Jeudi 5 octobre 2023

- Présidence de M. Louis-Jean de Nicolaÿ, président d'âge -

La réunion est ouverte à 10 h 35.

Réunion constitutive

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, président. - Je souhaite la bienvenue à nos nouveaux collègues de notre commission. Le privilège de l'âge me donne l'honneur de présider le début de notre réunion constitutive.

Notre ordre du jour appelle l'élection du président de la commission et la constitution du Bureau.

Conformément à l'alinéa 4 de l'article 13 du Règlement du Sénat, l'élection du président se déroule au scrutin secret. La majorité absolue des suffrages exprimés est requise aux deux premiers tours, la majorité relative au troisième tour.

M. le président donne lecture des délégations.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, président. - J'appelle nos deux plus jeunes collègues présents, M. Sébastien Fagnen et M. Pierre Jean Rochette, pour procéder au contrôle des opérations de vote et au dépouillement, en tant que scrutateurs.

J'invite les candidats aux fonctions de président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable à se faire connaître.

M. Jean-François Longeot. - Président sortant, je suis candidat à un second mandat.

Le scrutin est ouvert. Puis les scrutateurs procèdent au dépouillement.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, président. - Les résultats du premier tour sont les suivants :

Nombre de votants : 45

Bulletins blancs : 2

Bulletins nuls : 0

Suffrages exprimés : 43

Majorité absolue : 22

M. Jean-François Longeot ayant obtenu 41 voix, je le proclame élu président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. (Applaudissements.)

- Présidence de M. Jean-François Longeot -

M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, je tiens, avant toute chose, à vous remercier chaleureusement de la confiance que vous venez de m'accorder ou, pour certains, de me renouveler. C'est avec émotion et enthousiasme que j'aborde ce nouveau mandat de président de commission.

Nous devons maintenant procéder à la constitution du Bureau de notre commission.

Nous procédons, dans un premier temps, à la désignation des vice-présidents.

Je vous rappelle qu'en application de l'alinéa 6 de l'article 13 du Règlement du Sénat : « Pour la désignation des vice-présidents, les groupes établissent une liste de candidats selon le principe de la représentation proportionnelle, en tenant compte de la représentation déjà acquise à un groupe pour les postes de président et de rapporteur général. Le nombre des vice-présidents est, le cas échéant, augmenté pour assurer l'attribution d'au moins un poste de président ou de vice-président à chaque groupe. »

L'application de la représentation proportionnelle ne permet pas d'attribuer au moins un poste à chaque groupe, ce qui conduit à désigner 11 vice-présidents selon la répartition suivante : pour le groupe Les Républicains : 4 ; pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain : 2 ; pour le groupe Rassemblement des Démocrates, Progressistes et Indépendants : 1 ; pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky :1 ; pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires : 1 ; pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires : 1 ; pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen : 1.

Compte tenu des propositions formulées par les différents groupes, je vous propose la désignation comme vice-présidents : pour le groupe Les Républicains de M. Didier Mandelli, Mme Marta de Cidrac, M. Rémy Pointereau et M. Guillaume Chevrollier ; pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, de Mme Nicole Bonnefoy et M. Hervé Gillé ; pour le groupe Rassemblement des Démocrates, Progressistes et Indépendants de Mme Nadège Havet ; pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky de Mme Marie-Claude Varaillas ; pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires de M. Cédric Chevalier ; pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires de M. Ronan Dantec et pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen de M. Jean-Yves Roux.

Les vice-présidents sont désignés.

M. Jean-François Longeot, président. - Nous procédons maintenant à la désignation des 4 secrétaires à la représentation proportionnelle, en application de l'alinéa 7 de l'article 13 du Règlement du Sénat.

Je vous propose, conformément aux propositions formulées par les groupes, la désignation comme secrétaires : pour le groupe Les Républicains de M. Cyril Pellevat et M. Jean-Claude Anglars ; pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain de Mme Audrey Bélim et pour le groupe Union Centriste de M. Pascal Martin.

Les secrétaires sont désignés.

M. Jean-François Longeot, président. - Le Bureau de la commission est donc ainsi constitué.

Mes chers collègues, je souhaite rendre un hommage appuyé à plusieurs anciens collègues membres de notre commission, qui ont à présent quitté le Sénat : Joël Bigot, François Calvet, Michel Dagbert, Michel Dennemont, Jean-Michel Houllegatte et Jean-Paul Prince, qui ne se sont pas représentés, ainsi que Nassimah Dindar, Martine Filleul, Frédéric Marchand, Philippe Pemezec et Angèle Préville, qui n'ont pas été réélus. Tous, avec leur personnalité et leur sensibilité, ont largement contribué à la qualité et au rayonnement de nos travaux : je les remercie d'avoir nourri, chacun à sa manière, nos travaux de commission. Je suis en effet intimement convaincu que l'expression de la diversité des points de vue et des sensibilités est toujours une source de richesse et une force.

Je veux aussi féliciter les commissaires. Je précise que 29 sénateurs restent membres de notre commission, ce dont je me réjouis.

Je veux enfin souhaiter la bienvenue à nos nouveaux collègues. Vous êtes nombreux - près de la moitié de l'effectif ! Ainsi, 20 sénateurs nous ont rejoints. On égalise presque le record enregistré lors du précédent renouvellement !

À tous, je veux dire que vous pouvez compter sur mon entière attention : la porte de mon bureau vous sera toujours ouverte. J'ai à coeur que tous les membres de cette commission soient impliqués dans nos travaux, et je m'efforcerai d'être à votre écoute et de répondre le mieux possible à vos attentes et à vos préoccupations, dans le respect des équilibres politiques de notre assemblée et du pluralisme.

Je pense que les anciens pourront le confirmer, l'atmosphère qui règne dans cette commission est singulière. L'ambiance de travail est chaleureuse et marquée par un profond respect mutuel entre tous les commissaires. Cette dynamique explique sans doute que la commission soit parvenue à faire avancer de nombreux dossiers. Les clivages partisans et les querelles inutiles sont laissés de côté. Je sais, à cet égard, pouvoir compter sur le soutien et l'engagement de notre whip Didier Mandelli, qui a été l'un des piliers de notre commission ces trois dernières.

L'histoire de la commission n'est sans doute pas étrangère à ce climat de bonne entente. Créée en 2012, elle est la plus jeune des commissions permanentes du Sénat. Pour autant, elle a su s'ancrer dans le paysage institutionnel, comme en témoigne le rayonnement de ses travaux. La commission sait faire entendre sa voix dans le concert parlementaire.

Elle a pleinement investi son vaste champ de compétences - ces trois dernières années en attestent tout particulièrement.

Elle a conduit des travaux de contrôle de l'action du Gouvernement qui font autorité, comme le travail d'investigation sur les difficultés d'accès aux soins et, plus récemment, les missions d'information sur la réforme des zones de revitalisation rurale, sur les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) ou encore sur la prévention contre le risque incendie face au réchauffement climatique.

Notre commission s'est également illustrée par sa capacité à investir pleinement le domaine législatif en faisant prospérer la vision du Sénat, à l'écoute des territoires et des acteurs chargés d'appliquer la loi, à l'occasion de nombreuses réformes. Je pense ainsi, pour ne citer que les plus emblématiques, à la loi Climat et résilience d'août 2021, une véritable cathédrale législative marquée du sceau de l'investissement de nos trois rapporteurs, Marta de Cidrac, Philippe Tabarot et Pascal Martin, et, plus récemment, à la loi de mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables dans laquelle Didier Mandelli, le rapporteur s'est particulièrement investi. Notre méthode de travail, qui allie rigueur et exigence, fait la réputation de nos travaux. Notre commission a toujours eu à coeur de proposer des dispositifs réalistes et équilibrés et d'être à l'écoute des préoccupations du terrain, conformément à la vocation du Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales.

