Mercredi 5 juillet 2023

- Présidence de Mme Maryse Carrère, présidente -

La réunion est ouverte à 16 h 35.

Examen du rapport d'information

Mme Maryse Carrère, présidente. - Mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui réunis pour clore les travaux de notre mission d'information, lancée en début d'année sur l'initiative du groupe Les Républicains.

Je souhaite remercier chacun d'entre vous pour la part qu'il a prise à ces travaux, tout particulièrement notre rapporteur Mathieu Darnaud.

Au cours des six mois qu'aura duré cette mission, nous avons pu recueillir la parole des maires et celles des principales associations les représentant sur les difficultés qu'ils rencontrent dans l'exercice de leur mandat et les souhaits qu'ils forment pour leur avenir. Nous avons été rattrapés par l'actualité, qu'il s'agisse de l'affaire du maire de Saint-Brevin-les-Pins ou des événements des derniers jours.

Nous avons conduit quatre déplacements, en Ille-et-Vilaine, dans les Vosges, en Haute-Garonne et dans la Somme, pour rencontrer les élus locaux sur le terrain et nous confronter à des réalités territoriales différentes.

Enfin, sur l'initiative de notre rapporteur et avec l'aide d'Éric Kerrouche, notre mission aura lancé deux consultations.

Nous avons tout d'abord consulté les élus locaux, avec un certain succès puisque près de 3 000 élus ont répondu, dont 2 093 maires. Si cette consultation ne présente pas les caractéristiques méthodologiques d'un sondage, le vaste échantillon des répondants nous a permis de mieux cerner les ressorts des difficultés actuelles des maires et leurs souhaits d'évolution.

Par ailleurs, nous avons lancé un sondage, conduit par l'institut CSA, sur la perception des Français à l'égard des maires et des communes.

Les résultats de ces deux travaux seront, si vous l'acceptez, publiés dans le cadre du rapport de la mission d'information.

Mes chers collègues, nul d'entre nous n'a pu être indifférent au sujet de notre mission. Pour les anciens élus locaux que nous sommes beaucoup à avoir été et pour des sénateurs qui se tiennent au plus près des collectivités territoriales, s'interroger sur l'avenir de la commune et des maires, c'est s'interroger sur ce qui fait le coeur de la démocratie locale. Dresser un constat lucide de la situation actuelle des communes et des maires, chercher à comprendre les ressorts de la crise qu'ils traversent et esquisser les pistes pour la surmonter : telle était l'ambition de notre mission d'information et c'est ce à quoi s'est employé notre rapporteur.

Nous devons aujourd'hui nous prononcer sur l'adoption de ce rapport. Le rapport a été mis à votre disposition lundi pour consultation et il vous a été donné la possibilité de nous soumettre des propositions de modification.

Je vous rappelle que les groupes politiques ont la possibilité, s'ils le souhaitent, de faire valoir leur position dans une contribution annexée au rapport. Toutefois, ces contributions devront être reçues avant le vendredi 7 juillet, à 17 heures.

Enfin, j'attire votre attention sur le fait que le rapport ne sera publié que mercredi 12 juillet prochain, après sa présentation à la presse dans la matinée. D'ici là, je vous invite à la plus grande confidentialité sur son contenu et ses conclusions.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Je voudrais tout d'abord, mes chers collègues, vous remercier de votre participation aux déplacements, à l'élaboration du sondage, à la concertation et à l'ensemble des échanges que nous avons eus autour des contours de cette mission d'information, qui - c'est le moins qu'on puisse dire - tombe à un moment particulièrement complexe. L'année 2023 n'aura pas épargné les maires !

Notre mission d'information achève donc ses travaux dans un contexte confirmant, malheureusement, les inquiétudes que nous nourrissions déjà en janvier dernier, au moment où nous l'avons lancée. Ces inquiétudes étaient nombreuses : augmentation des menaces, injures ou violences contre les élus ; multiplication des démissions d'élus municipaux ; malaise des maires, qui ne sentaient plus suffisamment le soutien de l'État ou étaient confrontés à des situations complexes, avec des citoyens de plus en plus exigeants.

Le mandat qui s'était ouvert deux ans plus tôt, au pire de la crise sanitaire, était aussi le premier à connaître le plein effet des nombreuses réformes territoriales des dernières années : arrivée à maturité de l'intégration intercommunale ; loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam), loi Engagement et proximité et loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS) ; suppression d'une part importante de la fiscalité locale...

En prenant l'initiative de créer une mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire, le groupe Les Républicains nous a invités, non seulement à faire le point sur la situation des communes et des élus municipaux, mais aussi à réfléchir au modèle de communes que nous devions défendre et à la façon d'améliorer les conditions d'exercice du mandat local.

Notre réflexion a pu s'enrichir des nombreux travaux conduits au Sénat sur la démocratie locale et la France des communes : je pense, en particulier, à ceux de la délégation aux collectivités territoriales, ceux des commissions des lois ou des finances, ou encore au récent groupe de travail sur la décentralisation présidé par le président Gérard Larcher.

Tous ces travaux nous ont permis de prendre la mesure de la situation actuelle et d'objectiver le malaise ressenti par les élus municipaux. C'est là un apport notable, je crois, de notre mission d'information : faire sortir des bases de données du ministère de l'intérieur le nombre des démissions de maires et, par le sondage et la consultation que nous avons lancés, en révéler les ressorts.

Trois résultats méritent d'être mis en lumière.

En premier lieu, le malaise des maires ne se lit pas encore dans une baisse drastique des candidatures : le nombre de candidats a certes baissé de 2,55 % entre les deux dernières élections, mais la baisse du nombre de communes, sur la même période, est de 1,5 %. On constate également que, de 2014 à 2020, la proportion de maires qui ne se sont pas présentés pour un nouveau mandat est sensiblement la même : un tiers de l'effectif. Tout au plus peut-on constater que, sur les 2 093 maires qui ont répondu à la consultation de notre mission d'information, 28 % d'entre eux indiquent vouloir quitter la vie politique à la fin de leur mandat. À trois ans des prochaines élections, c'est un taux important, mais comparable à ce que disaient les maires un an avant le scrutin de 2020.

La situation est en revanche plus inquiétante sur le front des démissions d'élus municipaux. À la date du 10 mai dernier, 1 078 maires avaient démissionné volontairement de leur mandat et 29 214 conseillers municipaux, ce qui représente 3 % de l'effectif total des maires et 7 % de celui des conseillers municipaux.

L'outil statistique du ministère de l'intérieur ne permet pas de comparer ce nombre avec celui des démissions volontaires en 2014. Mais, si l'on compte les vacances de sièges de maire ou de conseillers municipaux, pour tout motif, hors décès, on constate une aggravation de la situation par rapport à 2014 de l'ordre de 7 à 8 %.

