Mercredi 12 juillet 2023

- Présidence de M. Christian Cambon, président -

La réunion est ouverte à 10 heures.

L'Égypte, porte d'entrée des crises dans la région - Examen du rapport d'information

M. Christian Cambon, président. - Mes chers collègues, pour notre dernière réunion de la législature notre ordre du jour appelle l'examen de deux rapports d'information, une communication sur la coopération militaire entre la France et l'Allemagne et des désignations de rapporteurs ainsi que des membres de la délégation de la commission qui va participer à la conférence interparlementaire pour la politique étrangère et de sécurité commune et la politique de sécurité et de défense commune : j'observe que celle-ci se déroulera à Madrid du 1er au 3 octobre à Madrid, c'est-à-dire au moment de l'élection du président du Sénat, ce qui n'est pas, pour nous, la date la plus appropriée.

M. Ronan Le Gleut, rapporteur. - Nous allons vous présenter les conclusions de notre déplacement en Égypte de mai dernier, qui visait à faire un état des lieux de notre relation diplomatique et de notre coopération militaire avec ce pays.

Chacun sait que nous avons une relation ancienne, solide et approfondie avec l'Égypte. En même temps, les bouleversements et les équilibres qui changent au Moyen-Orient incitent à nous interroger sur l'avenir de cette relation et sur ce que nous pouvons en attendre.

Je voudrais d'abord évoquer rapidement la situation économique et sociale du pays. L'Égypte est d'abord caractérisée par une démographie explosive. La population a passé le cap des 100 millions d'habitants en février 2020 et pourrait atteindre 150 millions en 2050. C'est le troisième pays le plus peuplé d'Afrique après le Nigeria et l'Éthiopie. Pour le moment, elle ne profite pas du « dividende démographique » : il est très difficile d'intégrer 800 000 nouveaux entrants chaque année sur le marché du travail et le chômage des jeunes atteint 26,5%. Plus grave, le niveau de vie par habitants diminue. Il est vrai que malgré ces difficultés, cette population nombreuse représente tout de même un marché très vaste pour les acteurs économiques du pays et de la région. C'est déjà pour nous une raison de continuer à y renforcer la présence de nos entreprises.

L'Égypte a par ailleurs un atout : depuis une quinzaine d'années, elle est devenue excédentaire dans sa production énergétique grâce à la découverte du champ Zohr en Méditerranée. Elle dispose également d'une infrastructure de liquéfaction pour transformer et acheminer le gaz israélien vers l'Europe. Elle a également signé des accords de coopération avec l'Europe et des pays du Golfe pour produire de l'hydrogène vert et bleu, domaine dans lequel elle pourrait briller dans les prochaines années.

Cependant, l'Égypte est surtout un pays en crise aggravée par la Covid 19 puis la guerre en Ukraine. C'est même l'un des pays au monde pour lesquels les effets du conflit sont les plus graves. En effet, l'Égypte est le premier importateur mondial de blé, avec une dépendance aux importations de l'ordre de 80%, dont 50% viennent de Russie et d'Ukraine, et une dépendance de 95% pour l'huile de tournesol. Le pays est donc très exposé au risque de ruptures d'approvisionnement et à la hausse des prix. Il serait l'un des premiers concernés, à terme, par un déficit de la production mondiale. Le conflit a aussi d'énormes conséquences sur le plan touristique, car les Russes et les Ukrainiens constituaient les plus gros clients du secteur.

La population égyptienne est directement affectée par cette crise, alors que, déjà en 2019, les deux tiers des Égyptiens vivaient soit sous le seuil de pauvreté, soit juste au-dessus. L'inflation a atteint 21,3% l'année dernière et la livre égyptienne s'est dépréciée de 89% depuis le début de 2022. Les subventions de produits de première nécessité sont le seul instrument dont dispose le pouvoir pour tenter de limiter les effets de la crise. Des appels à manifester ont eu même lieu à l'automne 2022, ce qui est rare dans ce pays dont la population est très contrôlée par l'appareil sécuritaire. Bref, des troubles sociaux importants ne sont selon nous pas à exclure totalement.

En tout état de cause, je pense qu'il faut que nous continuions à soutenir ce pays dans cette passe difficile, comme nous le faisons déjà notamment à travers notre aide au développement, l'Agence française de développement (AFD) étant très investie dans le pays. L'agence a ainsi prévu de contribuer à l'offre française de financement et d'investissement en Égypte à hauteur d'un milliard d'euros de 2021 à 2025.

Conséquence de cette crise, l'Égypte se met de plus en plus dans les mains des monarchies du Golfe ainsi que du FMI. Les pays du Golfe ont le sentiment d'avoir longtemps soutenu l'Égypte à fonds perdus dans ses grands projets, comme la nouvelle capitale construite au milieu du désert. Ils exigent désormais un retour sur investissement, en particulier sous la forme de prises de participation dans les entreprises égyptiennes. À titre d'exemple, la quasi-totalité des médias égyptiens appartiennent désormais à des entreprises des pays du Golfe, ce qui soulève tout de même un problème de souveraineté. Par ailleurs, l'Égypte a été contrainte de solliciter à nouveau l'aide du FMI et a obtenu, difficilement, un nouveau programme pour 3 milliards de dollars, le troisième depuis 2016. Le FMI impose une politique monétaire permettant le maintien d'un taux de change flexible, une consolidation budgétaire et surtout des réformes structurelles. En clair, il s'agit de réduire l'empreinte de l'armée et d'accroître le rôle du secteur privé dans l'économie. À vrai dire, cela paraît compliqué car l'armée est partout en Égypte, dans tous les secteurs économiques.

Nous avons donc identifié un certain nombre de facteurs d'instabilité. Cependant, nous soulignons que l'Égypte reste un acteur incontournable dans la région. D'abord, nos relations sont marquées par une très grande confiance. Les visites croisées au niveau des chefs d'État sont quasiment annuelles, les dernières ayant été celles du Président de la République à Charm-el-Sheikh à l'occasion de la COP27 et du Président Sissi à Paris en juillet 2022. Surtout, l'Égypte est un partenaire très important de la France au Moyen-Orient et une véritable porte d'entrée dans les crises de la région. La coopération est particulièrement étroite sur le dossier libyen, en particulier depuis la mise en place du comité franco-égyptien sur la Libye en 2018. Les consultations au niveau des hauts fonctionnaires et ministres sont nombreuses sur les autres sujets portant sur l'Afrique, la Syrie au sein du Small Group, la lutte contre le terrorisme et le processus de paix au Proche-Orient avec le groupe d'Amman. Enfin, la France soutient l'Égypte au sein des Nations unies sur la question du barrage de la Renaissance.

Permettez-moi à présent de vous lire l'intervention de Mme Sylvie Goy-Chavent qui n'a pas pu se rendre disponible ce matin. Elle a souhaité vous exposer le rôle clef que joue l'Égypte dans plusieurs crises régionales, ce qui justifie d'entretenir notre excellente relation mutuelle.

La première de ces crises est bien sûr le conflit israëlo-palestinien. L'Égypte joue toujours un rôle de médiation entre Israéliens et Palestiniens lors des épisodes de tensions ou d'affrontements, ainsi qu'entre les diverses factions palestiniennes. Elle oeuvre également en faveur d'une relance du processus de paix conformément à la solution à deux États, dans le cadre du groupe d'Amman associant aussi la Jordanie, l'Allemagne et la France. Au moment de notre déplacement en mai dernier, après une escalade meurtrière, un cessez-le-feu entre le Jihad islamique de Gaza et Israël venait d'être signé sous l'égide des services de renseignement égyptiens. L'Égypte continue en effet d'être à peu près le seul pays à pouvoir garantir un tel cessez-le-feu, du fait de son contrôle sur Gaza. L'Égypte partage notre constat d'une situation totalement bloquée, notamment parce que la partie israélienne ne fait plus du conflit une priorité, étant davantage concentrée sur la menace iranienne. Le vice-ministre des affaires étrangères, M. Hamdi Loza, nous a dit qu'à son avis Israël se satisfait d'un statu quo qui ne l'oblige à renoncer à rien, et compte sur d'autres pays comme le Qatar et l'Égypte pour tenir Gaza à bout de bras.

Par ailleurs, l'Égypte a perdu de l'influence à cause des accords d'Abraham. Ces traités de paix entre Israël et les Émirats arabes unis ainsi qu'entre Israël et Bahreïn, prolongés par des accords avec le Soudan et le Maroc, signifient en effet une marginalisation du conflit israélo-palestinien et donc une perte d'influence pour l'Égypte. Dans ce contexte, les autorités que nous avons rencontrées ont tenu à réaffirmer l'importance de la résolution du conflit. Les relations entre Égypte et Israël restent bonnes mais les Égyptiens souhaiteraient qu'Israël s'investisse davantage pour améliorer la situation.

Au-delà du conflit israélo-palestinien, nous avons été frappés, lors de nos entretiens avec les membres du Gouvernement, par le fait que le pays se perçoit comme assiégé par les menaces. Le vice-ministre des affaires étrangères a ainsi expliqué qu'alors qu'en 1973, la menace ne provenait que de la seule frontière avec Israël, désormais celle-ci est la seule parfaitement sûre, toutes les autres frontières étant menaçantes.

La crise soudanaise est la menace la plus actuelle pour le pays et représente une forme d'échec pour l'Égypte. En effet, avant l'éclatement du conflit entre les deux généraux al-Burhane et Hemetti, les Égyptiens soutenaient davantage al-Buhrane, pariant sans doute sur une évolution « à l'égyptienne », avec un pouvoir militaire fort. Le déclenchement des hostilités a donc consterné les Égyptiens. Le début des combats a déclenché un fort afflux de réfugiés : 70 000 personnes avaient déjà franchi la frontière en mai, et 350 000 au moins sont attendues. Les autorités égyptiennes sont pessimistes sur l'évolution du conflit : comme l'a déclaré l'un de nos interlocuteurs, « nous avons besoin d'un miracle au Soudan » ! Le vice-ministre des affaires étrangères a souligné que les États-Unis avaient décidé de s'appuyer sur l'Arabie Saoudite pour la résolution du conflit. Ce choix contribue à mettre en avant la montée en puissance de ce pays dans la région, au détriment de l'influence égyptienne.

Par ailleurs, la frontière avec la Libye à l'Ouest est considérée comme la plus menaçante en raison de sa longueur - 1200 km - et du risque de passage de combattants étrangers, d'armes, de munitions, d'engins explosifs improvisés (IED), de drogue, etc. Le vice-ministre de la défense nous a également rappelé l'enlèvement et l'exécution en 2015 par un groupe rattaché à l'État islamique de 21 coptes égyptiens. La partition de facto de la Libye avec deux Gouvernements, est en réalité un statu quo supportable pour l'Égypte, qui reste néanmoins préoccupée par la présence et l'influence du rival turc dans l'Ouest du pays. La lutte contre cette ingérence turque reste ainsi d'actualité et bien entendu nous partageons la position égyptienne sur ce point.

L'autre menace importante pour les Égyptiens est l'Iran. Le 10 mars 2023 a été signé un accord inattendu entre l'Arabie Saoudite et l'Iran sous l'égide de la Chine. L'Égypte n'a pu que prendre acte. Elle se contente maintenant d'en espérer d'éventuelles conséquences positives pour ses intérêts en Syrie, au Liban, en Irak et au Yémen. Parmi les responsables que nous avons rencontrés, deux analyses s'opposent. Selon le ministère des affaires étrangères, l'Iran n'est qu'une menace lointaine pour l'Égypte qui a déjà fort à faire dans son voisinage immédiat. Selon l'autre analyse, qui nous a été présentée par le vice-ministre de la défense, l'Iran est au contraire clairement un danger prégnant. L'Égypte doit donc rester mobilisée contre ce pays qui menace, selon elle, le caractère « arabe » de la région.

Je laisse la parole à Jacques le Nay pour évoquer les autres crises dans lesquelles l'Égypte est impliquée.