Depuis le précédent renouvellement, qui a eu lieu en 2020, la commission a examiné 15 textes au fond et 12 textes pour avis.

Mes chers collègues, nous avons la chance d'être membres d'une commission passionnante, au coeur des défis de notre siècle, dont les trois principaux secteurs, éminemment stratégiques, sont au centre à la fois des préoccupations de nos concitoyens et de l'actualité et des politiques publiques.

L'importance des questions d'aménagement du territoire - secteur phare de notre commission, puisqu'il apparaît en tête de sa dénomination - n'est plus à démontrer.

Cette thématique est d'ailleurs directement corrélée aux actions en faveur du développement durable. Au Sénat tout particulièrement, les élus que nous sommes savent que les territoires sont aux avant-postes de la transition écologique de notre modèle économique. Les territoires sont des laboratoires en matière de lutte contre le dérèglement climatique, de décarbonation de notre mix énergétique, de préservation de la biodiversité, mais aussi de transition vers une économie circulaire.

Au-delà, les équilibres dans nos territoires sont également des sujets essentiels : les déserts médicaux, les zones blanches de téléphonie mobile ou encore l'accès aux services postaux touchent le quotidien de tous les Français. L'équité territoriale est notre fil d'Ariane en matière d'aménagement du territoire.

Les déplacements sur le terrain nous permettent également de prendre le pouls des territoires. Nous sommes ainsi allés dans la vallée de la Roya à la suite de la tempête Alex, sur le site de Stocamine, sur les chantiers du Lyon-Turin et du Grand Paris Express, au salon de l'aéronautique du Bourget.

Les questions de mobilité, de transport et d'infrastructures occupent également une grande part de l'activité législative de notre commission. Là encore, ces sujets concrets sont vitaux pour le développement économique de notre pays, mais également cruciaux pour réussir la transition écologique.

Enfin, les thématiques liées à l'environnement et au développement durable permettent d'aborder toutes les questions relatives à la biodiversité, au climat, aux paysages et aux aires protégées, à la gestion de l'eau et des ressources, aux déchets, à la prévention des risques et à la santé environnementale.

Notre commission doit investir ces secteurs de compétences tout en travaillant en bonne intelligence avec les autres commissions permanentes. Le projet de loi relatif à l'industrie verte, sur lequel ont collaboré quatre commissions, est un excellent exemple de mise en commun des regards, avec de puissants effets de synergie. La commission mixte paritaire de ce texte se réunira à cet égard lundi 9 octobre prochain à 20 heures.

Quelques mots sur les méthodes de travail de notre commission. Notre commission joue un rôle pionnier dans la voie de la dématérialisation depuis plus de sept ans, depuis l'expérimentation lancée par Hervé Maurey en mars 2016. C'est une évolution conforme au sens de l'histoire qui a, depuis, inspiré les autres commissions. Pour vous accompagner, vous trouverez, dans les dossiers qui vous ont été distribués, une présentation de toutes les applications à votre disposition. Les services de la commission sont également à votre service pour vous familiariser avec ces outils, et une formation vous sera proposée ainsi qu'à vos collaborateurs dans les semaines à venir.

Une application vous sera particulièrement utile, Demeter, grâce à laquelle nous pouvons travailler sans papier, sur nos tablettes ou nos ordinateurs portables. Cette avancée a permis de volumineuses économies de papier. Je vous invite donc à vous munir de vos tablettes ou ordinateurs portables à chaque réunion.

Deuxième élément qui contribue au dynamisme de nos travaux : la publicité qui en est donnée. Une captation vidéo permet de suivre en direct sur le site internet toutes nos réunions publiques, telles que les auditions de ministres ou de personnalités ou encore les tables rondes consacrées à un thème particulier. Les réunions qui font l'objet d'un enregistrement vidéo sont aussi diffusées en différé. Par ailleurs, nos auditions publiques sont systématiquement ouvertes à la presse, qui suit nos travaux avec intérêt. Tous les comptes rendus écrits et audiovisuels sont facilement accessibles sur le site internet du Sénat.

Le service de la commission est à la disposition de tous les commissaires, que ce soit lors des réunions de commission ou en dehors : n'hésitez pas à faire appel à ses compétences si vous avez la moindre question. Les administrateurs, spécialisés par secteur, vous assistent pour les travaux législatifs et de contrôle de la commission et répondent à toute question de procédure.

J'en viens maintenant au programme de travail des prochaines semaines. Cette réunion sera conclue par l'audition, en application de l'article 13 de la Constitution, de Mme Virginie Schwarz, que le Président de la République souhaite renouveler en sa qualité de présidente-directrice générale de Météo France.

L'ordre du jour qui sera établi par la Conférence des présidents de ce soir devrait fixer au 23 octobre prochain l'examen en séance publique des propositions de loi relatives aux services express régionaux métropolitains et à l'ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP.

La première a pour objet d'accélérer le déploiement des services express régionaux métropolitains, notamment en permettant à la Société du Grand Paris, renommée Société des grands projets, de participer à leur conception et à leur maîtrise d'ouvrage, et en simplifiant plusieurs procédures administratives. Nous entendrons mercredi prochain le président du directoire de la Société du Grand Paris, Jean-François Monteils, et le président-directeur général de SNCF Réseau, Matthieu Chabanel.

La seconde entend repousser l'échéance de la mise en concurrence des bus de la RATP afin qu'elle soit plus réaliste. Nous entendrons à ce sujet Mme Valérie Pécresse, présidente de la région d'Île-de-France, le 11 octobre prochain.

Il nous faut nommer le rapporteur de chacun de ces textes dès aujourd'hui, compte tenu des délais d'examen. Nous devrons également désigner sans tarder nos rapporteurs pour avis budgétaires afin qu'ils puissent engager leurs travaux d'auditions, dans la perspective de l'examen du budget 2024. Je réunirai les membres du Bureau de la commission mardi prochain à 14 h 30 ; ils recevront une convocation dès ce soir.

Proposition de nomination de Mme Virginie Schwarz, candidate proposée par le Président de la République aux fonctions de présidente-directrice générale de Météo France - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne M. Guillaume Chevrollier rapporteur sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de Mme Virginie Schwarz, candidate proposée par le Président de la République aux fonctions de présidente-directrice générale de Météo France, en application de l'article 13 de la Constitution.

Proposition de loi relative aux services express régionaux métropolitains - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne M. Philippe Tabarot rapporteur sur la proposition de loi n° 749 (2022-2023) relative aux services express régionaux métropolitains adoptée par l'Assemblée nationale.

Proposition de loi relative à l'ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne M. Franck Dhersin rapporteur sur la proposition de loi n° 943 (2022-2023) relative à l'ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP présentée par M. Vincent Capo-Canellas.

Suivi de l'application des lois - Désignation de rapporteurs

M. Jean-François Longeot, président. - Chaque année, la commission doit remplir l'une des missions qui lui sont dévolues par le Règlement du Sénat à son article 19 bis B : rendre compte du suivi de l'application des lois qu'elle a instruites. Cet exercice, loin d'être anodin, procède en effet d'une exigence constitutionnelle et constitue l'une des facettes de notre mission de contrôle de l'action du Gouvernement.

La commission désigne MM. Jean Bacci et Pascal Martin rapporteurs sur l'application de la loi du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie, M. Jean-Claude Anglars rapporteur sur l'application de la loi du 28 février 2022 ratifiant les ordonnances prises sur le fondement de l''article 13 de la loi du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace, M. Guillaume Chevrollier rapporteur sur l'application de la loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France, M. Cyril Pellevat rapporteur sur l'application de la loi du 8 octobre 2021 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports, de l'environnement, de l'économie et des finances, Mme Marta de Cidrac, M. Philippe Tabarot et M. Pascal Martin rapporteurs sur l'application de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, Mme Marta de Cidrac rapporteure sur l'application de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire et de la loi du 24 avril 2023 portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papier, M. Didier Mandelli rapporteur sur l'application de la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités et de la loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables.

