Mercredi 11 octobre 2023

- Présidence de M. Cédric Perrin, président -

La réunion est ouverte à 10 h 00.

Projet de loi de finances pour 2024 - Désignation des rapporteurs pour avis

M. Cédric Perrin, président. - Mes chers collègues, le Bureau de la commission vient de se réunir et a débattu de notre programme de travail et des projets de déplacement pour la session 2023-2024.

Comme vous le savez, l'actualité internationale est particulièrement dense et nous devons encore affiner les thèmes de nos prochains rapports d'information pour essayer de dégager une vision globale. La prochaine réunion du Bureau sera l'occasion de préciser les choses.

M. Roger Karoutchi. - Le groupe d'amitié France-Israël du Sénat a reçu ce matin l'Ambassadeur d'Israël en France, qui nous a informés de la situation sur place et de la manière dont Israël envisage la suite des événements. Le président Gérard Larcher et environ trente sénateurs étaient présents.

Mme Hélène Conway-Mouret. - De nombreux Français qui se trouvent en Israël veulent rentrer, mais la France n'organise pas de vols spéciaux comme le font d'autres pays. Nous devons nous mobiliser en faveur de ces Français qui se trouvent ainsi bloqués.

M. Cédric Perrin, président. - J'ai également été saisi de cette question.

M. Roger Karoutchi. - La compagnie El Al continue ses vols ; de nombreuses personnes rentrent donc par des vols réguliers. Il y a environ 200 000 Français en Israël ; entre 700 et 800 personnes ont demandé à rentrer.

M. Loïc Hervé. - Je voudrais aborder un autre sujet. Avant d'être sénateur, j'avais souscrit un engagement à servir dans la réserve (ESR) dans la marine. Mais depuis quelques années, cela n'est plus possible pour les parlementaires : ils ne peuvent participer qu'à la réserve citoyenne, ce qui n'est pas la même chose. Je crois que nous devons faire évoluer cette situation.

M. Cédric Perrin, président. - C'est une question que vous pourrez poser cet après-midi au ministre.

La commission a désigné ses rapporteurs budgétaires pour avis :

MISSION

PROGRAMME

RAPPORTEURS POUR AVIS

Défense

Environnement et prospective de la politique de défense (144)

M. Pascal ALLIZARD

Mme Gisèle JOURDA

Équipement des forces (146)

M. Hugues SAURY

Mme Hélène CONWAY-MOURET

Préparation et emploi des forces (178)

M. Olivier CIGOLOTTI

Mme Michelle GRÉAUME

Soutien de la politique de la défense (212)

M. Joël GUERRIAU

Mme Marie-Arlette CARLOTTI

Action extérieure de l'État

Action de la France en Europe et dans le monde (105)

Mme Valérie BOYER

M. Jean-Baptiste LEMOYNE

Français à l'étranger et affaires consulaires (151)

M. Ronan LE GLEUT

M. Guillaume GONTARD

Diplomatie culturelle et d'influence (185)

Mme Catherine DUMAS

M. Didier MARIE

Aide publique au développement

Toute la mission

M. Christian CAMBON

M. Patrice JOLY

Direction de l'action du Gouvernement

Coordination du travail gouvernemental (129)

M. Olivier CADIC

M. Mickaël VALLET

Sécurités

Gendarmerie nationale (152)

M. Philippe PAUL

M. Jérôme DARRAS

Médias, livre et industries culturelles

Compte spécial : Avances à l'audiovisuel public

France Médias Monde (844) et TV5 Monde (847)

M. Roger KAROUTCHI

M. Jean-Noël GUÉRINI

La réunion est close à 10 h 30.

La réunion est ouverte à 16 h 30.

Projet de loi de finances pour 2024 - Audition de M. Sébastien Lecornu, ministre des armées

M. Cédric Perrin, président. - Je suis très heureux de vous accueillir ce soir au Sénat pour engager le débat sur la loi de finances pour 2024 qui constitue la première application de la loi du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030.

Monsieur le ministre, avant d'en venir au sujet budgétaire du jour, vous comprendrez que je souhaite, avec vous, marquer un temps de recueillement à la suite des terribles événements survenus depuis samedi dernier en Israël et dans la bande de Gaza. Le Sénat vient de rendre hommage en séance aux victimes de cette effroyable attaque terroriste, au cours de laquelle plusieurs de nos compatriotes ont perdu la vie. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre, se lèvent et observent un temps de recueillement.)

Cette attaque pose des questions en matière de stabilité de l'ensemble de la région et des questions de sécurité qui nous concernent aussi. Nous nous préoccupons, bien évidemment, du sort des otages emmenés à Gaza, dont sans doute plusieurs de nos compatriotes. Monsieur le ministre, il nous sera précieux d'avoir votre analyse sur cet événement terrible et sur ses conséquences.

J'en reviens à notre travail de préparation de la loi de finances. La loi de programmation militaire (LPM) a fait l'objet d'un accord des deux chambres du Parlement, ce qui n'était pas acquis. Votre implication et la qualité du dialogue que vous avez eu avec le Sénat ont constitué deux atouts pour arriver à ce résultat. Je salue aussi l'engagement du président Christian Cambon, qui a obtenu de nombreuses améliorations du texte parmi lesquelles une meilleure trajectoire budgétaire. La prise en compte de nos préoccupations a été importante pour nous convaincre de voter cette loi en dépit de toutes les interrogations que nous avions et que nous continuons d'avoir sur certains points.

Cet accord du Sénat sur la loi de programmation militaire ne signifie pas que ce texte suffira à répondre à l'ensemble des enjeux auxquels nous sommes confrontés. La situation internationale est grave. Nous voyons bien la nécessité de relancer l'effort de défense de notre pays. L'installation dans la durée de la guerre en Ukraine, le départ des forces françaises du Niger, les menaces qui pèsent sur l'Arménie et, depuis samedi dernier, la brutalité de l'attaque terroriste que subit Israël sont autant de signes du caractère durable et polymorphe des défis que nous devons affronter.

Nous avons donc besoin que la loi de programmation militaire constitue un socle sur lequel pourront s'ajouter dans les années qui viennent de nouveaux moyens. Notre rôle est à la fois de défendre ce socle et de le consolider. Je rappelle, à cet égard, que l'article 4 de la loi de programmation prévoit que la « trajectoire de ressources budgétaires s'entend comme un minimum ».

Nous veillerons à ce que le niveau de l'effort national de défense atteigne 2 % du PIB en 2025 et nous voulons préparer dès aujourd'hui l'actualisation de la LPM qui devra intervenir avant la fin de l'année 2027. Nous serons donc très attentifs à votre présentation des ressources budgétaires, mais également extrabudgétaires, pour 2024, afin de respecter cet objectif.

Nous prenons acte de l'augmentation des ressources budgétaires de la mission défense, prévue par le projet de loi de finances (PLF) pour 2024, à hauteur de 3,3 milliards d'euros par rapport à la précédente loi de finances, conformément à l'accord que nous avons trouvé sur la LPM. Ces moyens supplémentaires devront permettre d'améliorer la préparation opérationnelle des militaires, comme les sénateurs et les députés l'ont souhaité de concert. Pouvez-vous nous confirmer qu'il en sera ainsi ?

Pour exercer notre mission, nous avons besoin que l'information du Parlement soit conforme aux principes fixés par la loi. Dans un passé récent, il nous est arrivé de regretter le caractère insuffisamment précis, voire dilatoire, des données qui nous étaient fournies en matière capacitaire. La disponibilité technique opérationnelle (DTO) et les indicateurs d'activité ne figurent plus dans le bleu budgétaire. Vous avez pris des engagements sur ce sujet et vous m'avez communiqué, ainsi qu'à mon homologue de l'Assemblée nationale, un certain nombre d'informations. Nous considérons que ces éléments sont utiles à la compréhension du public et à notre mission constitutionnelle de contrôle de l'action du Gouvernement, voire d'alerte en cas de difficultés. Nous espérons donc que la mise en oeuvre de la LPM inaugurera des méthodes nouvelles et favorisera une plus grande transparence à l'égard du Parlement - je sais que vous y êtes très attaché.