M. Jacques Le Nay, rapporteur. - Je poursuis la présentation de notre rapport en évoquant les menaces qui semblent aux Égyptiens littéralement les « assiéger ». Pas un de nos interlocuteurs n'a omis d'évoquer le remplissage par l'Éthiopie du réservoir du barrage de la Renaissance. Son impact sur l'unique zone agricole égyptienne est redouté. En réalité, plus que le barrage de la Renaissance, l'Égypte craint la multiplication de plus petites retenues destinées à l'irrigation en Éthiopie, car elles auraient pour effet de réduire définitivement le débit du fleuve. Le Soudan s'était souvent montré proche des positions égyptiennes sur cette question, mais le général al-Burhane a assuré le 26 janvier dernier être « d'accord sur tous les points » avec l'Éthiopie. La déstabilisation du Soudan ajoute ici une nouvelle inconnue. L'Égypte nous est très reconnaissante d'être un des seuls pays qui la soutient au Conseil de sécurité sur ce dossier. Le ministre adjoint de la défense nous a dit quasiment dans la même phrase qu'il n'excluait plus la solution militaire et qu'une telle solution serait catastrophique. Il nous a donc indiqué que l'Égypte travaillait à une autre solution pour assurer l'approvisionnement en eau du pays, à savoir la construction de 21 stations de dessalement. La situation financière actuelle très difficile du pays suscite toutefois des doutes sur ce programme.

Un autre front pour les autorités égyptiennes reste la lutte contre le terrorisme. Les craintes à cet égard viennent de Libye mais aussi du Sinaï. Dans cette région, les attaques dues à l'État islamique mais aussi au contexte politique et social local, avec une révolte des tribus bédouines, se sont multipliées depuis 2011, jusqu'à aboutir à une véritable guerre larvée. Les opérations menées dans cette région constituent l'engagement le plus important de l'armée depuis 1973. Cette guerre est peu documentée car les observateurs indépendants sont interdits dans le Nord-Sinaï depuis l'été 2013. Les Égyptiens craignent aussi que l'État islamique (EI) ne tente un coup de force à Gaza, la frontière avec l'enclave palestinienne constituant une préoccupation permanente. L'Égypte estime cependant avoir jugulé en grande partie ce problème grâce à un assouplissement de sa politique à l'égard des tribus bédouines, ce qui a permis de faire beaucoup baisser le nombre d'attaques. Toutefois, 11 militaires égyptiens ont encore été tués en juillet 2022.

Ce conflit est l'un des dossiers dans lesquels l'Égypte est critiquée sur le plan des droits de l'homme. L'administration américaine a conditionné une partie des 130 millions de dollars de son aide militaire à des avancées en la matière. La France conduit avec l'Égypte un dialogue sur ce sujet, qui a notamment permis la libération de l'activiste Ramy Shaath le 6 janvier 2022. Des listes de cas individuels faisant l'objet d'un suivi particulier sont remises aux autorités. En marge de la COP27, le Président de la République a notamment évoqué avec son homologue égyptien la situation du militant et prisonnier Alaa Abdel Fattah.

En réponse à ces menaces régionales, l'Égypte a récemment déployé de nouvelles bases militaires majeures. En juillet 2021, a ainsi été inaugurée une base navale baptisée « Nouveau 3 juillet » dans l'extrême nord-ouest, à proximité de la frontière avec la Libye, afin de contribuer à la sécurisation de cette frontière et à la lutte contre l'immigration clandestine. Sur la Mer Rouge, la base de Bérénice, créée en janvier 2020, permet de rapprocher les forces égyptiennes du Sud de la Mer Rouge et du détroit de Bab-el-Mandeb, dans une optique anti-iranienne. Enfin, la base Mohamed Naguib a été inaugurée le 22 juillet 2017, près d'El'Alamein, à l'est d'Alexandrie, assurant ainsi une force de projection en Méditerranée orientale.

Pour conclure sur ce volet, l'Égypte de Sissi fait preuve d'un certain activisme international. Cependant les difficultés rencontrées par le pays sur le plan intérieur et extérieur l'obligent à assister en spectateur à la montée en puissance de ses concurrents régionaux. La signature des accords d'Abraham, l'accord irano-saoudien, le déclenchement de la guerre civile soudanaise sont autant d'exemple d'événements lourds de conséquences pour le pays et son statut international. En particulier, la montée en puissance et l'activisme de l'Arabie Saoudite de MBS (Mohammed ben Salmane), qui soutient toujours le pays financièrement mais exige désormais des contreparties, sont soulignés par les autorités égyptiennes elles-mêmes.

Au final, les seules évolutions positives pour l'Égypte du point de vue de sa sécurité régionale viennent de l'amélioration de ses relations avec la Turquie et avec la Syrie. Je mentionne la rencontre turco-égyptienne entre ministres des affaires étrangères qui a eu lieu au printemps dernier. Le vice-ministre des affaires étrangères, Hamdi Loza, a tenu à nous indiquer qu'un contact avait été pris au préalable avec Chypre et la Grèce. En réalité, le rapprochement avec la Turquie reste très prudent et dépendra de l'évolution de la situation en Méditerranée orientale. Il est certain que l'Égypte estime avoir à gagner d'une amélioration des relations avec la Turquie car la sécurisation maritime de ses gisements gaziers est très coûteuse.

Un début de rapprochement s'opère également aujourd'hui avec la Syrie à la suite du tremblement de terre, après 10 ans de brouille. En avril dernier, le ministre égyptien des affaires étrangères a reçu son homologue au Caire. Nous ne partageons pas nécessairement son analyse, mais l'Égypte estime que ce rapprochement est nécessaire pour contrecarrer la progression de l'influence iranienne dans la région. Sur ce sujet également, l'Égypte reste finalement prudente. Elle n'a pas encouragé la réintégration de Bachar au sein de la ligue arabe, qui s'est produite le 7 mai à l'initiative de l'Arabie Saoudite.

Je laisse à présent la parole à Jean-Pierre Grand pour évoquer la coopération militaire.

M. Jean-Pierre Grand, rapporteur. - J'évoquerai pour ma part notre excellente coopération militaire avec l'Égypte et la confiance qui règne sur ce sujet entre nos deux pays.

Nous avons en effet pu rencontrer quelques-uns de nos principaux industriels au Caire. Ainsi, nous avons évoqué avec le représentant de Dassault la coopération déjà très ancienne en matière d'avions de combat. Je rappelle qu'au fil des années l'Égypte a acquis le Mirage 5, l'Alphajet, le Mirage 2000 et, bien sûr, le Rafale. Selon notre interlocuteur, ces excellentes relations contrastent avec celles entretenues avec les Américains, qui se seraient montrées décevantes sur plusieurs points. Les relations avec les Britanniques sont également difficiles. Par ailleurs, les Chinois essaient de vendre davantage mais sans grand succès, et il en va de même avec les Russes. Ainsi, la relation avec la France est véritablement essentielle pour l'Égypte dans ce domaine. Deux tranches de 24 et 30 avions Rafale ont donc été vendues à l'Égypte en 2015 et en 2021. Les livraisons de la nouvelle série commenceront en février 2026. Les Égyptiens se considèrent comme nos « porte-bonheur » pour la vente de cet avion de combat car ils estiment avoir servi d'exemples pour les acheteurs suivants.

Les contrats « Rafale » sont appréciés car ils offrent une grande autonomie stratégique aux Égyptiens. Le vice-ministre de la défense égyptien nous a ainsi expliqué qu'il était en capacité de déplacer les Rafale en Égypte ou en Arabie Saoudite sans l'assistance de Dassault et avec un effectif réduit, ce qui n'est pas le cas avec les avions américains. J'ajoute que les pilotes égyptiens du Rafale sont formés en Égypte dès le départ. Grâce au contrat sur le maintien en condition opérationnelle (MCO) signé après la vente, le taux de disponibilité des Rafale égyptiens serait très élevé et supérieur à celui des F16.

La confiance est également très grande dans les relations avec le motoriste Safran, présent en Égypte depuis les années 1970 et qui a un champ d'activité très large : moteurs d'avions de combat mais aussi optronique, navigation, trains d'atterrissage et roues, aussi bien dans le domaine civil que militaire. Pour l'armée de l'air, Safran intervient en Égypte sur 60 moteurs d'hélicoptères, 40 d'Alphajets, 15 de Mirage et 120 de Rafale. S'agissant de la maintenance des moteurs de Rafale, le représentant de Safran nous a indiqué que l'entreprise aurait sans doute des difficultés en la matière du fait du grand nombre d'avions récemment vendus. Tant les représentants de Safran que ceux de Dassault ont insisté sur le fait que la coopération industrielle deviendra à l'avenir un passage obligé. Il n'y a aucune obligation légale de localiser de l'activité en Égypte, mais la simple concurrence nous y oblige. Le fait que l'Égypte ait le tissu industriel le plus développé de la zone Afrique du Nord-Moyen-Orient (ANMO) constitue un atout à cet égard, même si persiste un manque de qualifications intermédiaires type BTS.

Nous avons également pu nous entretenir avec un représentant de Naval Group, pour qui cette coopération industrielle est déjà une réalité dont les Égyptiens sont très fiers. En effet, la fabrication des corvettes Gowind est entièrement réalisée dans un arsenal d'Alexandrie. Un total de sept navires de premier rang ont ainsi été acquis par l'Égypte : quatre Corvettes Gowind de 2 500 tonnes ont été vendues par Naval Group, dont trois sont fabriquées à Alexandrie, pour un montant d'environ 1 milliard d'euros ;

- une frégate multi-missions (FREMM) a été prise sur le stock de la marine nationale en 2016 ;

- deux porte-hélicoptères amphibie (PHA) sont en cours d'équipement car ils ont été vendus sans systèmes de combat. Je rappelle qu'il s'agit des Mistral que nous avions vendus à la Russie et que François Hollande avait décidé de ne pas livrer après l'invasion de la Crimée.

Je souligne que ces contrats bénéficient d'un rayonnement important dans la région du fait des coopérations maritimes de l'Égypte en Méditerranée orientale : Grèce, Arabie Saoudite, Émirats Arabes Unis... C'est ainsi que deux corvettes Gowind ont également été acquises par les Émirats Arabes Unis. Naval Group a par ailleurs insisté sur ce partenariat stratégique avec l'Égypte.

Enfin nous avons rencontré un représentant du fabriquant de missiles MBDA. L'entreprise travaille aussi beaucoup avec l'Égypte, que ce soit avec les armées de Terre, la marine ou l'armée de l'air, avec des produits comme le Mistral, le VL MICA (Missile d'Interception, de Combat et d'Auto-défense) et le système SAMP/T. Une interrogation subsiste encore aujourd'hui sur l'acquisition à venir des MICA/NG (nouvelle génération) pour les 30 nouveaux Rafale : pour l'instant ils ne sont pas encore commandés, sans doute du fait de la situation financière compliquée de l'Égypte. En revanche ils ont déjà été commandés en version sol/air par la marine égyptienne, ce qui dénote encore une fois une grande confiance dans nos fabrications car c'est la première commande de matériels qui ne sont pas encore opérationnels.

Pour conclure sur l'ensemble de notre visite, je souligne à nouveau l'excellente relation qui nous lie à l'Égypte, qui reste un acteur important dans cette région déchirée par de nombreuses crises. Toutefois, il nous faut également mesurer la perte d'influence de ce pays, notamment au profit des monarchies du Golfe, au premier rang desquels l'Arabie Saoudite. La visite officielle de MBS à Paris le mois dernier illustre bien cette évolution. Elle montre toutefois aussi que nos intérêts sur les dossiers du Moyen-Orient - en particulier la Syrie ou l'Iran - sont loin d'être alignés avec la monarchie saoudienne. Dans ce contexte, la confiance qui prévaut dans notre relation avec l'Égypte reste un capital à entretenir. Le pays a des atouts économiques et humains importants sur lesquels il nous faut résolument continuer à parier.