Moins de la moitié des maires interrogés jugent les conditions d'exercice de leur mandat satisfaisantes. Parmi les facteurs contribuant à rendre difficile l'exercice de ce mandat, les maires citent principalement la complexité normative, la charge des réunions et des procédures, l'insuffisance des moyens financiers et, pour ceux qui ont un métier, la difficulté à concilier mandat et vie professionnelle. Il en résulte un certain découragement et un grand pessimisme, transparaissant dans notre consultation. Ainsi, parmi les maires interrogés qui entendent renoncer à la vie politique, la moitié juge que le travail politique leur prend trop de temps et un tiers se déclare déçu.

D'une manière générale les élus consultés pensent très majoritairement que la situation des communes va se dégrader fortement.

On constate ainsi un affaiblissement de la démocratie locale, passant par un découragement des élus municipaux. Il s'agit aussi d'un affaiblissement des communes elles-mêmes.

Le diagnostic est connu et tient à quatre éléments : la crise de recrutement du personnel municipal, l'érosion des moyens financiers des communes, le désengagement territorial de l'État et la montée en puissance des intercommunalités, parfois au détriment des communes membres.

Sur le premier point, les communes sont confrontées à un mur des départs à la retraite des secrétaires de mairie. Un tiers partiront à la retraite d'ici à 2030. Or, actuellement, près de 2 000 postes sont vacants.

Le désengagement territorial de l'État est une réalité : un tiers des 11 000 équivalents temps plein annuels travaillés (ETPT) supprimés depuis dix ans l'ont été dans les préfectures. D'ailleurs, les maires de la consultation estiment, à 72 %, que le service public d'État s'est dégradé sur leur territoire. La dégradation est quantitative, mais également qualitative : un tiers d'entre eux jugent que l'État territorial remplit insuffisamment son rôle de conseil auprès des communes et plus de la moitié considèrent que les moyens des préfectures sont insuffisants pour répondre à leurs demandes.

L'intégration intercommunale n'a pas eu les mêmes conséquences pour toutes les communes, qui entretiennent à son égard un rapport ambivalent. Si la moitié des répondants de la consultation estiment qu'elle bénéficie à leur commune, un peu moins d'un quart pensent le contraire. La même proportion juge que l'intercommunalité fonctionne mal. Plus inquiétant encore, plus de la moitié des élus - 54 % - considèrent que leur commune pèse insuffisamment sur les décisions de l'intercommunalité, cette proportion approchant les deux tiers dans les intercommunalités comptant plus de 50 communes membres, les intercommunalités dites « XXL ».

L'avenir des communes et des maires est donc assombri et l'on peut parler d'un avis de tempête sur la démocratie locale. Heureusement, il y a des raisons d'espérer, et c'est sur elles que nous allons nous concentrer. On peut compter, d'abord, sur le formidable engagement des 520 000 élus municipaux, force vive de notre démocratie. Il y a par ailleurs la force du modèle communal français, qui lui a permis de traverser toutes les crises, à commencer par celle du covid. S'y ajoute enfin, et surtout, le très fort attachement de nos concitoyens à la figure du maire et à la commune.

Un sondage CSA l'a confirmé, la commune est, de loin, la collectivité à laquelle les Français demeurent le plus attachés et qu'ils jugent la plus efficace. Le maire est, pour les Français, une personnalité bien identifiée, dont ils ont une bonne opinion à 63 % et qu'ils estiment, lui donnant la note moyenne de 6,9 sur 10.

Une fois ce constat dressé, quelles sont les pistes pour répondre à cette crise de la démocratie locale ? Il est nécessaire, selon nous, d'agir à deux niveaux : celui de l'organisation communale et territoriale ; et celui des conditions d'exercice du mandat municipal.

Dans les deux cas, le mot d'ordre est le même : la liberté. Or, il n'est pas de liberté sans moyens. Il faut donc, d'une part, rendre aux communes la liberté de leur avenir et, d'autre part, redonner aux maires le pouvoir d'agir. Rien ne serait pire que d'imaginer l'avenir de la commune en tournant le dos à son passé et aux formidables atouts du modèle communal français. Il faut au contraire conforter la commune dans le rôle que lui reconnaissent les citoyens et les élus.

Notre première proposition est donc, comme nous l'avions fait par le passé, de consacrer la commune comme le lieu du quotidien, de la proximité et du lien.

La commune, c'est un territoire de service et un territoire de projet - la conduite de projet est d'ailleurs, de loin, la fonction préférée des maires dans la consultation, et cela ne dépend pas de la strate démographique. La commune, c'est aussi le lieu par excellence de la démocratie locale. Voilà ce qu'il faut conforter !

Pour ce faire, je vous propose deux mesures. La première vise à consacrer constitutionnellement la clause générale de compétence des communes. C'est le fondement du pouvoir d'agir des maires, ce qui permet à toute commune de s'imaginer un projet et un avenir. La seconde, qui intéresse plutôt le versant démocratique de la commune, est de maintenir les modes de scrutin actuels pour les élections municipales et la désignation des conseillers communautaires. Comme le rappelait voilà dix ans Michel Delebarre : « le mandat à la commune s'exerce indépendamment de sa représentation à l'intercommunalité ; il constitue la source et le fondement du mandat communautaire dont le sort lui est lié. L'inverse n'est pas vrai. »

Notre deuxième proposition, c'est de faire, à nouveau, souffler un vent de liberté sur l'organisation municipale. Pour cela, il faut d'abord rompre avec le dirigisme reconfigurateur que nous avons connu depuis plusieurs années et cesser les modifications autoritaires de la carte intercommunale.

Sans défaire ce qui est fait ou détricoter la carte intercommunale, il faut laisser les communes et leurs regroupements s'adapter aux réalités de l'action territoriale. L'intégration intercommunale à marche forcée a cadenassé la marge de manoeuvre des élus. Le Sénat n'a eu de cesse, au cours des dernières années, de déverrouiller ce qui pouvait l'être lorsque cela avait du sens.

L'image du bloc communal participe de cette vision, un peu fixiste, d'un cadre figé qu'il ne faut pas remettre en cause pour régler les relations entre les communes membres et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Je vous propose d'y substituer une autre image : passer du bloc communal au biotope communal. Le biotope, c'est un milieu de vie, dont les éléments qui le composent sont en interaction et s'adaptent pour trouver, en fonction des contraintes du territoire, l'équilibre le plus efficient. Chacun doit y trouver sa place, librement, au bénéfice de l'ensemble.

Plusieurs mesures peuvent contribuer à cet assouplissement.

Il faut tout d'abord unifier les régimes de délégations de compétence, en supprimant les limitations instaurées pour l'exercice délégué de certaines compétences.

Il faut également permettre, par accord local, de modifier la répartition des compétences. Le cas le plus pertinent est celui de l'eau et de l'assainissement : il faut pouvoir réorganiser la dévolution de cette compétence en fonction des logiques territoriales et à partir des accords locaux.