Organisation des travaux

M. Jean-François Longeot, président. - Enfin, quelques propos sur la manière dont nos travaux sont organisés : nos réunions ont lieu le mercredi matin, sauf exception, notamment les auditions de ministres. Les convocations aux réunions vous sont toujours envoyées à la fin de la semaine précédente. Nous nous efforçons également d'envoyer toutes les semaines un calendrier prévisionnel actualisé du programme de la commission, généralement pour les cinq à six semaines suivantes.

Le 18 octobre prochain sera organisée une première rencontre d'accueil et de formation ouverte à tous, mais qui s'adresse surtout aux nouveaux commissaires, portant notamment sur l'application Demeter.

J'invite maintenant chacun des commissaires à se présenter.

(Il est procédé à un tour de table.)

Audition de Mme Virginie Schwarz, candidate proposée par le Président de la République aux fonctions de président-directeur général de Météo-France

M. Jean-François Longeot, président. - Alors que le Bureau de notre commission vient tout juste d'être reconstitué, nous commençons nos travaux par l'exercice d'une mission constitutionnelle conférée aux commissions permanentes des deux assemblées, la fameuse audition « article 13 ».

Ce type d'audition permet non seulement aux parlementaires d'examiner une candidature à un emploi ou à une fonction jugés importants pour la garantie des droits et libertés ou pour la vie économique et sociale de la Nation, mais également de s'y opposer sous certaines conditions, en fonction des résultats d'un scrutin bicaméral.

Cette innovation majeure, introduite à l'occasion de la révision constitutionnelle de 2008, a donné lieu à l'ajout d'un cinquième alinéa à l'article 13 de la Constitution. La procédure de nomination à des emplois et fonctions essentiels de notre République est désormais conditionnée à la non-opposition des commissions permanentes compétentes des deux chambres du Parlement : les personnalités proposées ne peuvent être nommées par le Président de la République que si leur candidature n'a pas été rejetée par lesdites commissions.

En raison de la majorité qualifiée requise pour le rejet d'une candidature - trois cinquièmes des suffrages exprimés -, cette procédure a parfois été vue comme une modalité de contrôle parlementaire assez virtuelle et théorique. Pour autant, il est apparu à l'usage qu'elle met en oeuvre un pouvoir de contrôle bien réel. Le Sénat, tout comme l'Assemblée nationale, joue en effet un rôle majeur dans l'évaluation de l'aptitude des candidats proposés, du point de vue tant de l'appréciation de leur personnalité et de leur carrière que de la vision qu'ils défendent et des propositions qu'ils comptent mettre en oeuvre. En outre, la publicité des auditions concourt à la bonne information des citoyens sur le profil des candidats nommés et facilite le travail de bilan à l'issue du mandat : le compte rendu des auditions parlementaires permet de confronter facilement les engagements aux réalisations.

Pour preuve de l'importance de ce pouvoir de contrôle, j'appelle votre attention sur le récent rejet qui fut opposé, en avril dernier, par les deux commissions chargées de l'aménagement du territoire et du développement durable, à la nomination de Boris Ravignon à la présidence de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).

La solennité de la mission que nous confie la Constitution se traduit dans les formes mêmes de la procédure. Elle est d'abord bicamérale, puisque les commissions compétentes des deux chambres votent séparément, assurant à ce titre un double contrôle. Par ailleurs, afin d'éviter que les résultats d'une chambre n'influencent l'autre assemblée, le dépouillement des suffrages a lieu simultanément. Enfin, eu égard à l'importance de l'exercice, aucune délégation de vote n'est admise.

Notre commission est particulièrement attentive aux choix soumis à son approbation, au travers de la désignation d'un rapporteur qui interroge le candidat à l'aune d'un travail approfondi d'enquête et d'analyse. La loi du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution nous confie l'examen de quatorze emplois et fonctions, parmi lesquels les PDG d'Aéroports de Paris et de la RATP, le président du conseil d'administration de la SNCF, le directeur général de l'Office français de la biodiversité (OFB), ou encore les présidents de la Commission nationale du débat public (CNDP) et de Voies navigables de France (VNF). Ainsi, notre commission a réalisé quatorze auditions de ce type au cours du précédent triennat et une cinquantaine depuis sa création en 2012.

Les enjeux sont d'autant plus essentiels que la stratégie impulsée par la personne nommée à un poste à haute responsabilité produit des effets sur le temps long, au travers de son rôle moteur dans les choix de l'institution qu'elle dirige ou préside. Cette réalité prend tout son sens dans le cas présent, puisque Météo-France est un opérateur central pour accompagner les politiques publiques d'adaptation au changement climatique.

Nous évaluons aujourd'hui la proposition de renouvellement de son actuelle PDG, Mme Virginie Schwarz. Je remercie Guillaume Chevrollier, rapporteur budgétaire pour avis des crédits relatifs à la météorologie, de se prêter à l'exercice. Il connaît bien les enjeux et les défis de cet établissement public chargé d'assurer la sécurité météorologique des personnes et des biens.

M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. - Il échoit à notre commission d'examiner la candidature de Mme Virginie Schwarz, dont la reconduction dans ses fonctions de PDG de l'établissement public Météo-France est envisagée par le Président de la République.

Plus qu'une nomination, il s'agit d'une confirmation : Mme Schwarz, candidate à sa propre succession, dirige cet établissement depuis le 18 septembre 2019. À l'occasion de mes auditions budgétaires, j'ai pu mesurer son engagement et son implication pour le rayonnement de cet opérateur.

Madame Schwarz, vous êtes ingénieure générale des mines. Vous avez notamment été directrice « énergie, air et bruit » auprès de l'Ademe de 2003 à 2006, conseillère énergie et environnement auprès du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) de 2007 à 2009, directrice de l'énergie à la direction générale de l'énergie et du climat entre 2014 et 2019 avant d'être nommée PDG de Météo-France en 2019. Vous êtes également membre du conseil de surveillance du Grand Port fluvio-maritime de l'axe Seine et administratrice de l'Institut de la finance durable.

Au vu de ce parcours, je m'intéresserai moins à vos compétences, qui me semblent être démontrées par votre carrière, qu'à votre vision des défis toujours plus grands auxquels Météo-France doit faire face dans un contexte de changement climatique. J'aimerais donc que vous nous présentiez votre feuille de route pour faire progresser son statut de fleuron européen de l'expertise météorologique ainsi que la stratégie que vous comptez mettre en oeuvre pour répondre aux fortes attentes des acteurs économiques météo-sensibles, dont les performances sont de plus en plus dépendantes de votre capacité d'anticipation.

C'est en effet une mission sensible que de garantir la sécurité météorologique des personnes et des biens au nom de l'État. Le changement climatique est bien à l'oeuvre. Il est à l'origine de la survenance de plus en plus fréquente d'événements météorologiques extrêmes : pluies de forte intensité, orages, tornades, comme celle qui a frappé la Mayenne le 17 septembre dernier, épisodes de gel ou de chaleur, ou encore aggravation du risque incendie, un risque auquel la commission est particulièrement sensible et qui a inspiré des initiatives législatives récentes.

Ces aléas météorologiques font peser des risques humains et financiers significatifs et croissants pour l'État, les collectivités territoriales, mais également les entreprises et les particuliers. L'amélioration des capacités d'anticipation en tous points du territoire grâce à des prévisions plus fines et le plus en amont possible des phénomènes est, à mon sens, la raison d'être de Météo-France.