De même, concernant l'effort national de soutien à l'Ukraine, nous attendons de votre part une évaluation sincère et détaillée dans le cadre de ce PLF.

Je laisserai, bien entendu, nos rapporteurs vous interroger précisément dans quelques instants sur chacune de leurs préoccupations. Permettez-moi cependant de partager avec vous trois interrogations.

L'arme blindée est redevenue un acteur essentiel des conflits actuels. Le dialogue que nous entretenons avec notre partenaire allemand est complexe. Pouvez-vous nous assurer que vous ne serez pas le ministre de la défense qui mettra un terme à la longue histoire du savoir-faire français en matière de construction de chars ? En d'autres termes, pouvez-vous nous rassurer sur le fait que nous ne nous interdisons aucune option si le projet de char franco-allemand ne devait pas aboutir, afin de conserver notre souveraineté sur ce type de matériel ?

Concernant l'aide que nous apportons à l'Ukraine, nous savons qu'elle devra s'inscrire dans la durée, car ce conflit sera long. Or les industriels de la défense continuent de nous alerter sur le fait qu'aucune commande significative n'est passée afin d'éviter d'avoir à puiser dans nos propres stocks. Vous vous êtes rendu à Kiev, il y a quelques jours, avec une délégation d'industriels, afin de nouer un partenariat industriel de long terme. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce sujet ?

Enfin, le Président de la République a annoncé, il y a deux semaines, sa décision de retirer d'ici à la fin de l'année en cours les 1 500 militaires français présents au Niger. C'est une nouvelle déconvenue et nous sommes nombreux à nous interroger sur la cohérence de la stratégie suivie depuis le putsch intervenu dans ce pays.

Je vous rappelle que cette audition est captée et diffusée en direct sur le site internet du Sénat.

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. - Permettez-moi tout d'abord de vous féliciter pour votre élection à la présidence de cette commission et de saluer l'ensemble de vos collègues. J'ai une pensée particulière pour le président Christian Cambon, qui m'a accueilli comme jeune ministre des armées nouvellement nommé et qui nous a permis de créer un lien de confiance avec la commission. Grâce à la maturité démocratique que nous avons acquise, le Parlement peut intervenir sur des sujets régaliens, dont celui de la défense. C'est le propre d'une grande démocratie que de pouvoir avoir un débat éclairé et transpartisan dans un contexte où plus rien n'est consensuel. Alors que la loi de programmation militaire est désormais promulguée, nous entrons dans un nouveau cycle de contrôle de son exécution.

Cette audition budgétaire peut donner une impression de déjà vu, puisqu'il s'agit d'examiner ce que sera l'année « n1 » de la programmation, en 2024. Or cette année joue un rôle clé, car elle permet un tuilage avec la loi de programmation militaire précédente, elle préfigure les éléments de stratégie qui seront développés, elle permet d'entrer dans l'exécution des orientations retenues par les parlementaires et elle traduit, au-delà des 3,3 milliards d'euros de budget supplémentaires, l'effort considérable de la Nation. De manière générale, il nous faudra alterner de plus en plus entre l'exécution la plus rigoureuse possible de ce qui a été programmé et un débat intellectuel sur ce qu'il convient d'adapter dans la programmation. Vous avez cité l'échéance de 2027 ; or depuis la promulgation de la LPM, le 14 juillet dernier, la situation sécuritaire du monde s'est aggravée, qu'il s'agisse du risque terroriste majeur au Sahel, du conflit en Arménie, des événements en Israël ou bien encore de la guerre en Ukraine. La nature même des menaces et des sauts technologiques implique que notre programmation militaire soit vivante, ce qui nécessitera de la méthode. Les deux assemblées parlementaires seront le lieu où nous pourrons mener le débat intellectuel pour procéder à des adaptations.

Néanmoins, la présentation des crédits que je vous ferai sera fidèle en tout point à la programmation telle que vous l'avez votée, ce qui est rassurant dans la mesure où la LPM vient d'être promulguée. Je m'attacherai à rappeler ce qu'il convient de réparer. Nous avons également beaucoup travaillé sur l'équilibre entre la cohérence et la masse et je vous livrerai, de manière moins technique qu'à l'accoutumée, certains cas pratiques que les états-majors ont prévu de mettre en place pour 2024. Enfin, je reviendrai sur les nombreux sauts technologiques qui s'imposent à nous, qu'il s'agisse de réparer ce qui a été abîmé dans le passé ou de nous ouvrir à des segments nouveaux comme l'intelligence artificielle, le quantique, le cyber ou le spatial.

Le Conseil constitutionnel, saisi par les députés de la France insoumise, a estimé qu'un certain nombre de dispositions de cette LPM étaient des cavaliers. Il ne m'appartient pas de le contester, mais certaines de ces mesures avaient fait l'objet d'un engagement politique de ma part, lorsque nous les avions examinées. Je tiens à préciser que ces engagements n'ont pas forcément besoin d'être inscrits dans la LPM pour être tenus : par exemple, sur l'exportation des armes, qui avait donné lieu à un débat nourri, j'ai été entendu en audition à l'Assemblée nationale et je reste disponible pour une audition au Sénat. Il suffit parfois d'une volonté politique commune entre le Gouvernement et le Parlement pour avancer sur certains sujets.

En ce qui concerne les crédits pour 2024, la programmation militaire a été tenue à l'euro près et dans toutes ses lignes. Les premières années de cette nouvelle programmation seront encore consacrées à la réparation d'un certain nombre de fonctions de nos armées.

La préparation opérationnelle de nos armées est un premier enjeu : sur les 3,3 milliards d'euros de budget supplémentaire que vous avez votés pour 2024, 1,4 milliard d'euros y sera consacré, dont 324 millions d'euros pour l'activité opérationnelle, dont le carburant, 745 millions d'euros pour l'entretien programmé du matériel - autrement dit la maintenance - et 305 millions d'euros pour l'environnement et la cohérence, c'est-à-dire les munitions. Les cibles d'activité sont donc toutes en hausse, en particulier dans les secteurs qui étaient les plus éloignés des normes.

Comme vous l'avez dit, monsieur le président, certains indicateurs ont fait l'objet d'une classification partielle, mais ils resteront ouverts aux membres du Parlement, conformément à l'engagement que j'avais pris devant vous et contrairement à ce que peut relayer une certaine presse. Nous n'avons rien à cacher, puisque ces indicateurs ont augmenté. Néanmoins, dans un contexte de compétition très forte entre les grandes puissances, nous avons jugé bon, avec la direction générale de l'armement (DGA), la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et l'état-major des armées, de balayer l'ensemble des données, afin de déterminer s'il était raisonnable ou non de les maintenir dans la sphère publique. Nous étions, en réalité, jusqu'à présent plus transparents que certaines autres démocraties. Or, dans la mesure où notre pays est en proie à des menaces et que notre armée d'emploi est sollicitée sur plusieurs théâtres d'opérations, il nous fallait prendre des mesures de précaution. Toutefois, il n'est pas question que le Parlement voie ses compétences affaiblies en la matière et je vous ai communiqué les différents indicateurs.