L'intercommunalité doit rester une intercommunalité de projet, au service des communes. Pour cela, il y a les règles de gouvernance et il est prévu par la loi qu'après chaque renouvellement général des conseils municipaux, un débat ait lieu au sein de l'intercommunalité sur la gouvernance. Il faut étendre ce débat à la question de la répartition des compétences.

Pour que chaque commune soit écoutée, il faut qu'elle ait un pouvoir de négociation et, pour que la liberté de la commune soit respectée, il ne faut pas qu'on puisse lui imposer une décision de force. C'est pourquoi, à l'exemple de ce qu'a fait la communauté urbaine du Grand Reims, il me semble nécessaire de prévoir un droit de veto au profit des communes lorsque la commune centre détient la moitié des sièges de conseillers communautaires.

Enfin, parce que le regroupement des communes sur une base volontaire est une bonne chose, je vous propose, dans l'esprit défendu par Françoise Gatel et Éric Kerrouche dans leur récent rapport d'information sur les communes nouvelles, de faciliter l'essor de ces dernières, en lissant, notamment, les effets de seuils que peut engendrer ce regroupement.

Je le disais tout à l'heure, il n'est pas de liberté sans moyens. On sait que ceux des communes sont menacés. C'est pourquoi la troisième proposition vise à assurer aux communes des financements lisibles et prévisibles. C'est ce qui leur permettra de s'engager dans des projets avec plus de certitude.

Le deuxième axe que je vous propose de retenir pour les conclusions de la mission d'information, c'est de redonner aux maires le pouvoir d'agir.

Je suis convaincu, à cet égard, que c'est en donnant aux maires le pouvoir de faire qu'on fortifie leur engagement, qu'on donne du sens à leur mandat et qu'on favorise le lien démocratique, puisque le maire s'engage sur un projet et peut être jugé par ses concitoyens sur ce qu'il a réalisé.

La première chose à faire est de remettre de la simplicité dans l'action quotidienne des maires. Il serait tout d'abord bon de simplifier, de renforcer et d'unifier autour du préfet de département l'accès des maires à l'État. Cela passe notamment par un réarmement de l'État territorial, par l'instauration du préfet comme coordonnateur de tous les services et démembrements de l'État, y compris les agences régionales de santé (ARS), par la mise en extinction de la politique d'« agencification » et, aussi, par l'obligation faite aux services de l'État d'avertir le maire de toute intervention de leur part sur le territoire de sa commune.

Ensuite, les maires ont besoin que l'État leur apporte plus de sécurité, juridique, technique et financière dans la conduite de leurs projets. Trois outils doivent être mobilisés à cette fin : d'abord, il faut fusionner la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et le fonds vert pour éviter de disperser les demandes de financement. Dans le même ordre d'idée, il faut que l'État mette en place une plateforme et un dossier uniques pour toute demande d'aide financière, technique ou juridique. Enfin, il faut revitaliser les rescrits juridictionnels et administratifs, afin que les élus puissent exiger des services de l'État qu'ils se prononcent sur la légalité de décisions complexes, par exemple en matière d'urbanisme.

Par ailleurs, je vous propose de conforter, par des moyens juridiques et humains renforcés, la liberté des maires de gérer les affaires de leur commune.

Le premier instrument pour cela est le renforcement du pouvoir réglementaire local. Il s'agit d'une véritable capacité normative d'agir. Les champs à explorer sont nombreux. On peut prendre l'exemple de la réglementation des meublés de tourisme et de leur soumission, ou non, à l'interdiction de louer les passoires thermiques.

Le second instrument est le renforcement des pouvoirs de police du maire : il faut éviter que son autorité soit bafouée et lui donner les moyens d'éviter que la situation ne dégénère. Il s'agirait notamment d'étendre la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle et de renforcer les sanctions pour non-respect de certains arrêtés de police.

Il faut par ailleurs garantir aux maires le renfort d'une équipe municipale compétente. Pour cela, nous devons favoriser les mutualisations de personnels, qui ont fait la preuve de leur efficacité, et, surtout, faciliter le recrutement des secrétaires de mairie. Nous pouvons, à cet égard, nous inscrire dans les propositions de réforme qui sont actuellement débattues.

La proposition suivante vise à faciliter l'exercice des mandats locaux en reconnaissant à sa juste valeur l'engagement municipal et en s'adaptant à la diversité de profil des élus.

Il me semble que nous devons rester attachés au principe de la gratuité du mandat, que le Sénat a confirmé à plusieurs reprises. En revanche, il faut lancer une réflexion sur la revalorisation des indemnités perçues par les élus, qui rendent compte des sujétions particulières du mandat, toujours plus nombreuses.

Le deuxième enjeu est de faciliter la conciliation entre engagement public et poursuite de la vie professionnelle, afin de diversifier les profils de maire. Deux voies méritent d'être explorées : la valorisation du mandat au regard des droits à la retraite, par la création d'une bonification d'un trimestre par mandat ; l'extension aux maires des communes de moins de 1 000 habitants du bénéfice de l'allocation différentielle de fin de mandat. Enfin, il faut donner aux élus le temps d'exercer leur mandat en supprimant le critère démographique pour l'octroi des crédits d'heure et en relevant ce plafond.

La dernière proposition que je vous soumets vise la protection des élus en toutes circonstances face aux menaces et aux mises en cause. L'actualité récente vient de lui donner un relief tout particulier. Il est absolument nécessaire de garantir la protection effective des maires et des élus municipaux dans l'exercice de leur mandat face aux violences et menaces.

La protection fonctionnelle doit être octroyée automatiquement et son champ étendu tant pour les dépenses prises en charge que pour les personnes couvertes, comme, par exemple, les candidats aux élections municipales. Parallèlement, le dispositif judiciaire doit être amélioré. Cela passe par un renforcement de l'arsenal pénal - aggravation des peines, ajout d'une peine de travaux d'intérêt général en cas d'injure contre un élu - et une évolution des pratiques. Le dispositif mis en place à Amiens, dans la Somme, de substitut du procureur référent et de boîte mail réservée aux élus locaux mériterait d'être étendu.

Enfin, la protection des élus passe aussi par la stabilisation du cadre juridique des conflits d'intérêts et une meilleure acculturation des acteurs judiciaires et administratifs. C'est une source d'insécurité majeure pour les élus.

Telles sont les pistes que je vous propose, mes chers collègues. Le rapport est nettement plus détaillé et contient des sous-propositions permettant, je crois, de répondre de façon précise à toutes les difficultés rencontrées par les édiles de notre pays. Je l'ai dit, le maître-mot est liberté. Il faut faire confiance aux maires et leur redonner les moyens d'agir, c'est la seule façon de leur permettre de construire un avenir pour nos communes.

Au regard de l'ensemble de ces points, je vous propose d'intituler le rapport « Avis de tempête sur la démocratie locale : soignons le mal des maires ».

Mme Maryse Carrère, présidente. - Merci pour cette présentation, ce rapport volumineux et vos propositions qui reflètent bien le travail que nous avons mené.