J'aimerais, dans un premier temps, vous entendre sur le bilan que vous tirez des quatre années que vous avez passées à diriger cet établissement. Quels sont vos motifs de fierté, vos regrets ? Quels sont, parmi les objectifs que vous vous étiez fixés, ceux qui ne sont pas encore atteints et qui concentreront l'essentiel de vos efforts comme ceux de vos équipes ?

En matière d'accompagnement des collectivités territoriales et des entreprises, quels sont les retours des utilisateurs de la plateforme Climadiag, qui permet d'évaluer l'impact du changement climatique à l'échelle communale à l'horizon 2050 ? Les diagnostics proposés correspondent-ils aux attentes ? Comment avez-vous notamment pris en compte les spécificités et les vulnérabilités particulières des territoires ultramarins ?

Sur le plan des moyens, Météo-France a subi depuis 2012 une baisse substantielle de son plafond d'emplois : les effectifs ont été diminués d'un quart alors que les missions confiées ne cessent de croître, tout comme la qualité et la granularité des prévisions attendues. Si je partage la logique de rationalisation des effectifs et de modération de la masse salariale, celle-ci ne doit pas conduire à une détérioration du service ni fragiliser Météo-France dans la compétition météorologique européenne et mondiale.

Quelle est donc votre appréciation de l'adéquation entre les moyens budgétaires et humains et les missions ? Météo-France dispose-t-il toujours de la capacité et de l'agilité nécessaires pour jouer le rôle crucial de déclencheur de la chaîne d'alerte ? Je pense notamment au violent épisode orageux qui a touché la Corse en août 2022 et qui a entraîné la mort de cinq personnes, l'échouage de quatre-vingt-dix navires et des dégâts matériels considérables. Cet épisode avait été insuffisamment anticipé par Météo-France, qui avait placé la Corse en vigilance jaune... La récente tornade survenue dans mon département est par ailleurs révélatrice de phénomènes d'autant plus intenses qu'ils sont brefs.

Lors de la dernière campagne sénatoriale, les maires m'ont remonté une préoccupation récurrente : en tant qu'élus locaux, ils sont souvent démunis lorsqu'ils reçoivent des messages d'alerte de la préfecture. En effet, il leur est malaisé de protéger les populations quand une manifestation est déjà en cours, alors que leur responsabilité peut être engagée en cas de dommages aux personnes. J'ai conscience que la résolution de ce problème ne relève pas de Météo-France, mais il me semblait nécessaire de vous en faire part.

À cet égard, pensez-vous être en mesure d'accroître la qualité d'anticipation et la durée de préparation de la sécurité civile pour réagir au risque météorologique et mieux accompagner les maires dans l'évaluation la plus fine possible de la gravité potentielle des aléas climatiques ?

J'en viens à la question budgétaire. En 2021, notre collègue de la commission des finances Vincent Capo-Canellas avait alerté sur la fragilité de la situation budgétaire et sur la trajectoire financière de Météo-France en usant d'une formule éloquente : « Quand le refroidissement budgétaire se confronte au réchauffement climatique. » Quelles ont été, à la suite des constats dressés par son rapport d'information sénatorial, les actions correctives et les modifications stratégiques mises en oeuvre ? Peut-on aujourd'hui affirmer que la pérennité du modèle économique de Météo-France est assurée ? À cette fin, comment comptez-vous accroître la part des recettes commerciales tirées des prévisions et des services météorologiques ?

Au moment de l'élaboration du contrat d'objectifs et de performance (COP), des inquiétudes avaient été exprimées du fait de la rationalisation des implantations territoriales et du passage de 115 à 39 agences, alors que, dans le même temps, Météo-France prenait du retard dans l'automatisation des systèmes de captation. Le déploiement territorial actuel permet-il de répondre aux besoins de données en temps réel et à l'objectif d'une maille de plus en plus précise ? Comment entretenez-vous l'essentielle relation de proximité avec les territoires et les élus en particulier ?

Le renforcement, en juin 2022, de la puissance de calcul grâce à la mise en service des nouveaux supercalculateurs est-il suffisant pour traiter simultanément des opérations de plus en plus complexes ? La maille de calcul peut-elle encore être affinée ? Dans le cadre plus confidentiel d'une audition budgétaire, vous m'aviez indiqué travailler à un scénario de multiplication par six de la puissance de calcul. Cette montée en puissance a d'ores et déjà été approuvée par le Secrétariat général pour l'investissement, avec des nouveaux supercalculateurs qui pourraient être mis en service à mi-2026, pour un coût deux fois et demie plus élevé que la génération précédente, soit un montant de plus de 300 M€.

Ces données sont-elles toujours d'actualité ? Comment comptez-vous mettre à profit ces gains de précision et d'anticipation ? L'empreinte environnementale du numérique est-elle également une préoccupation de Météo-France ? Quelles mesures avez-vous prises ou comptez-vous prendre pour la réduire et la compenser ? Est-ce un axe de votre feuille de route pour la transition énergétique ?

Quelles mesures mettez-vous en oeuvre pour protéger la puissance de calcul et les serveurs de Météo-France d'une cyberattaque ? Comment Météo-France anticipe-t-il la montée en puissance exponentielle de l'intelligence artificielle, notamment pour le traitement de grandes masses de données et l'amélioration continue des modèles de prévision par des machines désormais capables d'apprendre ?

Le coût des services rendus par Météo-France doit être relativisé par la valeur des bénéfices socio-économiques qu'ils génèrent, quatre fois supérieure, soit environ 1,4 milliard d'euros. Ces investissements permettront-ils à la France de maintenir son rôle de grande puissance météorologique ? Quels enjeux identifiez-vous en lien avec la nécessaire souveraineté des données météorologiques par rapport aux géants de l'internet, notamment pour répondre aux besoins de la défense nationale et de la navigation aérienne en matière de vigilance et d'alerte ?

Au niveau européen, est-ce que des complémentarités et des mutualisations peuvent être obtenues grâce à la coopération avec les autres agences d'observations météorologiques ? Pouvez-vous notamment nous éclairer sur le choix de retenir Bonn pour l'installation du service Copernicus par le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme, alors que Toulouse était candidate ?

La mise en ligne de nouvelles catégories de données, jusqu'ici soumises à redevance de réutilisation, dans un contexte de transformation numérique des usages et d'applications météorologiques toujours plus nombreuses, a entraîné une perte de revenus immédiate, estimée à plus de 1,4 million d'euros par an. Comment Météo-France s'est-il adapté à ce manque à gagner ? Les recettes sont aujourd'hui de l'ordre de 34 millions d'euros par an : estimez-vous qu'elles ont atteint un pic et ne feront que décliner ou bien considérez-vous qu'il existe un gisement de clients à attirer et à fidéliser ? Je pense notamment aux énergéticiens, pour qui la connaissance le plus en amont possible des températures hivernales est l'assurance d'un meilleur pilotage de la production et de la distribution d'électricité, notamment lors des pics de consommation. En résumé, les perspectives pour le développement des activités lucratives sont-elles plutôt optimistes ou pessimistes ?

De même, cette ouverture des données est à l'origine d'une baisse de la valeur globale du marché, induite par la diminution des coûts d'acquisition des données, l'accroissement de la pression concurrentielle et l'arrivée de nouveaux entrants sur le marché météorologique. La rentabilité de la production des données n'est plus assurée et elle doit être compensée par la subvention pour charges de service public. La valeur ajoutée est désormais tirée de la mise à disposition et de la segmentation des données auprès des utilisateurs météo-sensibles et météo-dépendants, ainsi que des services météorologiques induits. Comment cette nouvelle culture se diffuse-t-elle auprès des personnels et comment ce changement de modèle a-t-il été vécu ? L'ADN de Météo-France est-il compatible avec ces évolutions substantielles et comment comptez-vous faire évoluer la stratégie de développement commercial à l'aune de cette intensification de la concurrence ?