Vous aviez été nombreux à vous mobiliser sur le sujet des soutiens, qu'il s'agisse du service du commissariat des armées (SCA) ou du service de santé des armées (SSA). La réparation continuera grâce à un budget total de 2,8 milliards d'euros en 2024, soit 275 millions d'euros supplémentaires. Nous consacrerons un effort particulier aux soutiens de proximité. Le SSA bénéficiera de 70 millions d'euros supplémentaires pour renforcer sa capacité hospitalière, dont les antennes chirurgicales ou la livraison d'ambulances. Des engagements politiques pris depuis longtemps trouveront ainsi leur aboutissement.

Une enveloppe de 2,3 millions d'euros, soit 269 millions d'euros supplémentaires, sera consacrée à la réparation et à la modernisation des infrastructures, qu'elles soient militaires ou civilo-militaires. La prise de décision interviendra au plus près du terrain pour donner davantage de pouvoir aux chefs de corps.

La dissuasion nucléaire a été longuement discutée dans le cadre de la navette parlementaire. Quelque 750 millions d'euros supplémentaires devraient faciliter, en 2024, la modernisation de ses composantes. Aux crédits classiques d'entretien annuel de la dissuasion, s'ajouteront ainsi les crédits de paiement destinés à la modernisation des composantes. Cela concernera les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de troisième génération (SNLE 3G) de la force océanique stratégique (Fost) et les missiles air-sol de moyenne portée améliorés (ASMPA) pour les forces aériennes stratégiques (FAS). Dans cette période de tuilage, il convient de financer tout à la fois la dissuasion du temps présent et celle à quinze ou vingt ans. D'où l'effet de bosse que l'on retrouve dans la trajectoire budgétaire.

Quant aux contrats opérationnels ou de fonctions en Ukraine, ils ont fait l'objet d'un retour d'expérience. Ils intéressent l'armée française et nous avons prévu 200 millions d'euros supplémentaires pour les munitions, en particulier pour la livraison de torpilles, de missiles Mistral, VL Mica (Vertical launch Mica), Exocet ou de missiles moyenne portée (MMP). Dans le passé, ce secteur avait pu souffrir des contractions budgétaires ; nous relançons désormais l'effort.

Enfin, je sais que la défense sol-air, en particulier la lutte anti-drones, est un sujet qui vous est cher, monsieur le président. L'année 2024, avec une enveloppe de 1 milliard d'euros en commandes, sera importante, notamment pour les tourelles de 40 millimètres et surtout pour les huit systèmes sol-air moyenne portée/terrestre (SAMP/T) de nouvelle génération qui verront le jour durant cette période. Des crédits de paiement serviront aussi à financer des livraisons de manière plus immédiate, dont deux systèmes de missiles VL Mica et un lot de missiles Mistral.

En matière de fidélisation des ressources humaines, l'année 2024 sera charnière dans la nouvelle politique de rémunération des militaires. Quelque 351 millions d'euros ont été prévus à cette fin, en année pleine, dont 263 millions d'euros pour la troisième marche qui entrera en vigueur dès la fin de ce mois, ce qui aura un effet à la hausse sur la solde de nos soldats.

L'année 2024 sera aussi celle de la mise en oeuvre des mesures indiciaires pour les sous-officiers, à laquelle sera consacrée une enveloppe de 11,5 millions d'euros à partir du mois d'octobre prochain, puis de 46 millions d'euros en année pleine. Il est important de redynamiser les grilles indiciaires des sous-officiers pour attirer les militaires du rang.

Enfin, en 2024, s'appliquera l'ensemble des mesures interministérielles : quelque 300 millions d'euros financeront la revalorisation du point d'indice, les garanties individuelles de pouvoir d'achat et la revalorisation du Smic, qui concernent l'ensemble de la fonction publique, donc les militaires, qui sont tous des agents de l'État.

L'article 7 de la LPM prévoit de transformer des équivalents temps plein (ETP) afin de renforcer l'attractivité du métier de militaire. Cette mesure, souhaitée par tous, sera mise en oeuvre en 2024. Quelque 76 millions d'euros seront consacrés à l'attractivité, dont 41 millions d'euros pour fidéliser ceux qui exercent des métiers en tension. Plus qu'une vision globale, il convient de se concentrer sur les secteurs en difficulté, comme le numérique, le SSA, qui bénéficiera d'une enveloppe exceptionnelle de 6,5 millions d'euros, ou bien encore les ingénieurs civils de la défense, les ouvriers d'État, la filière du renseignement et la filière sociale.

Dans le cadre du plan Famille, 750 millions d'euros ont été budgétés dans la LPM, dont 70 millions d'euros en 2024, ce qui représente 25 millions d'euros supplémentaires par rapport à l'année précédente. Les mesures ainsi financées seront très concrètes, qu'elles concernent les places en crèches ou l'hébergement.

L'équilibre entre la cohérence et la masse, le bilan de l'exercice Orion et la capacité à mener des contrats opérationnels sont autant de sujets qui ont souvent été au coeur de nos discussions. En 2024, il s'agira d'avancer comme un tout, en progressant à la fois sur la livraison d'équipements majeurs - dont 13 Rafale, 1 sous-marin nucléaire d'attaque dans la lignée du programme engagé avec le Suffren, 1 frégate de défense et d'intervention, 138 véhicules blindés Griffon et 103 véhicules blindés Serval -, sur la préparation opérationnelle, à laquelle sera consacré 1,4 milliard d'euros supplémentaire, et sur la hausse des effectifs : si nous faisons notre deuil d'une partie de la réussite des recrutements, nous bénéficierons de 456 ETP supplémentaires, l'an prochain, qui seront ciblés de manière clairement assumée, vers les secteurs prioritaires que sont les soutiens, le renseignement, le cyber, les capacités majeures d'armée, le renforcement outremer ou encore le numérique.

La montée en puissance de la réserve détermine également notre modèle d'armée et le Parlement a souhaité l'ajout de 3 800 effectifs, l'an prochain.

Enfin, nous monterons également en puissance sur les soutiens et les infrastructures.

Pour illustrer la cohérence de la programmation par des cas pratiques, à Montauban, le 17e régiment du génie parachutiste bénéficiera en 2024 de la livraison de 29 Serval, qui s'accompagnera d'une livraison des infrastructures de stockage et de maintenance en condition opérationnelle (MCO) des Serval, c'est-à-dire de hangars à forte valeur ajoutée, puisque le budget consacré au chantier devrait être de 30 millions d'euros ; en plus de ces livraisons, une capacité d'entraînement de 90 heures par équipage sera assurée, soit un taux d'activité en hausse de 20 % pour cette force par rapport à 2023.

Le 5e régiment de dragons, à Mailly-le-Camp, réceptionnera les trois premiers chars Leclerc rénovés, l'année prochaine, tout en bénéficiant de la livraison d'un bâtiment dédié à l'instruction, dont le chantier est chiffré à 11 millions d'euros, des munitions nécessaires, soit 10 000 obus de char et d'une hausse de la capacité d'entraînement.

Le 3e régiment d'hélicoptères de combat, à Étain, recevra deux NH90 en même temps que sera posée la première pierre des infrastructures opérationnelles pour ces appareils, leur MCO et leur stockage ; chaque équipage bénéficiera de 5 heures de vol supplémentaires à l'entraînement par rapport à 2023.

Grâce à la cohérence ainsi mise en oeuvre, la LPM devrait nous permettre de regagner des capacités opérationnelles.

Pour ce qui est de l'armée de l'air et de l'espace, l'aviation de combat bénéficiera de la création du 5e escadron Rafale d'Orange et de la livraison de 13 Rafale ; plus 40 % sur les munitions simples ; des missiles Meteor sont en commande ; la piste d'Orange sera refaite et livrée en 2024 ainsi que tout l'écosystème Rafale - escadron, bâtiment, atelier, simulateur, lot de fonctionnement pour l'escadron -, soit une enveloppe de 84 millions d'euros pour la seule base d'Orange. En outre, chaque pilote de Rafale se verra doté de 13 heures de vol supplémentaires en 2024, soit un taux d'augmentation de 10 % par rapport à 2023.