M. Didier Marie. - Je remercie notre rapporteur pour ce résumé, absolument nécessaire puisque le rapport nous a été remis hier et qu'il n'était pas évident de lire les 167 pages qu'il comporte dans un délai aussi bref. D'ailleurs, on pourrait s'interroger sur l'urgence dans laquelle nous nous mettons pour l'adopter. Nous aurions pu choisir de l'examiner à la rentrée...

Nous avons une volonté partagée d'adresser un message positif, un message de solidarité aux maires de notre pays, en leur montrant que nous comprenons leurs difficultés et souhaitons trouver des solutions pour améliorer l'exercice de leurs missions.

Ce rapport a le mérite de rassembler dans un même document une série de propositions, dont certaines sont issues de travaux antérieurs, mais aussi d'apports plus récents comme celui du groupe de travail du président Gérard Larcher.

Sur le fond, je souhaiterais exprimer des accords, des réserves et des désaccords.

S'agissant des accords, on ne peut que souscrire à la première proposition - consacrer constitutionnellement la clause générale de compétences -, tout en notant la difficulté de parvenir à un tel objectif. Cela permettrait de réaffirmer la singularité de la commune, premier échelon de l'action publique et berceau de la vie démocratique.

En matière de finances des collectivités locales, cela n'étonnera pas le rapporteur, nous pensons qu'il faut aller plus loin. Nous revenons sur cette idée, qui apparaît en filigrane, d'une loi sur les finances locales : certaines formulations du rapport permettent de penser que l'on progresse un peu sur le sujet.

Il y a également convergence sur la simplification et le guichet unique. Cela fait bien longtemps, aussi, que nous évoquons les questions relatives au pouvoir réglementaire. Un travail consensuel a été mené par la délégation aux collectivités territoriales s'agissant des secrétaires de mairie : c'est un point supplémentaire sur lequel on peut se rejoindre. Enfin, nous retrouvons, en matière de protection des élus, des propositions que nous-mêmes avions avancées par le passé.

Au-delà de tous ces points de convergence, nous considérons que le rapport ne va pas suffisamment loin sur les questions financières et le statut des élus.

J'en viens aux désaccords. On retrouve dans ce document une forme de défiance, voire de mise en opposition, entre le fait communal et l'intercommunalité. Or celle-ci n'est que ce que les communes en font : elle est là pour les accompagner dans la mise en oeuvre de leurs compétences. De ce point de vue, certaines propositions peuvent poser difficulté. Autant on peut s'accorder sur le fait qu'il ne faut plus de modifications autoritaires de la carte intercommunale, autant fermer définitivement la porte aux transferts de compétences m'apparaît un peu osé. Par ailleurs, sur l'intercommunalité de projet, notons qu'aujourd'hui tout peut être débattu selon la volonté de l'assemblée communautaire. Nous proposons même d'aller plus loin, en prévoyant, au-delà du pacte de gouvernance, un pacte sur la fiscalité et les finances, les deux pouvant être rendus obligatoires.

Le rapport préconise aussi de tout figer en matière de modalités électorales. Il ne me semble pas possible de renoncer à une réflexion sur la légitimité et la représentativité de l'intercommunalité. Le sujet est difficile, mais des solutions originales pourraient être trouvées, en particulier pour rendre responsables les exécutifs intercommunaux devant la population.

Nous aurons peut-être l'occasion d'apporter quelques éléments complémentaires, même si les délais sont extrêmement contraints.

M. Éric Kerrouche. - À mon tour, je remercie le rapporteur pour ce travail d'ampleur, qui nous offre un panorama intéressant.

Je note tout d'abord un nombre important de convergences, notamment sur les troisième et quatrième propositions, sur l'augmentation des moyens financiers et sur la question normative. Elles témoignent du fait que nous rencontrons, dans des territoires différents, exactement les mêmes difficultés.

Cela étant, j'ai un regret fondamental.

Depuis 233 ans, la France a un problème avec ses communes. Quand les paroisses françaises ont été transformées en 44 000 communes, on a aussitôt vu naître une volonté de revenir sur ce découpage initial, qui s'est maintenue tout au long du XIXe siècle. L'intercommunalité de services et d'investissement s'est développée au tournant des XIXe et XXe siècles pour répondre à cet éparpillement communal et au fait que, déjà, les communes françaises étaient trop petites au regard de certains services à délivrer. Nous n'avons pas voulu fusionner nos communes en 1971, comme les autres pays européens l'ont fait, et nous avons trouvé la solution intermédiaire de l'intercommunalité.

Ce qui me gêne dans le rapport, c'est cette impression que communes et intercommunalités pourraient vivre séparément ou, plus exactement, que l'on rend aux communes une liberté dont elles étaient privées auparavant parce qu'elles n'en avaient pas les moyens. Je ne prétends pas qu'il ne faut pas donner plus de liberté communale au sein de l'édifice intercommunal, mais évitons de tomber systématiquement dans la caricature ! Par ailleurs, une proposition comme la constitutionnalisation de la clause générale de compétence ne me semble pas non plus de nature à garantir la capacité à mettre en place cette compétence.

Au-delà, face à une volonté fortement affirmée au début du rapport de transformer les choses, il me semble que l'on manque parfois d'ambition. Non, il ne faut pas maintenir des régimes d'élection différents dans les communes selon leur niveau de population : toutes les communes sont les mêmes ; elles doivent avoir le même système électoral, et c'est parfaitement possible. Par ailleurs, en matière de démocratie intercommunale, la fiction de l'EPCI permet de ne pas résoudre le problème de l'absence de mise en situation de responsabilité démocratique. Si le conseil communautaire doit toujours être l'émanation des conseils municipaux, il doit y avoir responsabilité politique de l'exécutif intercommunal.

Mon dernier point concerne le statut des élus. Je regrette qu'il n'y ait pas de volonté de rupture en la matière. Nous nous rejoignons évidemment sur la protection des maires : c'est une nécessité absolue dans la période actuelle. Mais ne pas vouloir rompre avec le paradigme indemnitaire en France et la fiction selon laquelle les mandats seraient gratuits est une erreur. De nombreux autres pays européens ont franchi le pas. Une telle évolution peut parfaitement être encadrée et elle permettrait de transformer le régime local et d'encourager des personnes d'horizons différents à s'impliquer dans la matière locale. C'est pourquoi je ne suis pas favorable au titre retenu : il contient le terme « démocratie », alors que, en réalité, le sujet démocratique est assez peu traité dans le rapport.

M. Jean-Marc Boyer. - Je retrouve dans les recommandations du rapport d'information de nombreux constats formulés par les maires et de nombreuses suggestions que je partage. La question de la capacité financière dont les maires disposent est notamment essentielle. Cela rejoint le sujet de la recherche de subventions.