M. Christian Cambon, président. -J'ouvre à présent la discussion sur cet excellent rapport dont je vous remercie.

M. Pascal Allizard.- Je voudrais à mon tour d'abord féliciter nos collègues pour la qualité et la précision de leur rapport. Je souhaite surtout insister, comme cela a été fait à plusieurs reprises, sur l'absolue nécessité de garder avec ce pays, les meilleures relations possibles. Il s'agit de les aider, dans la mesure de nos capacités et notre influence dans les enceintes internationales, à régler leurs problèmes de développement économique comme cela a été excellemment dit au début de votre exposé. L'Égypte est, dans sa zone d'influence, un pays d'équilibre essentiel dont nous avons besoin pour notre propre sécurité tant d'un point de vue global qu'en Méditerranée orientale. Je suis attentivement ce pays dans le cadre de mes responsabilités à l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) et il faut travailler dans le sens de vos préconisations. Un grand merci pour votre excellent travail.

M. André Gattolin.- À mon tour de féliciter les rapporteurs. Je souhaite évoquer les relations entre l'Égypte et la Chine qui ont été historiquement, et depuis la guerre froide, assez bonnes : tel a été le cas à l'époque de Moubarak, des Frères musulmans et aujourd'hui sous la gouvernance d'Al-Sissi. Le ministre des Affaires étrangères chinois s'est rendu en début d'année au Caire. Il est vrai que l'Égypte attends plus de la Chine que l'inverse mais le canal de Suez est une des principales routes commerciales principale qui intéresse beaucoup Pékin. Par ailleurs la Chine et les entreprises chinoises sont au coeur de grands projets de développement urbanistiques comme le dédoublement de la ville du Caire. Certains géopolitologues comme Emmanuel Veron considèrent que l'Égypte est une porte d'entrée de la Chine au Moyen-Orient et dans le monde musulman : avez-vous des compléments d'information à ce sujet?

M. Ronan Le Gleut, rapporteur. - Nous n'avons pas recueilli de données complémentaires a ce sujet mais, en toute logique, la Chine fait certainement la même analyse que nous tous, à savoir que l'Égypte, qui compte plus de 100 millions d'habitants, est un pilier fondamental par son influence intellectuelle et sa position géographique, à la fois au Moyen-Orient et en Afrique. L'analyse géopolitique et géostratégique de l'importance de l'Égypte est un des facteurs de l'engagement de la France pour un partenariat stratégique avec ce pays et il en va sans doute de même pour la stratégie de la Chine.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Je m'associe aux félicitations adressées à ce rapport. Ma question porte sur la relation entre l'Égypte et la Libye qui a connu des moments de tensions exacerbées, avec un rassemblement militaire sur la frontière libyenne : où en est-on aujourd'hui ?

M. Ronan Le Gleut, rapporteur. - La frontière avec la Libye est d'abord perçue comme une menace. En effet, c'est une frontière poreuse où circulent armes, drogue et engins explosifs improvisés (IED). La question du contrôle de cette frontière de 1200 kilomètres entre l'Égypte et la Libye subsiste donc. Cependant le relatif « statu quo » actuel - je mets des guillemets à cette expression car la situation reste instable - est plutôt de nature à rassurer l'Égypte plutôt que d'avoir une Libye totalement déstabilisée. Une forme de compromis est en train de s'installer en Lybie avec deux blocs et cette situation est plutôt de nature à permettre, à l'Égypte de renforcer le contrôle de cette frontière.

La commission adopte à l'unanimité le rapport d'information ainsi modifié et en autorise la publication.

M. Christian Cambon, président. - Merci encore à nos rapporteurs pour cet excellent travail qui s'inscrit dans la construction que nous avons élaborée tout au long de ce mandat avec des missions en Israël, en Palestine, au Liban et en Jordanie. Le Sénat a pu ainsi produire une vision à peu près globale de la situation - au demeurant assez peu encourageante - dans cette région du monde.

Oman et Émirats arabes unis au prisme de la stratégie française au Moyen-Orient - Examen du rapport d'information

M. Christian Cambon, président. - Notre ordre du jour appelle l'examen du rapport d'information de nos collègues Hugues Saury, Gisèle Jourda, André Guiol et Vivette Lopez : il porte sur Oman et les Émirats arabes unis au prisme de la stratégie française au Moyen-Orient.

M. Hugues Saury. - Il me revient ce matin d'ouvrir cette présentation du rapport de la mission en Oman et aux Émirats arabes unis à laquelle j'ai eu le plaisir de participer avec mes collègues Gisèle Jourda, Vivette Lopez et André Guiol du 14 au 20 mai 2023.

Je rappelle que le Bureau de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées avait décidé l'envoi de cette délégation sénatoriale afin de faire le point sur la situation de ces deux pays du Moyen-Orient, au prisme de leurs rôles respectifs dans la région et de leurs relations bilatérales avec la France. Cela complètera d'ailleurs le travail réalisé par nos collègues qui se sont rendus en Égypte, ainsi que celui que j'ai pu faire l'an dernier sur la mission Indopacifique puisque, comme vous le savez, ces deux pays sont à la charnière du Moyen-Orient et de l'Asie vers laquelle s'étend l'Océan indien.

Ces deux pays sont situés sur la rive méridionale du détroit d'Ormuz et occupent ainsi une position stratégique dans l'accès au golfe arabo-persique, au coeur d'une zone de tension - avec l'Iran au Nord et le Yémen au Sud - et de l'évolution des alliances, à savoir les accords d'Abraham et, plus récemment, l'accord irano-saoudien.

La France jouit aux Émirats arabes unis d'un partenariat stratégique dit «  d'exception » avec des liens très étroits entre les dirigeants de nos deux pays : une rue Jacques Chirac à Abou Dhabi témoigne de la relation de confiance qui s'était instaurée avec l'ancien Émir le Cheikh Khalifa. Nous y reviendrons, car la qualité des relations interpersonnelles demeure un atout très important que le Président de la République et le cheikh Mohammed Bin Zayed, président actuel de la fédération, continuent de cultiver, avec de nombreuses visites croisées, présidentielles et ministérielles, mais aussi parlementaires avec la réception en mai dernier au Sénat par le Président Larcher, du Président du Conseil de la Fédération des Émirats. Notre visite s'intégrait ainsi dans un calendrier nourri côté émirien mais plus épisodique côté omanais.

Si notre relation avec le Sultanat d'Oman est qualifiée par le Quai d'Orsay d'« ancienne et de confiance », force est de constater que les échanges officiels sont beaucoup plus ténus. C'est la raison pour laquelle, la délégation a débuté sa tournée par Mascate : ce geste symbolique a été apprécié des autorités omanaises et il faut ici saluer la qualité de l'accueil tant au Parlement qu'au ministère des affaires étrangères, au ministère de la défense ou au sein de l'académie militaire. Aussi je relaie l'appel conjoint de nos interlocuteurs omanais et de notre ambassadrice sur place, Mme Véronique Aulagnon, pour que des visites ministérielles françaises soient organisées très prochainement.

Je rappelle que le Sultanat d'Oman connaît une forme de bouleversement avec l'accession au pouvoir en 2020 du Sultan Haïtam Ben Tariq, à la suite du décès du sultan historique Al Quabous qui régnait depuis 1970. Cette période de transition représente une fenêtre d'opportunité que la France doit saisir pour renforcer notre collaboration. Mes collègues y reviendront.

Pour recentrer mon propos sur le partenariat stratégique entre la France et les Émirats, il faut ici noter que les émiriens considèrent la France comme un partenaire privilégié. L'ambassadrice des Émirats en France, ancienne étudiante de la Sorbonne Abou Dabi rappelle que la France a été la première à répondre et fournir une aide à la suite de l'attaque de drone survenue en janvier 2022. Cet épisode a marqué les responsables émiriens et la réactivité de la France demeure dans toutes les mémoires.

Cet événement s'inscrit dans une relation suivie qui se matérialise par des rencontres annuelles de niveau ministériel et désignées par le terme de « dialogue stratégique » portant sur l'ensemble des sujets de coopération : défense, affaires étrangères, éducation, spatial, sciences, nucléaire, économie et énergies renouvelables, etc.

La crise du Covid puis la guerre en Ukraine ont révélé la dépendance des émirats en matière d'échanges économiques et de dépendance alimentaire. Cela les incite à s'engager dans une stratégie post énergies fossiles, en particulier par le déploiement massif de panneaux solaires. À titre d'exemple, EDF est lauréate sur un projet sur une surface équivalente à celle de 5000 terrains de football. La COP 28 à Dubaï sera un moment de forte exposition des émirats aux enjeux de changement climatique.

Avant de passer la parole à mes collègues, je voudrais ici rappeler combien il est important pour la France d'exprimer une stratégie spécifique au Moyen-Orient qui, au-delà, de notre volonté globale de représenter une puissance d'équilibres, implique de définir des priorités et des objectifs.

La présence tous azimuts de la Chine - qui s'engage économiquement dans des partenariats et des investissements par exemple dans le domaine portuaire - et l'élévation du niveau de concurrence technologique de nos compétiteurs, comme Israël qui renforce sa présence à la suite des accords d'Abraham, doivent inciter nos entreprises de défense et du secteur civil à considérer que le pays ne choisit pas nécessairement la France lorsque des solutions plus concurrentielles existent : je fais ici référence, en particulier, au nucléaire coréen et à la défense anti-aérienne israélienne. Je constate également que si une première tranche du marché d'acquisition des Rafale a été signée, nous avons appris à l'issue de notre visite que le volet relatif aux hélicoptères Caracal d'Airbus helicopters n'avait pas été conclu.

Ainsi, dans cette stratégie française au Moyen-Orient, il est utile de rappeler la priorité à donner à notre partenariat avec les Émirats, sur laquelle repose notre point d'appui maintenant incontournable que sont nos forces françaises aux Émirats arabes unis (FFEAU). De plus, il est tout aussi important d'élargir notre coopération bien au-delà du prisme « politico-militaire ». En effet, la France reste un partenaire essentiel dans le domaine de la défense, même si elle est de plus en plus concurrencée dans ce domaine. Cependant, elle demeure un partenaire commercial modeste, avec des parts de marché d'environ 4%.

Enfin, nous appelons à élargir le cercle de notre influence au Sultanat voisin d'Oman dont le rôle spécifique de « médiateur de la région » doit appeler plus d'engagement de notre part.

Je passe la parole à ma collègue Gisèle Jourda qui va vous résumer le deuxième axe de notre rapport : les FFEAU, une présence essentielle à la charnière du Moyen-Orient et de l'indopacifique

Mme Gisèle Jourda. - Cette mission a été l'occasion pour la délégation de faire une revue complète du dispositif militaire français avec l'Amiral Slaars, commandant les FFEAU et la zone maritime de l'océan indien dont l'abréviation est « ALINDIEN ». Depuis la création de la base française à Abou Dhabi en 2009, la compétence du commandement français couvre toute l'aire géographique s'étendant du Moyen-Orient, du sud du canal de Suez à l'Ouest, et à l'Est jusqu'aux limites occidentales de l'Australie.

Se trouve en permanence dans cette zone un navire français. Ainsi la frégate Courbet que nous avons visitée à Mascate assurait-elle cette présence française. J'ouvre ici une parenthèse : les rapports et interventions officielles évoquent fréquemment le thème de la modernisation des frégates mais je dois avouer qu'à titre purement personnel, les conditions de vie proposées aux personnels militaires de la frégate Courbet m'ont impressionnée par leur caractère spartiate, quand bien même ce bâtiment est le premier de la série des frégates légères furtives à avoir fait l'objet d'une rénovation.

La permanence de nos moyens, bien que modestes pour une telle surface, est néanmoins indispensable et constitue un minimum en dehors des missions du Porte-avion Charles de Gaulle dans l'océan indien. L'opération d'évacuation réalisée par la frégate Lorraine, de passage au Soudan, démontre l'utilité de cette présence permanente.

S'agissant des moyens déployés à demeure à Abou Dabi, il faut souligner les excellentes conditions d'accueil fournies par les Émirats. Le positionnement de la base aérienne 104 en plein coeur du dispositif émirien a pu soulever certaines interrogations de ma part quant à son déploiement car l'articulation entre les commandements respectifs est extrêmement ténue. Leur coordination démontre la confiance mutuelle qui s'est instaurée entre les deux pays.