L'aviation de transport pourra compter sur la livraison de deux Airbus A400M sur la base aérienne d'Orléans, pour l'année 2024. La piste sommaire qui sert aux entraînements en conditions sera construite et les pilotes disposeront de 21 heures de vol supplémentaires, soit 10 % de volume horaire en plus par rapport à 2023.

Quant à la marine nationale, elle sera dotée de sa première capacité dronisée, en 2024, à Brest, grâce à trois premiers modules de drones constitués d'un module sous-marin et d'un sonar, la livraison du quatrième module étant prévue en  2025. Les infrastructures nécessaires sont également programmées, avec un hangar et un bâtiment tertiaire. Les trois équipages pourront se former avec des téléopérateurs de drones et bénéficier du retour d'expérience sur les prototypes. Enfin, des commandes de drones sous-marins, de 4 modules de drones supplémentaires et d'un premier lot de 4 bâtiments de guerre des mines sont prévues de manière incrémentale. Dans ce domaine, nous avons signé avec nos homologues belges et néerlandais une stratégie commune.

Outre-mer, un patrouilleur supplémentaire sera livré en Polynésie française, ainsi que deux quais d'accueil, pour une enveloppe de 17 millions d'euros. L'entraînement prévoit 95 jours de mer pour l'équipage. Nous renforçons ainsi notre capacité après une rupture temporaire sur le segment patrouilleur.

À chaque fois, nous avançons en construisant un tripode qui repose premièrement sur l'entraînement, deuxièmement sur les munitions, la MCO et l'infra, troisièmement sur l'équipement.

Enfin, je tiens à prendre date pour l'avenir sur ce que sera la guerre de demain. Ce choix a conditionné certaines cibles de matériel, telles que je les ai proposées pour la conduite d'opérations qui correspondent aux menaces pesant sur la Nation française et ses intérêts dans le monde. La part de l'innovation dans la LPM est importante, car les ruptures technologiques sont brutales et qu'il nous faut avancer. Quelque 600 millions d'euros seront consacrés à l'espace, en 2024, qui permettront la livraison d'un satellite d'observation, dit « composante spatiale optique » (CSO), 57 stations Syracuse IV et des engagements à hauteur de 1,5 milliard d'euros en 2024, principalement sur le programme « Action et résilience spatiale » (Ares).

Une enveloppe de 430 millions d'euros est prévue pour les drones et robots, soit 130 millions d'euros supplémentaires, en hausse de 43 % par rapport à l'année précédente. Elle servira à financer les 8 drones sous-marins et les 4 drones dotés du système de drone tactique (SDT).

Quelque 330 millions d'euros financeront le cyber, soit 80 millions d'euros de plus que l'année précédente, auxquels s'ajouteront 55 ETP supplémentaires.

Le renseignement bénéficiera de 500 millions d'euros, soit 40 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2023. La DGSE sera dotée de 425 millions d'euros, contre 51 millions d'euros pour la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) et 65 millions d'euros pour la direction du renseignement militaire (DRM). Des augmentations d'effectifs complèteront ces enveloppes.

Enfin, des crédits seront consacrés aux ruptures technologiques comme l'intelligence artificielle ou le quantique.

M. Pascal Allizard, rapporteur pour avis sur les crédits du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense ». - Ma collègue Gisèle Jourda n'ayant pas pu être présente, je vous transmets sa question, qui porte sur l'action de nos services, en particulier sur les leçons que nous pourrions tirer des événements qui ont conduit au retrait de la France du Mali, puis du Burkina Faso et, d'ici à la fin de l'année, du Niger.

Mme Jourda a participé l'an dernier à une mission de notre commission dans le golfe de Guinée, qui a suscité son inquiétude sur l'instabilité de cette région et sur les conséquences quant à la pérennité de nos forces prépositionnées au Sénégal, en Côte d'Ivoire, au Gabon et à Djibouti.

Monsieur le ministre, que pouvez-vous nous dire sur l'efficacité de nos services en matière d'anticipation ? Quelles conséquences allez-vous en tirer pour ce qui est de la réorganisation de nos moyens budgétaires, humains et technologiques ?

En outre, puisque ma collègue mentionne le Niger, pourriez-vous nous préciser le calendrier du retrait de nos troupes ?

Pour ce qui est de ma propre question, les crédits consacrés aux études amont seront quasi stables en 2024. Hors dissuasion, ces moyens baisseront de 15 millions d'euros, passant de 809 millions d'euros à 795 millions d'euros. Comment justifiez-vous cette diminution au regard des besoins identifiés dans la LPM, notamment en matière d'hypervélocité, d'intelligence artificielle ou de quantique ?

De plus, le programme 144 porte la contribution versée au gouvernement de Djibouti au titre de l'implantation de nos forces permanentes françaises sur son territoire, pour un montant de 26,5 millions d'euros, soit 0,4 million d'euros de plus qu'en 2023. Le traité de coopération avec Djibouti est en cours de renégociation. Il est essentiel, dans notre stratégie, de conserver ce partenariat de défense avec Djibouti. Pourriez-vous nous dire où en sont les discussions avec les autorités djiboutiennes ?

M. Cédric Perrin, président. - Je précise que les crédits amont représentent 1 milliard d'euros par an et concernent essentiellement le financement de l'innovation et du développement technologique de nos entreprises.

Monsieur le ministre, pourriez-vous aussi nous préciser le montant des crédits amont qui seront fléchés vers les petites et moyennes entreprises (PME) et vers les entreprises de taille intermédiaire (ETI) ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. - Sur le Niger, les opérations de rapatriement ont démarré et se passent correctement. Elles dureront plusieurs semaines, voire plusieurs mois, et pourront donc s'étendre jusqu'à la fin de l'année. Les manoeuvres logistiques sont complexes, car il faut prendre soin non seulement des hommes et des femmes, mais aussi du matériel. Tout cela prendra du temps et aura un coût budgétaire, dans la mesure où il faudra aussi remettre le matériel en condition opérationnelle.

Aucun de nos services n'a failli au Sahel. Nous avons été appelés au Mali et au Niger pour contrer une activité terroriste importante, en combattant aux côtés des forces armées locales. Nos services ont mené un travail très important de détection des cellules terroristes et de reconstitution d'organigrammes de ces groupes, dont je rappelle qu'ils sont déployés sur une zone géographique immense, qu'ils sont divisés entre eux, et qu'ils ont des agendas politiques propres. La DRM, la DGSE et dans une moindre mesure la DRSD ont largement été mobilisées pour cela.

On a pu lire dans la presse que nos services n'avaient pas vu le coup d'État arriver. Or c'est faux. D'autres tentatives de coup d'État avaient déjà eu lieu contre le président Bazoum, qui en était conscient et dont les qualités de leader m'ont impressionné. Il est allé au risque en connaissance de cause, jusqu'à la captivité dans laquelle il se trouve aujourd'hui. Il n'y a pas eu de défaillance des services français.

En revanche, le Sahel sera confronté à une résurgence massive du risque terroriste. On peut ainsi redouter une partition du Mali dans les semaines ou les mois qui viennent, qui ramènerait le pays à la situation qu'il connaissait avant les interventions Serval puis Barkhane. La France n'y est pour rien. La junte malienne a fait le choix de préserver son pouvoir et ses avantages en ayant recours à Wagner plutôt qu'à l'armée française. Nombreux sont ceux qui considèrent que le problème est uniquement français. En réalité, les Nations unies et l'ensemble des autres contingents ont également dû quitter le pays.

Quant au Niger, après le rappel de notre ambassadeur, la junte a également mis fin à la créance de l'ambassadeur des Nations unies à Niamey.