L'intercommunalité était censée pouvoir soutenir des projets structurants qu'une commune seule ne pouvait mener à bien. C'est en tout cas de cette manière qu'elle a été présentée dans mon département, à son instauration, dans les années 2000. Or il n'en est rien. Les transferts de compétences se multiplient : eau, assainissement, urbanisme, etc. Si les dispositions de la loi 3DS relatives à l'objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN) sont menées à leur terme, le maire n'aura plus la main sur l'urbanisme dans sa commune.

En augmentant ainsi le poids de l'intercommunalité sur tous les dossiers, on ne cesse de réduire le pouvoir de décision du maire. Instaurer un système d'élection au suffrage universel direct à l'échelon intercommunal aggraverait cette tendance.

L'engagement citoyen des maires de petites communes me paraît essentiel pour l'aménagement de nos territoires. Dans une commune de 150 habitants, c'est en effet le maire qui fait tout, avec son conseil municipal : le déneigement, la voirie, etc. De manière générale, quelle que soit leur taille, nous devons essayer de favoriser au maximum la capacité des communes à avoir un pouvoir de décision. Il faut leur donner de l'espace, et entendre leur parole.

Une intercommunalité peut très bien fonctionner, à condition de disposer d'une bonne gouvernance. Il faut laisser les communes fonctionner entre elles, sans les enfermer dans un carcan.

Je suis d'accord avec la recommandation visant à instaurer un droit de veto dans les intercommunalités, pour que les communes puissent rejeter les propositions qui ne leur conviennent pas.

Par ailleurs, la fonction de l'élu doit être sécurisée. Il lui faut une indemnité correspondant à l'importance de la fonction, et au calcul de ses trimestres de retraite. Il est important également de tenir compte de sa réinsertion, à l'issue de son mandat. Le maire doit pouvoir retrouver son activité professionnelle, particulièrement s'il exerce son métier sous statut libéral.

De manière générale, la commune doit rester la cellule de base de notre société et de l'aménagement de notre territoire.

Mme Cécile Cukierman. - Je salue le travail du rapporteur et de la présidente. Il est intéressant de voir comment l'actualité peut nous conduire parfois, dans la rédaction de nos rapports d'information, à prendre d'autres chemins que ceux qui ont été envisagés initialement.

Il ne s'agit pas ici de défendre la commune pour elle-même, ou pour satisfaire les ambitions individuelles des maires. La commune doit être défendue, car on n'a rien trouvé de mieux dans l'histoire de la République. Cet espace permet en effet de travailler l'engagement en proximité et d'aménager notre territoire en répondant aux besoins des populations.

Les communes sont de tailles diverses et rencontrent des problèmes différents, mais elles constituent l'une des réponses à la crise politique à laquelle sont confrontés nombre de nos concitoyens. En effet, c'est dans la proximité que l'on redonne du sens à un engagement difficile, y compris dans le monde associatif.

La commune ne transforme pas la société ; elle est traversée par les mêmes problèmes qu'elle. Toutefois, elle est un espace où il est possible d'agir.

La constitutionnalisation de la clause générale de compétence des communes ne réglera pas tout. Encore faut-il donner à la commune les moyens d'agir. Il est bon néanmoins d'inscrire dans la Constitution ce qui constitue l'un des grands principes de notre République. On ne peut, en effet, se passer de la commune. Il faut y être attentif, car elle nous permet de vivre ensemble.

Le rapport d'information reprend cet enjeu à sa façon. Je partage les éléments qu'il contient concernant les finances des communes. Il faut cependant souligner le fait qu'elles ne pourront pas toujours faire mieux avec le même montant, ou avec un montant moins élevé. Les collectivités en général, et les communes en particulier, ne sont pas des boulets pour la dépense publique, au contraire. Il s'agit de dépenses territorialisées, qui rapportent : économiquement, humainement, et sur le plan du développement. Il faut le mettre en avant, et insister sur l'importance d'une augmentation de ces dotations.

La question du rapport entre les élus et les citoyens est également primordiale. Si on ne la résout pas, rien ne pourra avancer. Actuellement, les élus reçoivent des critiques en toutes circonstances : lorsqu'ils s'adressent aux citoyens, comme lorsqu'ils ne le font pas. Pourtant, les citoyens leur ont délégué par le vote l'élément constitutif de leur citoyenneté qu'est le pouvoir de décider.

Les intercommunalités doivent par ailleurs laisser les communes agir. Il existe certes d'excellents présidents d'intercommunalités, mais il s'agit d'exemples ponctuels. Dans l'ensemble, les communes perdent en pouvoir de décision et leur marge de manoeuvre se réduit.

Pourquoi le droit de veto mentionné parmi les recommandations du rapport d'information ne se met-il en place que dans les intercommunalités dans lesquelles une ville abrite au moins la moitié des membres ? De telles intercommunalités sont en effet peu nombreuses.

Je comprends qu'il n'est pas question de faire des communes des « empêcheurs de tourner en rond » dans les intercommunalités. Cependant, peut-être pourrions-nous élargir ce droit de veto, en le réservant à certains domaines.

Je me félicite enfin d'autant plus de l'idée de supprimer les conférences territoriales de l'action publique (CTAP), contenue dans les recommandations du rapport d'information, que j'ai défendu plusieurs amendements en ce sens, qui ont tous reçu des avis défavorables en séance.

M. Jean-Michel Arnaud. - La notion de commune recouvre en réalité une multitude de situations différentes. Nous sommes un peu enfermés dans la définition d'une commune universelle, alors qu'il en existe 35 000 en France et qu'on ne peut leur appliquer un modèle unique. Entre une commune de 150 habitants et une métropole, il y a un monde, et la question de la relation entre élus et citoyens se présente différemment dans l'un et l'autre cas.

Il est important de rappeler la liberté locale, comme le fait le rapport d'information via ses recommandations. L'image du biotope est parlante à cet égard. Rétablir l'idée de la libre organisation des collectivités locales me paraît essentiel.

La possibilité d'un soutien particulier aux communes nouvelles est également intéressante. Une mobilisation en ce sens permettrait de trouver un bon équilibre.

J'émettrai en revanche quelques nuances concernant d'autres recommandations, notamment celles qui ont trait au pouvoir d'agir des maires. Il ne semble pas souhaitable, sous prétexte de sécuriser les financements de leurs projets, de fusionner des outils comme le DETR et le Fonds vert qui n'ont pas les mêmes objectifs et ne touchent pas forcément les mêmes catégories de communes.

L'idée de constituer un dossier unique pour les demandes de subventions me semble cependant pertinente, car les élus sont souvent perdus dans l'organisation de ces demandes.

J'en viens au statut de l'élu. La gratuité du mandat me paraît primordiale. Je ne crois pas à la fonctionnarisation des élus, d'autant que les confusions sont déjà nombreuses entre la fonction technique et la fonction politique, et qu'il est important de conserver cette frontière. Cela n'empêche pas toutefois de discuter de la valorisation des indemnités sur le mandat de base, tout en réfléchissant au cumul d'indemnités caché que constitue parfois le cumul des fonctions de certains élus locaux, qui perçoivent également des indemnités dans d'autres collectivités ou syndicats - sujet délicat, mais dont il faut parler.