Cette implantation est un point d'appui opérationnel et logistique essentiel pour appliquer l'accord de défense franco-émirien, mais aussi pour assurer la sécurité de nos ressortissants et de nos intérêts à l'étranger. L'exemple emblématique est fourni par l'opération d'évacuation de Kaboul dont le pivot vers l'hexagone était la base d'Al Dafra que notre délégation a visitée. Avec le 5e régiment de cuirassiers et la base navale, ces trois unités se composent de 650 militaires, dont la mission est de pouvoir réagir dans un délai de 24 à 48 heures pour certains de leurs éléments. Nous avons mesuré sur place le haut niveau de disponibilité des matériels qu'impose ce contrat opérationnel. Cette contrainte est à rapprocher de la spécificité des forces émiriennes qui, depuis la guerre du Yémen, doivent être pleinement considérées comme une armée d'emploi, au même titre que nos forces, avec des matériels communs - comme le Mirage 2000 ou les chars Leclerc - en dépit de certaines caractéristiques techniques spécifiques aux Émirats. Par exemple, le char Leclerc a été employé au feu par les forces émiriennes au Yémen et leur prochaine rénovation pourrait être privilégiée par rapport à un achat sur étagère d'autres types de blindés.

Les forces françaises aux Émirats arabes unis représentent donc la vitrine technologique mais aussi opérationnelle de la France au Moyen-Orient. Aussi, nous relayons l'expression de certaines tensions sur les effectifs, notamment en matière de maintien en conditions opérationnelles.

S'agissant de la coopération d'armement, la place de la France est bien sûr confortée par le contrat Rafale mais la réunion organisée avec nos entreprises de la base industrielle et technologique de défense (BITD) présentes sur place nous a permis de faire deux constats :

- le premier est celui de l'exigence technologique croissante de l'armée émirienne, ce qui nécessite un très haut niveau d'expertise de nos expatriés sur place. Il nous a été précisé que les forces émiriennes disposent d'un équivalent de la Direction générale de l'armement (DGA) qui est en mesure, je cite, « de tout tester » et de prendre la main sur des systèmes complexes. La question des transferts de technologies, les fameux « off set », devient donc une contrainte croissante pour nos industriels comme pour l'État qui est chargé d'apprécier l'opportunité de ces transferts ;

- le second constat est le contexte devenu extrêmement concurrentiel de ce marché où la France n'a pas pu fournir de solution compétitive en matière de défense sol-air ou de drone.

Enfin, subsistent tout de même des opportunités, en particulier dans le domaine spatial des satellites de communication et d'observation.

Un mot sur Oman, dont les forces armées héritent d'une forte tradition militaire britannique. Je tiens ici à rappeler la philosophie exclusivement défensive qui anime la conception militaire du Sultanat d'Oman, lequel n'a aucune ambition de sortir de son territoire et limite sa mission de défense à assurer au mieux la tranquillité et la protection du pays. Nous avons perçu, de la part du Sultanat d'Oman, une volonté d'ouvrir le spectre de sa coopération, ce qui constitue une opportunité pour la France, au-delà de l'ouverture de son espace aérien ou de ses ports à notre pays. Notre délégation a visité avec beaucoup d'intérêt l'Académie des études stratégiques de défense où s'est exprimée, dans le même sens, la volonté omanaise de conforter son expérience militaire en s'ouvrant vers l'extérieur et de bénéficier de compléments de formation, en particulier pour les forces aériennes.

Par ailleurs, la façade maritime d'Oman sur l'Océan indien doit relever le défi de la piraterie ainsi que des incursions croissantes de la flotte de pêche chinoise dans ses eaux territoriales. La délégation a visité le centre de sécurité maritime et relaie ici des besoins en matière de contrôle des espaces maritimes, à commencer par des outils de communication et de détection.

M. André Guiol. - J'en viens au volet économique de notre mission et aux opportunités nouvelles que ces deux pays nous ont semblé offrir.

Dans cette région du monde, les Émirats constituent le troisième « hub » mondial aérien et maritime entre les États-Unis et la Chine. C'est ainsi que les émiriens décrivent leur modèle économique fondé sur le développement des échanges. Oman contrôle également avec les Émirats l'entrée du détroit d'Ormuz et les flux énergétiques à destination de l'Asie et de l'Europe. 25 % du trafic maritime mondial transite par l'océan indien.

Avec 4,4 milliards d'euros d'exportations françaises vers les Émirats, la France y réalise son 4ème excédent commercial. Toutefois, ce résultat n'est pas tout à fait à la hauteur de la position privilégiée de la France au niveau politico-militaire. En effet, elle n'est que le 36ème partenaire commercial des Émirats, très loin derrière la Chine (18 % de part de marché), les États-Unis (8 %) et également loin derrière le Royaume-Uni (10 milliards d'euros d'exportations) ou l'Allemagne (8 milliards d'euros). La France n'est, par ailleurs, que le 33ème fournisseur d'Oman, nos exportations se limitant à un montant de 250 millions d'euros.

Les deux pays que nous avons visités ont fortement été impactés par la crise de la Covid et tous nos interlocuteurs sont préoccupés par la guerre en Ukraine ainsi que ses répercussions sur les échanges internationaux. Sur le plan économique comme géopolitique, ces deux pays maintiennent avec pragmatisme une équidistance assumée avec tous les pays, qu'il s'agisse de la Chine ou de la Russie. Cette position d'équilibre ne se départit pas de la menace que représente l'Iran, mais les Émirats y ont tout de même réouvert une ambassade.

Oman fait de sa relation étroite avec l'Iran un atout de sa politique de neutralité affichée. Le fait de ne pas se reconnaître d'ennemi lui permet également de rester un intermédiaire ou un médiateur aussi bien dans des négociations non officielles, comme la libération de prisonniers en Iran, que pour la conclusion d'accords de partenariat. En témoigne, par exemple, la convention conclue entre l'Arabie Saoudite et l'Iran : Oman a revendiqué un rôle actif dans ce résultat même si la signature officielle a eu lieu à Pékin.

Les investissements portuaires sur la côte omanaise sont essentiellement le fait d'investisseurs chinois, turques et belges dans le domaine de la logistique. À noter que la modernisation du port de pêche de Dokum a été confiée au port de Lorient. L'expertise française semble attendue dans le domaine des énergies renouvelables comme de l'hydrogène vert et de l'agriculture.

Nous avons rencontré à Dubaï, qui abrite 80% de la communauté française des Émirats - soit 29 000 personnes inscrites au consulat - et les représentants de la chambre de commerce et d'industrie. L'ensemble des groupes du CAC 40 et 600 sociétés françaises y sont implantées avec une dynamique historique dans le secteur hôtelier - le groupe Accor y est le leader - et du luxe.

S'agissant des perspectives, je rappelle que les Émirats organiseront la COP 28 sous l'angle d'une écologie dite par les « solutions ». Cela peut sembler paradoxal pour un pays vivant de l'exportation d'énergies fossiles, mais il s'est doté d'un plan stratégique à 30 ans qui vise à atteindre une autosuffisance alimentaire et énergétique décarbonée. Un long chemin reste à parcourir pour atteindre cet objectif mais il s'agit d'un champ d'opportunité économique qui nous a été clairement signalé.

Enfin, plusieurs demandes nous ont été formulées et nous les relayons à l'attention du Gouvernement :

- d'une part, il a été suggéré que les citoyens omanais puissent bénéficier du statut d'accès à l'espace Schengen sans visa, à l'égal de leurs voisins émiriens ;

- d'autre part, les émiriens, qui eux-mêmes ne sont pas soumis à une obligation de visa pour venir en Europe, souhaitent une plus grande efficacité en matière de délivrance de visa pour les différentes nationalités qui résident sur leur territoire : 90% de la population des Émirats sont des étrangers dont certains doivent se rendre fréquemment en Europe pour affaires. On nous a indiqué que le format des services de l'ambassade en charge des visas n'est pas suffisant : il se limite à deux ou trois agents chargés de traiter les dossiers externalisés auprès d'une entreprise.

Mme Vivette Lopez. - Pour compléter le panorama dressé par mes collègues, je voudrais faire quelques constats plus généraux sur ce que j'appellerais le rayonnement de la France dans ces deux pays. J'ajoute qu'à Oman, nos interlocuteurs ont souhaité nouer des liens encore plus rapprochés avec la France et accueillir plus fréquemment des visites de membres de notre Gouvernement.

La communauté française en Oman, qui représente 700 résidents, étant sans commune mesure avec celle de Dubaï et dans une moindre mesure celle d'Abou Dabi, je concentrerai mon propos sur les Émirats.

Le Louvre Abou Dhabi et Sorbonne université sont des réalisations exemplaires qui méritent, en premier lieu, d'être citées au titre de la coopération franco-émirienne. Elles sont d'autant plus emblématiques que ces entités de droit émirien sont intégralement financées et dirigées par des conseils d'administrations locaux, ce qui témoigne du prestige du label français.

Pour autant, il nous faut soutenir et veiller au maintien à long terme de la spécificité française de ces institutions. À ce titre, il faut saluer la diversification de l'offre éducative de la Sorbonne Abou Dhabi dans les sciences et techniques, en particulier au niveau licence où la langue française est utilisée. En revanche, les niveaux Master sont majoritairement délivrés en langue anglaise car les étudiants qui s'y inscrivent sont essentiellement des professionnels ne disposant pas d'un niveau de français suffisant. Nous avons également noté que le nom de « Sorbonne Université » s'est mué sur la plupart des signalétiques en « Sorbonne University  ». Il nous apparaît néanmoins nécessaire de réaffirmer notre soutien à cet établissement et de renforcer son lien de filiation avec la maison mère parisienne.

De même, nous nous félicitons du foisonnement d'autres offres éducatives comme l'INSEAD, l'école 42 d'informatique, l'EM Normandie ou encore l'université Panthéon-Assas qui développe un projet à Dubaï. Il nous semble important que l'ensemble de ces projets puissent contribuer au rayonnement de la France, sans concurrence ni tentation de dénigrement mutuel. Il nous a en effet été signalé que l'offre française d'enseignement supérieur n'était pas toujours positivement valorisée par notre réseau d'enseignement secondaire.

Enfin, notre réseau consulaire administre un nombre croissant de concitoyens attirés par ce que j'appellerais le mirage de Dubaï. Le consulat ne rassemble que 20 employés et il faut trois mois pour obtenir un rendez-vous, ce qui ne correspond pas aux standards de qualité locaux. La sociologie de nos ressortissants a également évolué vers une plus grande précarité : le nombre de bourses scolaires a augmenté de 50% et on constate un triplement du nombre de Français incarcérés, sachant que le non-paiement des dettes est passible d'emprisonnement.

Avec 10 000 élèves, 7 lycées français répartis entre Abou Dabi et Dubaï, les Émirat constituent le sixième réseau éducatif français dans le monde. La consule générale nous a indiqué que le nombre d'élèves augmentait de 10 % tous les ans et que deux nouveaux lycées étaient en projet. Le renforcement de ce poste consulaire doit donc être envisagé.

Je voudrais tout particulièrement signaler notre visite de la maison abrahamique qui regroupe sur un même terrain, et sous le signe de la tolérance, trois édifices religieux : une église, une synagogue et une mosquée. Chacun emprunte une entrée commune pour cheminer vers son lieu de culte et les bâtiments qui les abritent sont à peu près identiques dans leur forme et surtout dans leur couleur : seul l'intérieur est différent en fonction du culte. L'ensemble est un signe fort de tolérance et d'ouverture : j'avoue avoir ressenti beaucoup d'émotion dans ce lieu.

M. Hugues Saury. - Au bénéfice de nos constats et de nos recommandations en faveur d'une stratégie coordonnée de la France au Moyen-Orient qui s'étende au-delà de la seule relation politico-militaire, nous saluons ici le rôle essentiel de la présence des forces françaises aux Émirats arabes unis, à la charnière du Moyen-Orient et de l'indopacifique. Il nous faut réaffirmer l'influence française, renforcer notre réseau consulaire et soutenir les opportunités de nouvelles coopérations qu'offre l'adaptation du modèle de développement de ces deux pays au changement climatique. Nous pourrons vous livrer nos impressions plus personnelles sur cette mission en répondant à vos questions. Je remercie mes collègues pour la parfaite entente qui a régné tout au long de cette mission ainsi que les services de nos ambassades pour la qualité de leur accompagnement et des contacts qui nous ont été ouverts.