Évitons donc d'être trop centrés sur nous-mêmes et regardons la situation au Sahel pour ce qu'elle est, à savoir soumise à des enjeux terroristes et sécuritaires. En outre, ce qui me frappe dans l'histoire des indépendances, c'est le nombre de fois où la France est partie de certains pays, puis y est systématiquement revenue, qu'il s'agisse du Tchad, de la République de Côte d'Ivoire (RCI) ou d'autres États.

Les discussions se poursuivent avec Djibouti et se passent bien. Une équipe de négociation travaille, qui comprend un ambassadeur et un représentant du ministère des armées. Certaines demandes de la partie djiboutienne sont très claires et parfaitement légitimes, notamment en ce qui concerne la revalorisation du loyer. Il n'est pas injustifié que Djibouti demande que la France augmente sa participation, dans la mesure où la base a une vocation opérationnelle, destinée à accueillir le groupe aéronaval et un sous-marin nucléaire d'attaque, à faire décoller des chasseurs ou bien à mettre en oeuvre des opérations comme l'opération Sagittaire, qui a eu lieu il y a quelques semaines au Soudan pour évacuer nos ressortissants. La nouvelle génération de traités doit être adoptée d'ici au début de l'année prochaine.

Sur l'innovation, les crédits de paiement (CP) sont stabilisés, mais les autorisations d'engagement (AE) augmentent. Je suis frappé de voir que, parfois, les innovations les plus brutales ne sont pas forcément les plus coûteuses et ne sont pas toujours menées par les plus grandes entreprises. D'où la nécessité de prévoir des crédits pour accompagner les PME. J'ai pu constater, au sein de la délégation qui m'a accompagné en Ukraine, que certaines entreprises avaient autofinancé une part d'innovation en prenant parfois un risque bancaire. Les crédits prévus pour cet accompagnement augmenteront progressivement, mais on ne pourra pas éviter le balancier entre AE et CP.

M. Hugues Saury, rapporteur pour avis sur les crédits du programme 146 « Équipement des forces ». - L'effort budgétaire de 28,3 millions d'euros alloués aux équipements, tout comme l'augmentation de 7 % des crédits dédiés au programme à effet majeur, sont à saluer même si l'inflation vient pondérer cette appréciation.

Après l'attaque du Haut-Karabagh par les troupes azéries, l'Arménie craint à juste titre pour sa sécurité. Quel soutien peut lui apporter notre pays, en particulier pour ce qui est des équipements ? La ministre des affaires étrangères a indiqué à Erevan que nous pourrions livrer du matériel militaire et elle a réaffirmé la semaine dernière que la décision de principe était prise, ce qu'a confirmé Mme la Première ministre, lors des questions d'actualité au Gouvernement, cet après-midi.

Pouvez-vous nous indiquer quel type et quel volume de matériel pourraient être concernés ? Envisagez-vous des ventes ou bien des transferts prélevés sur nos stocks ? Dans cette hypothèse, quand et comment pourrait être compensé le déficit pour nos armées ? Enfin, la LPM serait-elle affectée par ces inscriptions budgétaires ?

Une autre question porte sur le projet franco-allemand de système principal de combat terrestre MGCS (Main Ground Combat System), prévu pour 2040 et qui semble repartir de l'avant après une période de stagnation. Le chef d'état-major de l'armée de terre et son homologue allemand ont signé le 21 septembre dernier, à Évreux, le High level common operational requirements document, qui équivaut à une fiche d'expression des besoins. Toutefois, ce programme connaît des déboires compte tenu de la volonté de certains industriels allemands de faire cavalier seul. Les industriels français s'inquiètent quant à la répartition des responsabilités, les Allemands récupérant le dur - véhicule et canon - quand nous nous contenterions des aspects de connectivité. Pouvez-vous nous rassurer sur les exigences de la France en matière de répartition des tâches dans le programme MGCS ?

Par ailleurs, un récent rapport de l'Institut français des relations internationales (Ifri) préconise le lancement d'une commande de quelques unités du prototype E-MBT développé par la holding franco-allemande KNDS, qui regroupe désormais les sociétés KMW et Nexter Defense Systems. L'E-MBT est un char mixte composé d'un châssis de Leopard et d'une tourelle Leclerc. Il permettrait de maintenir une compétence industrielle qui se perdrait inéluctablement avec la fin de production des chars Leclerc. Est-ce une solution qui vous semble envisageable et combien d'unités seraient nécessaires pour constituer un volume utile ?

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteur pour avis sur les crédits du programme 146. - Nous nous réjouissons de votre intention d'exécuter la LPM telle que nous l'avons votée en matière budgétaire, en procédant aux ajustements nécessaires pour que la disponibilité de nos matériels soit à la hauteur des besoins.

Lors de votre déplacement à Kiev, la semaine dernière, vous avez indiqué que la France allait s'engager afin de développer l'industrie ukrainienne d'armement grâce à des partenariats avec des entreprises françaises. Pouvez-vous nous en dire plus sur ces partenariats ? Est-ce que les transferts de matériel se poursuivront jusqu'à la montée en puissance de la production locale ?

L'installation de ces sites de production, qui constitueront des cibles privilégiées pour les Russes, pose la question du statut des personnels français qui auront à intervenir sur place. S'agira-t-il de personnels des armées ou de l'industrie ? Ces personnels pourraient-ils être des réservistes industriels ? Comment seront-ils protégés et assurés en cas de blessure ?

Par ailleurs, les guerres en Arménie en 2020 et plus récemment en Ukraine ont montré l'importance des drones et mis en évidence les efforts à produire en France pour nous doter de ce type de matériel. Alors que la LPM prévoit la livraison de six systèmes de drones MALE « Eurodrone » à l'horizon 2035, le général Stéphane Mille, chef d'état-major de l'armée de l'air et de l'espace, a déclaré la semaine dernière que l'armée de l'air était prête à investir dans le drone MALE français Aarok. Cet appareil semble doté d'une grande autonomie et d'une importante capacité d'emport. Quels crédits pourraient être consacrés au développement de ce programme en 2024 et les années suivantes, et avec quels objectifs ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. - L'Arménie est un sujet que je suis de très près. J'ai établi une relation de confiance avec le ministre de la défense d'Arménie. Une mission de défense permanente a été ouverte et notre attaché de défense, un lieutenant-colonel expérimenté fait l'objet d'attaques dans le champ informationnel : je tiens à le féliciter pour son engagement. Le chef de l'État a clairement établi que notre agenda en matière défensive pouvait tourner autour de la vente d'armes. Je n'en dirai pas plus pour éviter les pressions, mais certaines armes peuvent être strictement défensives et surtout servir à protéger des vies et à assurer la sécurité. Je serai en contact la semaine prochaine avec le ministre de la défense arménien pour finaliser des mesures opérationnelles et concrètes. La France est engagée auprès de l'Arménie.

Le dossier du MGCS avance bien. L'expérience du système de combat aérien du futur (Scaf) nous a servi, car nous sommes chef de file sur ce projet et l'entreprise Dassault joue le rôle de leader. Les Allemands sont chef de file sur le MGCS. Le fait que les deux armées de terre s'accordent sur le document opérationnel qui a été signé à Évreux est de bon augure. Il s'agit d'un char qui ne sera pas livré avant 2040 et qui ne peut donc pas être considéré purement et simplement comme le successeur du Leclerc ou du Leopard. La discussion d'Évreux, puis celle de Giverny, a permis aux deux armées de terre, aux deux ministres et aux deux équipes diplomatiques de s'accorder sur le niveau de jeu de ce char : doit-il être habité ou pas, quelle sera la plateforme de drones autour, quelle sera la part des feux de nouvelle génération ? J'entends les inquiétudes qui peuvent surgir chez Nexter. C'est une entreprise que j'apprécie pour son savoir-faire exigeant, qui lui a valu un satisfecit de l'armée ukrainienne pour les canons Caesar. Toutefois, il serait suicidaire de considérer que le feu classique serait le seul feu possible entre 2040 et 2070. Nous avons déjà raté l'étape des drones ; évitons de continuer sur une fausse route.

