M. Vincent Capo-Canellas. - Si je suis parfois critique sur la méthode du SGPE, je rappelle que la transition écologique a un coût, tout comme la coordination de cette politique.

J'ai été amené, au travers de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », à examiner en détail ces enjeux. Je me suis aperçu que les feuilles de route des différents secteurs prévoient l'utilisation des mêmes ressources, telles que la biomasse, ce qui n'est pas tenable.

Le SGPE a le mérite de tenter de planifier l'ensemble des démarches et d'expliciter les choix à effectuer en tenant compte des limites matérielles. Il me paraît utile de consacrer des moyens à cet effort de prospective, même s'il faudra ensuite l'évaluer. Je suis donc défavorable à l'amendement proposé.

Article 35

L'amendement FINC.1 n'est pas adopté.

L'amendement FINC.2 n'est pas adopté.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

La réunion est close à 9 h 55.

La réunion est ouverte à 14 h 30.

Audition de M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement

M. Claude Raynal, président. - Compte tenu de l'importance du secteur du logement dans les débats cette année autour du projet de loi de finances (PLF), nous avons souhaité entendre M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement.

Monsieur le ministre, vous serez le seul ministre invité par notre commission, en dehors des ministères financiers, c'est dire l'importance que nous attachons à cette audition. C'est la première fois que vous venez devant notre commission et je vous souhaite donc la bienvenue.

Votre tâche n'est pas facile, alors que le secteur de la construction neuve fait face à la chute des ventes et que la hausse des taux oblige les candidats au logement à différer leurs projets. Le logement social n'est guère en meilleure forme ; les délais d'attente sont toujours pointés du doigt, tandis que le nombre de logements neufs s'est sensiblement réduit au cours des dernières années.

Le PLF contient quelques mesures ; vous nous expliquerez ce que vous en attendez. Certaines de ces mesures ont été récemment ajoutées dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité ; aussi, nous manquons d'éléments pour en apprécier l'impact. Autant dire que nous vous écouterons avec la plus grande attention, et nous ne serons pas les seuls puisque cette audition est retransmise sur le site internet du Sénat.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires chargé du logement. - Monsieur le président, merci pour votre invitation. Je suis ravi d'être le seul ministre auditionné, tant le sujet du logement me semble, en effet, primordial aujourd'hui.

Je vous rappelle rapidement les quatre grands objectifs de la politique du logement dans notre pays. Le premier est d'ordre économique, avec beaucoup d'emplois en jeu, notamment dans le bâtiment ; à cela s'ajoute l'enjeu du logement abordable, c'est-à-dire la capacité pour chacun de pouvoir accéder à un logement. Le deuxième s'attache à la dimension environnementale ; il s'agit de veiller à ce que chacun des logements puisse contribuer à la transition énergétique. Le troisième objectif relève de la question sociale, avec des enjeux liés à l'hébergement d'urgence, ainsi que la capacité d'accorder à chacun un logement digne et décent. Enfin, le quatrième et dernier objectif concerne la dimension territoriale, c'est-à-dire la capacité pour une politique du logement de s'adapter à la réalité des territoires.

Ces objectifs naturels de la politique du logement sont aujourd'hui contrariés par une crise multifactorielle. Il y a d'abord, au niveau économique, une crise de la production liée à la hausse des prix immobiliers, à la spécialisation du secteur vers la construction de maisons individuelles en zone détendue et vers les dispositifs d'aide fiscale à l'investissement dans les grandes villes, ainsi qu'à la forte hausse des taux d'intérêt - passés de 1,2 à 4,2 %. Ainsi, le nombre de crédits immobiliers accordés a chuté de 38 %, les mises en chantier ont connu une baisse de 16 % et les logements autorisés de 28 %.

À cette crise de la production s'ajoutent une crise environnementale avec des besoins d'accélération des rénovations énergétiques des logements, une crise sociale avec la croissance de l'hébergement d'urgence - passé de 93 000 à 203 000 places - et une crise démographique avec le vieillissement de la population qui oblige à des adaptations des logements.

Face à cette crise particulièrement aiguë et multifactorielle, le modèle ancien de politique du logement bute sur la réalité et sur les réponses qu'il convient désormais d'apporter à la transition écologique et au vieillissement de la population. De nouvelles réponses sont nécessaires afin de soutenir l'ensemble des besoins et de surmonter les différentes crises. Il s'agit de mettre en oeuvre une politique du logement plus adaptée à la ville du XXIe siècle ; et pour cela, tous les outils sont à repenser.

Aujourd'hui, l'urgence est d'abord économique. Dans ce PLF, on trouve un certain nombre de premières mesures à caractère financier et fiscal. Concernant l'accession à la propriété, le prêt à taux zéro (PTZ) est à la fois géographiquement recentré et stimulé ; l'idée est de jouer sur les quotités, les plafonds et les publics éligibles. À ce renforcement du PTZ dans les zones les plus tendues s'ajoute une volonté d'affiner les zonages. Un premier décret a permis à de nouveaux territoires d'intégrer la zone tendue, l'objectif étant de renforcer le PTZ dans les zones où il y en a le plus besoin, en mettant l'accent sur la rénovation des logements anciens, dans les secteurs où la vacance est la plus élevée.

Avec le ministre de l'économie et des finances, nous travaillons sur la question de l'accès au crédit immobilier. L'idée est d'échanger avec le gouverneur de la Banque de France. Sans remettre en cause le ratio de 35 % entre les mensualités et les revenus ou la durée maximale des prêts de 25 ans, le Gouvernement s'interroge sur l'utilisation de la marge de 20 % accordée aux banques ; seulement 13 % sont utilisés, du fait de certains sous-critères. Par exemple, dans ces 20 % de marge, on trouve 70 % de primo-accédants.

Nous soutenons également le bail réel solidaire (BRS) et la vente HLM ; des annonces ont été faites lors du Congrès HLM pour essayer de doper les ventes.

De même que l'accession à la propriété, nous souhaitons renforcer le logement locatif intermédiaire. Nous avons, là aussi, décidé d'adapter le zonage afin que davantage de territoires puissent en bénéficier. Dans ce PLF, le bénéfice du logement locatif intermédiaire est étendu à l'ensemble des catégories de fonds d'investissement ; par ce biais, les particuliers pourront en tirer profit.

Concernant le logement locatif social, l'accord trouvé avec le mouvement HLM doit permettre de tenir l'ambitieux objectif de rénovation énergétique du parc social. Pour rappel, le parc social comprend encore 9,5 % de passoires thermiques, un pourcentage nettement inférieur à celui du parc privé mais encore trop élevé. Le Gouvernement a annoncé la création d'un fonds, doté de 1,2 milliard d'euros répartis sur trois ans, pour accompagner la rénovation énergétique des logements sociaux, auquel s'ajoute un certain nombre de prêts de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) qui équivalent à environ 650 millions d'euros d'économies de charge d'intérêts pour les bailleurs.

À cela s'ajoutent le maintien du taux du livret A à 3 % pendant encore un an et demi et le suivi de l'application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi SRU) alors qu'intervient le moment du bilan triennal. Par ailleurs, nous engageons des contrats de mixité sociale avec les communes carencées, de manière à développer la production de logements sociaux.

Un plan dédié au logement étudiant est également en préparation. L'idée est de travailler sur les fonciers universitaires disponibles et sur la transformation de bureaux en résidences étudiantes ; j'aurai l'occasion d'y revenir.

Dans ce PLF, on trouve des dispositions concernant le foncier, notamment un dispositif visant à renforcer l'abattement de plus-values de cessions foncières. Au sujet des questions foncières, je rappelle l'existence du fonds vert pour le climat, qui permet d'accompagner le recyclage urbain. Je signale également le travail effectué avec Mme Olivia Grégoire et M. Christophe Béchu sur la transformation des entrées de villes, notamment les zones commerciales ; nous discutons actuellement avec les foncières commerciales pour la transformation de ces terrains, avec la volonté d'y ajouter des logements.

Parmi les autres aides engagées, il y a ce plan de rachat de logements à des promoteurs. Au total, 47 000 logements seront rachetés à des promoteurs - 30 000 par Action Logement et 17 000 par CDC Habitat.

Une mission parlementaire vient d'être mobilisée sur la réforme de la fiscalité locative. L'idée est d'évaluer la question de la justice fiscale et celle de l'incitation pour les particuliers. Cela signifie de travailler à la fois sur les meublés touristiques et la promotion de l'investissement locatif.

Le plan gouvernemental de lutte contre la vacance se poursuit également. Vous n'ignorez pas la possibilité pour les communes d'identifier les propriétaires concernés par les logements vacants. À cela s'ajoutent la prime de sortie de vacance de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), la taxe sur les logements vacants et le prêt à taux zéro pour la rénovation de logements anciens.

En matière de rénovation énergétique, on trouve dans ce PLF une dotation de l'Anah calibrée à 5 milliards d'euros, avec 400 millions d'euros prévus pour le logement locatif social, ce qui correspond au fonds de 1,2 milliard d'euros sur trois ans. L'objectif est d'atteindre les 200 000 rénovations d'ampleur, dont 80 000 en copropriété. Le dispositif MaPrimeRénov' doit permettre de réussir la transition entre financement de changement de vecteurs énergétiques et financement de rénovation globale. Cela suppose un meilleur accompagnement des particuliers et des propriétaires pour atteindre l'objectif fixé.

Dans ce PLF, un certain nombre de mesures visent à renforcer l'aide de l'État. Pour certains ménages très modestes, le montant des aides peut s'élever jusqu'à 90 % du financement des travaux. On peut également évoquer la prolongation de l'éco-prêt à taux zéro, la simplification du vote en copropriété, la création du dispositif MaPrimeAdapt' qui a vocation à mobiliser 1,5 milliard d'euros d'ici à la fin du quinquennat ; 250 millions d'euros ont déjà été engagés pour 2024, afin de permettre aux particuliers d'adapter leur logement aux contraintes du vieillissement et du handicap.

Le nombre de places d'hébergement d'urgence se maintient à un très haut niveau, avec un record historique de 203 000 places et des possibilités supplémentaires pour les femmes victimes de violences.

Ce PLF n'est qu'une étape dans la transformation de la politique du logement que nous avons engagée. Nous avions demandé à Mme Michèle Lutz et M. Mathieu Hanotin un rapport sur les copropriétés dégradées et l'habitat indigne ; ce rapport vient d'être rendu et il a vocation, d'ici à la fin de l'année, à donner des mesures à caractère réglementaire et financier de la part du Gouvernement ; les mesures à caractère législatif, quant à elles, seront intégrées dans un projet de loi lors du premier trimestre 2024.

Enfin, comme l'a annoncé le Président de la République, une grande loi dédiée au logement verra le jour au printemps 2024. Elle aura plusieurs objets : la décentralisation de la politique du logement, avec l'objectif de décupler la capacité d'agir des acteurs de terrain ; et l'avenir du logement social, notamment la question des modalités d'attribution, avec cette nécessité d'arbitrer entre un modèle généraliste, vecteur de mixité sociale, et un modèle résiduel concentré sur les plus démunis. La loi pourra également aborder les rapports locatifs et d'autres sujets encore.