M. Pascal Allizard. - Je voudrais d'abord féliciter et remercier nos collègues pour la qualité de leur présentation et insister sur la cohérence entre ce rapport et le précédent qui est consacré à l'Égypte. Ce n'est pas totalement le fruit du hasard mais cela mérite d'être souligné et la carte qui nous a été présentée pendant l'examen du rapport a fait apparaitre clairement cette région du Moyen-Orient dont la frontière avec l'Iran et le Pakistan constitue la limite. Je voudrais à mon tour insister sur les relations avec la Chine, et, en particulier, sur la problématique de l'accès effectif à la mer d'Arabie par les Chinois, avec le China-Pakistan Economic Corridor (CPEC) et le port de Gwadar. Ce port, qui est au Pakistan, se situe malgré tout à seulement 100 kilomètres de la frontière iranienne et va effectivement permettre aux Chinois d'accéder à l'océan Indien en contournant le détroit de Malacca. La géographie est toujours têtue : ses données sont constantes, alors que la politique peut parfois changer de cap, et il est primordial que nous soyons très vigilants dans cette région.

Je fais également observer à la rapporteure Gisèle Jourda que j'ai passé cinq jours sur la frégate Courbet en mer Rouge et j'y ai trouvé les conditions de séjour tout à fait respectables. C'était une mission intéressante qui m'a permis de voir les nouvelles bases égyptiennes et de constater la nécessité, des deux côtés, de défendre l'accès à la mer Rouge et au canal de Suez. J'y ai également observé une présence chinoise massive.

Je terminerai sur un point d'actualité, à savoir la renégociation de notre convention avec Djibouti. C'est le troisième lieu dans cette région où la Chine a renforcé sa présence, et si nous voulons réellement protéger nos intérêts, nous devons travailler sérieusement sur ce secteur. J'attire également votre attention sur l'accord qui a été conclu hier à Vilnius, dans le prolongement d'une proposition portugaise visant à renforcer les efforts de l'OTAN précisément dans cette région.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Je tiens également à féliciter les rapporteurs et j'imagine que les propositions qui ont été formulées sur la nécessité d'un renforcement de la présence française figureront dans le rapport. J'insiste sur le point crucial que représente le renforcement de notre réseau consulaire qui constitue à la fois une porte d'entrée et malheureusement une porte de sortie quand elle ne s'ouvre pas facilement. Vous l'avez constaté par vous-même sur place et je fais observer que ce type de difficulté concerne le monde entier. Nous sommes confrontés à de réels problèmes qui vont parfois, dans certaines régions du monde, jusqu'à l'humiliation de ceux qui demandent un visa et attendent des mois avant de se voir opposer une décision de refus pour de mauvaises raisons, comme des quotas imposés ou autres. Je pense que notre commission pourrait opportunément insister sur ce point. Nous devons également voter le budget à l'automne et, de manière récurrente, nous déplorons le manque de moyens dans ce domaine. Je précise que des prestataires extérieurs ont été sollicités : cela fonctionne correctement dans certaines régions, mais pas du tout dans d'autres. Il faudrait sans doute rédiger des cahiers des charges un peu plus stricts pour exiger de ces prestataires un travail plus sérieux : c'est une hypothèse mais les difficultés de terrain sont sérieuses, comme vous l'avez souligné. J'observe que les visas dépendent aujourd'hui du ministère de l'Intérieur et celui-ci, à travers cette compétence, dicte une composante de la politique étrangère de la France : à mon sens, il y a là un problème politique à résoudre.

M. Olivier Cadic. - Je me livrerai juste à une petite digression, en lien avec les propos de Pascal Allizard. La semaine dernière, j'étais au Somaliland et j'ai visité le port de Berbera où les Émirats ont investi près de 500 millions de dollars. Les Britanniques ont également investi 300 millions de dollars dans leur ancienne colonie. J'ai vu la plus grande piste d'aviation de ce pays. Elle a été construite à l'origine par les Soviétiques : les Américains l'ont réaménagée à des fins militaires et je renvoie pour plus de détails au rapport que j'ai publié sur mon blog. Ce sujet me semble important : je fais observer que si jamais nous étions un jour expulsés de Djibouti, le plan B serait Berbera, qui est proche.

J'en viens aux félicitations que j'adresse aux auteurs du présent rapport. Il se trouve que je connais un peu cette région en tant que président du groupe d'amitié avec cette destination. Je souhaite apporter quelques compléments à vos excellentes observations.

J'ai tout d'abord été frappé par les résultats de l'opération NARCOPS menée à partir des Émirats, qui a abouti à la saisie de 32,8 tonnes de drogue, soit 73% des saisies totales de la marine nationale dans le monde entier : c'est donc un aspect déterminant de notre stratégie de présence dans cette zone. C'est aussi un facteur de coopération et de travail collectif qui comporte des manoeuvres, auxquelles j'ai assisté il y a un an, effectuées conjointement entre Oman, les Américains, les Britanniques et les Français.

Aux Émirats, je vois que vous avez rencontré le président de la commission des Affaires étrangères : celui-ci possède une véritable expertise dans la lutte antiterroriste et il a d'ailleurs été très écouté par le président de la République lorsque nous étions victimes d'attentats. Je souligne que les Émirats ont développé, au plan sécuritaire, de très intéressantes innovations qui leur donnent une longueur d'avance par rapport à notre pays. Au moment où la France a vécu des épisodes de délinquance pendant plusieurs jours, il me parait opportun d'observer l'approche des Émirats dont 9 résidents sur 10 sont de nationalité étrangère. Les autorités y ont mis en place un système - non pas de coupure comme cela a été évoqué en France - mais d'analyse des réseaux sociaux qui leur permet d'anticiper les difficultés ou les explosions communautaires. Je ne vais pas ici vous décrire l'ensemble des outils déployés en matière de sécurité, sinon pour insister sur la notion d'anticipation qui les guide. Par exemple, quand le brouillard menace de tomber sur l'autoroute entre Abou Dhabi et Dubaï, un drone muni de feux tricolores vient se positionner au début de la nappe de brouillard pour interrompre ou ralentir la circulation. Nous pourrions nous inspirer de ces pratiques.

S'agissant des réseaux consulaires, ma question est de savoir si des propositions autres que l'augmentation des moyens ont été formulées. Je rappelle que Dubaï abrite à peu près 80% de la communauté française et Abou Dhabi 20% : arithmétiquement, en fermant le poste consulaire sur Abou Dhabi vous obligez donc 20% de la communauté française à devoir se dépasser à Dubaï en cas de besoin. J'avais donc proposé, par exemple, que le poste consulaire se transporte un jour par semaine à Abou Dhabi. Vous avez tout à fait raison de pointer le problème mais il faudrait aussi étudier des solutions.

S'agissant d'Oman, on a tendance, du point de vue économique, à se focaliser sur les statistiques du commerce extérieur, dans lesquelles la France ne brille pas. Il faut cependant rappeler que les entreprises françaises créent de la valeur dans les pays où elles investissent : tel est le cas à Oman dans la production d'électricité, la distribution de l'eau, la gestion des déchets et l'industrie pétro-gazière. On n'apprécie pas suffisamment la contribution de nos entreprises à leur juste valeur : la Chine prélève des ressources pour créer de la valeur ajoutée sur son territoire alors que nos firmes développent la valeur ajoutée et créent de l'emploi dans les pays où elles s'implantent. Je souhaite également vous demander si vos interlocuteurs vous ont décrit leur stratégie dite 20-40 et proposé des cibles pour que nos entreprises puissent développer de la valeur ajoutée dans des secteurs porteurs à l'horizon 2040.

M. Hugues Saury. - Je remercie mes collègues qui sont intervenus de manière tout à fait judicieuse sur des sujets que nous avons bien perçus pendant notre mission.

Ainsi, il nous a été indiqué que la Chine était de plus en plus présente, en particulier avec sa flotte composée de bâtiments de premier rang, ce qui soulève certaines interrogations.

Par ailleurs, la consule de France à Dubaï nous a confirmé toutes les difficultés qu'elle rencontrait dans cette région qui est un hub international. Le fait de ne pas parvenir à délivrer des visas suffisamment rapidement crée du mécontentement alors que d'énormes efforts sont déployés pour promouvoir notre pays. D'une certaine façon nous dégradons pour des raisons administratives l'image de notre pays.

S'agissant des propos de notre collègue Olivier Cadic, nous n'avons effectivement pas approfondi l'ensemble des thématiques de sécurité intérieure et de société. Nous avons cependant très bien perçu les avancées innovantes de ces pays en matière de lutte contre l'intégrisme et ils n'ont pas laissé l'ombre d'un doute sur leurs capacités ainsi que leur détermination dans ce domaine. En particulier, le commerce et la production sont des valeurs essentielles pour les Émirats et ils sont prêts à combattre toute menace à cet égard.

S'agissant des réseaux sociaux, il est vrai qu'ils ont un, voire plusieurs temps d'avance par rapport à nous mais ils disposent de moyens qui ne sont pas les nôtres, y compris en termes démocratiques, ce qui leur permet de prendre des mesures qu'il serait impossible de transposer dans nos pays. Cette approche leur permet cependant d'éviter bien des problèmes que nous connaissons aujourd'hui.

Mme Gisèle Jourda. - à propos de l'intervention d'Olivier Cadic, je souhaite apporter un sentiment personnel. Au plan commercial et budgétaire, j'ai l'impression qu'Abou Dhabi, qui est la capitale politique, est en train de reprendre la main et de renforcer sa position tandis que les perspectives à Dubaï sont moins favorables que celle qu'on pouvait imaginer a priori avant la pandémie de Covid et la guerre en Ukraine. J'observe cependant la forte montée en puissance des Israéliens qui accélèrent leur présence à Dubaï après que les Émirats aient souscrit aux accords d'Abraham. Pour sa part, Oman me parait en pleine mutation : depuis la disparition de son émir emblématique, son neveu, qui a pris la suite, est en train de repositionner le dispositif économique, commercial et industriel du pays. Il souhaite favoriser une plus grande ouverture et cela nous ouvre des perspectives nouvelles d'implantation commerciale et de relations économiques, au-delà du secteur de la défense. Oman est un pays extrêmement ouvert et nous avons bénéficié d'un accueil extraordinaire de la part de nos homologues.

La commission adopte à l'unanimité le rapport d'information et en autorise la publication.

M. Christian Cambon, président. - Je félicite nos rapporteurs pour ce travail de grande qualité que nous avons adopté à l'unanimité.

« L'action de la France et de l'Union européenne face à la déstabilisation des Balkans occidentaux dans le contexte de la guerre en Ukraine » - Examen du rapport d'information

M. Olivier Cigolotti, rapporteur. - M. le président, mes chers collègues, avec ma co-rapporteure Hélène Conway-Mouret et avec les collègues qui nous ont accompagnés pour notre déplacement dans cette région, je vais vous présenter les grands axes de conclusion de notre rapport d'information sur les Balkans occidentaux.

Avant d'en venir d'ici quelques minutes aux pistes de réforme pour renforcer l'action de la France et de l'Union européenne dans les Balkans, je vous propose de nous attarder quelques instants sur le diagnostic de la situation géopolitique. Pour dresser ce diagnostic, nous nous sommes appuyés sur le cycle d'auditions organisé avant notre départ et sur le déplacement d'une semaine que nous avons effectué au mois d'avril dernier à Sarajevo, à Belgrade puis à Pristina.

Nous avons choisi de décomposer ce diagnostic en quatre parties : je vais d'abord revenir sur l'inertie du processus d'intégration européenne avant que mes collègues ne reviennent respectivement sur le risque croissant d'influences extérieures, sur les fragilités institutionnelles de la Bosnie-Herzégovine et de la Serbie et enfin sur le processus de dialogue Belgrade-Pristina et les risques d'affrontements à la frontière entre la Serbie et le Kosovo.

En premier lieu, je vais donc évoquer la lenteur du processus d'intégration européenne des Balkans occidentaux et les conséquences directes de cette intégration inaboutie dans les pays de la région.