Nous ne devons pas veiller uniquement aux intérêts d'une entreprise, mais nous assurer que l'armée de terre bénéficiera de chars efficaces en 2050. Je ne veux pas que l'on puisse accuser notre génération d'avoir fait un contresens total dans les choix technologiques à mettre en oeuvre pour la construction de ce char. Le ministre de la défense allemand, M. Pistorius, est francophone et francophile ; je lui fais confiance pour faire avancer le dossier.

Sur la répartition des rôles, les Allemands sont chef de file, car ils ont un savoir-faire reconnu. Comme dans le projet Scaf, il y aura des piliers et des fonctions dans chacun d'eux qui permettront une répartition sur le principe du 50/50. La prochaine étape sera de placer des drapeaux sur chaque pilier. J'ai bien conscience que ce projet suscite des doutes, mais je crois que nous pouvons réussir à le mener à bien, dans la mesure où il s'agit d'un grand projet concret, mené de gré à gré par des États volontaires. En outre, notre modèle d'armée ne nous conduira jamais à avoir une puissance de chars gigantesque. Je rendrai compte au Sénat régulièrement sur ce dossier.

Sur le partenariat avec Kiev, les cessions continueront. En revanche, elles deviendront exceptionnelles sur certains types d'équipements, car nous ne pourrons pas prélever davantage sur le stock des armées françaises. La guerre est destinée à durer et notre fiabilité reposera sur notre endurance. Nous parlions d'« économie de guerre » et nous y sommes : nos industries doivent désormais pouvoir fournir un pays en guerre.

Une délégation de 18 entreprises m'a accompagné à Kiev, qui peuvent conduire des partenariats très concrets. Nous avons l'habitude de le faire dans notre culture à l'export. Le principe d'une industrie de défense reste de travailler pour des pays qui sont en guerre.

En ce qui concerne les salariés, ils seront essentiellement ukrainiens. Les salariés français ne pourront l'être que sur la base du volontariat et il reviendra aux entreprises de prendre leurs responsabilités. Nous les accompagnerons, mais sans forcer personne. Le principe général reste celui des filiales, des sous-traitants ou des joint-ventures ukrainiennes.

Le projet Aarok est intéressant. Sa réussite dépendra en grande partie du premier vol qui aura lieu dans les prochains mois. Le travail est de bonne qualité et se fait dans une relation de confiance avec les services du ministère. Le patch « drones » qui figure dans la LPM devrait nous permettre d'explorer un certain nombre de concepts. La DGA suit l'affaire avec les armées. Ce projet est un bon exemple de programmation vivante.

M. Olivier Cigolotti, rapporteur pour avis sur les crédits du programme 178 « Préparation et emploi des forces ». - En quittant le Niger, nous allons abandonner l'un de nos derniers points d'appui stratégique en Afrique. Alors que nous avions une vingtaine d'emprises au Mali, au Burkina Faso et au Niger, nous n'en aurons plus aucune au début de l'année prochaine. Quelle stratégie comptez-vous mettre en oeuvre pour pallier ce départ forcé du Sahel ? Comment évaluez-vous les conséquences budgétaires de l'évolution de nos forces prépositionnées ?

Mme Michelle Gréaume, rapporteure pour avis sur les crédits du programme 178. - Le service de santé des armées est en difficulté, comme l'ont montré les travaux du Sénat et un récent rapport de la Cour des comptes. Après des années de diminution des crédits et des personnels, plusieurs enjeux sont critiques, comme la nécessité d'une montée en puissance révélée par la guerre en Ukraine, une meilleure articulation avec les hôpitaux civils, le renforcement des hôpitaux militaires ou bien des mesures fortes pour inverser la dégradation de l'attractivité et surtout de la fidélisation. Toutefois, cela ne suffira pas à rendre le SSA capable de faire face à la haute intensité.

En effet, celle-ci implique potentiellement un afflux de blessés qui ne pourra être pris en compte qu'à travers une coordination parfaite avec le système hospitalier civil, lui-même exsangue. Il faut donc une nouvelle organisation de l'ensemble du parcours du militaire blessé, avec les moyens correspondants. Monsieur le ministre, quels efforts seront réalisés en 2024 pour atteindre cet objectif ?

Ma seconde question porte sur les jeux Olympiques et Paralympiques. Samedi dernier, un article de la presse régionale a fait état d'un recours possible à 18 000 militaires pour sécuriser les Jeux, sous la forme d'une force déployée pour une durée de quatre mois et qui porterait le nom d'« Hoplite ». Cette information est-elle exacte ?

Si c'était le cas, ce serait d'une portée considérable pour nos armées et nous souhaiterions alors avoir des précisions sur l'organisation logistique, ainsi que sur les moyens matériels et financiers qui seront mobilisés pour faire face à cette nouvelle mission.

M. Sébastien Lecornu, ministre. - Le redéploiement logistique au Niger aura sans aucun doute des conséquences budgétaires, dont le montant oscillera entre 200 et 400 millions d'euros pour la logistique et pour la remise en condition opérationnelle du matériel.

La base aérienne projetée que nous avions à Niamey n'avait comme seule fonction stratégique que de lutter contre le terrorisme aux côtés des Nigériens. Il n'y avait pas de communauté française très importante au Niger et nos ressortissants ont été évacués. À chaque base correspondent des fonctions militaires très différentes : par exemple, au Sénégal et au Gabon, il n'y a aucune fonction de combat et uniquement de l'offre de formation. En revanche, au Niger, la formation était opérationnelle et nous fournissions de l'appui au combat, comme nous le faisons aussi en Irak. Les intérêts varient en fonction des bases.

Par conséquent, dès lors que les Nigériens ne combattent plus le terrorisme, la base ne sert plus à rien : nous n'allons pas combattre le terrorisme à la place d'une junte qui ne souhaite plus le faire. Il ne s'agit pas d'un échec de la diplomatie française, mais d'un échec terrible pour les populations nigériennes, maliennes ou burkinabaises.

Quant au service de santé des armées, il bénéficiera l'an prochain d'une enveloppe de 70 millions d'euros supplémentaires, en augmentation de 33 % par rapport à 2023. L'urgence ira aux grands hôpitaux, aux antennes chirurgicales et aux ambulances. Nous veillerons en particulier à fidéliser les militaires du SSA et le personnel civil, et à recruter dans la réserve afin de pouvoir faire face à la haute intensité et à la multiplication des crises.

Il faudra également renforcer la stratégie des hôpitaux en région, qui doivent recoller à la vie des forces, y compris sur les blessures psychiques ou les soins à apporter aux combattants. Des expérimentations seront lancées dans certains hôpitaux du SSA.

Enfin, nous développerons le grand projet de l'infrastructure militaire hospitalière de Marseille.

M. Joël Guerriau, rapporteur pour avis sur les crédits du programme 212 « Soutien de la politique de la défense ». - Vous avez annoncé la création nette de 456 postes de militaires, alors que l'objectif fixé en LPM était de 700 postes. Comment avez-vous établi ce chiffre ? Est-ce qu'il y a un risque de sous-utilisation ? Comment développer l'attractivité des métiers militaires ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, rapporteure pour avis sur les crédits du programme 212. - Les difficultés de recrutement et de fidélisation des militaires inquiètent les états-majors, d'autant que le contexte géostratégique est tendu. Vous avez évoqué la nouvelle politique de rémunération, mais elle ne concerne que les primes. Le tassement des grilles par rapport à celles des cadres de la fonction publique inquiète les officiers qui craignent un déclassement. Quel calendrier a été retenu pour la révision des grilles indiciaires et pour sa mise en oeuvre ? La LPM ne prévoit en effet qu'une date butoir.

