Jeudi 8 juin 2023

- Présidence de Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes, et de M. Stéphane Artano, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer -

Parentalité dans les outre-mer - Audition des administrations centrales et de la Caisse nationale d'allocations familiales

Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes, co-rapporteure. - Chers collègues, Mesdames, Monsieur, nous tenons ce matin notre dernière audition plénière consacrée à la parentalité dans les outre-mer.

Depuis le début de l'année, nous menons des travaux sur cette thématique, avec la délégation sénatoriale aux outre-mer, présidée par Stéphane Artano, connecté en visioconférence depuis Saint-Pierre-et-Miquelon, et la délégation aux droits des femmes, que j'ai l'honneur de présider.

Outre les présidents des deux délégations, sont également rapporteures : Victoire Jasmin, sénatrice de la Guadeloupe, et Elsa Schalck, sénatrice du Bas-Rhin, excusée ce matin.

Nous entendons ce matin :

- Anne Morvan-Paris, sous-directrice de l'enfance et de la famille à la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS), accompagnée d'Alix Comoy, référente outre-mer pour la DGCS ;

- Jean-Marc Bedon, coordinateur de projet référent outre-mer à la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) ;

- Isabelle Richard, sous-directrice des politiques publiques à la Direction générale des outre-mer (DGOM).

Nos attentes ce matin s'articulent principalement autour de deux axes. D'abord, nous cherchons à comprendre les raisons qui expliquent la persistance de différences dans les prestations servies dans les outre-mer et dans l'Hexagone et savoir si certains rapprochements sont envisagés ou envisageables. Je pense notamment au complément familial dans les DROM historiques et aux règles spécifiques qui s'appliquent à Mayotte. Quel serait le coût d'un alignement des prestations ?

Sur le sujet des prestations familiales, nous nous interrogeons également sur la bonne connaissance de leurs droits par les familles des outre-mer. Le taux de non-recours aux droits est-il plus élevé que dans l'Hexagone ? Ce taux diffère-t-il, par ailleurs, en fonction des territoires ultramarins ? Quelles actions menez-vous afin d'améliorer l'accès aux droits ?

Nous avons, par ailleurs, été alertés sur les idées fausses qui circulent concernant les effets de la reconnaissance des enfants par leur père. Comment les dissiper et inciter les pères à reconnaître leurs enfants ? En effet, aux Antilles et en Guyane, deux tiers des enfants ne sont aujourd'hui pas reconnus par leur père à leur naissance.

Notre deuxième axe de discussion ce matin concerne les dispositifs de soutien à la parentalité au sens strict.

Les actions des Caisses d'allocations familiales (CAF) locales ont été saluées par les différents interlocuteurs que nous avons auditionnés au Sénat ou rencontrés lors d'un déplacement en Guadeloupe. Cependant, des difficultés en matière de coordination et un manque de moyens financiers et humains nous ont été signalés. Lors de la détermination des budgets accordés aux CAF des outre-mer, une prise en compte de la précarité de la population couverte est-elle possible ? Des financements structurels aux associations sont-ils également possibles ?

Par ailleurs, comment assurer un déploiement efficace de la stratégie nationale de soutien à la parentalité et du programme des 1 000 premiers jours dans tous les territoires des outre-mer et comment améliorer la coordination entre les acteurs institutionnels et les associations en la matière ?

Vous avez en outre reçu des questionnaires, pour lesquels nous attendons des réponses écrites pour le 12 juin.

Je laisse sans plus tarder la parole à Mme Anne Morvan-Paris pour la Direction générale de la cohésion sociale.

Mme Anne Morvan-Paris, sous-directrice de l'enfance et de la famille à la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS). - Madame la Présidente, Monsieur le Président, j'interviendrai principalement sur le soutien à la parentalité dans les outre-mer en rappelant que celui-ci est devenu une politique publique à part entière, avec la parution de la Charte de soutien à la parentalité début 2022. S'y ajoute un ensemble de dispositifs depuis quelques années, qui se traduisent à la fois dans la politique des 1 000 jours, mais aussi dans d'autres dispositifs portés principalement par la branche famille, mais aussi par l'État et par les collectivités territoriales soutenues par l'État. Il est vrai que c'est un enjeu majeur. Au regard des déterminants socioéconomiques que vous avez pu percevoir au cours de vos auditions, qui sont particuliers aux territoires d'outre-mer - je pense notamment au nombre élevé de familles monoparentales et à la question des violences intrafamiliales - cette question du soutien à la parentalité est un enjeu de prévention avant tout. Il s'agit aussi de pouvoir aider les familles dans des moments difficiles.