Il s'agit d'adapter la politique du logement à ce que doit être le modèle de développement territorial du XXIe siècle. Les bouleversements provoqués par le covid-19, la nécessité de s'adapter à la transition écologique, le lien entre emploi et logement tel qu'il s'éprouve désormais dans les territoires nous obligent à repenser notre modèle de développement territorial, ce qui implique de nouveaux outils pour la politique du logement ; et la prochaine grande loi sur le logement incarnera ce changement de modèle.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - En vous écoutant, j'ai l'impression que la cheffe du Gouvernement a bien fait de changer de ministre du logement. Votre propos témoigne d'un grand volontarisme, mais les perspectives que vous tracez me semblent quelque peu idylliques ; celles-ci, en effet, butent sur la réalité actuelle. Ainsi, le nombre de constructions de logements neufs cumulé sur douze mois, que ce soit les logements autorisés ou les logements commencés, atteint l'un des plus bas niveaux depuis dix ans. Alors, comme j'ai eu plusieurs fois l'occasion de le dire au ministre de l'économie et des finances, j'ai envie de vous dire : au travail !

Vous avez évoqué un phénomène nouveau : le lien entre emploi et logement. Il apparaît nouveau dans un contexte de pénurie d'emplois et, de manière concomitante, de besoin de mobilité professionnelle de nos concitoyens.

Le logement est aujourd'hui englué dans une crise structurelle, et il faudra du temps pour en sortir. Prenons garde, dans nos responsabilités respectives, de ne pas promettre un printemps trop rapide.

Il y a un peu plus d'un an, l'inspection générale des finances (IGF) avait remis au Gouvernement un rapport qui recommandait de supprimer l'avantage fiscal des meublés touristiques classés ; le Gouvernement, par voie d'amendement, a proposé cette année une mesure allant dans ce sens. Peut-on avoir connaissance du rendement attendu ? Quel sera le coût pour les propriétaires concernés? Des questions se posent également sur le choix de s'appuyer sur la classification des zones A, B et C et la manière dont cela va se traduire, notamment dans les stations de haute montagne ?

J'ai bien noté que le PTZ serait recentré et stimulé, et qu'il servirait également pour la rénovation, notamment le recyclage urbain. Pouvez-vous nous indiquer, plus précisément, les territoires qui seront concernés ? Disposez-vous d'une carte nous permettant de mieux apprécier les choses, sachant que la Fédération bancaire française (FBF) a estimé que l'ouverture du dispositif n'engendrerait qu'une quinzaine de milliers de nouveaux bénéficiaires ? Pouvez-vous nous le confirmer?

Ma dernière interrogation porte sur le financement du logement social. Le cadre me semble peu clair. Le financement ne proviendrait désormais que du déblocage des crédits du Fonds national des aides à la pierre (Fnap). En 2025, si les contributions des bailleurs sociaux sont réduites au minimum, quelles seraient alors les modalités de financement prévues ?

M. Claude Raynal, président. - Sur cette problématique du logement, la difficulté est de passer d'un discours d'orientation politique à une succession de mesures, voire parfois de micromesures, en décalage avec les objectifs annoncés. Est-il possible de davantage raisonner en termes de réalisation d'objectifs, sans se focaliser sur les seules dépenses budgétaires ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Monsieur le rapporteur général, je partage votre analyse concernant le lien entre emploi et logement. Ces questions de mobilité, de proximité de l'emploi, supposent de repenser la politique du logement. D'autres éléments sont à prendre en compte désormais : les bouleversements liés au covid-19, la transition écologique, le vieillissement de la population. Tout cela doit nous aider à redéfinir le cadre et le contenu de la politique du logement. De nouveaux outils doivent émerger ; je pense, par exemple, à la question de l'attribution des logements sociaux, en lien notamment avec la proximité de l'emploi.

Concernant le régime des meublés touristiques classés, l'abattement passe de 71 % à 50 % dans ce PLF. Le sujet a suscité beaucoup de polémiques, je me suis moi-même exprimé dans un journal national. Avant de prendre une décision définitive sur la fiscalité locative, la Première ministre a demandé à une mission parlementaire d'identifier tous les effets de bord possibles ; vous avez évoqué notamment le cas des stations de haute montagne. L'idée est d'avoir une vision d'ensemble, en se demandant quelles mesures pourraient inciter nos concitoyens à investir davantage dans le locatif et en intégrant des notions de justice fiscale. Par exemple, qu'est-ce qui justifie d'avoir aujourd'hui un abattement plus important pour un meublé que pour un non-meublé ? Cette différence - 50 % d'abattement pour un meublé, 30 % pour un non-meublé - est maintenue dans le PLF pour 2024.

Le passage d'un abattement de 71 % à 50 % correspond à un premier pas, en attendant quelque chose de plus abouti au cours de l'année 2024. Cette mesure n'a pas vocation à clore l'évolution de la fiscalité locative.

Concernant le PTZ, il y a une différence entre le nombre de personnes éligibles et le nombre de prêts. Avec les six millions de Français supplémentaires éligibles en 2024, on peut envisager 15 000 PTZ supplémentaires, ce qui permettrait d'atteindre un nombre total d'environ 45 000 prêts, équivalent à celui de 2023.

Vous avez évoqué le logement social et la question du devenir du Fnap. Nous aurons bien, en 2024, une contribution d'Action Logement. Le débat qui se tiendra dans le cadre de la grande loi sur le logement, et plus particulièrement concernant le sujet de la décentralisation, doit nous permettre de trancher cette question du financement. Les futures autorités organisatrices de l'habitat (AOH) devront-elles assurer l'aide à la pierre ? Avec quelles ressources ? Ces questions émergeront forcément au cours du débat sur la décentralisation et il est donc prématuré d'y répondre aujourd'hui.

Monsieur le président, je partage votre analyse. On ne voit pas toujours le lien entre une vision, un résultat, des tuyaux et des engagements de dépenses. Je souhaite faire évoluer cela et fonctionner davantage par objectifs de résultat. Les attributions de logements sociaux illustrent bien votre propos ; on a inventé des dispositifs législatifs exceptionnels, et pourtant la misère se concentre toujours dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. En se restreignant à une logique purement procédurale, on finit par en oublier les objectifs.

M. Bruno Belin. - Monsieur le ministre, comme le rapporteur général, je ne doute pas de votre bonne volonté. Cependant, dans la liste des facteurs expliquant la crise de la politique du logement, vous avez oublié certains points que je me permets de vous rappeler. Vous n'avez pas évoqué le sujet du « zéro artificialisation nette » (ZAN), alors que la mise en oeuvre de ce dispositif ne fera qu'augmenter le coût du logement.

L'idée de retirer les logements énergivores du parc locatif aura également une incidence importante dans le milieu urbain paupérisé.

Vous n'avez pas non plus évoqué le sujet des plans locaux d'urbanisme intercommunal (PLUi). Un décalage va se créer entre ce qu'il sera possible de faire en milieu rural et ce qu'il sera nécessaire de faire en milieu urbain ; le milieu rural risque de se retrouver très frustré, avec des dizaines de milliers de collectivités qui ne pourront faire aboutir leurs projets.

Il va devenir complexe de se loger. Ce n'est pas avec un PTZ que l'on crée les conditions de l'accession à la propriété. Les 15 000 prêts supplémentaires envisagés correspondent à 0,5 % de la population éligible.

D'autres sujets préoccupent les territoires : les lenteurs de l'Anah ; l'extension des zones tendues en raison de la mise en oeuvre du ZAN et du PLUi, ainsi que du coût du logement ; le manque de logement social. Sachant tout cela, peut-on espérer qu'après le dispositif Pinel, un « dispositif Vergriete », porteur d'une politique du logement ambitieuse et efficace, voie le jour ?

M. Hervé Maurey. - Ma question porte sur les conséquences du diagnostic de performance énergétique (DPE) pour les petites surfaces. Les nouvelles règles pénalisent les petites surfaces, car les surfaces déperditives y sont proportionnellement beaucoup plus importantes que les surfaces habitables.

L'Observatoire national de la rénovation énergétique (ONRE) estime que 63 % des surfaces de moins de 30 mètres carrés sont classées E, F ou G, contre 39 % pour l'ensemble du parc. Souvent, les diagnostiqueurs préconisent des solutions inadaptées pour les petites surfaces, surtout en milieu urbain ; quand la seule solution envisagée est d'installer une pompe à chaleur dans un appartement au premier étage, cela pose à la fois des problèmes techniques, de coût, d'urbanisme et d'esthétique.

Le syndicat des diagnostiqueurs a suggéré l'application d'un coefficient de pondération pour les petites surfaces. Qu'en est-il de cette idée ?

Enfin, j'attire votre attention sur une situation. Un de mes amis a mis en location un studio en proche banlieue parisienne ; il a reçu 500 réponses, c'est dire combien la demande de logement est forte. Et à ce titre, il ne me paraît pas très opportun de continuer à retirer des logements du marché.

M. Vincent Capo-Canellas. - Nous sommes tous à la recherche de la mesure simple et efficace qui pourrait relancer la production de logements. Vous avez évoqué la hausse des taux d'intérêt et son impact sur les accédants potentiels à la propriété. Une mesure fiscale avait été mise en place en 2007 dans le cadre de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (loi Tepa) ; cette mesure, décriée et n'ayant pas forcément atteint sa cible à l'époque, visait à une déduction des intérêts d'emprunt pour les accédants. Peut-être faudrait-il recentrer cette mesure et mieux définir ses critères, mais elle me semble être une solution simple, visible et efficace.

M. Didier Rambaud. - Si des logements sociaux ont pu se construire ces dernières années, c'est bien grâce à la loi SRU. Cependant, j'estime que pour certaines communes carencées les critères d'exemption sont très injustes. Je peux citer l'exemple de la commune de Vaulnaveys-le-Haut, qui a rejoint la métropole grenobloise en 2016 et appliqué le programme local de l'habitat (PLH) de l'agglomération. Entre 2020 et 2022, la commune a bénéficié des critères d'exemption ; aujourd'hui, après l'évolution de ces critères, elle se retrouve carencée et doit payer une amende de 70 000 euros. Avez-vous, monsieur le ministre, l'intention de revoir ces critères d'exemption ?

Ma deuxième question porte sur le logement étudiant. Le manque de logements explique pour une part l'échec scolaire de nos étudiants. Mais il est très difficile pour les collectivités locales d'investir dans le logement étudiant ; cela ne rapporte rien et cela crée des problèmes de voisinage. Les logements dédiés aux étudiants peuvent-ils rentrer dans les quotas fixés par la loi SRU ?

M. Jean-François Rapin. - On a pu lire récemment dans la presse l'inquiétude de certains promoteurs privés, notamment la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI). Concernant le parc privé, vous avez évoqué le traitement de la question fiscale par le biais d'une mission parlementaire. Nous aurions dû faire cela avant de transformer le dispositif Pinel en Pinel +. L'expertise aurait dû intervenir en amont, avant de prendre une mesure aussi radicale et décriée par les promoteurs. Quel est, aux yeux du Gouvernement, l'avenir de la promotion privée en France ?

Mme Christine Lavarde. - Mon interrogation porte sur la rénovation thermique des bâtiments. Début octobre, vous avez annoncé une enveloppe de 1,2 milliard d'euros destinée à favoriser les opérations de rénovation de logements. Comptez-vous nourrir cette enveloppe en rendant obligatoire l'exonération de taxe foncière pour les logements sociaux faisant l'objet de rénovation ? Vous laissez la possibilité aux communes opposées à cette exonération de délibérer, mais vous inversez la règle. Auparavant, on donnait le droit à la commune de délibérer pour accorder une exonération ; désormais, l'exonération s'impose de droit, et si la commune s'y oppose, elle pourra délibérer, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Par ailleurs, cette mesure n'a pas été pensée en concertation avec les associations de collectivités.

Au-delà de cette enveloppe de 1,2 milliard d'euros, d'autres crédits sont-ils envisagés ? Ou bien comptez-vous déposer des amendements pour en ajouter de nouveaux au cours de l'examen du PLF ?