L'application et le site Météo-France sont la vitrine de votre savoir-faire : comptez-vous en développer l'ergonomie, la personnalisation et promouvoir de nouveaux services innovants ? J'ai en tête notamment l'information et les services aux élus locaux, à qui on demande tant et qui sont les premiers de cordée en matière d'adaptation au changement climatique : envisagez-vous des fonctionnalités nouvelles pour les accompagner ?

Madame Schwarz, le nombre de mes questions est le reflet de la grande attention que porte notre commission aux enjeux météorologiques dans le contexte de changement climatique.

Mme Virginie Schwarz, candidate proposée par le Président de la République pour exercer les fonctions de président-directeur général de Météo-France. - Présidente-directrice générale de Météo-France depuis quatre ans, je suis heureuse de me présenter devant vous pour vous faire part de mon engagement à accomplir un nouveau mandat à sa tête, si vous m'accordez votre confiance.

Quels résultats ces quatre dernières années ? Je n'en citerai que quelques-uns, les plus emblématiques à mon sens.

D'abord, la signature d'un nouveau contrat d'objectifs et de performance avec l'État pour la période 2022-2026, construit avec les personnels et les partenaires de l'établissement autour de quelques principes forts : renforcer notre utilité, en particulier en matière de sécurité des personnes et des biens, en fournissant à nos utilisateurs une information précise et de qualité sur les phénomènes météorologiques et le changement climatique, dans les formes et au moment requis ; faire de Météo-France l'acteur national de référence en matière de fourniture de données et de services climatiques pour accompagner les démarches d'adaptation au changement climatique ; développer l'innovation et être exemplaire en matière de responsabilité sociale et environnementale ; enfin, ce contrat est construit sur l'hypothèse d'une stabilité des effectifs de l'établissement au-delà de 2022, après plus de dix ans de baisse continue.

Ces quatre dernières années ont également été marquées par la fin de la mise en oeuvre du projet de transformation de l'établissement, qui avait été décidé en 2018 dans le cadre du programme national Action Publique 2022. L'ensemble des mesures prévues par ce très exigeant projet auront été mises en oeuvre : diminution du schéma d'emplois, resserrement du nombre d'implantations et centralisation des fonctions support dans les centres de services partagés, automatisation progressive et refonte du métier de prévisionniste.

J'ai veillé à ce que ces évolutions soient mises en oeuvre en étant particulièrement attentive à l'accompagnement des changements et en conservant une organisation territoriale suffisante pour rester à l'écoute des acteurs locaux. Comme je m'y étais engagée en 2019, nous avons en particulier mis en place, en étroite collaboration avec les communes et les départements concernés, une nouvelle organisation territoriale dans les Alpes et les Pyrénées, permettant le maintien de six implantations de proximité.

J'ai également souhaité mettre en place un réseau de référents territoriaux, interlocuteurs des acteurs locaux institutionnels.

En ce qui concerne la mission essentielle de protection des personnes et des biens face aux aléas météorologiques, grâce à la mobilisation de l'ensemble de son personnel, Météo-France a assumé avec efficacité ses responsabilités pendant ces quatre années. Ainsi, en 2022, 98,6 % des événements météorologiques les plus intenses ont bien fait l'objet d'un avertissement par une vigilance rouge ou orange.

Des évolutions majeures fortement attendues ont également été introduites, par exemple l'extension à deux journées complètes du dispositif de la vigilance, au lieu de vingt-quatre heures précédemment, et un début de mise en place d'informations infradépartementales permettant de cibler des zones géographiques plus fines pour le phénomène vagues-submersion et les avalanches.

Une prévision des phénomènes météorologiques dangereux, jusqu'à sept jours, a été rendue disponible pour le grand public. Nous avons également prévu la possibilité pour les utilisateurs de notre application mobile de recevoir des modifications en temps réel directement sur leur téléphone à chaque passage en vigilance orange ou rouge.

Outre-mer, la vigilance vagues-submersion a été étendue et est maintenant pleinement opérationnelle aux Antilles, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte.

Toujours dans le domaine de la sécurité des personnes et des biens, conformément aux annonces du Président de la République à l'automne 2022, nous avons également mis en place en juin dernier un nouveau dispositif d'information du grand public appelé « Météo des forêts », qui indique un niveau de danger de feux de forêt et qui s'accompagne de conseils sur les comportements à adopter. En complément, l'appui opérationnel que nous apportons aux acteurs de la lutte contre les incendies a été étendu géographiquement.

Une autre action majeure de ces quatre années a été le renouvellement des deux supercalculateurs de l'établissement, mené à bien en 2021. Cela a permis de mettre en place une nouvelle chaîne de prévision météorologique avec une maille géographique plus fine et de réduire de 5 % l'erreur de prévision sur l'Europe à quelques jours de l'échéance, ce qui équivaut à un gain d'anticipation de l'ordre de cinq heures par rapport au calculateur précédent. Ces nouveaux modèles, parmi les meilleurs en matière de prévision numérique du temps, ont permis de conforter la place de l'établissement.

En matière climatique, ces quatre années ont été également marquées par de nombreuses avancées, qu'il s'agisse de la poursuite de notre contribution aux travaux du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), de la mise à disposition au niveau international de nos simulations climatiques ou de la création d'un nouveau portail d'information, DRIAS-Eau, pour informer des effets du changement climatique sur les enjeux liés à l'eau dans nos territoires.

Nous avons également lancé à la fin de 2022 de nouveaux services climatiques gratuits en ligne : l'un destiné aux communes, l'autre aux entreprises. Climadiag Commune permet en quelques clics de synthétiser et de quantifier les évolutions climatiques auxquelles chaque commune devra s'adapter à l'horizon 2050. Les retours que nous en avons jusqu'à présent sont très positifs.

En matière de responsabilité sociale, nous avons notamment adopté, en concertation étroite avec les organisations syndicales, un projet social, feuille de route de l'établissement dans le domaine des ressources humaines, mais aussi, en 2021, un premier plan d'action pluriannuel en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, ainsi que, en 2022, un plan pluriannuel favorisant l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap.

En matière d'écoresponsabilité, Météo-France s'est doté d'un plan pluriannuel 2021-2025 visant à réduire d'au moins 20 % ses émissions de gaz à effet de serre.

J'en viens maintenant aux perspectives pour un nouveau mandat, si vous m'accordez votre confiance.

Tout naturellement, ma première priorité sera la pleine mobilisation des effectifs et des moyens accordés à l'établissement pour la mise en oeuvre des objectifs qui sont inscrits dans le contrat d'objectifs 2022-2026, en premier lieu progresser dans la prévision des phénomènes météorologiques dangereux en anticipant la majorité des épisodes de vigilance non plus trois heures, mais six heures à l'avance. Cette anticipation est déterminante pour faire face à ce type d'événements.

Nos dispositifs de vigilance doivent s'accompagner d'une information sur les comportements à accompagner lors de situations dangereuses. Relayant les conseils qui sont donnés par les pouvoirs publics, nous pouvons les rendre plus visibles.

Pour parvenir à cette meilleure anticipation, de nouvelles versions de nos modèles de prévision doivent être régulièrement déployées, en particulier une modélisation à la maille de 500 mètres, soit une précision deux fois supérieure à ce qui se fait aujourd'hui. Une expérience sera menée dès 2024 sur la région parisienne et sur le pourtour méditerranéen.

Tout en poursuivant les travaux de recherche sur la caractérisation du changement climatique et les actions de sensibilisation du grand public, nous devons déployer de nouveaux services climatiques, notamment pour les villes. Les îlots de chaleur sont un sujet de préoccupation pour de nombreuses collectivités, tout comme le secteur agricole est très affecté par le changement climatique.