À la fin des années 1990, après une décennie d'affrontements violents pendant laquelle les guerres de sécession yougoslaves ont provoqué 150 000 à 200 000 morts, dont 40% de victimes civiles, les États membres de l'Union européenne ont décidé à l'unanimité d'ouvrir la voie à l'entrée dans l'Union de l'ensemble des pays de la péninsule balkanique.

Lors du sommet de Thessalonique organisé en juin 2003, le Conseil européen s'est engagé dans ce sens en consacrant expressément la « perspective européenne » des Balkans occidentaux, c'est-à-dire désormais des six pays suivants : Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Macédoine du Nord, Monténégro et Serbie.

Cette promesse, qui résonne directement avec l'actualité, n'a pas été tenue plus de vingt ans après l'organisation de ce sommet.

Depuis le début des années 2000, seules la Slovénie et la Croatie ont intégré l'Union européenne parmi les entités de l'ex-Yougoslavie.

Les délais observés dans les autres pays des Balkans occidentaux pour faire avancer le processus d'intégration européenne témoignent d'un manque d'engagement politique qui remet en cause la crédibilité de l'Union européenne pour intégrer ces pays situés dans son voisinage immédiat.

Sur ce sujet, la Macédoine du Nord est un exemple éclairant. Après avoir obtenu le statut de candidat à l'Union européenne en 2005, le processus d'intégration de la Macédoine du Nord a été bloqué pendant treize ans par un différend bilatéral avec la Grèce sur la dénomination du pays. Alors que ce différend a été réglé par un accord entre les gouvernements grecs et nord-macédonien en 2018, la Macédoine du Nord a été bloquée de nouveau pendant quatre ans par la Bulgarie pour un différend relatif à la présence d'une minorité bulgare en Macédoine du Nord. La Macédoine du Nord aura par conséquent attendu dix-huit ans entre sa demande d'adhésion et l'ouverture de ses négociations d'adhésion.

Ce seul exemple explique une forme de frustration voire de découragement des populations de la péninsule balkanique vis-à-vis du processus d'élargissement de l'Union européenne. Ce découragement se vérifie d'ailleurs dans les sondages et une étude récente estimait à 37% la proportion des citoyens des pays des Balkans occidentaux qui pensent que l'intégration européenne des Balkans n'aboutira jamais.

Cette frustration croissante vis-à-vis d'un processus d'intégration trop lent et trop bureaucratique est un premier élément central du diagnostic de la situation.

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure. - Pour poursuivre le diagnostic des fragilités des pays des Balkans occidentaux dressé par Olivier Cigolotti, je vais insister sur la présence croissante d'acteurs extérieurs dans les Balkans occidentaux à laquelle nous nous devons d'être très attentifs pour éviter tout risque de remise en cause de l'intégration euroatlantique des pays des Balkans par une puissance étrangère hostile à nos intérêts.

Pour illustrer ce risque, je tiens à rappeler ici que dans la capitale de la Serbie, des partis d'extrême droite ont organisé en mars 2022 des manifestations de soutien à l'agression de l'Ukraine par la Russie, quelques semaines après le début de guerre d'invasion. Quatre jours seulement avant l'offensive russe, le journal serbe Informer avait publié un article ayant pour titre « L'Ukraine attaque la Russie ».

Ces témoignages de la capacité d'influence de la Russie vis-à-vis de l'opinion publique serbe illustrent le risque qui pèse sur les pays des Balkans qui sont devenus des cibles pour les organes de désinformation au centre d'une guerre informationnelle de plus en plus intense entre l'Union européenne et ses compétiteurs stratégiques.

En premier lieu, il faut donc souligner la persistance des liens culturels, économiques, diplomatiques et stratégiques entre la Russie et les pays des Balkans.

Cette présence est particulièrement importante dans les pays et région à majorité orthodoxe au premier rang desquels la Serbie et l'entité de Bosnie-Herzégovine appelée Republika Srpska. Elle s'appuie sur une politique d'influence et de désinformation structurée et efficace qui s'appuie notamment sur la présence de l'agence de presse Spoutnik et d'un canal dédié du média Russia Today, « RT Balkan ».

Au-delà de cette influence sur les opinions publiques, la Russie conserve également des liens économiques importants avec certains pays des Balkans y compris après le déclenchement de la guerre en Ukraine. À ce titre, alors qu'elle dépend à 80% de la Russie pour son approvisionnement en gaz, la Serbie a négocié avec Gazprom un nouveau contrat de fourniture pluriannuel en mai 2022, postérieurement au déclenchement de la guerre.

La conséquence directe de ces liens économiques et culturels entre la Russie et la Serbie est le refus de la Serbie d'appliquer les sanctions économiques décidées par l'Union européenne contre la Russie, alors même que l'alignement de la politique étrangère est une condition à l'intégration et que la Serbie est en négociations d'adhésion avec l'Union européenne depuis près de dix ans.

Il faut également souligner que lors de l'entretien que nous avons eu avec le président Vucic, il a insisté sur le fait que la Serbie avait toujours condamné l'atteinte à l'intégrité territoriale de l'Ukraine et sur son attachement au principe d'intangibilité des frontières, en référence au Kosovo. Cette condamnation illustre la volonté de la Serbie de tenir une position d'équilibre entre la Russie et l'Union européenne.

En second lieu, parallèlement à cette présence historique de la Russie, les Balkans font également l'objet d'un réinvestissement important de plusieurs autres puissances extérieures dont les objectifs ne convergent pas avec ceux de l'Union européenne.

Sans revenir en détail sur la présence économique et culturelle de la Turquie, qui s'appuie notamment sur la réhabilitation du patrimoine hérité de la période ottomane de la péninsule, je veux insister sur l'importance de la présence économique de la Chine qui est désormais le deuxième partenaire commercial des Balkans occidentaux.

Tous les pays de la région, à l'exception du Kosovo dont l'indépendance n'est pas reconnue par la Chine, ont rejoint le programme des nouvelles routes de la soie et ont bénéficié des financements chinois dans le secteur des infrastructures.

Il faut souligner ici que l'ampleur des programmes d'investissement risque de créer un phénomène de dépendance. À cet égard, les financements chinois sont non seulement un instrument de diplomatie économique mais également de politique étrangère.

Pour ne prendre qu'un exemple, le Monténégro a contracté en 2014 auprès de créanciers chinois un prêt pour construire une autoroute de 1 milliards d'euros ce qui représente un quart du PIB pays.

L'intervention croissante des puissances extérieures dans les Balkans occidentaux, sur les plans économique et diplomatique, constitue dès lors un autre facteur de déstabilisation à prendre en compte pour accélérer l'intégration euroatlantique de ces pays.

M. Bernard Fournier. - Pour compléter les éléments transversaux que viennent d'évoquer les deux rapporteurs, je vais évoquer avec notre collègue Michelle Gréaume des éléments plus spécifiques de diagnostic en lien direct avec le déplacement que nous avons effectué au début du mois d'avril. J'évoquerai dans un premier temps les deux premières étapes de notre déplacement à Sarajevo et à Belgrade avant de laisser Michelle Gréaume évoquer notre étape à Pristina et les tensions actuelles à la frontière entre la Serbie et le Nord du Kosovo.

En premier lieu, notre déplacement de trois jours effectué dans la capitale de la Bosnie-Herzégovine nous a convaincu de la profondeur des blocages politiques et institutionnels locaux qui entravent la progression du processus d'intégration à l'Union européenne.

La constitution de la Bosnie-Herzégovine est directement issue des accords de Dayton négociés en 1995 pour mettre fin à la guerre. Elle a été imaginée dans l'objectif d'un arrêt durable des combats, et elle n'est pas adaptée à l'organisation de pouvoirs publics efficaces à long terme.

Par suite, elle organise un système fédéral d'une très grande complexité au sein duquel les différends entre les « communautés nationales » sont fréquemment instrumentalisés et bloquent toute tentative de réforme du système politique.

Le pouvoir est ainsi réparti entre quatorze parlements qui contrôlent quatorze gouvernements au sein desquels les partis les plus influents sont des partis ethno-nationalistes qui défendent les intérêts de chacune des trois communautés nationales reconnues par la constitution : les Bosniaques, les Croates et les Serbes.

Dans la période récente, le blocage institutionnel bosnien a été aggravé par deux facteurs.

En premier lieu, l'entité fédérée composée à majorité de Serbes, la Republika Srpska, est actuellement dirigée par un parti ethno-nationaliste proche de la Russie. En réaffirmant publiquement l'hypothèse d'une sécession de la Republika Srpska en mars dernier, son président Milorad Dodik a contribué à fragiliser l'équilibre institutionnel de la Bosnie-Herzégovine dans le contexte de la guerre en Ukraine.

En second lieu, la légitimité du poste de Haut Représentant de la communauté internationale, qui dispose de pouvoirs lui permettant de suspendre des lois adoptés par les pouvoirs bosniens, est remise en cause par une partie de la population.

À cet égard, le choix fait par le Haut Représentant, que nous avons rencontré à l'occasion de notre déplacement, de modifier le droit électoral par une décision unilatérale prise le jour du scrutin le 2 octobre 2022 constitue un élément de fragilisation de la confiance de la population bosnienne dans le processus électoral.

Pour ces différentes raisons, il nous est clairement apparu que la décision prise par l'Union européenne en décembre 2022 d'octroyer officiellement le statut de candidat à la Bosnie-Herzégovine est un signal ambigu.

Il constitue un point de départ plutôt qu'un point d'arrivée pour les autorités bosniennes et il est impératif que des réformes soient rapidement mises en oeuvre pour respecter les 14 priorités essentielles identifiées par la Commission dès 2019 pour réformer le système politique fondé par les accords de Dayton à commencer par le droit électoral dont le caractère discriminatoire a été expressément condamné par la Cour européenne des droits de l'Homme.

En second lieu, la délégation a poursuivi son déplacement par un programme de travail de deux jours à Belgrade qui nous a permis de rencontrer l'actuel président de la république serbe, M. Aleksandar Vucic, ainsi que plusieurs représentants de l'opposition démocratique et de la société civile.

Si la stabilité institutionnelle et politique de la Serbie contraste avec la situation observée à Sarajevo, deux éléments nous apparaissent comme étant de nature à ralentir le processus en cours d'intégration européenne du pays.

En premier lieu, en matière de politique étrangère, la Serbie revendique une position de réserve, voire de non-alignement dans le contexte de la guerre en Ukraine. À ce titre, et bien qu'elle ait voté la résolution de l'Assemblée générale des Nations unies condamnant l'agression russe, la Serbie refuse d'aligner sa politique étrangère sur celle de l'Union européenne en appliquant les sanctions européennes contre l'économie russe.

En second lieu, en matière d'État de droit, de nombreux interlocuteurs ont attiré notre attention sur la dégradation de la situation des libertés civiles et politiques en Serbie, au premier rang desquelles la liberté de la presse dont le recul profite en premier lieu aux médias de propagande qui diffusent un récit au service des intérêts de la Russie.

Par suite, nous soulignons l'importance pour l'Union européenne de se servir des négociations d'adhésion comme d'un levier pour engager la convergence de la Serbie vers les standards des États membres de l'Union européenne en matière de positionnement diplomatique et d'État de droit.

Mme Michelle Gréaume. - Pour terminer ce diagnostic approfondi de la situation stratégique dans les Balkans, je vais évoquer la dernière étape de notre déplacement, au Kosovo, ainsi que les tensions qui existent actuellement dans le Nord à la frontière avec la Serbie.

En premier lieu, notre programme de travail au Kosovo nous a notamment permis de nous entretenir avec le chef du gouvernement, le premier ministre Albin Kurti, qui a engagé depuis son élection en février 2021 un vaste programme de réforme et de modernisation du pays, dont les objectifs principaux sont le développement socio-économique du Kosovo et le progrès dans la lutte contre la corruption.

Les progrès effectués par les institutions kosovares en matière de garantie de l'État de droit sont un témoignage de la capacité des pays des Balkans occidentaux à engager les réformes exigées par l'Union européenne lorsque ces réformes sont mises en oeuvre avec une volonté politique soutenue et durable.