Concernant la recommandation n° 7, qui porte sur la protection fonctionnelle, je souligne que l'accompagnement psychologique est important lorsqu'un maire est exposé à des menaces ou des violences. Dans mon département, j'ai proposé un conventionnement libre entre l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) et les communes membres pour un accès gratuit, universel et secret à un psychologue. J'apprécierais qu'un élément de ce type figure dans la recommandation.

Le titre du rapport me convient par ailleurs parfaitement.

Mme Brigitte Devésa. - Nous allons tous à la rencontre des maires, qui nous parlent souvent des mêmes sujets, notamment l'urbanisme et le logement. Le problème est que nos lois généralistes tiennent trop peu compte des spécificités des territoires. Or du nord au sud du territoire national, les problèmes varient. Nous pouvons le constater à travers l'exemple des Airbnb : des communes pauvres peuvent y trouver une utilité, car elles ont besoin de faire venir des touristes, quand de grandes villes souffrent de ce phénomène qui engendre une pénurie de logements pour leurs habitants.

Je reviens sur le statut des élus. Le cumul des mandats est désormais impossible. De plus, un sénateur ne peut plus poursuivre son activité professionnelle. Or à côté de cela certains élus locaux sont aussi présidents de métropoles, et cumulent à ce titre un grand nombre d'indemnités. Il faudra regarder de plus près le statut des élus et peut-être reprendre les choses à cet égard.

Enfin, j'attire l'attention sur les territoires d'outre-mer, où les cas d'habitat indigne sont fréquents et où près de 110 000 logements ne sont pas aux normes, selon une publication datant de 2021. Je regrette que nous ne soyons pas allés plus loin dans la partie relative à l'application de la loi portant dispositions particulières relatives aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer, dite loi Letchimy, qui faisait le constat d'une inadaptation des textes régissant la lutte contre l'habitat indigne. Les mesures prévues par ce texte n'ont pas suffi à résorber ce phénomène. Que pourrions-nous faire à cet égard ?

Les critères de performance énergétique introduits par la loi relative à l'énergie et au climat, régis par l'article 73 de la Constitution, ne sont pas valables dans les collectivités. Je trouve que nous ne sommes pas allés suffisamment loin sur ce point.

Merci enfin pour ce rapport d'information, qui répond aux attentes de nos maires et des collectivités. Les événements récents ont montré qu'il ne fallait pas les laisser dans l'oubli.

Mme Catherine Belrhiti. - Le rapport d'information doit être à la mesure des fortes attentes des maires. Ses recommandations sont intéressantes, cependant plusieurs éléments restent à revoir.

Les mots clés à retenir sont : liberté d'agir, simplification et moyens. C'est ce que les maires attendent. Il faut qu'on leur redonne la capacité d'agir et qu'on lutte contre les normes et les contraintes qui pèsent sur eux.

Le préfet doit effectivement reprendre la main sur les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal), les ARS, etc. Par ailleurs, si la fusion des dotations ne me semble pas souhaitable, le dossier unique pour les demandes de subventions des maires est bienvenu, et répond d'ailleurs à une forte attente de leur part.

Concernant la gratuité des mandats, il faut à mon sens aller vers un véritable statut et une véritable rémunération des maires. La plupart d'entre eux sont en effet retraités - les jeunes abandonnent leurs mandats, faute de pouvoir les concilier avec leurs vies professionnelles et familiales -, ou cumulent leurs fonctions de maire avec une présidence de communauté de communes, par exemple, pour avoir un salaire décent.

Enfin, je m'interroge sur le droit de veto, qui risque de s'avérer bloquant pour les communautés de communes. Nous pourrions peut-être plutôt envisager un rééquilibrage du nombre de voix dont dispose chaque commune, car il est vrai que les maires se sentent perdus dans ces grands ensembles.

M. Jean-François Rapin. - Merci à tous ceux qui ont oeuvré au rapport d'information.

Un dossier unique pour les demandes de subventions me semble effectivement pertinent, d'autant que 25 % du montant de la DSIL devaient être attribués cette année sur des critères proches de ceux du Fonds vert.

Dans l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer, la DSIL représentait cette année 600 000 euros de fonds disponibles, pour 7,2 millions d'euros de demandes. Les déçus seront donc nombreux. Je rappelle par ailleurs que, si la DSIL a été créée pour toucher les communes rurales qui avaient peu accès à la DETR, les critères ont été refondus depuis lors, dans un jeu de vases communicants. Une simplification est donc souhaitable, et un dossier unique pour les demandes de subventions adressées à l'État, à la région et au département serait très apprécié par les maires.

J'en viens au droit de veto. Du fait de l'effet de seuil engendré par l'obligation de réserver 50 % des sièges à la commune-centre, les intercommunalités dans lesquelles cette mesure pourra s'appliquer seront en réalité très peu nombreuses, et ce ne sont pas forcément celles qui poseront problème.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Nous pouvons modifier ce point.

M. Jean-François Rapin. - Que se passera-t-il par ailleurs si un projet d'investissement, à cheval sur deux communes, est accepté par l'une et non par l'autre ?

La base de cette idée est excellente, mais il faut retravailler cette disposition, car de multiples exceptions risquent de poser problème.

J'espère que le travail qui a été mené dans le cadre de notre mission d'information libérera les élus de certaines contraintes. Ce rapport d'information arrive à un moment très important, non seulement du fait des événements actuels, mais parce que nous sommes sur une pente glissante, vers la perte du modèle français. Il faut donner un coup d'arrêt à cette tendance.

M. Christian Redon-Sarrazy. - Les liens entre les communes et les EPCI ne sont pas si mauvais, tout dépend des personnes qui les administrent. Il existe en la matière des situations variées.

Il est difficile en revanche pour les nouveaux élus, en tous les cas, de s'approprier l'historique de l'intercommunalité. Des mesures pourraient être prises à cet égard.

La fusion des dotations peut effectivement former une piste pertinente, à condition qu'elle n'entraîne pas un écrêtement des financements, préjudiciable à la capacité d'action des communes.

Le dossier unique peut être une solution intéressante, mais il faudra réfléchir à l'ingénierie nécessaire à sa constitution, d'autant qu'un même dossier ne pourra servir pour la DSIL et pour les subventions européennes. D'autres espaces de coopération pourraient être imaginés sur ce point.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Je vous dois le discours de l'honnêteté : en proposant un changement de paradigme, je pensais que cela susciterait davantage d'adhésion de la part de MM. Marie et Kerrouche. Je suis convaincu que, ce soir, je ne mettrai pas d'accord Jean-Marc Boyer, qui pense que notre politique sur l'intercommunalité a été trop intégratrice, avec Éric Kerrouche, qui est convaincu qu'en 233 ans nous n'avons toujours pas trouvé la recette miracle.