Le Haut Comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM) souhaite que l'on redonne aux officiers un sens de l'escalier social. Que pensez-vous de cette préconisation ?

Au-delà du plan Famille, la question du logement est importante pour les militaires. Le plan Ambition logement, signé en 2022, prévoit la rénovation complète du parc et la construction de près de 2 800 logements d'ici à 2030. Comment avancera sa mise en oeuvre ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. - Les 456 ETP correspondent à l'addition des besoins par service. Ils traduisent donc les besoins concrets exprimés par les différents bureaux du ministère. Cela n'empêche pas le redéploiement d'ETP dans d'autres secteurs.

L'attractivité des métiers militaires repose sur l'art de l'exécution, si l'on excepte les critères exogènes comme la situation du marché de l'emploi. De nombreux éléments figurent dans la LPM, qui produiront leurs effets. Le ministère des armées emploie 60 000 civils, soit davantage que dans la plupart des autres ministères de la République. Il faut privilégier la notion de métier et de parcours, et mettre l'accent sur les débouchés et les possibilités de carrière. Pour l'instant, au ministère des armées, la perspective d'une carrière complète reste plus complexe qu'ailleurs, par manque de débouchés.

Un sujet donne lieu à des débats toniques au sein du ministère, celui de savoir quels postes ont vocation à revenir à des civils ou à des militaires ? Il faudra le traiter.

À considérer les grands agrégats, il apparaît que le problème de la fidélisation ne pèse pas de manière égale sur le territoire national. La métropolisation a des effets. Les dynamiques du Grand Est ne se retrouvent pas dans les autres régions. Nous utilisons trop souvent des outils globaux pour des dynamiques qui sont très régionales.

Les parlementaires ont amendé dans la loi le calendrier de la révision des grilles indiciaires en donnant la priorité aux sous-officiers en 2024 et aux officiers en 2025. Toutefois, il faut aussi tenir compte de la part indemnitaire dont ceux-ci bénéficieront dans le cadre de la nouvelle politique de rémunération. Dans son rapport, le HCECM traite de l'indiciaire et les comparaisons avec les grilles des administrateurs de l'État ne tiennent compte que de l'indiciaire, alors qu'une grosse part indemnitaire figure dans la solde des militaires, qui reflète leur statut. Si l'on tient compte de cette part indemnitaire, en pouvoir d'achat réel, les soldes sont plus importantes que le traitement des administrateurs de l'État. Un certain nombre des recommandations du HCECM sont satisfaites dans la LPM. D'autres feront l'objet d'un travail complémentaire.

Le plan Famille se met en place. Sur le sujet du logement, le ministère des armées peut parfois se montrer très jacobin, alors que l'on pourrait sans doute trouver des solutions en collaboration avec les collectivités territoriales et la Caisse des dépôts et consignations. La question de l'accès aux soins devra également être traitée dans le cadre du plan Famille.

M. Mickaël Vallet. - Être jacobin n'est pas une insulte, surtout pour un ministère régalien.

Ma question porte sur la manière d'exécuter la LPM en matière de cyber et sur la politique de gestion humaine de la ressource, notamment pour ce qui est de l'attractivité. La LPM prévoit 900 emplois supplémentaires, soit un total de 5 500 postes à l'horizon 2030. Or, nous avons estimé que 1 100 postes de cybercombattants restaient non pourvus à ce jour.

Avec mon collègue Olivier Cadic, nous nous sommes rendus à la DGA et au commandement de la cyberdéfense (Comcyber), à Rennes, où l'on nous a fait état d'une concurrence malsaine entre organismes publics et parapublics. Comment gérer l'attractivité de ces métiers, où les besoins sont exponentiels ? Dans certains pays, on repère les futurs ingénieurs dès le collège.

M. André Guiol. - Notre commission a souhaité la création d'un pôle de compétences dans le domaine des grands fonds sous-marins et l'a fait inscrire dans le rapport annexé de la LPM. Ce pôle touche le domaine du milieu d'évolution des sous-marins et intègre notre dissuasion nucléaire ; il concerne aussi le milieu des drones et des robots sous-marins, la protection des câbles immergés de communication et de transport d'énergies, ainsi que les pipelines, la protection des richesses halieutiques minérales qu'il convient d'exploiter avec prudence, sans oublier la connaissance scientifique de la biodiversité qu'il reste à découvrir et à protéger. L'approche transverse et duale du futur pôle de compétences permettrait une meilleure synergie nationale.

Comment comptez-vous traduire budgétairement dans le projet de loi de finances pour 2024 la mise en oeuvre de ce nouveau pôle de compétences dont la France souhaite se doter ?

M. Philippe Folliot. - Vous avez dit que l'un des objectifs de cette LPM était de se préparer pour la guerre du futur. Or elle est sous nos yeux, en Ukraine. Je suis allé deux fois sur la ligne de front et j'ai constaté qu'il s'agissait d'une guerre duale, à la fois guerre technologique du XXIe siècle et guerre de tranchées qui rappelle la guerre de position du début du XXsiècle. Le facteur humain restera toujours essentiel. Même à Gaza, on a vu les limites du « tout technologique » en matière de protection, à certains égards.

Vous êtes allés à Kiev avec une délégation d'industriels, dans une perspective de coopération à moyen et à long termes. Or les besoins sont immédiats. J'ai pu constater sur le terrain la pertinence et l'importance tactique et stratégique du canon Caesar et, à l'inverse, la moindre utilité de nos chars AMX-10-RC. Que faire pour accélérer nos livraisons d'armements, lesquels, combien et quand ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Le deuxième volet du plan Famille représente 750 millions d'euros. Il met en oeuvre un changement de culture, en privilégiant l'échelle locale. Pourriez-vous le détailler davantage et revenir notamment sur le rôle de l'institution de gestion sociale des armées (Igesa) ?

En matière d'innovations, je veux attirer votre attention sur l'intérêt du quantique notamment pour l'augmentation de la performance qu'il permet : on le constate dans le nucléaire où l'ordinateur quantique devrait succéder au supercalculateur. Après le plan quantique lancé par le Président de la République dans le cadre de France 2030, ne faudrait-il pas réfléchir à ses applications dans le domaine militaire ?

M. Patrice Joly. - Au regard de l'évolution du contexte géopolitique, les prévisions de budget des pays disposant de moyens militaires, comme la Chine ou les États-Unis, progressent-elles dans le même sens que les nôtres ? Sommes-nous dans le bon tempo pour ce qui est des volumes financiers, des orientations données et des secteurs priorisés ?

M. Robert Wienie Xowie. - Le 25 septembre dernier, l'Observatoire des armements a mis en ligne son dernier rapport qui montre que la France a continué d'exporter des biens à double usage à la Russie, en 2022, parmi lesquels des composants électroniques. D'autres documents recueillis par le journal d'investigation Blast confortent cette affirmation. Selon un document des douanes russes, la livraison de matériel made in France aurait continué au moins jusqu'en avril 2023, malgré les sanctions françaises, européennes, américaines et l'embargo international.

Mon groupe demande des documents précis permettant de vérifier qu'il n'y a pas, à l'heure actuelle, d'exportations de biens à double usage à des pays qui commettent des crimes de guerre. Seriez-vous disposé, monsieur le ministre, à transmettre ces documents à la représentation nationale ?

M. Ludovic Haye. - Quelque 450 milliards de dollars, tel est le poids du marché spatial en 2023 et il devrait doubler d'ici à 2030. Les chiffres sont astronomiques et m'amènent à aborder le sujet de la défense française et européenne.