M. Thierry Cozic. - Je souhaite revenir sur le financement du parc locatif social. Les difficultés rencontrées aujourd'hui sur le marché locatif privé viennent allonger la liste d'attente pour un logement social, alors même que 70 % de la population est aujourd'hui éligible. En un an, 100 000 nouvelles demandes ont été déposées, ce qui porte à 2,3 millions le nombre total de ménages en attente. Dans le même temps, la production de logements sociaux diminue, avec moins de 100 000 agréments recensés en 2022, alors que 120 000 étaient prévus.

La baisse des moyens des organismes HLM affecte la production de logements. La puissance publique a également une grande part de responsabilité ; la baisse des aides personnelles au logement (APL) a notamment obligé les bailleurs à réduire leur loyer et, de fait, leurs recettes, au détriment de leurs capacités d'investissement et de construction.

Pour pallier les carences de l'État, un certain nombre de collectivités territoriales se sont organisées. Dans le département de la Sarthe, Le Mans Métropole a ainsi débloqué un fonds d'aide exceptionnel, doté de 6 millions d'euros pour 2023 et 2024, afin que plus de 400 logements puissent sortir de terre.

Monsieur le ministre, comptez-vous présenter des mesures financières afin que les collectivités ne se retrouvent plus à pallier les carences de l'État en matière de logement social ?

M. Jean-Marie Mizzon. - Concernant le PTZ, vous avez évoqué le principe d'une zone géographique resserrée. Cela m'interpelle, car le critère est très discriminant. Que comptez-vous faire des zones frontalières ? Certaines sont voisines d'un pays où le PIB par habitant est parmi les plus élevés au monde - je pense en particulier au Luxembourg. Dans ces zones, cela pose de sérieuses difficultés pour les acquéreurs.

M. Stéphane Sautarel. - En préambule, je souhaite revenir sur plusieurs constats. Tout d'abord, les propriétaires fonciers sont victimes de la fiscalité et de l'accroissement des normes depuis six ans, et l'on ne peut aujourd'hui que constater leur désengagement. Autre point : si 70 % de nos concitoyens peuvent accéder au logement social, on peut s'interroger sur la définition de celui-ci. Dernier point : le lien entre emploi et logement est évident en milieu rural, avec une proximité et peu de mobilité ; en outre, les mobilités enregistrées après le covid-19 ont redonné un peu d'espoir et d'attractivité à nos territoires.

Or, sachant cela, le dispositif du ZAN, au-delà des aspects financiers, pose un problème d'autorisation et d'urbanisme. Si l'on ajoute à cela le PLUi et la lecture extensive que certains peuvent faire de la loi Montagne, on s'interroge sur la réelle capacité à construire et accueillir sur nos territoires ruraux, ou même à garder la population.

Ma deuxième interrogation porte sur l'innovation, notamment sur la question du partage de logement pour favoriser l'accès à la propriété.

Enfin, que penseriez-vous d'une accélération de l'indivision successorale ? J'ai, pour ma part, déposé une proposition de loi sur le sujet qui me paraîtrait pouvoir régler un certain nombre de questions et libérer du foncier.

M. Grégory Blanc. - Ma première question porte sur les exonérations de taxe foncière. Avec le dispositif des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), les communes de banlieues sont celles qui concentrent le plus souvent les précarités, à la fois dans le parc social et souvent également dans le parc privé adjacent. Dans ma commune, on trouve 42 % de logements sociaux ; l'exonération de taxe foncière s'élève à 1,7 million d'euros, avec une compensation de seulement 68 000 euros pour un budget de fonctionnement de 18 millions d'euros. Or, pour rendre attractif un parc social, il revient à la puissance publique communale de créer un environnement favorable. Dans le cadre de ce PLF, comment comptez-vous négocier avec Bercy sur cette question des exonérations de taxe foncière ?

Dans le premier volet de la loi de finances, un débat portera sur la prolongation d'une exonération de 25 ans pour les bailleurs sociaux s'engageant dans la rénovation thermique. Quid de la compensation ?

Ma dernière question porte sur le ZAN. Vous avez évoqué le plan novateur pour les zones commerciales, avec de nombreuses expérimentations. Si l'on ne repense pas notre façon d'aménager le territoire, on ne pourra pas mettre en place le ZAN. Envisagez-vous également des expérimentations pour les zones économiques de nos territoires ?

M. Rémi Féraud. - Nous constatons une forme de procrastination du Gouvernement sur le sujet du logement. Monsieur le ministre, j'espère que nous pourrons vous aider à avancer dans la discussion budgétaire. La question de la fiscalité locative, qui concernait particulièrement le territoire parisien, touche aujourd'hui l'ensemble du territoire national, notamment certaines régions touristiques.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée- Avec la flat tax en 2018, le Gouvernement a bousculé la fiscalité relative aux revenus du capital et de l'investissement locatif. Envisagez-vous de revenir sur ce choix ?

Vivant dans une zone A bis à Paris, j'ai la chance de me trouver dans un quartier où s'applique le recentrage du prêt à taux zéro. Sauf que le prêt concerne uniquement le neuf, avec un plafond fixé à 150 000 euros ; dans l'ancien au-dessus de quinze mètres carrés, j'ai trouvé vingt appartements à Paris ; et dans le neuf, je n'ai rien trouvé. J'ignore donc à qui s'adresse cette mesure.

M. Jean-Raymond Hugonet. - On a pris l'habitude, à chaque problème majeur, d'entendre parler d'un grand plan et, généralement, nous sommes déçus ; ces grands plans accouchent de mesures techniques souvent critiquées par les professionnels.

Je ne partage pas la vision de mon collègue Didier Rambaud sur la loi SRU, mais le genre de situation kafkaïenne qu'il décrit est partagé dans de nombreux départements.

Jusqu'ici, le lien avec les collectivités concernant l'aide à la pierre s'établissait dans les contrats de mixité sociale. Début octobre, la Première ministre a évoqué des contrats territoriaux visant, cette fois, les intercommunalités. Or, les seules collectivités de plein exercice en France sont les communes, et non les intercommunalités. Certes, les intercommunalités peuvent lancer des PLUi, mais il ne s'agit pas encore de la norme dans notre pays. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ces contrats territoriaux ?

M. Christian Klinger. - Quand comptez-vous revoir le statut fiscal des bailleurs privés ? Il s'agit du seul moyen pour faire revenir les investissements privés dans la construction. Si vous adaptez ce statut à celui de la location meublée non professionnelle (LMNP), je suis certain que, dès le lendemain, la construction repartirait ; mais sans doute auriez-vous des problèmes avec votre collègue de Bercy...

Mme Frédérique Espagnac. - Monsieur le ministre, au lendemain de votre prise de fonction, vous étiez venu à Bunus au Pays basque. Vous vous étiez engagé, après la demande de la communauté d'agglomération, sur l'encadrement des loyers ; vous avez fait une annonce sur le sujet ces derniers jours, je tiens donc à vous remercier d'avoir tenu parole.

Je faisais partie de la commission mise en place par votre prédécesseur sur l'attrition des logements en zone tendue. Nous avions évoqué la question des littoraux et de la montagne, avec l'idée de favoriser l'activité économique tout en veillant au logement des autochtones. Aujourd'hui, l'urgence est de soutenir la proposition de loi de M. Inaki Echaniz et Mme Annaïg Le Meur.

Vous n'ignorez pas à quel point le littoral atlantique est aujourd'hui prisé, notamment la côte basque. Sur la sujet de la vente et des plus-values, on observe une transformation régulière des résidences secondaires en résidences principales afin d'éviter la taxation. Des mesures urgentes sont à prendre, tant les conséquences s'avèrent importantes pour les collectivités.

M. Laurent Somon. - L'année dernière, 150 000 postes étaient ouverts pour les saisonniers et, parmi eux, seulement 50 % ont pu trouver un logement. Ce problème est corrélé à la régulation des logements touristiques. Quelles sont les pistes de réflexion du Gouvernement à la fois sur cette question de la régulation du logement touristique, sur les mesures envisagées pour atténuer les locations de courte durée qui rendent le logement plus cher, et sur la manière de résoudre le problème du logement des saisonniers ?

Autre point : dans les territoires, le financement des rénovations par l'Anah, notamment des rénovations lourdes pour les personnes précaires, s'avère compliqué. Quelles mesures comptez-vous prendre pour accélérer les circuits d'instruction et surtout de financement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Vos interventions montrent la diversité des situations du logement dans les territoires, et prouvent à quel point la décentralisation, la différenciation de l'action de l'État en fonction des territoires, est un sujet vital. La vocation de la prochaine loi sur le logement est précisément de repenser cela.

Certes, la crise de la production doit nous préoccuper, mais on observe également une forte crise environnementale. Au cours des cinquante dernières années, la France a consommé son foncier de manière excessive. L'urgence environnementale nous impose aujourd'hui de repenser notre modèle de développement territorial. Les outils actuels de la politique du logement ne sont plus adaptés, ils correspondent à ce modèle de développement territorial ancien favorisant la consommation foncière. Par exemple, certains territoires connaissent de fortes vacances de logement, et nous ne disposons pas aujourd'hui d'outils adaptés pour aborder ce type de sujet.

Il ne s'agit pas d'opposer la ruralité à la ville, ou les petites villes aux métropoles ; ces réalités diverses nécessitent des outils divers. À certains endroits, il faudra mettre l'accent sur le recyclage foncier ; à d'autres, il faudra regagner de la vacance ; à d'autres encore, il faudra privilégier le neuf. À Paris, en effet, le prêt à taux zéro concerne le neuf, car c'est de cela que nous avons besoin. Agir en ce sens, c'est plus cher et plus complexe, cela demande une ingénierie qui aujourd'hui nous fait défaut. Les outils n'existent pas, il faut les inventer. Le fonds friches est un premier pas, il témoigne d'une nouvelle façon d'aborder le modèle de développement territorial.

S'agissant des passoires thermiques, 673 000 logements du parc locatif privé sont actuellement classés G, dont 133 000 classés G +. Ces derniers sont encore loués car le système prévoit non pas une interdiction de location, mais une évolution des critères de la décence permettant au locataire d'attaquer en justice le propriétaire. Personne ne souhaite la sortie de ces passoires thermiques du marché locatif, mais nous voulons, avec les professionnels de l'immobilier, que les travaux se fassent. A-t-on besoin de travaux de copropriété pour les logements classés G qui sont loués aujourd'hui ? Si tel est le cas, en effet, le calendrier du 1er janvier 2025 sera sans doute difficile à tenir. Mais les premiers chiffres établissent que 90 % des logements concernés ne nécessitent pas de travaux de copropriété pour passer de G à F.

Des travaux ne nécessitant pas l'engagement de la copropriété peuvent tout à fait être lancés. Nous avons renforcé le dispositif MaPrimeRénov' qui s'adresse aux bailleurs ; la création du dispositif Mon Accompagnateur Rénov' permet un accompagnement sur les dossiers administratifs. Certes, le système est encore complexe, notamment concernant les aides de l'Anah. Nous travaillons à la simplification de ces dispositifs, et nous souhaitons également renforcer le recrutement et la formation des accompagnateurs.

Essayons d'accompagner le mieux possible les propriétaires bailleurs d'un point de vue financier, technique et administratif, afin qu'ils puissent réaliser les travaux.

Si nous abandonnons l'objectif d'interdire à la location les passoires thermiques en 2025 en le repoussant à 2028, je parie que nous rencontrerons les mêmes problèmes qu'aujourd'hui en 2027 et que rien n'aura changé d'ici là. Pour résoudre le problème des passoires thermiques, notre méthode est de faire et d'inciter à faire, notamment en travaillant sur la question de l'accompagnement avec la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim) et l'Union des syndicats de l'immobilier (Unis).