Ce changement de paradigme que nous proposons revient à dire qu'il faut une politique du « biotope communal », c'est-à-dire laisser aux élus intercommunaux et communaux le soin de s'organiser dans chaque territoire. Cela ne revient pas à décréter une redistribution des compétences de manière rigide, dirigiste, ascendante, de l'intercommunalité vers la commune, ou à l'inverse descendante : cela revient à utiliser le pacte de gouvernance et le début de mandat pour réaliser une évaluation. La Cour des comptes ne cesse de faire la liste des compétences mal organisées par les intercommunalités, sur la petite enfance par exemple. Qui mieux que les élus des territoires pour conduire ces évaluations ? Jean-Michel Arnaud a raison : à chaque commune sa vérité, et si l'on reconnaît un modèle communal, les vérités sont différentes selon les territoires.

L'autre souhait, comme Didier Marie le rappelait en soulignant la proximité entre certains éléments du groupe de travail sur la décentralisation et notre mission d'information, c'est de laisser une certaine liberté aux territoires, et d'éviter que la loi ne se saisisse de cas particuliers pour en faire des droits d'exception, comme certaines dispositions de la loi 3DS portant sur les métropoles d'Aix-Marseille et de Lyon. Plutôt que d'adopter à l'envi des droits d'exception pour résoudre des problèmes territoriaux ne concernant qu'une petite partie du territoire national, conservons agilité et souplesse, sans opposer intercommunalités et communes. Nous ne proposons pas de dessaisir l'exécutif intercommunal de sa compétence ou de sa capacité décisionnelle, mais nous autorisons en revanche une réflexion vers la répartition des compétences obligatoires et facultatives, et vers ce que demain on appellera peut-être les « compétences stratégiques », qui relèvent du niveau intercommunal. Le temps l'a démontré : la défense de l'amendement du nid-de-poule par Françoise Gatel montre bien qu'il faut de l'agilité pour la répartition de la compétence voirie.

Notre but n'est surtout pas de détricoter ou de revoir la carte des intercommunalités, car les lois Engagement et proximité et 3DS permettent déjà une certaine liberté ; c'est plutôt de travailler sur la compétence de chaque territoire, à partir de chaque vérité, en redonnant de la capacité d'agir et de la liberté. Nous étions d'accord pour constater que la compétence eau et assainissement ne se pose pas de manière identique selon les territoires, notamment pour les territoires de montagne. Nous ne voulons surtout pas de postures figées.

Sur la loi de programmation des finances publiques (LPFP), idéologiquement et philosophiquement, nos positions se rapprochent peut-être : le but est que chaque maire dispose du maximum d'indicateurs pour que l'état des dotations soit plus visible. La bonne information des maires et une meilleure visibilité leur permettraient de ne plus naviguer à vue, et d'inscrire l'action municipale dans un temps plus long que l'immédiateté imposée par les projets de loi de finances.

Ma réponse sur le statut des maires sera globale. Madame Belrhiti, la gratuité n'a rien à voir avec l'augmentation des indemnités, que nous souhaitons.

M. Éric Kerrouche. - C'est parce que c'est gratuit qu'il y a des indemnités !

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Bien sûr. Nous sommes tout à fait d'accord. Ceux qui m'ont accompagné lors de nos déplacements dans les territoires sont témoins que pas un seul maire n'a demandé le salariat. Nous devons avoir ce débat : faut-il tendre vers le modèle allemand d'un maire fonctionnaire, qui est à la fois maire et directeur des services ? Dans la Hesse, les maires doivent passer un diplôme qui engage pendant deux années...

M. Éric Kerrouche. - Ce n'est pas ce que nous proposons.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Du moment que c'est un salaire, si, nécessairement. Si l'on admet que le principe de gratuité n'est plus...

M. Éric Kerrouche. - Le maire allemand a deux fonctions, mais le maire espagnol, qui est salarié, n'en a qu'une.

M. Didier Marie. - Nous devons discuter de notre proposition de loi...

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Naturellement. Vous avez déposé cette proposition de loi, d'autres sont annoncées, et ce thème est d'actualité, nous en avons parlé ce matin avec la ministre chargée des collectivités territoriales auditionnée par la commission des lois. Mais je ne suis pas sûr que la question du statut du maire soit abordée dans les travaux qui devraient déboucher à l'occasion du Congrès des maires, et que la copie soit exhaustive. Par définition, le statut évolue. Je préfère d'ailleurs parler des conditions d'exercice des mandats locaux : c'est une question sémantique, mais la réalité, c'est l'efficience mise à disposition des maires. La question de la violence ne se posait pas dans les mêmes termes il y a dix ou vingt ans, pas plus que la conjugaison du mandat d'élu et de la vie professionnelle : ces conditions d'exercice ou ce statut méritent d'être révisés.

Mme Catherine Belrhiti. - Augmenter l'indemnité ferait peser de nouvelles charges sur la commune. Un salaire permettrait que ce soit l'État qui mette la main à la poche.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Cela porterait atteinte au principe de libre administration des collectivités, car cela entraînerait la fonctionnarisation des maires.

M. Didier Marie. - Non, tous ces points sont traités dans notre proposition de loi.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Monsieur Boyer, la territorialisation de l'action publique me semble apporter une réponse claire à ce débat sur l'intégration et le prolongement du modèle communal, ou à la sanctuarisation de la place de la commune dans l'intercommunalité.

Madame Cukierman, je partage la plupart de vos constats, sur les enjeux financiers, mais aussi sur la relation du maire avec les citoyens, sujet difficile qui mériterait à lui seul un rapport, car il fait partie de ceux qui ont le plus changé et qui préoccupent le plus les élus.

Le droit de veto existe déjà : la communauté urbaine de Reims, qui comporte 143 communes, fait un travail admirable. Catherine Belrhiti, même en augmentant la part des petites communes dans l'intercommunalité et en leur accordant sept sièges de plus, leur position à l'égard du Grand Reims ne changerait pas ! Le droit de veto ne revient pas à interdire de faire quoi que ce soit sur le territoire d'une commune ; cela oblige à engager obligatoirement une discussion entre l'exécutif intercommunal et la commune pour que des solutions alternatives soient proposées. Nous n'opposons pas communes et intercommunalités, David contre Goliath. Un maire qui représente une commune, même dans un conseil communautaire de 250 membres, peut poser un acte pour obliger l'intercommunalité à revoir sa copie.

Politiquement, toutes les sensibilités sont représentées dans l'exécutif du Grand Reims ; de l'avis même des maires les plus ruraux de ce territoire, cela fonctionne. Il s'agit peut-être d'un exemple à suivre.

Enfin, au sujet de la CTAP, si j'ai provoqué des frustrations à l'encontre du groupe CRCE, cela n'est pas de mon fait. Ce genre d'outil, selon moi, n'apporte pas une plus-value absolue, et c'est peut-être en rigidifiant trop les choses qu'on empêche les collectivités de se parler.