Je souhaite également renforcer nos actions et nos moyens permanents outre-mer. Cela nous donnera également la possibilité de développer nos recettes commerciales, puisqu'une partie de ces services est payante.

Pour atteindre ces objectifs, l'établissement doit rester à la pointe en matière de technologies et d'innovations et être plus réactif dans sa réponse aux besoins de ses usagers et de ses clients. En un mot : innover plus et plus vite.

Dans le domaine de la météo comme dans d'autres, une des ruptures pourrait venir de l'intelligence artificielle. Notre établissement a été précurseur en la matière, avec de nombreux projets qui sont déjà opérationnels. Nous pourrions aller plus loin en remplaçant nos modèles de prévision numériques par des émulateurs d'intelligence artificielle. Ce domaine reste exploratoire, mais Météo-France, avec d'autres services de météorologie européens, doit être un centre d'excellence en matière de prévision du temps à partir de techniques d'intelligence artificielle, domaine dominé à ce jour par quelques sociétés privées américaines et chinoises.

Il est nécessaire que Météo-France continue à disposer de moyens de calcul intensifs suffisants. Pour la génération suivante de calculateurs, l'examen des attentes des ministères et parties prenantes a effectivement conduit à estimer le besoin à une puissance de calcul multipliée par six. Ce projet a été validé par le secrétariat général pour l'investissement en 2022 compte tenu des gains économiques, sociaux et environnementaux qu'il procurera, estimés à 1,4 milliard d'euros, au regard d'un coût de 350 millions d'euros. Ce projet, qui doit aboutir en 2026, est donc une priorité.

En conclusion, je suis convaincue que Météo-France doit continuer à renforcer ses actions en matière de responsabilité sociale et environnementale, notamment en promouvant la qualité de vie au travail de ses agents.

En matière d'écoresponsabilité, mener la rénovation énergétique de nos quelque 80 000 mètres carrés de locaux est un défi considérable, tout comme la réduction de la consommation d'énergie de nos calculateurs - c'était un critère important dans notre précédent appel d'offres et il continuera de l'être.

Météo-France doit faire face à des enjeux majeurs pour la société française, à la fois en matière de sécurité publique, de service climatique. Alors que les effets du changement climatique se font sentir toujours davantage, les attentes sont particulièrement fortes. Les défis sont nombreux, mais l'établissement se situe au meilleur niveau mondial et dispose d'importants atouts pour y répondre : son excellence scientifique, la pertinence de ses moyens techniques et la qualité de ses personnels.

Si votre commission et celle de l'Assemblée nationale ne s'y opposent pas, je serai donc fière et heureuse de continuer à m'engager avec l'ensemble des personnels pour que Météo-France soit toujours l'établissement de pointe au service de tous.

Mme Nicole Bonnefoy. - Météo-France joue un rôle particulier dans le dispositif de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Je travaille sur la problématique du retrait-gonflement des sols argileux et sur la réforme du régime des catastrophes naturelles. Météo-France apporte une expertise technique et scientifique qui permet à la commission dite « CatNat » de décider d'accorder ou pas une indemnisation aux territoires concernés. Le site internet de l'établissement précise que Météo-France a créé un indice d'humidité des sols, destiné à caractériser la teneur en eau du sol superficiel, appelé « SWI » (soil wetness index). Cet outil, intéressant, n'est malheureusement pas mobilisé pour évaluer l'impact des sécheresses, dont l'intensité a décuplé au cours des cinq dernières années.

Dans le dispositif CatNat Sécheresse, la commission a préféré un nouvel indice dit « SWI Uniforme », accessible de manière payante sur le site internet de Météo-France. Or nous ne connaissons pas les modes de calcul et les critères de cet indice. Il pourrait donc être utile que Météo-France mette à disposition le résultat de l'indice SWI Uniforme et que l'établissement rende accessibles en ligne la formule de calcul et les données utilisées. Ne pensez-vous pas qu'une action de transparence est nécessaire sur ce sujet, comme notre commission l'a déjà largement demandé ?

En outre, les collectivités territoriales n'ont pas accès aux données, notamment en ce qui concerne la question de la sécheresse. Qu'en est-il ?

Enfin, le dispositif Climadiag reste très peu connu sur le terrain. Sans doute faudrait-il mieux communiquer sur ce sujet.

M. Jean Bacci. - J'associe Pascal Martin à mon intervention.

La Météo des forêts est une très belle initiative que Météo-France a lancée à la demande du Gouvernement. Elle permet de combler les besoins de communication concernant les risques d'incendie. Toutefois, dans la pratique, les cartes produites par l'établissement ne sont pas toujours en adéquation avec celles que les préfectures fournissent aux communes, ce qui a pu créer une certaine cacophonie. Je ne doute pas que vous corrigerez le tir pour la saison prochaine.

M. Didier Mandelli. - Ma question est double et porte sur le littoral - je suis en effet élu de Vendée, qui a subi la tempête Xynthia.

Comment Météo-France travaille-t-il avec le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) pour établir la cartographie du phénomène d'érosion du trait de côte sur les littoraux ?

Dans quelle mesure l'établissement est-il sollicité par ceux qui contribuent à définir l'implantation des futurs parcs éoliens, au large, dans la zone économique exclusive (ZEE) et comment travaille-t-il avec les acteurs concernés pour élaborer ces cartographies ?

M. Ronan Dantec. - Je souhaiterais vous entendre sur la question stratégique que constitue l'évolution des moyens, notamment humains, de Météo-France. Quelle vision défendez-vous, alors que nous devrons bientôt nous pencher sur l'examen de la prochaine loi de finances ?

L'établissement est reconnu à l'échelle internationale pour sa contribution aux modélisations. Alors que l'on constate un emballement climatique -  un réchauffement de 1,4 degré Celsius à l'échelle mondiale, annoncé ce matin -, les modèles l'ont-ils prévu ou faudra-t-il les revoir ?

Enfin, sur le dispositif Climadiag, je peux vous confirmer en ma qualité de président de la commission spécialisée sur l'adaptation au changement climatique, au sein du Conseil national de la transition écologique (CNTE), que nous travaillons étroitement avec Météo-France et les collectivités territoriales. Toutefois, le dispositif pourrait en effet être davantage promu, car les collectivités ont besoin d'une information simple et fiable.

Mme Nadège Havet. - Certaines communes souhaitent mettre en place des éoliennes terrestres de moins de 50 mètres de hauteur. Or, elles doivent pour cela obtenir une autorisation de votre part, sans qu'aucune étude particulière soit menée et selon des critères identiques à ceux qui s'appliquent pour les éoliennes de plus de 50 mètres. Ne faudrait-il pas adapter le dispositif ?

M. Saïd Omar Oili. - Quelles orientations allez-vous privilégier en ce qui concerne les répercussions du changement climatique dans les territoires ultramarins, en particulier pour ce qui est des prévisions à moyen et à long terme, par zone géographique ? La crise de l'eau à Mayotte illustre cette impérieuse nécessité de mieux se préparer pour mieux gérer la situation.

En outre, j'aimerais connaître les résultats des études menées par Météo-France dans les territoires ultramarins, notamment en matière d'anticipation des phénomènes majeurs.

M. Michaël Weber. - Dans le pire des scénarios envisagés, soit celui d'une augmentation des températures de 4 degrés Celsius, en France métropolitaine, de nombreuses personnes seraient exposées au risque des feux de forêt. La première version du plan national d'adaptation au changement climatique doit être présentée d'ici à la fin de l'année. Estimez-vous que les prévisions scientifiques soient suffisamment intégrées dans les politiques publiques de gestion et de prévention des incendies ? Quelle est la place de Météo-France dans l'assistance au dispositif de gestion de ces risques sur l'ensemble du territoire national ? Il faut en effet pouvoir accompagner tous les territoires de la même manière dans la gestion de ces risques.