Nos échanges avec la représentante spéciale du secrétaire générale des Nations unies au Kosovo et avec la mission civile de l'Union européenne pour le renforcement de l'État de droit (EULEX Kosovo) ont néanmoins témoigné du fait que les réformes en cours doivent être approfondies pour permettre à terme l'intégration du Kosovo dans l'Union européenne comme le prévoit la perspective européenne de l'ensemble des pays de la zone.

Dans le cas particulier du Kosovo, il convient par surcroît de rappeler que la perspective d'intégration au sein de l'Union européenne est ralentie par le fait que Chypre, l'Espagne, la Grèce, la Roumanie et la Slovaquie n'ont toujours pas reconnu la déclaration d'indépendance du Kosovo en date de février 2008. La position de ces cinq États membres ne reconnaissant pas le Kosovo explique le fait que le pays n'ait déposé officiellement sa candidature à l'Union européenne que le 15 décembre 2022.

En parallèle de cette volonté de réforme en matière de politique intérieure, j'aimerai pour finir évoquer les vives tensions qui existent actuellement dans le Nord du Kosovo, à proximité de la frontière avec la Serbie.

Dès la fin de l'année 2022, la démission collective des policiers serbes en poste dans le Nord du Kosovo avait donné lieu à un premier épisode de blocage dans cette partie du territoire qui est peuplée en majorité de Serbes.

Notre déplacement, au cours duquel nous avons pu échanger directement avec des représentants de la société civile serbe du Nord du Kosovo à Mitrovica, est intervenu quelques semaines après la conclusion de l'accord d'Ohrid du 18 mars 2023 qui constitue une feuille de route pour la normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo.

Cet accord, signé avec la médiation de l'Union européenne qui organise régulièrement des rencontres entre les dirigeants serbes et kosovars depuis 2011 dans le cadre du « dialogue Belgrade-Pristina », prévoit plusieurs étapes de normalisation des relations entre les deux pays dont notamment la mise en place d'une Association des municipalités à majorité serbe au Nord du Kosovo.

Quelques semaines après notre déplacement, les élections locales organisées au Nord du Kosovo n'ont pas permis de résoudre la crise politique car elles ont été boycottées par la majorité serbe et que des maires albanais ont été élus avec une participation de seulement 3,5%.

L'installation de ces maires élus avec moins de 5% des voix exprimées en mai 2023 a provoqué un nouvel épisode d'affrontements violents au Nord du Kosovo qui a provoqué une trentaine de blessés au sein de la KFOR, qui est la force de maintien de la paix de l'Alliance atlantique de 3 700 militaires présente sur le territoire kosovar depuis 1999.

La persistance de ce différend bilatéral entre la Serbie et le Kosovo et la difficulté des parties en présence à faire progresser la normalisation de leur relation en dépit de la médiation assurée par l'Union européenne est un autre élément central de ralentissement de l'intégration européenne des Balkans occidentaux.

Alors que l'Union européenne a fait de la pacification des relations bilatérales au sein de la péninsule un objectif stratégique, la stagnation du dialogue Belgrade-Pristina est une illustration de la nécessité de renforcer l'investissement diplomatique de la France et de l'Union dans les Balkans pour accélérer l'aboutissement de leur intégration européenne.

M. Olivier Cigolotti, rapporteur. - Pour terminer, je vais vous exposer avec ma co-rapporteure les principaux axes de recommandations qui sont détaillés dans le rapport. Je me concentrerai sur ce qui concerne l'action de la France et laisserai Hélène Conway-Mouret évoquer les priorités de réforme pour l'Union européenne.

La France est un acteur historique dans les Balkans occidentaux. Le voyage du président Macron en Serbie en 2019 a permis de réaffirmer l'ambition de la France d'influer directement sur l'évolution de la situation dans cette région. À cet égard, nous saluons l'adoption en avril 2019 d'une stratégie interministérielle dans les Balkans occidentaux.

Cependant, notre déplacement nous a permis de constater que sur le plan économique et commercial la présence des entreprises françaises dans les pays des Balkans occidentaux n'est pas encore à la hauteur de nos ambitions.

Par conséquent, notre premier axe de recommandation consiste à renforcer la présence économique de la France dans les pays des Balkans. Au-delà de la présence de nos grands groupes dont la société Vinci qui gère l'aéroport de Belgrade, notre diplomatie économique doit nous permettre d'insérer dans la péninsule balkanique nos petites et moyennes entreprises qui sont encore trop nombreuses à renoncer aux marchés de ces pays pourtant voisins et en voie d'intégration à l'Union européenne.

Ce renforcement de notre présence économique doit s'appuyer sur le déploiement de l'action de l'Agence française de développement qui a ouvert en 2019 une agence régionale à Belgrade qui a déjà permis le financement de projets à hauteur de 840 millions d'euros.

En deuxième lieu, il est essentiel de valoriser à sa juste mesure l'initiative française de création d'une Communauté politique européenne (CPE) proposée par le Président de la République le 9 mai 2022. Les réactions de nos différents interlocuteurs sur place nous ont montré que le scepticisme initial des pays candidats avait été dépassé. Ce format, qui présente le double avantage de réunir l'ensemble des pays d'Europe sur un pied d'égalité et de permettre d'aborder tous les secteurs de coopération potentielle, doit devenir un vecteur de l'intégration européenne des Balkans occidentaux, en complément de la poursuite de la politique d'élargissement.

Enfin en troisième lieu, nous estimons que la France doit accompagner son réinvestissement économique et diplomatique d'un réinvestissement stratégique.

Pour ce faire, la France doit continuer à coopérer avec les armées des pays des Balkans. Nous estimons également qu'il serait utile que la France soit représentée au sein des deux opérations militaires internationales dans la région. Si nos armées sont représentées par un détachement en Bosnie-Herzégovine auprès de la mission EUFOR-Althea, la présence de militaires français au sein de la KFOR au Kosovo serait également un signal bienvenu de notre réinvestissement stratégique dans la région.

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure. - Pour finir, j'aimerais insister sur deux axes de recommandation relatifs à l'action de l'Union européenne dans les Balkans occidentaux.

En effet, la question du rythme de l'élargissement de l'Union et du caractère trop bureaucratique des relations entre la Commission européenne et les autorités nationales des pays des Balkans est un point central de la situation géostratégique dans la péninsule balkanique.

À ce titre, nous estimons en premier lieu qu'un axe de réforme consiste à mieux cibler notre accompagnement des pays des Balkans.

Comme nous l'avons évoqué, la fragilité du système médiatique et des institutions publiques de ces pays les rend particulièrement vulnérables aux tentatives d'ingérence de puissances extérieures.

Dans un état de « guerre hybride mondialisée », selon la formule de la Revue nationale stratégique, l'accompagnement des pays des Balkans doit se concentrer en priorité sur la lutte contre les stratégies hybrides susceptibles d'affecter les pays des Balkans.

L'Union européenne doit par conséquent fournir sans attendre aux pays des Balkans une aide et une assistance pour lutter contre les attaques qui interviennent dans le champ cyber et dans le champ informationnel.

Au-delà de la force opérationnelle de communication stratégique du Service européenne pour l'action extérieure (SEAE), qui doit être mieux coordonnée avec les initiatives nationales, l'Union européenne doit également mieux soutenir les administrations locales face au risque cyber. L'initiative franco-slovène d'installation d'un centre de développement cyber dans la capitale du Monténégro est un modèle à dupliquer pour renforcer le soutien aux pays des Balkans sans attendre leur pleine intégration à l'Union européenne.

En second lieu, la politique d'élargissement de l'Union européenne doit être aménagée pour renforcer sa progressivité et sa crédibilité.

Le système actuel, qui repose essentiellement sur un dialogue technique et administratif entre la Commission et les États candidats, doit être réformé pour que le processus d'intégration européenne devienne un levier efficace de réforme institutionnelle dans les pays des Balkans.

Seul un suivi politique attentif du processus d'élargissement permettra aux États membres de l'Union d'enclencher le processus de réforme abouti dans les Balkans occidentaux qui permettra l'intégration de ces pays à l'Union européenne.

Comme le rappelait récemment le Président de la République dans son discours de Bratislava, la question n'est plus de savoir si nous allons intégrer ces pays, ni quand.

La question est de savoir comment les intégrer et il est urgent à ce titre d'adopter une approche plus pragmatique du processus d'adhésion pour accélérer l'intégration européenne des Balkans occidentaux.

J'ajoute pour finir que bien que nous ayons parfois tendance à considérer les Balkans comme un bloc, notre déplacement nous a permis de constater que chaque pays de cette région répond à une logique propre à laquelle il faut être attentif. Nous devons être particulièrement attentifs à la tension entre la Serbie et le Kosovo qui pourrait être une étincelle qui entraine la déstabilisation globale de la région.

M. Olivier Cadic. - Merci pour ce rapport qui est passionnant. J'ai été régulièrement dans les Balkans occidentaux. Sur la question du renforcement de notre présence économique, je pense que nous devons nous comparer avec l'Allemagne. Nos entreprises sont en concurrence avec les entreprises allemandes dans cette région. Le renforcement de notre présence est positif pour ces pays car cela réduit leur dépendance à l'Allemagne.

Je suis également heureux du fait que vous saluez la Communauté politique européenne qui est un vrai succès pour la France obtenu grâce à l'initiative du Président de la République, et ce en incluant même le Royaume-Uni.

Je veux toutefois insister sur le fait que dans le cadre de l'adhésion de la Serbie à l'Union européenne, l'Union européenne veut accélérer le processus depuis longtemps. J'ai le sentiment que ce sont plutôt les États membres qui ralentissent le processus, pour des raisons de politique intérieure.

Je me rappelle qu'au moment de l'indépendance du Kosovo, le ministre russe Lavrov avait affirmé que la reconnaissance du Kosovo était une erreur des pays de l'Union dont la Russie saurait se servir. Lors d'un de mes déplacements, il m'avait été expliqué que la Serbie et le Kosovo souhaitaient négocier pour déplacer la frontière d'un commun accord. Or ce projet n'a pas pu être mis en oeuvre du fait de l'opposition de l'Allemagne.

Sur la question de la Bosnie-Herzégovine, que vous avez bien analysée, il faut souligner que les positions défendues par Milorad Dodik ont beaucoup évolué. Il adopte aujourd'hui une position en faveur de la sécession mais il faut se demander si cela n'est pas lié au fait que la Russie adopte la même position et remet en cause les accords de Dayton.

Si nous n'intégrons pas rapidement les pays des Balkans, nous les condamnons à se tourner vers la Russie, vers la Chine, vers la Turquie, qui veulent se servir des Balkans comme d'un porte-avion au coeur de l'Union européenne. Il faut également souligner le rôle de la Croatie qui continue d'exercer une influence très importante dans la région, notamment en Bosnie-Herzégovine.

Nous devons souligner que la France doit être plus investie politiquement pour soutenir l'élargissement de l'Union aux pays des Balkans. Sur la question de la Serbie en particulier, je peux vous assurer pour l'avoir rencontré que la volonté profonde du président Vucic est que la Serbie rejoigne l'Union européenne, même s'il avance politiquement sur une ligne de crête.

M. Christian Cambon, président. - Je partage cette lecture de la situation en Serbie, où je me suis moi-même rendu récemment. Le président Vucic souhaite que la Serbie rejoigne l'Union européenne mais il attend des pays européens des signaux politiques clairs en faveur de cette intégration.

Sur la question de la Bosnie-Herzégovine, il faut constater que les accords de Dayton ont permis d'arrêter les combats mais ils ne sont pas efficaces pour organiser les pouvoirs publics sur le long terme. Il faut également souligner que les moyens de notre ambassade en Bosnie-Herzégovine sont très réduits ce qui ne permet pas de soutenir notre capacité d'influence.

Si nous n'accélérons pas l'intégration européenne de ces pays, ils vont nécessairement chercher d'autres partenaires. Il faut par conséquent réviser notre politique d'élargissement et ses 35 chapitres de négociation qui ne permettent pas d'intégrer rapidement les pays candidats. Un système d'intégration progressif serait plus adapté pour nourrir l'espoir de la jeunesse de ces pays. À cet égard je ne comprends toujours pas le fait que l'Union européenne n'ait pas plus rapidement intégré la Roumanie à l'espace Schengen malgré les efforts très importants consentis par ce pays pour contrôler ses frontières. Il faudrait envisager un élargissement progressif en raisonnant secteur par secteur. En tout état de cause, cette réforme doit être menée parallèlement à la réforme du mode de prise de décision au sein de l'Union européenne.