Nous devons chercher à améliorer le dispositif du DPE quand il s'applique aux petites surfaces, car, j'en conviens, il y a un problème.

Je préciserai un point : il y a 6 millions de personnes supplémentaires éligibles au PTZ et 350 000 ventes de logements aujourd'hui, dont 120 000 en bloc. Sur les 230 000 ventes au détail, il y a 40 000 à 45 000 demandes de PTZ, soit 18 % du total, ce qui est satisfaisant. À Paris, le PTZ favorise l'achat d'un logement à hauteur de 20 000 euros. Quoique plafonné, le PTZ peut être complété par un autre dispositif d'aide. Je rappelle que le PTZ n'a jamais été aussi incitatif qu'en cette période de taux d'intérêt élevés. Voilà pourquoi nous l'avons largement renforcé.

La mesure issue de la loi Tepa de 2007 est particulièrement onéreuse au regard de ses effets. Le dispositif a eu des effets positifs sur le pouvoir d'achat, mais il n'a pas favorisé la production de nouveaux logements, selon les premières études d'impact.

La moitié de logements sociaux produits aujourd'hui résulte des obligations de la loi SRU. Sans cette loi, nous aurions de grandes difficultés à produire des logements sociaux.

Vous le savez, je tiens beaucoup à cette loi - j'étais conseiller au cabinet de Claude Bartolone au moment où il en a rédigé l'article 55 -, même si, j'en conviens, elle n'est pas parfaite. Chacun d'entre nous aurait des raisons de la modifier, mais je défends cette loi car elle structure la politique du logement social aujourd'hui en France et le rééquilibrage de la production de logements sociaux. Si nous modifions ce texte, les conséquences seront très néfastes, surtout en période de crise de production de logements.

Je rappelle que les logements destinés aux étudiants peuvent être pris en compte dans le quota de logements sociaux imposé aux communes par la loi SRU.

Nous avons senti qu'une crise de la production de logements arriverait, puisque dans les métropoles près de 80 % des logements construits résultaient de dispositifs d'investissement locatif. Ces dispositifs d'aide fiscale dopent la demande et font donc augmenter artificiellement les prix. Certes, le dispositif Pinel a permis de retarder cette échéance, mais en ajoutant une couche de croissance des prix immobiliers et donc des prix fonciers il a rendu la crise encore plus importante !

On pourrait défendre la mise en place d'un tel dispositif pour faire augmenter les prix, l'accession étant rendue encore plus difficile sous l'effet de la hausse des taux d'intérêt, afin d'adopter une stratégie fiscale visant à doper artificiellement la demande, mais jusqu'où aller ?

Ne faudrait-il pas plutôt s'interroger sur l'opportunité de ces stimulateurs artificiels de la demande afin que la politique du logement repose sur des bases plus saines et plus stables ? Lorsque 80 % des constructions résultent de dispositifs d'aides fiscales, que la croissance des prix de l'immobilier est en moyenne de 178 %, voire de 200 %, dans le centre des grandes villes alors que le pouvoir d'achat des ménages s'est effondré, alors nous sommes bien plus vulnérables au risque de la remontée des taux d'intérêt.

Voilà pourquoi il faut retravailler sur l'ensemble des éléments de la demande - j'ai abordé la question de l'investissement locatif social et intermédiaire, de l'accession à la propriété, du foncier, etc. -, en imaginant de nouveaux dispositifs, sans doute provisoires. Nous ne pouvons pas accepter l'effondrement de l'appareil de production de logements, ce serait trop dangereux pour notre pays ; il faudrait dix ans pour le reconstruire ! En même temps, il faut assainir les prix absurdes de l'immobilier, qui ne correspondent plus au pouvoir d'achat des ménages et qui ont exclu de l'accession à la propriété une grande partie de nos concitoyens. Pour rééquilibrer les prix, n'utilisons pas les remèdes d'avant qui n'ont fait qu'amplifier la crise d'aujourd'hui !

L'État va verser 1,2 milliard d'euros aux bailleurs sociaux, au travers d'un fonds d'aide directe, pour accompagner la rénovation énergétique des logements locatifs sociaux.

Certes, nous avons inversé la charge de la preuve pour bénéficier de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), mais les communes ont toujours la possibilité de s'en extraire si elles le souhaitent.

Dans cette crise - et c'est nouveau -, le secteur du logement locatif social joue un rôle non plus contracyclique, mais procyclique. Autrement dit, quand le privé est en crise, le logement social l'est également, dynamique qui résulte de l'évolution de la production de logement social en France. Le secteur du logement locatif social n'étant désormais plus autonome du secteur privé, la diminution de production de logements sociaux et l'augmentation du nombre de demandeurs ne lui permettent pas de jouer son rôle contracyclique naturel.

J'attire votre attention sur un point : sur les 2,3 millions de demandeurs, 800 000 sont déjà dans le parc social, ce qui soulève la question désormais essentielle de la mobilité à l'intérieur du parc social et de la sous-occupation des grands logements - d'où l'enjeu de l'accompagnement à la mobilité. Certains bailleurs sont exemplaires ; d'autres le sont moins. Il est important que les bailleurs sociaux s'appuient sur les bonnes pratiques pour améliorer la mobilité à l'intérieur du parc pour diminuer le nombre de demandeurs ; un tiers des demandeurs sont déjà dans le parc social, c'est beaucoup ! Cela n'enlève rien à l'importance de l'enjeu de production de logements sociaux.

Les collectivités territoriales n'ont-elles pas aujourd'hui un rôle plus important à jouer en matière de production de logement social ? Cette question en soulève d'autres : quelles ressources donner aux collectivités territoriales pour assurer une nouvelle compétence décentralisée ? Quelle part de la production du logement social devraient-elles assumer ?

Oui, les territoires transfrontaliers sont intégrés dans le calcul des zones tendues, qui définit le plafond du PTZ. On connaît, entre autres, la problématique dans le Genevois français.

Le bail réel solidaire (BRS) a été une innovation financière s'agissant des dispositions d'accession à la propriété. J'avais proposé à Bruno Le Maire un autre dispositif, inspiré du système suisse, où serait proposé un prêt à vingt-cinq ans sur les murs et sur le foncier à un prêt à durée infinie. Notre législation bancaire ne le permet pas aujourd'hui. Pour autant, cela permettrait de diminuer fortement la mensualité de l'accession à la propriété tout en étant réellement un dispositif d'accession. C'est plus intéressant que le BRS, car l'on possède le foncier et l'on ne rembourse pas le capital ! En tout cas, je suis preneur de toutes les idées en la matière.

Oui, je souhaite que nous ayons le même type d'expérimentation dans les zones d'activité économique que dans les zones commerciales. Il faut repenser la mixité fonctionnelle à l'échelle des villes et explorer tous les fonciers disponibles.

La fiscalité ne résoudra pas le problème de l'attractivité de la location de meublés de tourisme, dont la rentabilité est trop forte. Il faut tout d'abord offrir aux communes - je pense aux maires, bien sûr - la possibilité de réguler ce marché, ce que ne permet pas suffisamment, à mon sens, le dispositif de compensation.

Les députés Inaky Echaniz et Annaïg Le Meur souhaitent instaurer, au travers d'une proposition de loi qu'ils ont déposée, un nouvel outil de régulation qui soit à la disposition des communes, lesquelles pourront s'en saisir ou non, selon les cas. Cela permettra ainsi aux communes d'adapter la régulation des locations de meublés de tourisme selon leurs spécificités. Je crois fortement à cet outil de régulation, lequel irait plus loin que la compensation. Le système de quotas mis en place par la commune de Saint-Malo a été attaqué en justice ; cela ne serait plus le cas si le dispositif institué par la future proposition de loi autorisait les communes à instaurer des quotas ou à délivrer un agrément.

Se pose ensuite la question de la fiscalité, qui est un enjeu de justice fiscale. Vous, parlementaires, devrez répondre à la question de savoir s'il est juste qu'un locataire de meublé de tourisme bénéficie d'un abattement de 50 % contre 30 % pour un locataire d'un logement nu.

Il y a donc deux temps et deux questions : d'une part, l'instauration d'un dispositif de régulation supplémentaire permettant aux collectivités qui le souhaitent d'arrêter la location de meublés de tourisme, qui doit être présenté au cours du premier trimestre de l'année prochaine ; d'autre part, un débat parlementaire relatif à la justice fiscale locative, qui doit avoir lieu à la suite de la mission parlementaire consacrée à la fiscalité locative.

L'objet du projet de loi relatif au logement qui sera présenté au printemps prochain n'est pas de proposer de nouvelles mesures techniques. Nous partons du constat que les outils de la politique du logement ne correspondent plus aux nécessités liées à notre modèle de développement territorial.

Il ne s'agit pas non plus d'un grand plan qui accoucherait d'une souris. Nous souhaitons refonder les outils de la politique du logement en fonction des besoins du XXIe siècle : nous avons instauré le ZAN, il nous faut désormais mettre au point les bons outils qui vont avec !

Les contrats de mixité sociale (CMS) concernent les communes carencées dans le cadre de l'article 55 de la loi SRU. Il ne faut pas les confondre avec les conventions territorialisées.

Je balaye toujours d'un revers de main la question du nombre de logements à construire à l'échelle nationale, car selon moi les besoins de construction se mesurent à l'échelle territoriale. D'ailleurs, s'il y a autant de ménages que de logements à l'échelle nationale, il n'y a pas besoin d'en construire de nouveaux... Voilà pourquoi j'ai renvoyé aux acteurs des territoires les engagements qui ont été pris en matière de production et de rénovation de logements sociaux, aussi bien que de mobilité et de présence de personnels de proximité. D'ailleurs, nous évaluons en ce moment l'application du décret du 28 décembre 2001, pris par Mme Marie-Noëlle Lienemann et relatif aux obligations de gardiennage ou de surveillance de certains immeubles d'habitation et modifiant le code de la construction et de l'habitation, dit décret « gardiens ».

Sur ces quatre points, nous souhaitons renvoyer à des conventions territorialisées les engagements de l'État, des collectivités territoriales - les intercommunalités, les communes -, et des bailleurs sociaux - Action Logement et la CDC. Plutôt que de partir d'un grand objectif à l'échelle nationale, à l'instar de ce qu'avait proposé Mme Emmanuelle Wargon, je préfère décliner cet objectif à l'échelle des territoires.

Je partage avec vous l'idée qu'il faut garder des investisseurs locatifs particuliers. Pour autant, je ne suis pas sûr que le dispositif Pinel nous permette de répondre aux enjeux de demain, comme je l'ai déjà dit. Dans ces conditions, la mission parlementaire doit se demander comment inciter nos concitoyens à investir dans le logement locatif privé, alors même que les rendements locatifs sont faibles. La question du statut de bailleur a été largement débattue ; il s'agit désormais de se mettre d'accord sur une fiscalité incitative et juste.

Le logement pour les travailleurs saisonniers, tout comme le logement pour les étudiants, pose la question de l'attrition du marché, résultant des meublés de tourisme, lesquels font beaucoup de mal à l'ensemble du secteur.

Il faut d'abord réguler ce marché, ce qui nous permettra ensuite de produire des logements pour les travailleurs saisonniers. Cela permettra également de régler le problème du logement destiné aux étudiants, qu'il s'agisse de solutions liées à l'utilisation du foncier disponible sur les campus universitaires, aux transformations de bureaux en résidences étudiantes ou encore au recours à la colocation étudiante par les bailleurs sociaux.