En outre, la subvention dont bénéficie Météo-France a diminué de 20 % depuis 2013 et les effectifs de l'établissement ont été fortement réduits. Comment celui-ci pourra-t-il rester efficace avec moins de moyens et de personnel ?

Mme Marie-Claude Varaillas. - Le contrat d'objectifs et de performance de Météo-France pour la période 2022-2026 fait état d'une feuille de route ambitieuse en matière de fourniture de données et services climatiques, à la hauteur des enjeux liés au changement climatique. Météo-France est, à n'en pas douter, un acteur majeur qui intervient pour accompagner les ministères, les entreprises et les collectivités, et pour sensibiliser les citoyens et les décideurs.

Toutefois, les moyens humains, matériels et financiers seront-ils à la hauteur ? En 2021, le rapport de notre collègue Vincent Capo-Canellas pointait une situation de rétrécissement de l'établissement, due à la compression des effectifs et à la réduction du nombre des centres départementaux. En effet, en 2022, Météo-France ne comptait plus que 2 500 équivalents temps plein (ETP), contre 3 400 en 2012. Or, les responsables des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) indiquent que la multiplication des feux implique une gestion à l'échelle territoriale, avec un prévisionniste sur place. D'ailleurs, les incendies en Gironde ont montré que Météo-France ne serait pas capable, faute de personnel en nombre suffisant, de gérer simultanément plusieurs situations de crise.

Certes, deux nouveaux supercalculateurs sont attendus en 2026 qui, par leur plus grande fiabilité, permettront de mieux anticiper les phénomènes dangereux et extrêmes. J'espère aussi qu'ils permettront de mieux les localiser, grâce à des données plus précises. Cependant, il faudra nécessairement des équipes techniques pour exploiter au mieux ces équipements et les données qu'ils fourniront.

Les besoins d'investissement de Météo-France étaient pour 2023 d'environ 33 millions d'euros et ils atteindront pour 2024 presque 27 millions d'euros. Au regard des besoins de l'établissement, croyez-vous que ces prévisions budgétaires seront prises correctement en compte dans le projet de loi de finances que nous examinerons bientôt ?

Mme Virginie Schwarz. - Pour ce qui est du dispositif « CatNat », je constate que nous n'avons pas complètement atteint l'objectif de transparence que nous nous étions fixé. Nous avons publié sur le site internet de Météo-France et sous la forme d'un document papier une notice qui explique son rôle dans le dispositif « CatNat Sécheresse », qui rend compte de la manière dont les calculs sont faits et qui mentionne les indicateurs utilisés. Ce document n'est pas suffisamment connu.

Nous faisons désormais systématiquement figurer sur le site de Météo-France les rapports de la commission, de sorte que les données qu'ils contiennent sont en accès libre et gratuit. Là encore, nous devons nous efforcer de faire mieux connaître ces documents.

La transparence est un élément essentiel compte tenu des interrogations que soulèvent les modes de calcul. C'est la raison pour laquelle, dès la fin de l'année en cours, nous renforcerons le processus de mise à disposition de l'ensemble de nos données publiques, en supprimant toutes les redevances de réutilisation. Les données de base qui servent au calcul des indicateurs figureront ainsi en accès libre et gratuit sur notre site internet.

Le dispositif Climadiag Commune pourrait en effet être davantage connu. Le prochain salon des maires sera l'occasion d'en faire la publicité.

Pour ce qui est de la Météo des forêts, la carte nationale que nous publions et qui est destinée au grand public est à l'échelle départementale et agglomère des informations variées, alors que les cartes opérationnelles que nous fournissons aux services de la sécurité civile sont plus précises et prévoient plusieurs zones par département. Nous avons identifié la difficulté que posait cette différence d'échelle géographique et nous veillons à la gérer, avec la sécurité civile. En effet, il est très important pour les services opérationnels de continuer 'de disposer d'une information précise, mais il n'est pas forcément souhaitable de rendre cette information publique à l'échelle nationale. Nous essayons d'améliorer le compromis qui a prévalu l'été dernier.

Météo-France a un rôle opérationnel à jouer dans la prévention des incendies. À court terme, l'établissement envoie des prévisionnistes dans les centres opérationnels pendant la période des feux, et il le fait depuis l'été dernier dans les zones de défense sud et sud-ouest. C'est une nouveauté, notamment dans la région Aquitaine, car Météo-France ne disposait pas auparavant d'équipes suffisamment étoffées pour pouvoir le faire. Grâce à l'augmentation du plafond d'emplois de l'établissement, nous avons pu affecter 17 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires à la lutte contre les feux de forêt. En 2024, nous étendrons cet appui opérationnel pour couvrir la zone de défense ouest. Une très grande moitié du sud de la France sera ainsi couverte.

Dans le reste des départements, l'appui se fait à distance, mais nous avons des productions quotidiennes d'indices de feu et des échanges avec les pompiers dans la lutte contre les incendies. Compte tenu du changement climatique et de l'extension du risque d'incendie, le rôle opérationnel de Météo-France est sans doute voué à s'étendre progressivement.

À plus long terme, nous intervenons pour anticiper les évolutions nécessaires du dispositif de protection et de lutte contre les incendies et nous avons mené, dans ce cadre, en lien avec la direction générale de la sécurité civile et de la gestion de crise, un travail d'adaptation au changement climatique de l'organisation de la sécurité civile, ce qui est assez rare pour une administration centrale. Les scénarios climatiques définis par Météo-France ont ainsi nourri la réflexion pour adapter les moyens et l'organisation de la sécurité civile dans tous les domaines.

Sur le littoral, notre implication porte essentiellement sur le dispositif de vigilance vagues-submersion, mis en place à la suite de la tempête Xynthia. Nous travaillons pour cela avec le service hydrographique et océanographique de la marine (Shom).

Pour ce qui est de l'érosion du trait de côte, nous fournissons des scénarios possibles, mais l'expertise reste au Cerema, avec lequel nous avons passé un accord-cadre sur tous ces sujets.

Météo-France assure pour le compte du ministère de la transition écologique les études préalables à la définition des appels d'offres concernant l'éolien. Nous fournissons donc l'ensemble des données remises aux candidats, de manière à ce qu'ils disposent d'une base d'informations commune. Il s'agit là d'un des éléments de développement de notre stratégie commerciale, car l'expansion du parc éolien nous oblige à une activité forte en la matière.

De manière générale, en matière commerciale, notre stratégie consiste à nous focaliser sur un nombre limité de secteurs essentiels, à savoir l'énergie, les transports, l'eau ou l'agriculture. Dans ces secteurs, nous développons des services commerciaux payants, ainsi que des services d'adaptation au changement climatique.

J'espère que nos recettes commerciales ne vont pas baisser. Cela étant, nous avons peu d'ambitions d'augmentation, compte tenu de la limitation des moyens humains que nous pouvons y consacrer.

Nos moyens humains sont en priorité dédiés à nos différentes missions de service public. Nous ne pouvons consacrer qu'une petite partie de nos effectifs aux services commerciaux, même si nous nous efforçons de les rendre les plus efficaces et les plus rentables possible en nous concentrant sur quelques secteurs.

Je reviens un instant sur l'éolien en mer. Nous assurons également des prestations commerciales pour un certain nombre d'opérateurs retenus au terme des appels d'offres, notamment pour la mise à l'eau des éoliennes ou pour la maintenance. À cet égard, l'optimisation de la location des bateaux est un enjeu économique majeur, compte tenu du coût desdites locations. En apportant des prévisions météorologiques très ciblées, nous permettons à ces opérateurs de dégager des économies. C'est aussi un débouché commercial pour nous.