Les tensions actuelles au Nord du Kosovo et les heurts qui ont suivi le conflit qui a émergé sur les plaques minéralogiques illustrent le niveau de tension dans la région, qui n'est pas toujours suivi avec une grande attention par les pays occidentaux.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Nous nous sommes concentrés dans notre rapport sur les pays des Balkans occidentaux dans le rapport, et en particulier les trois pays que nous avons visités.

Nous ne pouvons pas effacer le passé de ces pays et nous devons nous efforcer de comprendre comment plusieurs populations cohabitent dans cet espace balkanique.

Je veux insister sur le niveau de blocage en Bosnie-Herzégovine. Les accords de Dayton ont été écrits pour assurer la stabilité entre les trois blocs nationaux mais ils n'ont pas été écrits pour servir durablement de constitution. Ce pays est aujourd'hui impossible à gérer.

Le Haut Représentant de la communauté internationale ne joue pas toujours un rôle constructif. La modification de la loi électorale pendant le déroulement des élections est un élément qui nuit à la crédibilité de l'action de la communauté internationale.

La présence allemande dans ces pays est bien supérieure à la présence française : une grande partie de la jeunesse formée dans ces pays quitte la région pour travailler en Allemagne, en s'appuyant sur un réseau très développé d'enseignement de la langue allemande dans les Balkans. La France ne tire pas assez parti de sa très bonne image dans les Balkans.

Quant à l'action de la France, nous estimons que les moyens de nos ambassades dans les Balkans devraient être renforcés. Il faut combler notre manque d'ambition dans cette région d'une très grande importance.

M. Christian Cambon, président. - Je rappelle ici que lors de la reconnaissance de l'indépendance du Kosovo, le président russe Vladimir Poutine avait affirmé que les pays occidentaux le paieraient cher. La Russie utilise aujourd'hui cet argument pour parler du Donbass dans sa propagande.

M. Pascal Allizard. - Sur la question de l'action du Haut Représentant de la communauté internationale en Bosnie-Herzégovine, j'étais présent dans ce pays pour l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour les élections d'octobre 2022, et je confirme que l'intervention du Haut Représentant a été mal vécue par l'ensemble des parties prenantes. Cette intervention constitue un contre-exemple par rapport aux règles de l'État de droit que nous promouvons dans les pays candidats à l'Union européenne.

La légitimité de ce Haut Représentant est remise en cause par ce type de décision qui n'est pas compatible avec le modèle que nous défendons en matière de respect de l'État de droit. Je veux également insister sur un point positif : le retour en Bosnie-Herzégovine de jeunes Bosniens après avoir réussi à l'étranger. Ces jeunes permettent également de renouveler la classe politique bosnienne en se présentant aux élections, ils représentent un espoir pour ce pays.

Sur la Serbie, je voudrais souligner qu'au moment de la crise migratoire, les financements allemands en Serbie ont transité par l'Église, et nous devons être attentifs à ce point. Je rejoins vos recommandations notamment en ce qui concerne le processus d'adhésion : nous devons avoir une approche politique de cette question.

Sur la Bulgarie, nous constatons que le niveau de corruption reste élevé. Cependant, nous avons besoin de ce pays comme rempart vis-à-vis de la Turquie. Il faut abandonner l'idée d'avoir des « pays amortisseurs » entre l'Union européenne et la Russie.

M. André Vallini. - Au regard de la complexité de cette région, je voulais simplement vous rappeler que bientôt nous aurons comme diplomate dans ces pays des sous-préfets ou des directeurs d'hôpital à cause de la réforme récente du corps diplomatique.

M. Olivier Cigolotti. - Sur la Communauté politique européenne, je pense en effet que cette initiative redonne de l'espoir aux pays des Balkans. Les universitaires que nous avons auditionnés avant notre départ nous ont tous confirmé que le processus actuel n'était pas conforme aux attentes des pays des Balkans. Il est nécessaire d'envisager un processus progressif.

Sur les accords de Dayton, ces accords ont permis le retour de la paix mais ils ne permettent pas l'intégration de la Bosnie-Herzégovine à l'Union européenne. Dans l'état actuel du pays, la jeunesse bosnienne n'envisage souvent pas de construire sa vie en Bosnie-Herzégovine et aspire à partir vers l'Allemagne ou l'Autriche.

Les tensions au Kosovo qui ont émergé autour de la question des plaques minéralogiques démontrent le niveau de tension dans les pays des Balkans.

Sur la Serbie, nous avons évoqué cette tentative d'adopter une position d'équilibre entre la Russie et l'Union européenne. J'en profite pour évoquer le projet actuellement en discussions d'acquisition par la Serbie de 12 avions Rafale. Cela témoigne de la volonté de la Serbie de se rapprocher de la France ; mais cela pourrait également être mal perçu par le Kosovo.

Mme Michelle Gréaume. - Je souhaite également évoquer le fait que plusieurs interlocuteurs nous ont indiqué qu'ils ressentaient un sentiment d'injustice vis-à-vis de l'octroi très rapide du statut de candidat à l'Ukraine. Ces pays craignent que l'Ukraine dispose d'une procédure d'intégration accélérée à leur détriment.

Coopération militaire entre la France et l'Allemagne - Communication

M. Ronan Le Gleut. - À la suite de la visite, le 1er juin dernier, de la base aérienne 105 d'Évreux réalisée en commun avec la présidente de la commission de la défense du Bundestag et plusieurs autres collègues parlementaires allemands, je souhaite attirer l'attention de la commission sur l'importance de notre coopération militaire avec l'Allemagne.

Je tiens en premier lieu à saluer l'organisation de ce déplacement en commun avec l'Assemblée nationale et le Bundestag qui nous a permis à la fois de visiter les installations et les aéronefs stationnés à Évreux et d'avoir un échange direct et fort instructif avec le personnel de l'escadron « Rhin ».

Cet escadron de transport aérien binational mis en place en septembre 2021 emploie aujourd'hui 210 mécaniciens et membres d'équipage français et allemands qui travaillent de concert sous l'autorité conjointe de l'armée de l'air et de l'espace français et de la Luftwaffe.

Sans revenir sur l'ensemble des nombreux échanges qui ont été rendus possibles par l'organisation de cette visite qui a donné lieu à une réunion de travail in situ sur la base aérienne d'Évreux, j'aimerais insister sur trois points essentiels que nous ne devons pas perdre de vue en matière de coopération militaire franco-allemande.

En premier lieu, je veux insister sur le fait que nous nous situons à un moment charnière de l'avenir stratégique de l'Europe, c'est-à-dire de l'avenir stratégique que partagent la France et l'Allemagne.

La guerre d'Ukraine constitue le point de basculement vers une « nouvelle ère stratégique », ou une Zeitenwende pour reprendre la formule utilisée dès février 2022 par le chancelier allemand Olaf Scholz.

Il convient d'insister sur le fait que face à ce changement d'époque, la France et l'Allemagne sont restées unies pour ce qui concerne les grandes décisions stratégiques prises par l'Union européenne depuis dix-huit mois.

Les choix structurants faits par les Vingt-Sept aussi bien en matière de sanctions économiques prises contre la Russie que de financement européen des livraisons d'armes létales aux forces ukrainiennes ont été fait grâce à l'alignement des positions françaises et allemandes.

Cette convergence ne signifie pas une disparition du jour au lendemain de nos cultures stratégiques nationales et des différences qui continuent d'exister entre nos forces armées. Mais elle témoigne d'un rapprochement durable et structurant entre les forces armées européennes plus de soixante-dix ans après le début de la construction européenne.

Alors que nous nous trouvons au seuil de cette nouvelle ère stratégique, et que nos débats sur le projet de loi de programmation de militaire illustrent l'importance de nous projeter dès aujourd'hui sur ce que pourrait être la guerre de demain, nous devons garder à l'esprit que notre défense et notre souveraineté sont renforcées par nos nombreux projets de coopération militaire avec l'Allemagne.

En deuxième lieu, je veux insister sur l'importance des coopérations militaires opérationnelles entre les armées françaises et les armées allemandes, dont l'escadron de transport aérien « Rhin » est une parfaite illustration.

Les difficultés ponctuelles que nous rencontrons actuellement pour la mise en oeuvre des grands programmes capacitaires franco-allemands, aussi bien pour le projet de système de combat aérien du futur (SCAF) que pour le projet de « char du futur », ne doivent pas détourner notre attention du succès des projets de coopération opérationnelle qui se poursuivent.

Cette coopération de terrain, à travers laquelle nos soldats, marins et aviateurs sont amenés à travailler au quotidien avec des militaires de la Bundeswehr est un vecteur extrêmement efficace de convergence entre nos deux armées. Elle contribue à rapprocher concrètement les cultures stratégiques de nos armées pour faire émerger une authentique culture stratégique commune fondée sur l'expérience partagée.

Il s'agit notamment des 5 600 soldats de la Brigade franco-allemande (BFA) créée dès 1989 qui peut intervenir dans le cadre des missions de l'OTAN comme de l'Union européenne.

Il s'agit également dans le domaine maritime des Forces navales franco-allemandes (FNFA) créé en 1991 pour disposer d'une force de réaction navale binationale.

Dans le domaine aérien enfin, il s'agit par exemple de l'école franco-allemande du Tigre (EFA).

Ces nombreux projets de coopération opérationnelle, qui se poursuivent à bas bruit indépendamment des soubresauts du dialogue entre les industriels, doivent être valorisés à la hauteur de leur importance et ils constituent la colonne vertébrale de notre dialogue quotidien avec l'Allemagne dans le domaine militaire.

Enfin, en troisième lieu, je veux insister sur le rôle de la diplomatie parlementaire comme instrument de dialogue et de suivi de notre coopération militaire avec l'Allemagne.

Du fait de notre histoire, notre système institutionnel diffère largement de celui de l'Allemagne fédérale, y compris en matière militaire.

Cette différence ne représente certainement pas un obstacle au fait d'entretenir un dialogue politique avec nos homologues du Bundestag et nos collègues parlementaires d'outre-rhin ont insisté sur l'importance de la régularité de ces rencontres pour assurer un suivi efficace de notre coopération.

En effet, alors que nous constatons que sur certains sujets de coopération capacitaire, le dialogue semble de plus en plus difficile entre nos industriels, ces rencontres constituent un canal de communication très précieux entre nos deux pays.

La franchise et la qualité des discussions que nous avons eues lors de la visite de la base d'Évreux témoignent de l'utilité de ces échanges pour mieux nous comprendre, pour mieux travailler ensemble, et pour accompagner l'approfondissement de la coopération militaire entre nos deux pays qui est une des clés de notre avenir stratégique partagé.

Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Panama relatif à l'exercice d'activités professionnelles rémunérées par les membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne M. Jean-Noël Guérini rapporteur sur le projet de loi n° 444 (2022-2023) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama relatif à l'exercice d'activités professionnelles rémunérées par les membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre.

Projet de loi autorisant l'approbation du protocole entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Macédoine du Nord portant application de l'accord du 18 septembre 2007 concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier, signé à Skopje le 5 juillet 2021 - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne M. Philippe Paul rapporteur sur le projet de loi n° 812 (2022-2023) autorisant l'approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Macédoine du Nord portant application de l'accord du 18 septembre 2007 concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier, signé à Skopje le 5 juillet 2021.

Délégation de la commission qui participera à la conférence interparlementaire pour la politique étrangère et de sécurité commune et la politique de sécurité et de défense commune organisée à Madrid du 1er au 3 octobre 2023 - Désignation des membres

M. Christian Cambon, président. - La Conférence interparlementaire sur la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) se tiendra à Madrid du 1er au 3 octobre prochain. La délégation du Sénat français sera composée de deux sénateurs issus de notre commission.

La commission désigne M. Joël Guerriau, chef de délégation, ainsi que M. Rachid Temal membres de la délégation du Sénat à la Conférence interparlementaire sur la PESC-PSDC.

La séance est close à 12 h 20.