M. Claude Raynal, président. - Monsieur le ministre, vous avez pu noter l'intérêt de nos collègues sur ce sujet. Je vous remercie d'avoir répondu à l'ensemble de nos questions.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Projet de loi de finances pour 2024 - Mission « Recherche et enseignement supérieur » - Examen du rapport spécial

M. Claude Raynal, président. - Nous en venons au rapport spécial de Mme Vanina Paoli-Gagin et de M. Jean-François Rapin sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». - La mission « Recherche et enseignement supérieur », d'un montant total de 32 milliards d'euros en crédits de paiement pour 2024, est la quatrième mission du budget général. Il s'agit d'une mission dynamique : son budget devrait augmenter de 3 % cette année.

Je vais commencer par présenter les programmes budgétaires relatifs à la recherche publique dans notre pays.

L'adoption de la loi de programmation de la recherche (LPR) au mois de décembre 2020 a été un événement important. Alors que le monde de la recherche publique traversait une période d'incertitude, nourrie par un phénomène de désinvestissement progressif, il était indispensable de réaffirmer notre ambition d'être un acteur majeur de la recherche à l'échelle européenne et mondiale. Par l'adoption de ce texte, nous avons envoyé un signal fort de soutien aux communautés de recherche, car il témoigne de l'engagement pris par la représentation nationale pour financer la recherche publique à la hauteur de ses ambitions.

J'attire votre attention sur deux aspects saillants du budget qui nous est proposé.

En premier lieu, force est de constater que les montants inscrits dans la LPR sont respectés. Même s'ils ne tiennent pas compte de l'inflation, ils correspondent à la trajectoire prévue par la programmation, je tiens à le souligner. Ainsi, les programmes de la recherche publique bénéficient d'une hausse de 540 millions d'euros en un an. Ces moyens supplémentaires correspondent pour plus de 60 % à l'exécution des mesures inscrites dans la LPR, qui concernent notamment l'attractivité des métiers de chercheurs et le recrutement de nouveaux effectifs. Il convient également de saluer le redressement du taux de succès des candidatures déposées auprès de l'Agence nationale de la recherche (ANR), qui est passé de 19 % en 2020 à 24 % en 2023, sous l'effet de l'augmentation durable de ses crédits d'intervention.

En second lieu, j'aimerais tempérer cette appréciation au regard de la vitesse à laquelle la conjoncture a évolué depuis l'adoption de la LPR. En effet, dès son examen en première lecture au Sénat, notre commission, dont j'étais rapporteur pour avis, avait alerté nos collègues sur les incertitudes liées aux hypothèses macroéconomiques sous-jacentes au projet de programmation. Nous avions déjà estimé qu'une programmation sur une durée particulièrement longue, en l'occurrence dix ans, risquait d'être remise en cause en cas de renversement de la conjoncture. C'est pourquoi, je le rappelle, nous avions proposé des amendements visant à raccourcir la durée à sept ans. C'est également pour cette raison que le Sénat avait insisté pour maintenir dans le texte une clause de revoyure tous les trois ans tendant à actualiser la programmation, afin de la mettre en cohérence avec l'évolution de son environnement. Nous constatons aujourd'hui que malgré l'engagement pris par le Gouvernement à l'époque, aucun exercice d'actualisation de la programmation n'est à l'ordre du jour ; c'était pourtant l'une des conditions pour que la commission mixte paritaire soit concluante.

Cette absence d'actualisation est d'autant plus préjudiciable que nos organismes de recherche sont aujourd'hui exposés à des surcoûts exogènes, qui pourraient fragiliser leur trajectoire budgétaire, qu'il s'agisse des surcoûts énergétiques ou de la hausse des dépenses de personnel, sous l'effet, par exemple, de l'augmentation du point d'indice, qui ne sera que partiellement compensée. Aussi, j'estime que le risque que nous avions identifié en 2020 était fondé et que l'actualisation de la LPR est non seulement une obligation, qui résulte de son article 3, mais également une nécessité, pour préserver les ambitions initiales fixées par la loi.

Pour autant, malgré l'absence d'une telle actualisation, l'exécution de la trajectoire se poursuit et permet le redressement progressif de nos organismes publics de recherche ; il faut le saluer et l'encourager.

Au bénéfice de ces observations, je vous propose d'adopter les crédits proposés pour la partie recherche au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». - Les deux programmes qui concentrent les crédits dévolus à l'enseignement supérieur bénéficient cette année encore d'une hausse importante. Ils atteignent désormais 18,5 milliards d'euros, soit 500 millions d'euros de plus que l'an passé.

Habituellement, les universités sont les premières bénéficiaires de telles augmentations. Pour autant, la tendance sera différente en 2024 puisqu'une part importante de cette hausse est consacrée à la vie étudiante. La réforme des bourses sur critères sociaux a entraîné un accroissement de 9 % des crédits consacrés aux bourses.

À l'instar de mon collègue Jean-François Rapin, je me satisfais de voir que les engagements pris dans la LPR ont été tenus dans ce projet de loi de finances, notamment au travers du recrutement de 525 doctorants et jeunes chercheurs supplémentaires. Mais, comme je l'avais également souligné en 2022, la forte inflation a largement érodé la trajectoire financière fixée en 2020.

Or l'inflation a également nécessité la mise en place de mesures salariales générales pour la fonction publique. Pourtant, le Gouvernement a choisi de ne compenser les établissements qu'à hauteur de la moitié de la hausse du point d'indice en 2024, sans d'ailleurs ajouter de moyens supplémentaires pour la moitié de 2023. Les établissements doivent donc mobiliser leurs fonds propres, à hauteur d'environ 150 millions d'euros, pour exécuter une mesure décidée seulement par le Gouvernement. En revanche, ils devraient disposer d'un report de 100 millions d'euros de crédits supplémentaires, votés en 2022, afin d'absorber une part de leurs surcoûts énergétiques.

Je voudrais revenir sur deux tendances de long terme, qui transforment progressivement et structurellement l'enseignement supérieur public dans notre pays. La première est liée au développement de l'apprentissage : le nombre d'apprentis dans l'enseignement supérieur a crû de 140 % depuis 2017. En deux ans, il a même plus que doublé dans les écoles de commerce. L'apprentissage constitue le plus souvent un atout de formation pour les étudiants, ainsi qu'une réponse au financement de leurs études. Aussi vertueux soit-il, le développement de l'apprentissage constitue pour autant une forme d'externalisation du financement de l'enseignement supérieur.

La seconde est l'augmentation du nombre d'étudiants de l'enseignement supérieur privé - elle est notamment nourrie par les déçus de Parcoursup, même si elle répond également à une demande de nouvelles formations dans certains secteurs -, qui s'élève à 68 % entre 2014 et 2023. Le secteur privé représente désormais 40 % des étudiants en écoles d'ingénieurs dans notre pays. L'enjeu est, me semble-t-il, d'éviter que cette tendance n'entraîne la perte d'attractivité du secteur public. Il est donc crucial de veiller au contenu global des formations délivrées bénéficiant d'un agrément du ministère.

En loi de finances initiale pour 2023, quelque 35 millions d'euros ont été prévus pour la mise en place expérimentale des contrats d'objectifs, de moyens et de performance (Comp) avec certaines universités. Ce montant a été maintenu en 2024, mais sans bénéficier de moyens nouveaux. Si l'idée est intéressante, les montants concernés sont toutefois bien trop faibles pour constituer une véritable incitation pour les universités.

J'en viens maintenant aux moyens consacrés à la vie étudiante. Les bourses sur critères sociaux ont été réformées - c'était nécessaire - à la rentrée de septembre 2023. Les plafonds de ressources n'ayant pas été revalorisés depuis 2013, le nombre d'étudiants boursiers était en constante érosion. Entre 2021 et 2022, on a dénombré 80 000 étudiants boursiers de moins, alors même que la crise sanitaire a accru les phénomènes de précarité étudiante. En conséquence, les montants ouverts au titre des bourses étudiantes ont été fortement sous-consommés au cours des deux dernières années.

La réforme des bourses prévoit, outre une revalorisation des plafonds, qui devrait accroître le nombre d'étudiants éligibles, une augmentation de 37 euros par mois. Des mesures spécifiques sont prévues pour les étudiants en situation de handicap ou pour les aidants, ainsi que pour les étudiants ultramarins. Le montant inscrit dans le projet de loi de finances pour 2024 au titre des bourses sur critères sociaux s'élève ainsi à 2,5 milliards d'euros.

En parallèle, la subvention versée au réseau des oeuvres universitaires progressera de 69,8 millions d'euros. Il s'agit non pas d'accorder de nouveaux moyens, mais d'ajuster ceux qui existent déjà pour tenir compte de l'accroissement de l'offre de restauration des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) et du gel des loyers dans les résidences étudiantes.

Les différents dispositifs à destination des étudiants précaires, notamment le repas à 1 euro pour les étudiants boursiers et le gel des loyers dans les résidences étudiantes, pèsent fortement sur les ressources des Crous.

Le modèle économique du réseau des Crous, mis en péril pendant la crise sanitaire, est désormais fragile. La hausse des coûts des denrées alimentaires a engendré une forme d'effet ciseaux : le nombre de repas servis augmente de façon exponentielle et en même temps l'on constate un renchérissement des prix alimentaires. La fréquentation des restaurants universitaires croît en parallèle très rapidement : l'activité à la rentrée 2023 a été supérieure de 7 % à l'année précédente, alors qu'elle avait déjà augmenté de 20 % par rapport à l'année 2021. Cela doit constituer un point de vigilance de notre part.

Ces remarques mises à part, je vous propose d'adopter les crédits pour les programmes relatifs à l'enseignement supérieur au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je remercie nos deux rapporteurs spéciaux qui ont dressé un panorama complet de la situation budgétaire de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Qu'en est-il de la trésorerie des opérateurs rattachés à cette mission ? Le ministre de l'économie nous a expliqué qu'il devait récupérer, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, près de la moitié de 2,5 milliards d'euros excédentaires identifiés sur les fonds des opérateurs. Le ministre avait notamment mentionné un excédent pour le CNRS de plus d'un milliard d'euros. La ministre de l'enseignement supérieur avait également mentionné les universités, sujet particulièrement sensible, et la Cour des comptes avait mis en avant un gisement de 500 millions d'euros. Par ailleurs, le projet de loi de finances de fin de gestion prévoit sur cette mission une ponction de près de 400 millions d'euros, ce que je trouve en contradiction avec les évolutions prévues pour 2024.

M. Marc Laménie. - Le président de l'université de Reims Champagne-Ardenne m'a fait part de la situation financière très difficile qu'il rencontre, dans un contexte d'inflation et de surcoûts énergétiques, auquel il faut ajouter les mesures sociales de revalorisation des rémunérations des agents publics. Dans ces conditions, la disponibilité de ses fonds de roulement est très réduite. Quel est votre avis sur cette situation, ma chère collègue ?

M. Michel Canévet. - Des ponctions dans la trésorerie des universités sont-elles envisagées ? De plus, des moyens sont-ils prévus dans ce budget pour permettre la modernisation et l'adaptation des bâtiments des universités aux impératifs de la transition énergétique ?

En ce qui concerne le programme de financement de la recherche Horizon Europe, si la France n'est pas le pays qui a le meilleur taux de retour sur investissement, lequel est-ce ? Y a-t-il des actions particulières à mettre en oeuvre pour atteindre le premier rang, notamment en regardant ce qui se fait dans les autres pays ?