En une décennie, la croissance vertigineuse de l'industrie spatiale fait de ce domaine l'un des secteurs les plus attractifs. Les innovations et les usages s'y sont multipliés, comme l'émergence des lanceurs réutilisables pour réduire le coût d'accès à l'espace, les constellations de satellites offrant une connectivité rapide et plus étendue que la fibre ou encore l'exploitation des ressources spatiales, des missions de surveillance et d'observation de la Terre.

Les États-Unis et la Chine ont été précurseurs sur ce marché, mais l'Union européenne n'est pas en reste et porte plusieurs projets essentiels : stratégie spatiale pour la sécurité, établissement d'un code de la route pour la circulation des objets dans l'espace, fourniture de lanceurs de nouvelle génération comme Ariane 6 et Vega. À cela s'ajoute la mobilisation des acteurs incontournables de l'industrie spatiale européenne, qui ont annoncé vouloir joindre leurs forces pour la conception de la future constellation de satellites de communication Iris.

La LPM prévoit d'injecter 6 milliards d'euros pour le renforcement de l'action de la France dans l'espace. Comment envisagez-vous l'articulation des projets de défense avec la stratégie civile déjà mise en place ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. - Sur le cyber, le combat est double. D'une part, il s'agit de lutter contre l'attrition et l'anthropophagie interministérielle, et la DGA et la DGSE ont beaucoup travaillé sur la coordination. D'autre part, il faut entretenir le vivier initial. Le BTS Cyberdéfense devrait doubler ses effectifs en 2024. En outre, l'École Polytechnique, grande école d'ingénieurs militaires, devrait aussi nourrir le vivier.

M. Mickaël Vallet. - Mais ils vont tous dans la finance !

M. Sébastien Lecornu, ministre. - Je ne le crois pas. En réalité, il n'y a pas suffisamment de postes au ministère des armées ou au sein de la base industrielle et technologique de défense (BITD) pour tous les polytechniciens qui sortent de l'école chaque année. Nos écoles doivent aussi prendre le virage, y compris les écoles de sous-officiers sur un certain nombre de fonctions. Enfin, il faudrait introduire de la souplesse dans la gestion des carrières, car un jeune cybercombattant à la DGSE aura un mode de vie, un rapport aux horaires, à la nuit et au jour, qui sera certainement différent du schéma classique de ceux qui travaillent au ministère.

Sur les fonds sous-marins, huit drones seront livrés en 2024. De plus, nous devons continuer de progresser sur les briques technologiques en exploitant ce que les PME peuvent nous apporter en la matière. Enfin, nous avons lancé de grands programmes à effet majeur comme celui sur la guerre des mines. Le sujet est immense et reste clé pour les ports de Toulon et de Brest, notamment, mais aussi pour l'exploration des fonds sous-marins, la sécurisation des câbles et bien d'autres domaines. La LPM prévoit des fonds pour tout cela.

Sur l'Ukraine, nous devons en effet travailler désormais à court terme, à moyen terme et à long terme. Nos industriels apporteront des solutions de court terme et l'Ukraine, de son côté, a décidé de se doter de fonds souverains, alimentés par des confiscations d'avoirs russes, qui lui permettent d'acheter du matériel. Le ministre de la défense ukrainien a développé cette stratégie devant notre délégation, lorsque nous étions à Kiev et il a signé un accord pour l'achat de six canons Caesar. Notre combat pour l'économie de guerre commence donc à porter ses fruits, puisqu'il ne nous faut plus que dix-sept mois pour produire un canon Caesar contre trente mois auparavant. Nous pourrons ainsi en fournir aux forces françaises auxquelles nous en avions prélevés et permettre à Nexter d'en vendre à l'Ukraine ou à d'autres pays. En revanche, pour les pièces détachées et les munitions, notamment les obus de 155 millimètres, nous en sommes restés aux cessions de court terme.

Quant aux AMX-10-RC, le président Zelinsky les a évoqués, hier soir, lors de son interview télévisée. Je crois que nous avons au moins exercé un effet de levier pour d'autres coalitions de chars.

Le plan Famille favorise en effet la déconcentration. Je souhaite que, pour 2024, chaque chef de corps puisse avoir une enveloppe à sa main, afin de financer de petits travaux en lien avec la condition des militaires. Le montant peut varier selon la taille des emprises, mais un montant minimal de 50 000 euros me paraît approprié. Le jacobinisme trouve sa limite dans le bon sens et je souhaite un choc de simplification dans ce domaine.

Je devrai me prononcer prochainement sur la gouvernance de l'Igesa.

Le quantique est un sujet clé. Certains dispositifs peuvent être mutualisés au sein de l'État, à l'échelle interministérielle, mais il existe aussi du quantique purement militaire, en lien avec l'activité opérationnelle ou avec des enjeux de captage. Il s'agira donc d'acquérir les blocs de compétences qui conviennent. La DGA est chef de file dans ce domaine et dispose des crédits nécessaires. Certains usages sont déjà en cours, dont la cartographie des océans. En matière opérationnelle, dans le domaine militaire, le quantique devrait être porteur d'avancées décisives, plus rapidement qu'on ne l'imagine. Cela demandera un effort de formation, de savoir-faire et de fidélisation des sachants.

Avant de comparer les budgets de défense, il faudrait comparer les diplomaties. Il se trouve que la République française n'entend envahir personne, ce qui conditionne fortement notre format d'armée.

De plus, les critères qui entrent en jeu dans l'élaboration d'un budget sont nombreux, de sorte qu'il est très difficile d'établir des comparaisons, même entre États voisins : en Allemagne, par exemple, la culture expéditionnaire n'est pas la même ou bien encore le pays n'a pas de territoires ultramarins avec des zones économiques exclusives à défendre

Je ne suis pas accroché au seuil de 2 % du PIB, même si je m'y tiendrai. L'essentiel tient surtout aux contrats opérationnels que l'on choisit d'avoir. Il existe de grandes armées avec des hangars remplis de matériel qui ne sert jamais ; et d'autres, plus petites, moins bien dotées, avec des budgets modestes, qui représentent une menace très importante. Au-delà de l'argent, certains pays ont encore des armées d'emploi, dans lesquelles on accepte la blessure et la mort. Quoi qu'on en dise, c'est notre modèle. L'équipement, les points de PIB et les tableaux capacitaires sont importants ; mais il y a aussi l'acceptation par la société de la mort de celles et ceux qui portent l'uniforme pour assurer notre sécurité ou bien celle d'alliés ou d'amis. C'est une culture qui s'appelle le patriotisme et il faut y sensibiliser l'opinion publique, car une fois perdue, elle ne se recrée pas.

Ce n'est pas le ministère des armées, mais Bercy qui est compétent sur les biens à double usage. Sur le fond, je suis disponible si vous souhaitez m'entendre en audition sur la question globale des exportations d'armes. Vous pourrez sans doute aussi solliciter les ministres des finances et des affaires étrangères. Tout cela est une affaire d'agenda. Cette audition a eu lieu à deux fois reprises à l'Assemblée nationale ; elle peut tout à fait se tenir aussi au Sénat.

Enfin, le spatial est un sujet pivot de la LPM. Pendant longtemps, il n'y avait pas énormément de besoins de commandes militaires, car l'on se contentait des lanceurs. Toutefois, le ministère des armées devrait bientôt passer une grosse commande de solutions spatiales. Quant à Ariane 6, je ne reviens pas sur le calendrier de son lancement : le plus tôt sera le mieux.

M. Cédric Perrin, président. - Monsieur le ministre, nous vous remercions pour tous les éclairages que vous nous avez donnés.

La réunion est close à 18 h 20.