La question des moyens a été posée à plusieurs reprises ; j'y apporterai une réponse globale.

Tout d'abord, en matière d'investissement, Météo-France bénéficie depuis longtemps de moyens importants pour l'observation et le calcul intensif. Dans ce domaine, nous nous situons à un bon niveau mondial : il faut le préserver en assurant le renouvellement régulier des supercalculateurs. Ces équipements ont une durée de vie relativement courte et doivent donc être remplacés régulièrement. Cet enjeu financier sera très important. Pour l'instant, dans nos échanges avec la direction du budget, ces éléments de coût sont bien pris en compte dans une perspective pluriannuelle.

En matière d'observation, nous avons certes encore besoin de moyens supplémentaires, mais ils sont assez peu nombreux. Nous devons surtout être à même d'assurer la maintenance et le renouvellement des équipements, malgré l'inflation actuelle.

Je précise que le coût des supercalculateurs déforme largement notre budget global d'investissement. Nous n'achetons pas les supercalculateurs : nous les louons. En revanche, nous achetons des équipements annexes et, selon les montants d'investissement liés aux supercalculateurs, on peut observer de fortes variations du montant d'investissement d'une année sur l'autre. La situation n'est pas anormale pour autant : tout dépend du rythme de conclusion des marchés.

En dehors des supercalculateurs, nos systèmes informatiques commencent à être un peu vieillissants. Dans les années à venir, ils exigeront sans doute des efforts de renouvellement. Nous sommes en train d'étudier cette question.

Ensuite, pour ce qui concerne le fonctionnement de ces différents équipements, nous sommes face à un enjeu majeur : le prix de l'électricité. Les supercalculateurs, en particulier, en consomment beaucoup, même si nous essayons de les utiliser le plus efficacement possible. Par l'augmentation de notre subvention pour charges de service public, les budgets des deux dernières années ont pris en compte l'impact de la hausse des prix de l'électricité ; nous n'en sommes pas moins attentifs à la question.

J'en viens aux effectifs. Météo-France a effectivement vu son plafond d'emplois réduit d'environ 25 % en dix ans et nous avons atteint la limite inférieure pour accomplir nos missions de manière efficiente. J'ai demandé et obtenu que notre COP soit construit sur l'hypothèse que nos effectifs connaissent à tout le moins une stabilité. Il faut mettre un terme à cette baisse d'effectifs, constante depuis dix ans.

Pour 2023 et 2024, j'ai même formulé des demandes d'ETP supplémentaires, qui ont été acceptées par les ministères de l'écologie et du budget. Au total, 23 nouveaux ETP nous ont été attribués pour 2023 et le principe de 25 ETP supplémentaires a été accepté au titre du projet de loi de finances pour 2024.

Ces recrutements sont d'autant plus importants que nous faisons face à de nombreux départs à la retraite. Cette situation pose des questions, en termes non seulement de transfert de compétences et de formation, mais aussi de recrutement et d'attractivité, que connaissent beaucoup de services de l'État. Nous avons la chance de couvrir des domaines plutôt attractifs - je pense en particulier au changement climatique -, mais les conditions d'emploi et de rémunération ont bien sûr leur importance et, par exemple pour ce qui concerne l'informatique, nous avons du mal à attirer des talents. Nous mettons du temps à recruter ; en résultent, dans les équipes, des vacances qui rendent notre travail plus difficile.

Les emplois hors plafond pourraient nous donner une souplesse supplémentaire pour développer des activités commerciales ou financées par des tiers. Or, aujourd'hui, le cadre fixé par la direction du budget impose une procédure d'appel d'offres qui, en pratique, rend le recours à ce type d'emploi très difficile, même pour des activités non pérennes. Nous nous efforçons de lever ces contraintes avec la direction du budget.

Notre action s'inscrit bien entendu dans le contexte du changement climatique. C'est bien l'augmentation du nombre et de l'intensité des feux de forêt qui nous a conduits au constat qu'il fallait renforcer les moyens de Météo-France pour apporter davantage d'appui opérationnel. De même, au cours des années à venir, nous connaîtrons sans doute davantage de vigilances canicule en été, saison où, traditionnellement, nous réduisons plutôt l'activité de nos prévisionnistes afin de bénéficier de davantage de disponibilité l'hiver. Météo-France devra continuer à s'adapter au changement climatique, y compris en matière d'effectifs.

L'épisode dramatique survenu en Corse a été mentionné. Météo-France avait placé ce territoire en vigilance jaune. Nous avions annoncé des orages puissants, mais nous pensions qu'ils passeraient au large de l'île, ce qui ne fut pas le cas.

Les orages localisés sont et resteront, par nature, parmi les phénomènes météorologiques les plus difficiles à prévoir. On peut prédire que, dans telle zone, des orages vont éclater, mais il reste très difficile d'indiquer précisément où et à quelle vitesse ils vont se déplacer, et de préciser l'intensité des précipitations qui en découleront.

En Corse, la situation a été complexifiée par la rapidité du phénomène. En deux ou trois minutes, les vents sont passés de 80 à 230 kilomètres à l'heure. De surcroît, nous ne disposons pas en mer des mêmes moyens d'observation qu'à terre. À ce titre, le Gouvernement a d'ailleurs décidé de nous doter de cinq bouées en mer, équipées de capteurs météorologiques, permettant de mieux anticiper ce type d'événement. La première bouée a été installée en juillet dernier ; les quatre autres suivront en 2024.

Enfin, on sait que les territoires d'outre-mer vont être particulièrement touchés par le changement climatique. C'est pourquoi nous avons demandé, pour 2024, des moyens supplémentaires permettant de déployer des équipes pérennes dans tous les départements ultramarins. Équivalant à celles dont nous disposons déjà en métropole, ces équipes seront chargées de réaliser des projections climatiques territorialisées. Si les dispositions du projet de loi de finances sont confirmées à ce titre, nous pourrons créer ces services.

M. Simon Uzenat. - La France est le pays qui se réchauffe le plus vite - toutes les études le démontrent - et pourtant nombre de personnalités et d'élus, y compris en Bretagne, entretiennent volontairement la confusion entre climat et météo. Ils alimentent ce faisant la montée du climato-scepticisme.

À cet égard, la sensibilisation et la formation de nos concitoyens dès le plus jeune âge sont, selon nous, absolument essentielles. Quelles actions, quels outils, quels moyens supplémentaires envisagez-vous, notamment en lien avec les collectivités territoriales ? Aujourd'hui et demain, nous avons tous un rôle à jouer pour adapter notre société au changement climatique.

Mme Virginie Schwarz. - Le ministère de l'éducation nationale, d'une part, et celui de l'enseignement supérieur et de la recherche, d'autre part, travaillent à déployer à grande échelle une telle sensibilisation. Météo-France a bien sûr un rôle à jouer, et nous fournissons d'ores et déjà des études et des données scientifiques, en particulier via le portail Climat hier et demain (Climat HD).

M. Jean-François Longeot, président. - Nous vous remercions pour vos réponses très complètes.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible sur le site internet du Sénat.

Vote sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de Mme Virginie Schwarz aux fonctions de président-directeur général de Météo-France

M. Jean-François Longeot, président. - Nous avons achevé l'audition de Mme Virginie Schwarz, candidat proposé par le Président de la République pour exercer les fonctions de président-directeur général de Météo-France. Nous allons maintenant procéder au vote sur cette proposition.

Le vote se déroule à bulletin secret, comme le prévoit l'article 19 bis de notre Règlement. En application de l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote, les délégations de vote ne sont pas autorisées.

Je vous rappelle que le Président de la République ne pourrait procéder à cette nomination si l'addition des votes négatifs des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.

Il est procédé au vote.

La réunion est close à 12 h 45.