Sans revenir sur les propos de Jean-Michel Arnaud, je dirai un mot sur la fusion des dotations du Fonds vert, de la DETR et de la DSIL. Je l'ai indiqué à la direction générale des collectivités locales (DGCL) : je ne vois pas un seul élément qui signalerait que le regroupement des trois fonds contreviendrait à la préservation de la spécificité de chacun. Ces trois fonds sont tous issus d'une volonté exprimée par l'État, sont administrés par ce dernier, sans qu'à aucun moment l'élu ne puisse contrarier le pouvoir discrétionnaire de celui qui notifie les fonds.

En revanche, la DGCL n'a pas réussi à m'apporter un élément contredisant le fait que tous les préfets, durant une année, sont amenés à utiliser l'enveloppe du DSIL à la place de celles de la DETR ou du Fonds vert. En revanche, je vous rappelle le combat que nous avons mené lors de l'examen de la loi 3DS, afin que l'État consente à ce que, sous autorisation du préfet de région, le préfet de département puisse notifier le montant de la DSIL.

Si l'on veut gagner en efficacité, il ressort de nos auditions du directeur du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur (DMATES) et de plusieurs acteurs de l'État, dont des préfets de région, que la feuille de route des préfets de département doit être mieux connue et transmise à l'ensemble des élus. Elle doit contenir les objectifs alloués annuellement au préfet, pour permettre d'orienter les fonds en fonction des objectifs relatifs au Fonds vert, à la DETR et à la DSIL, en cohérence avec notre proposition d'un dossier unique.

Je ne crois pas, sincèrement, qu'un guichet unique conduira à attribuer uniformément une enveloppe regroupée. Même si le préfet de département conserve la faculté de notifier le montant de la DSIL, celle-ci restera toujours sous la responsabilité du préfet de région. Si l'on conserve la spécificité des fonds, le fonds vert et la DSIL resteront toujours sous l'autorité du préfet de région, et la DETR sous celle du préfet de département. Selon nous, ces trois fonds ressortent de l'État, et la base d'action, c'est le département ; on peut donc considérer que les montants du fonds vert ou de la DSIL doivent être fléchés par le département, comme dans les commissions DETR, pour fixer des priorités. Il faut des répliques de la commission DETR pour la DSIL et le Fonds vert.

Si l'on veut gagner en lisibilité et en efficacité, la fusion des fonds, bien sûr conditionnée à la spécificité des communes et à la poursuite des objectifs, relève d'un impératif absolu.

Monsieur Arnaud, nous avons évoqué le cumul des fonctions lors de notre première réunion, pendant laquelle nous avons borné notre travail. Nous n'avons pas souhaité revenir sur le cumul vertical ou horizontal des fonctions, pour mettre l'accent sur les maires sans trop déborder du sujet.

Madame Devésa, la question du logement demanderait également un rapport à elle seule. Lors de la réunion de la commission des lois de ce matin, nous avons été unanimes pour reprendre, comme le président Kanner le suggérait, une disposition de la proposition de loi déposée par Sophie Primas pour renforcer la présence des élus au sein des commissions d'attribution du logement.

Madame Belrhiti, le sujet sur la gratuité implique un débat philosophique : je me souviens d'un débat de quatre heures sur ce sujet avec Pierre-Yves Collombat. Dans tous les territoires, j'ai entendu des maires demander l'augmentation des indemnités. Il y a un besoin de revalorisation ; peut-être faut-il que la dotation élu local soit revue chaque année pour que l'État accompagne l'effort des maires. Je suis plus réservé sur le salariat des élus, mais encore une fois la question dépasse le rapport, qui visait avant tout à envoyer un signal.

Il faut tout de même arriver à une équité : selon que l'on travaille dans le secteur privé ou dans le public, la question des crédits d'heures ne se pose pas dans les mêmes termes. Des élus, en particulier du Puy-de-Dôme, nous ont indiqué qu'il était difficile de conjuguer vie professionnelle et vie d'élu, notamment lorsque l'on doit servir la cantine au restaurant scolaire. L'employeur public reconnaît le crédit d'heures, mais les choses sont plus compliquées pour les employeurs privés, singulièrement lorsqu'il s'agit d'entreprises de deux ou trois employés.

Il faut un rééquilibrage, avec un versant constitutionnel. Le débat sur une meilleure représentativité des petites communes dans les collectivités a été porté par Jean-Pierre Sueur en commission des lois ; ce sujet devra être posé à l'occasion d'un débat sur un texte constitutionnel, mais à l'évidence cela ne résoudra pas la question de la position des petites communes dans les grandes intercommunalités, raison pour laquelle nous recommandons un droit de veto.

Enfin, Jean-François Rapin a parlé de la fusion des dotations et du droit de veto et proposé de supprimer, pour ce dernier point, la proportion maximale de 50 % des sièges portés par la commune centre dans l'intercommunalité. C'est pertinent.

Par ailleurs, Georges Patient a proposé trois propositions de modifications pertinentes à ce rapport : rappeler l'adoption par le Sénat, à l'unanimité, de deux propositions de loi de Céline Brulin et François Patriat au sujet des secrétaires de mairie ; dans la première partie du rapport, relative aux constats, mentionner l'ambiguïté de la création des sous-préfets annoncés par le Président de la République, qui figure dans la troisième partie du rapport ; et enfin, ajouter à la liste des communes ayant subi des menaces les villes de Koungou, à Mayotte, et de L'Haÿ-les-Roses.

Ces propositions de modification sont adoptées.

M. Jean-Marc Boyer. - Une dotation d'action parlementaire au sein de la DETR, ancienne réserve parlementaire, permettrait une prise de décision des parlementaires pour soutenir les communes. Cela me semble essentiel, et les maires nous la réclament souvent.

De plus, nous devons aborder la question du retour du cumul : les parlementaires de tous bords réclament le retour du sénateur-maire ou du député-maire, d'un mandat local articulé à un mandat national. Il s'agit non pas d'autoriser à être à la fois président d'une intercommunalité de 300 000 habitants et sénateur, mais de revenir au lien entre mandat local et mandat national. Cela me semble absolument nécessaire : sans cela, dans dix ou quinze ans, quand nous, qui avons été élus locaux, ne serons plus en fonction, plus aucun élu national n'aura de liens ou d'ancrage communal. C'est un danger.

M. Mathieu Darnaud. - Le titre que nous proposons pour ce rapport est : « Avis de tempête sur la démocratie locale : soignons le mal des maires. »

Le titre du rapport d'information est adopté.

La mission d'information adopte le rapport d'information, ainsi modifié, et en autorise la publication.

Mme Maryse Carrère, présidente. - Je vous informe que nous avons desserré un peu les délais : les groupes politiques qui le souhaiteront peuvent nous soumettre leurs contributions écrites jusqu'au lundi 10 juillet, à 8 heures.

La réunion est close à 18 h 20.