Mme Florence Blatrix Contat. - La hausse des crédits de la mission, qui s'élève cette année à 3,2 %, est à peine supérieure à l'inflation, qui est prévue à 2,5 %...

Quels moyens seront véritablement accordés aux universités pour compenser les surcoûts énergétiques ? De plus, la baisse des crédits relatifs à la maintenance et à la logistique immobilière ne permet pas aux établissements d'entretenir leur patrimoine immobilier.

Selon moi, il est réducteur de dire que les élèves se tournent vers des structures privées du fait de l'incertitude des résultats de Parcoursup. Il faudrait analyser les formations qui pourraient être mises en place et s'attacher à contrôler le contenu des formations privées et des agréments donnés.

Par ailleurs, je partage les inquiétudes de madame la rapporteur spécial à propos des Crous : ils ont besoin de davantage de moyens, car la précarité étudiante est très forte et s'accroît !

Dans ces conditions, nous réservons notre vote.

Mme Christine Lavarde. - Les opérateurs qui se voient attribuer des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » bénéficient également de subventions issues d'autres programmes pour des actions spécifiques. Dans ces conditions, monsieur le rapporteur spécial, avez-vous une image agrégée des budgets de fonctionnement des grands opérateurs, dont les financements proviennent de différentes missions budgétaires ?

Du reste, certains opérateurs publics bénéficient des crédits du plan France 2030... C'est de l'économie circulaire ! Les subventions auraient pu leur être directement versées sans passer par un dispositif aussi compliqué qu'un appel à projets ou un appel à manifestation d'intérêt. Quelle est la masse financière des crédits provenant de France 2030 et dévolus aux opérateurs publics de recherche ?

M. Claude Raynal, président. - Qu'en est-il de la poursuite du financement des sociétés d'accélération du transfert de technologies (Satt), lequel arrive, me semble-t-il, bientôt à échéance ?

Il faudrait faire un bilan des dix ans de financement des Satt et analyser les perspectives. Cette question concerne à la fois la mission « Investir pour la France de 2030 » et la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Pourrions-nous disposer d'une telle analyse de votre part ?

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. - Monsieur le rapporteur général, la question de la trésorerie des opérateurs est liée à celle des fonds de roulement. Certains opérateurs ont beaucoup de liquidités immédiatement disponibles et des fonds de roulement très modestes. D'autres ont des difficultés, alors qu'ils ont une trésorerie importante, qui est liée à la lente programmation des versements dans la recherche, où le calendrier est pluriannuel.

Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial. - Le fonds de roulement net des universités s'élevait à 623 millions d'euros en 2022, dont près des trois quarts sont déjà mobilisés pour des projets pluriannuels. La disparité des situations entre les universités est très grande. Si elles peuvent constituer des fonds de roulement, les universités n'ont pas le droit de recourir à l'emprunt, y compris pour investir ! En outre, la moitié des hausses du point d'indice doit être assurée par la mobilisation des fonds de roulement.

Le besoin d'investissement pour rénover le patrimoine universitaire s'élève à plus de 7 milliards d'euros, selon notre rapport de 2021 intitulé Gestion de l'immobilier universitaire : un sursaut indispensable pour un avenir soutenable. Dans le cadre du Plan de relance, l'appel à projets dédié à la rénovation énergétique des bâtiments publics a mobilisé environ 1 milliard d'euros à destination des bâtiments de l'enseignement supérieur.

J'espère que les universités vont s'emparer du dispositif de tiers financement, dont les décrets d'application ont été publiés récemment. Ce dispositif permet de faire financer au secteur privé les travaux de rénovation des bâtiments publics, en négociant des contrats d'achat d'énergie d'une durée de quinze ans ou de vingt ans. Le privé se rémunère via la vente directe d'électricité (PPA - Power Purchase Agreement), c'est-à-dire sur le coût de l'énergie. Ainsi, les établissements peuvent adapter leur patrimoine aux objectifs de transition énergétique sans supporter le coût de l'investissement.

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. - C'est l'Allemagne qui a le meilleur taux de retour pour le programme Horizon Europe.

Les actions qui permettraient à la France de progresser sont déjà mises en place par les grands opérateurs. Par exemple, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ou l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) ont instauré des groupes de travail assistant leurs laboratoires dans le dépôt de dossiers européens. Le problème est davantage lié à la capacité des petits opérateurs à aller chercher ces financements européens. Il faudrait peut-être imaginer des dispositifs qui permettent des passerelles entre les plus petits opérateurs et les plus grands, tels que le CNRS.

Par ailleurs, personne ne peut prédire le prix de l'énergie en 2024, ce qui n'est pas sans conséquence sur les besoins en fonds de roulement. Comme l'an dernier, la situation est pleine d'incertitudes.

Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial. - L'enseignement supérieur privé répond bien sûr à d'autres attentes et préoccupations que la simple déception résultant de Parcoursup. Sans doute faut-il que nous révisions les contenus pédagogiques de certaines formations de l'enseignement public, lesquelles ne répondent plus aux attentes des étudiants.

Les repas à tarifs sociaux des restaurants universitaires (repas à 1 euro et à 3,30 euros) représentent un coût de 50 millions d'euros, et 17 millions de repas servis par an.

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. - Au sein de notre mission, il y a des croisements de crédits, ce qui complique évidemment notre tâche.

Pour le plan France 2030, nous avons identifié en 2022 près de 1,3 milliard d'euros de crédits de paiement dans le secteur de la recherche. À titre d'exemple, le Centre national d'études spatiales (CNES) que nous avons auditionné est chargé de la mise en oeuvre d'un dispositif du plan France 2030 qui est financé par des crédits additionnels extérieurs à sa subvention annuelle versée par la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Je rejoins notre collègue Christine Lavarde sur le fait que ce type de flux croisés au sein du budget général donne l'impression d'une « économie circulaire » qui risque de générer des coûts de gestion qui ne sont pas indispensables et que nous devons suivre de près.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Projet de loi de finances pour 2024 - Mission « Sécurités » et compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation » - Examen du rapport spécial

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons maintenant le rapport spécial de MM. Bruno Belin et Jean Pierre Vogel sur les crédits de la mission « Sécurités » et du compte d'affectation spéciale (CAS) « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » du projet de loi de finances pour 2024.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial sur les programmes « Gendarmerie nationale », « Police nationale » et « Sécurité et éducation routières » de la mission « Sécurités » et sur le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ». - L'examen des crédits de la mission « Sécurités » pour 2024, soit au total 24,2 milliards d'euros, intervient quelques mois après que la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) a fixé la trajectoire du budget du ministère de l'intérieur et des outre-mer pour les années 2023 à 2027. J'ai donc analysé les crédits de l'année prochaine notamment à la lumière de ce qui a été prévu par cette loi d'orientation, qui a été adoptée par le Sénat. J'ai notamment entendu les directeurs généraux de la police et de la gendarmerie nationales, la directrice nationale adjointe de la police aux frontières et la déléguée interministérielle à la sécurité routière.

Le budget pour l'année prochaine est marqué pour la gendarmerie et la police nationales par deux éléments majeurs. D'une part, un élément conjoncturel d'une ampleur exceptionnelle : l'organisation en France des jeux Olympiques et Paralympiques, qui mettra les forces de sécurité intérieure à rude épreuve. D'autre part, un enjeu structurel : celui de la nécessité de mieux sécuriser nos frontières, dans un contexte de hausse de la pression migratoire. J'ai donc également analysé le budget pour 2024 à la lumière de ces deux enjeux.

Venons-en à l'examen des crédits de la police et de la gendarmerie pour 2024.

S'agissant de la police, les crédits sont en hausse de 660 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 560 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit une augmentation respective d'environ 5,2 % et 4,5 %. Le budget s'établit à près de 13 milliards d'euros en crédits de paiement.

Les crédits de la gendarmerie sont quant à eux en hausse de 500 millions d'euros en AE et de 483 millions d'euros en CP, soit une hausse d'environ 5 %. Le budget s'établit à 10,4 milliards d'euros.

Sur cette base, la trajectoire de la Lopmi est respectée. Le niveau des crédits prévu pour chacune des deux forces est même dépassé, de 140 millions d'euros pour la police et de 50 millions d'euros pour la gendarmerie.

Dans un contexte d'enjeux sécuritaires particulièrement forts, les budgets de la police et de la gendarmerie pourraient donc à première vue mériter un satisfecit. Néanmoins, en réalité, l'analyse plus détaillée de ces budgets fait apparaître un certain déséquilibre.

En effet, la hausse des budgets de la police et de la gendarmerie en 2024 résulte pour l'essentiel de l'augmentation des dépenses de personnel. Celles-ci augmentent d'environ 925 millions d'euros en 2024 pour les deux forces, ce qui représente environ 90 % de la hausse de l'ensemble des crédits pour les deux programmes.

Les crédits de personnel sont en très forte hausse pour deux raisons. D'abord, la poursuite de la hausse des effectifs, avec la création de près de 2 200 postes en 2024, quasiment autant dans la gendarmerie que dans la police. Ensuite, les mesures générales interministérielles concernant les fonctionnaires, d'une part, et les mesures catégorielles spécifiques à la police et la gendarmerie, d'autre part.

Une telle progression des crédits de personnel en 2024 a des conséquences directes sur les autres types de crédits, dits « hors titre 2 ». Ainsi, si les dépenses d'équipement des policiers dans le domaine numérique sont dynamiques, les crédits concernant l'immobilier et les moyens mobiles connaissent des évolutions contrastées, alors qu'une hausse était nécessaire. Le directeur général de la gendarmerie a d'ailleurs insisté auprès de moi sur les enjeux immobiliers, qui constituent pour lui un point noir.

Il ne s'agit pas de dire que le projet de budget n'est pas bon : les moyens sont en nette hausse et la trajectoire de la Lopmi est respectée. Il s'agit plutôt de souligner les limites de la hausse des crédits.

Je poursuis pour évoquer deux thèmes centraux, que je citais en introduction, pour les forces de gendarmerie et de police en 2024, à savoir l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques et la sécurisation des frontières face à la pression migratoire.

S'agissant de l'organisation des jeux Olympiques, le défi est immense pour les forces de sécurité intérieure et il faut avoir conscience qu'il s'étale sur une période plus longue que celle des jeux Olympiques eux-mêmes. Dès début mai, la France accueillera la flamme Olympique, ce qui mobilisera beaucoup de moyens. Il faut donc compter sur environ cinq mois de forte mobilisation des forces de sécurité sur tout le territoire, y compris outre-mer.

J'ajoute qu'il y aura d'autres événements importants sur la même période : le quatre-vingtième anniversaire des débarquements en Provence et en Normandie, celui de la libération de Paris, etc. Le directeur général de la gendarmerie nationale parle d'un impact des jeux estimé provisoirement à hauteur de 61 millions d'euros en 2024, dont la moitié en termes de dépenses de personnel.

Par ailleurs, cela aura un impact important sur les autres activités qui ont lieu en France habituellement au même moment, par exemple dans les stations balnéaires. En effet, les CRS assurant généralement la surveillance des plages seront mobilisés ailleurs.

Je poursuis s'agissant de la sécurisation de nos frontières. Comme l'a clairement souligné Marie-Carole Ciuntu dans son rapport sur la mission « Immigration », la pression migratoire pesant aujourd'hui sur la France est très forte. Le Gouvernement attend ainsi 160 000 demandes d'asile en 2024, soit un niveau environ 20 % plus élevé que le record historique de 2019. Mes auditions m'ont permis à cet égard de faire un point sur la situation particulière de Mayotte, particulièrement tendue.

De manière générale, cette question - j'y ajoute la hausse du trafic aérien, le Brexit ou encore les évolutions géopolitiques - mobilise énormément la police et la gendarmerie aux frontières. L'ensemble des effectifs compétents de la police, au sein des différentes directions et principalement de la direction nationale de la police aux frontières (DNPAF), représentent un effectif total mobilisé estimé à un peu plus de 15 500 agents en équivalent temps plein. Un plan de recrutement de 1 500 agents est par ailleurs en cours au sein de la police aux frontières. Côté gendarmerie nationale, 1 000 personnes sont chargés de la sécurisation des frontières.

Je termine avec quelques éléments sur la sécurité routière, qui mobilise un budget cumulé sur l'ensemble des missions budgétaires d'environ 4 milliards d'euros. Dans le cadre de mes compétences, j'ai examiné le budget du programme 207 « Sécurité et éducation routières » et celui du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », dit « CAS Radars ». Ces budgets sont à la hausse.

S'agissant des résultats, encore 3 550 personnes sont décédées sur la route en 2022, très loin certes des chiffres que nous connaissions dans les années 1970. La déléguée interministérielle à la sécurité routière m'indiquait qu'en schématisant, 30 % des décès sont dus à un excès de vitesse, 30 % à la consommation d'alcool, 20 % à l'usage de produits stupéfiants et 12 % à l'usage du téléphone. Vous le voyez, nous pouvons encore faire mieux !

Enfin, concernant le « CAS Radars », je rappelle qu'environ 40 % du montant cumulé des amendes affecté au compte est reversé aux collectivités.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, je vous propose d'adopter les crédits des programmes de la mission « Sécurités » que je viens d'évoquer, ainsi que ceux du CAS « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial sur le programme « Sécurité civile » de la mission « Sécurités ». - Le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 prévoit une dotation de 686,5 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 734,6 millions d'euros en crédits de paiement (CP) sur le programme « Sécurité civile ». Cela correspond ainsi à une baisse substantielle de près de 53,4 % en AE et une augmentation de 2,8 % en CP des crédits du programme par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2023.

Ces chiffres doivent être nuancés, pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, la baisse des AE, particulièrement importante cette année, s'explique par les montants exceptionnellement élevés engagés en 2023 pour le renouvellement de la flotte d'hélicoptères et la concrétisation éventuelle d'une commande de Canadair.

Surtout, le budget qui nous a été présenté début octobre est en réalité incomplet ; il devrait être substantiellement modifié en cours de discussion. Le Gouvernement a en effet déposé hier à l'Assemblée nationale un amendement visant à augmenter les crédits du programme de 215,2 millions d'euros en AE et 145,8 millions d'euros en CP, ce qui représente une hausse de plus de 30 % en AE et de près de 20 % en CP par rapport aux montants initialement budgétés.

Cela fait deux années consécutives que le Gouvernement modifie substantiellement le budget de la sécurité civile en cours de discussion du PLF. Ce procédé n'est pas satisfaisant : il nuit à la clarté des débats au Parlement et va à l'encontre du principe de sincérité budgétaire. Cette méthode est d'autant plus contestable cette année que l'amendement du Gouvernement vise notamment à financer des mesures annoncées par le Président de la République il y a un an !

On peut néanmoins se féliciter de l'augmentation du budget de la sécurité civile grâce à cet amendement, qui devrait servir à financer, d'après son exposé des motifs, plusieurs mesures telles que la création d'une nouvelle unité d'instruction et d'intervention de la sécurité civile (UIISC), le renforcement des colonnes de renfort ou le renouvellement de la flotte aérienne de la sécurité civile.

Concernant cette dernière mesure, nous aurons l'occasion de demander des précisions au Gouvernement lors de nos débats au Sénat, plus particulièrement sur les commandes de nouveaux Canadair, dont la concrétisation suscite de très nombreux doutes. Une commande financée par l'Union européenne a certes été actée et la France devrait bénéficier dans ce cadre de la livraison de deux Canadair, auxquels s'ajouteront peut-être deux autres appareils financés sur fonds propres.

Toutefois, comme je l'avais déjà indiqué devant notre commission en juillet dernier lors de la présentation de mon rapport de contrôle sur la flotte d'aéronefs bombardiers d'eau de la sécurité civile, nous ne pouvons espérer acquérir le premier avion avant 2027 compte tenu des délais de production et de certification des appareils. Le Président de la République avait pourtant promis dans son discours du 28 octobre 2022 que la flotte de douze Canadair existants serait totalement renouvelée et portée à seize appareils d'ici la fin de son quinquennat : cette annonce était pour le moins imprudente, voire totalement irréaliste !

En revanche, je me félicite de la concrétisation en 2024 du renouvellement de la flotte d'hélicoptères de la sécurité civile, actée en LFI pour 2023 par l'inscription de 471,6 millions d'euros en AE. Près de 65,3 millions d'euros en CP sont prévus pour l'année 2024, qui sera marquée par la livraison des trois premiers hélicoptères. Au total, 36 hélicoptères de type H145 seront livrés d'ici à 2029, ce qui portera la flotte à 40 appareils.

Par ailleurs, je ne peux mentionner la flotte aérienne de la sécurité civile sans évoquer la campagne de lutte contre les feux de forêt de l'été 2023, qui constitue un vrai motif de satisfaction. Un dispositif inédit a été mis en oeuvre par le ministère de l'intérieur en réaction aux incendies de l'été 2022, dont l'ampleur quasi inédite avait provoqué la destruction de près de 72 000 hectares de végétation. Pour tirer les conséquences des incendies de 2022, la flotte permanente de lutte contre les feux de forêt a été renforcée par la location de cinq avions bombardiers d'eau supplémentaires prépositionnés dans le sud-ouest de la France.

Le ministère de l'intérieur a également eu recours en 2023 à la location de dix hélicoptères bombardiers d'eau dans le cadre d'un marché de quatre ans ferme, dont le coût annuel est estimé à 16,2 millions d'euros en période de faible intensité opérationnelle et à 20,6 millions d'euros en période de haute intensité.

Le PLF ne prévoit pourtant qu'une enveloppe de 7 millions d'euros consacrés à ces locations d'aéronefs. Le Gouvernement nous a toutefois indiqué que cette ligne budgétaire serait, elle aussi, abondée en cours de discussion...

L'année 2023 a également été marquée par la mise en oeuvre des pactes capacitaires destinés à renforcer les moyens opérationnels des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) par l'acquisition de matériels cofinancés par l'État.

La première année de mise en oeuvre de ces pactes capacitaires apparaît globalement satisfaisante. En effet, près de 150 millions d'euros en AE et 37,5 millions d'euros en CP devraient être engagées dès 2023 pour l'acquisition de plus de mille camions-citernes feux de forêt (CCF).

Toutefois, certains doutes subsistent quant aux délais de livraison des véhicules, compte tenu des difficultés rencontrées par les industriels sur les chaînes internationales d'approvisionnement.

Par ailleurs, certains Sdis auraient renoncé à bénéficier des pactes capacitaires, estimant que les véhicules présentés dans le référentiel élaboré par le ministère de l'intérieur afin d'uniformiser les commandes excédaient leurs besoins et leur revenaient plus chers que ceux qu'ils souhaitaient acquérir, y compris avec le bénéfice de la subvention de l'État. Mais cette analyse n'est pas partagée par l'ensemble des acteurs auditionnés dans le cadre de ce PLF et il semble, en tout état de cause, que ces difficultés n'auraient concerné qu'un nombre très limité de Sdis.

Le PLF pour 2024 prévoit un total de 9,7 millions d'euros en AE et 7,4 millions d'euros en CP pour la poursuite de ces pactes capacitaires, mais il semble, à la lecture de l'exposé des motifs de l'amendement déposé par le Gouvernement hier à l'Assemblée nationale, que cette ligne budgétaire sera également renforcée.

J'en viens maintenant au projet de mutualisation des systèmes d'information des SDIS, le NexSIS 18-112. La fin de l'année 2023 devrait être marquée par le déploiement effectif de NexSIS au sein de deux premiers Sdis et une deuxième vague de déploiement devrait intervenir en 2024.

Pour permettre la montée en puissance du projet, la subvention de l'État accordée à l'Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC) est portée cette année à 16,6 millions d'euros, soit une augmentation de plus de 67,5 % par rapport au montant inscrit en LFI pour 2023. Par ailleurs, le plafond d'emplois de l'ANSC sera porté à 22 ETP contre 14 ETP en 2023. On ne peut que se féliciter de cette augmentation des moyens accordés à l'agence, conformément aux recommandations formulées chaque année par notre commission lors des débats sur le projet de loi de finances.

Je conclurai mon propos en évoquant les crédits consacrés au renforcement des moyens des forces terrestres de la sécurité civile, en vue notamment des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Près de 22 millions d'euros sont prévus pour l'acquisition de nouveaux équipements contre le risque nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC) ; 8,7 millions d'euros sont prévus pour les équipes du Groupe d'intervention du déminage (GID), soit une hausse de 4,7 millions d'euros par rapport à 2023. Je me félicite de l'augmentation de ces moyens qui, je l'espère, permettra aux forces de la sécurité civile d'aborder sereinement cet événement particulièrement important pour la France.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, je vous propose d'adopter les crédits du programme « Sécurité civile » de la mission « Sécurités ».

- Présidence de M. Emmanuel Capus, vice-président -

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je voudrais tout d'abord remercier nos rapporteurs spéciaux pour la qualité de leurs rapports. Nous savons que la police et la gendarmerie connaissent des difficultés de recrutement. De plus, il semble que les personnes que nous recrutons aujourd'hui veulent servir moins longtemps, ce qui crée des difficultés supplémentaires dans certains territoires. Vos auditions vous ont-elles permis d'aborder cette question ? Quelles solutions sont envisagées pour résoudre ce problème ?

M. Bruno Belin, rapporteur spécial. - J'ai interrogé le directeur général de la gendarmerie nationale sur la question des vocations : il m'a indiqué qu'il avait encore quatre candidats pour un poste ; il n'était donc pas particulièrement inquiet à ce stade.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Mais il y a de fortes différences entre les territoires !

M. Jérôme Darras, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le programme « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités ». - Je souhaite d'abord excuser mon co-rapporteur pour avis, Philippe Paul, qui participe à la Conférence des présidents au nom de notre commission.

Ce budget de la gendarmerie nationale pour 2024 est certes en augmentation de 500 millions d'euros, en AE comme en CP, mais cette évolution masque des dépenses d'investissement en recul. Celles-ci semblent avoir été notamment victimes des mesures salariales et indiciaires interministérielles.

C'est d'autant plus dommageable que la gendarmerie avait elle-même notamment estimé le besoin d'investissement immobilier annuel à 300 millions d'euros. Avec 108,8 millions en crédits de paiement cette année contre 126 millions en 2023, nous en sommes très loin.

Le ralentissement du rythme de renouvellement des véhicules légers est lui aussi un sujet de préoccupation : après un effort notable entre 2020 et 2022, nous sommes descendus à 2 000 véhicules acquis en 2023 et seulement 500 annoncés pour 2024.

Il existe également des incertitudes sur le rythme de livraison d'équipements très attendus, comme les dix hélicoptères H160 construits par Airbus et financés par le plan de relance, dont la livraison est attendue pour 2024. Seront-ils opérationnels pour les jeux Olympiques ? Il semble que non.

Quant aux nouvelles brigades, aucun crédit n'est prévu en termes immobiliers - c'est ce qu'a déclaré le directeur général de la gendarmerie nationale à l'Assemblée nationale. Il semble que tout cela sera négocié au cas par cas avec les collectivités locales...

Il subsiste aussi une interrogation majeure sur la perspective pluriannuelle d'investissement : alors que l'an dernier, un effort de plus de 900 millions d'euros était annoncé pour 2025, cette ligne est désormais ramenée à 230 millions d'euros, sans rattrapage prévu l'année suivante. Nous comptons sur nos auditions à venir pour obtenir des éclaircissements sur ce point.

Enfin, nous constatons une baisse des dépenses de fonctionnement relatives à l'activité des forces et à la gestion du parc immobilier : - 91 millions d'euros.

M. Marc Laménie. - Je veux revenir sur le projet de création de 200 brigades de gendarmerie pour rappeler que certains territoires sont plus attractifs que d'autres. Dans les Ardennes, plusieurs brigades n'ont que quelques gendarmes affectés et beaucoup de postes sont non pourvus. Il faut aussi penser à ce type de problème quand on envisage de créer des brigades.

Par ailleurs, les forces de sécurité intérieure ont été beaucoup sollicitées ces dernières années avec les événements successifs que chacun connaît. Est-ce que les surcoûts pour l'État et les collectivités locales de cette hyperactivité ont été mesurés ? Quelle part la réserve opérationnelle a-t-elle prise dans cette activité ?

Pouvez-vous nous donner des informations en ce qui concerne les projets d'investissements en véhicules pour la police et la gendarmerie ?

S'agissant de la sécurité civile, comment susciter les vocations dans nos territoires, en particulier pour les sapeurs-pompiers volontaires ?

M. Thierry Cozic. - Concernant les programmes évoqués par Bruno Belin, on constate que les crédits progressent, avec une volonté politique de renforcer les effectifs. Je rappelle d'ailleurs que le Gouvernement a annoncé qu'il voulait doubler la présence des policiers sur la voie publique d'ici deux ans.

Or, dans le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution budgétaire pour 2022, on peut lire que « les responsables de programme sont contraints de dégrader la qualité des recrutements et des formations, d'autant que les viviers de recrutement s'assèchent peu à peu ». En outre, une note de la Cour de novembre 2021 relevait que le taux d'admission au concours de gardien de la paix était passé de 2 % en 2014 à 18 % en 2020, tandis que les formations de gardien de la paix et d'officier avaient été raccourcies.

Dans ces conditions, on peut s'interroger sur les moyens dégagés par le PLF pour 2024. Alors que la Lopmi prévoit d'augmenter de 50 % le temps de formation continue des policiers, les crédits correspondants sont en très forte baisse - plus de 30 %. Qu'en pensez-vous ?

Le Gouvernement a déclaré que le cyberespace était un enjeu prioritaire de sécurité, mais le projet de budget ne dit rien de précis à ce sujet sur les moyens financiers et humains qui lui sont alloués. Avez-vous des informations à ce sujet ? Combien de cyberpatrouilleurs ont déjà été formés et sont opérationnels ?

Enfin, les crédits de la sécurité routière sont certes en forte hausse et le Gouvernement prévoit de recruter 100 inspecteurs du permis de conduire sur la période 2023-2026, mais cela est-il compatible avec l'annonce d'un permis à 17 ans, alors qu'il est déjà difficile aujourd'hui de trouver des rendez-vous pour passer le permis ?

Mme Christine Lavarde. - J'ai lu que l'Agence régionale de santé d'Île-de-France envisageait de verser une prime aux personnels de santé qui accepteraient de ne pas prendre leurs congés durant la période des jeux Olympiques. La même question va nécessairement se poser pour les fonctionnaires de police et les agents des collectivités locales. Comment la police va-t-elle gérer ce problème de congés ? Dans quelles conditions ces congés seront-ils reportés et pris ensuite par les agents ?

M. Michel Canévet. - La mission « Sécurités » connaît une augmentation significative de crédits, ce qui est à souligner, car cela n'a pas toujours été le cas... Jérôme Darras évoquait le très faible niveau des crédits d'investissement. Quelle est la réalité de la situation en la matière ? Est-ce que la police et la gendarmerie sont toutes les deux également concernées ? Des recrutements sont prévus : est-ce que les écoles sont en mesure d'assurer la formation des nouveaux agents ?

Les collectivités locales sont autorisées à installer des radars. Où vont les recettes de ces radars ?

En ce qui concerne la sécurité civile, il est clair qu'il faut optimiser les moyens. Comment pouvons-nous aller encore plus loin en la matière, en particulier au niveau européen ?

Enfin, le rapporteur spécial évoquait les interrogations de certains Sdis sur le pacte capacitaire. Comment expliquer ces réticences ? Le catalogue des matériels est-il inadapté ou cela provient-il d'autres considérations ?

M. Stéphane Sautarel. - La mission « Plan de relance » a porté un certain nombre d'investissements destinés à la sécurité, notamment en matière immobilière et en termes de véhicules. Avons-nous une vision globale des dépenses d'investissements pour ce secteur ?

La Lopmi prévoit le déploiement de 200 nouvelles brigades de gendarmerie. Est-ce que des crédits spécifiques sont prévus en 2024 ?

Enfin, est-ce que les Sdis sont sollicités pour cofinancer le nouveau système NexSIS aux côtés de l'État ?

M. Laurent Somon. - Attirer des gendarmes en milieu rural passe notamment par les conditions de logement. Comment se répartit aujourd'hui l'immobilier entre l'État et les collectivités locales ? En zone rurale, ce sont souvent les intercommunalités qui construisent les gendarmeries. Comment évoluent les ratios d'entretien de ces biens ? Il semble que l'État y mette peu de moyens.

Est-ce que les chiffres annoncés pour le programme « Sécurité civile » prennent en compte la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) qui peut, le cas échéant, soutenir des projets de réhabilitation de centres d'incendie et de secours ?

M. Emmanuel Capus, président. - Avez-vous des précisions sur l'amendement du Gouvernement qui viendrait augmenter les crédits consacrés aux moyens aériens de la sécurité civile, et plus particulièrement, les crédits destinés à la location d'aéronefs ?

M. Bruno Belin, rapporteur spécial. - En ce qui concerne les radars, il y a en principe un pot commun et 40 % des recettes des amendes reviennent aux collectivités territoriales ; 20 % financent la politique d'installation des radars eux-mêmes et 40 % le désendettement de l'État. Pour les zones à faible émission (ZFE-m), le Gouvernement propose toutefois dans le projet de loi de finances pour 2024 de rétrocéder le produit des amendes directement aux collectivités.

Je n'ai pas à ce stade de réponse précise à apporter à Thierry Cozic concernant les effets de l'abaissement à venir de l'âge du passage de l'examen du permis de conduire à 17 ans ; en revanche, je peux indiquer que le recrutement pluriannuel de 100 examinateurs supplémentaires est bien en cours. Par ailleurs, le Gouvernement prévoit de recruter 1 500 cyber-inspecteurs dans la gendarmerie.

Au fond, mes chers collègues, vos questions ont montré qu'il existait deux grands sujets : les moyens humains et les moyens immobiliers.

Aujourd'hui, la propriété de l'immobilier se répartit en deux parts entre l'État et les collectivités. La question de l'immobilier est encore plus prégnante pour la gendarmerie que pour la police. Pour les nouvelles brigades, l'État va se tourner notamment vers les collectivités locales. Il est vrai que l'entretien des bâtiments de la gendarmerie est une réelle difficulté.

Les moyens humains, on le sait bien, sont un enjeu très important : 2 200 recrutements sont prévus en 2024, mais cela peut se faire au détriment des dépenses hors titre 2 - certains parlent même d'un déséquilibre. Il y a une volonté de rendre visibles les forces de l'ordre sur le terrain : le directeur général de la gendarmerie nationale me disait que son objectif n'était finalement pas d'arrêter les voleurs, mais plutôt qu'il n'y ait pas de vol !

En ce qui concerne les jeux Olympiques et les autres événements qui mobiliseront beaucoup de moyens humains en 2024, le directeur général de la gendarmerie nationale m'a indiqué que les gendarmes étaient des militaires et qu'ils obéiraient donc aux ordres qui leur seraient données, et qu'il ferait également appel à la réserve, qui compte environ 35 000 personnes - avec la volonté de la porter à 50 000 à terme, et à 40 000 d'ici les jeux. Pour la police nationale, il y aura un enjeu s'agissant des heures supplémentaires.

Je rappelle aussi que les forces devront être mobiles, car Paris ne sera pas le seul lieu concerné. Il faudra par exemple tenir compte des lieux d'entraînement des délégations - certaines présentant davantage de risques que d'autres - et du parcours de la flamme.

En tout cas, il est clair que des priorités devront être affichées entre les différentes missions pour déployer au mieux les moyens : la sécurisation des transfèrements de prisonniers devra par exemple être confiée au ministère de la Justice autant que possible.

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial. - Concernant le coût de la location des hélicoptères bombardiers d'eau, la budgétisation qui a initialement été retenue par le Gouvernement pour le PLF 2024 s'appuie sur les prix pratiqués par les entreprises de location lors de l'été 2022, qui était à l'époque plus avantageux. Le Gouvernement a annoncé un amendement qui pourrait porter ce montant à environ 17 millions d'euros - j'attends encore des informations précises à ce sujet -, soit un peu plus que ce qui est nécessaire en cas de basse intensité opérationnelle - plus de 20 millions sont nécessaires en cas de haute intensité.

Plusieurs mesures ont été prises pour favoriser l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires, par exemple la réduction des cotisations patronales, en contrepartie de la mise à disposition d'employés sapeurs-pompiers volontaires au bénéfice des Sdis. Nous avons toujours autant de candidats sur les concours de sapeurs-pompiers professionnels ; la question se pose donc d'abord pour les volontaires. Je crois que nous devons travailler à recentrer les missions des sapeurs-pompiers sur le coeur de métier ; par exemple, ils ont trop tendance à être utilisés pour pallier la carence en ambulanciers privés. En outre, certaines missions sont rallongées par des circonstances extérieures, par exemple la fermeture de certains services d'urgence dans les hôpitaux. La réduction de la durée d'engagement de certains sapeurs-pompiers s'explique aussi par le fait qu'ils assurent de plus en plus des missions qui ne sont théoriquement pas les leurs. En tout cas, tous les Sdis et toutes les collectivités concernées se mobilisent pour éveiller les vocations.

En ce qui concerne l'optimisation des moyens, des progrès ont déjà été réalisés. Une commande mutualisée de 12 Canadair, dont deux pour la France, a été actée au niveau européen dans le cadre du programme RescEU, et j'espère que cela ne restera pas une promesse inaboutie. Le mécanisme de protection civile de l'Union européenne permet également de mutualiser des moyens de sécurité civile entre les États membres en cas de crise. En 2023, la France a par exemple prêté deux Canadair et un avion de commandement Beechcraft à la Grèce qui était frappée par de graves incendies. Des moyens terrestres peuvent également être mobilisés dans un tel cadre.

S'agissant de la réticence de certains Sdis sur le pacte capacitaire, le cas que j'évoquais me semble isolé et très particulier. La grande majorité des Sdis a plutôt un ressenti positif. L'harmonisation des équipements est également intéressante, quand les forces interviennent en renfort dans d'autres départements : avoir des équipements comparables, voire identiques, présente un réel intérêt opérationnel.

Enfin, NexSIS est cofinancé par les Sdis, à hauteur d'environ 200 millions d'euros, et par l'État pour 100 millions d'euros. La maintenance du système sera portée par les Sdis, mais ils devraient y trouver des économies par rapport à l'existant.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Sécurités » et du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

La réunion est close à 17 h 30.