Les situations varient évidemment d'un territoire à un autre. Vous avez pu vous en rendre compte au cours de vos auditions. Nous avons en revanche dressé un constat commun : les caractéristiques socioéconomiques sont plus défavorables sur l'ensemble des territoires que dans l'Hexagone. Les indicateurs sur le niveau d'éducation et sur les taux de pauvreté sont notamment à prendre en compte dans cette politique de soutien à la parentalité.

Je ne reprendrai pas l'ensemble des chiffres que vous connaissez, mais me concentrerai plutôt sur le programme des 1 000 premiers jours. Il s'agit d'une stratégie large. L'ensemble des acteurs nationaux et locaux sont mobilisés autour du principe selon lequel les 1 000 premiers jours de l'enfance sont déterminants, tant pour l'enfant que pour sa famille. Il y a un consensus scientifique, il est important de le noter. À partir de celui-ci ont été déployées un certain nombre d'actions pour soutenir les familles dès la maternité, avant la naissance et au long des deux premières années de la vie de l'enfant. Venons-en à ce déploiement dans les DROM, et aux améliorations qui pourraient y être apportées.

On pouvait craindre que certains territoires se saisissent mal de cette politique, mais un certain nombre d'actions ont pu être déployées, à commencer par des outillages auprès des parents. Par exemple, le livret des 1 000 premiers jours a été diffusé à partir de 2021. L'Agence régionale de santé (ARS) de la Martinique s'en est servi comme support pour un certain nombre de formations et d'informations auprès des professionnels, pour qu'ils puissent ensuite l'expliquer aux familles. Ensuite, l'entretien prénatal précoce est un vrai enjeu de prévention. Les taux de réalisation sont aujourd'hui très proches du niveau métropolitain en Martinique, Guadeloupe et à La Réunion. C'est en Guyane et à Mayotte, deux territoires particulièrement exposés aux questions d'accompagnement de la natalité, que ces chiffres restent aujourd'hui très inférieurs et que des efforts sont nécessaires. La Guyane a cependant été un territoire expérimentateur au niveau national d'un référent parcours périnatalité. Il s'agit ici d'accompagner des parcours renforcés, notamment lorsque des cas de violences ou de vulnérabilités psychiques sont identifiés. Enfin, La Réunion fait partie des huit CAF expérimentatrices des groupes naissances, qui consistent en un parcours naissance partagé avec les Caisses primaires d'assurance maladie (CPAM).

De plus, des staffs médicaux psychosociaux ont été déployés. Ils permettent d'appuyer dès la maternité un accompagnement de la mère, en particulier sur les enjeux psychologiques et sociaux. Une enveloppe de 400 000 euros y a été allouée en 2021, suivie d'une autre de 200 000 euros en 2022. Il s'agit d'éviter que la détresse psychologique de la mère impacte son lien avec l'enfant dès le plus jeune âge.

Ensuite, le nombre de recours à un congé paternité allongé est de plus en plus important. Il s'élève, selon les territoires, entre 25 et 69 %. L'objectif de 80 % n'est pas atteint, mais un réel progrès a été constaté. Nous pourrons vous en communiquer les détails dans notre réponse écrite.

Par ailleurs, trois territoires se sont saisis d'une contractualisation du côté de la protection de l'enfance, mais surtout d'un appel à projets des 1 000 premiers jours. Ils ont ainsi déployé des actions localement, notamment avec le secteur associatif. Ils ont appuyé des projets pour aller vers les familles, au plus près de ces dernières, et notamment des mères de familles monoparentales. Celles-ci ont été accompagnées pour une meilleure prise en compte de leurs difficultés.

Trois ans après le lancement du dispositif des 1 000 premiers jours, on constate qu'il n'y a pas une stratégie spécifique aux DROM. Elle y est déployée de la même manière que sur le reste du territoire national. Nous sommes aujourd'hui en train d'écrire la deuxième feuille de route. Nous devons nous interroger sur une déclinaison renforcée spécifique aux DROM, en nous intéressant notamment à la déclinaison de tous les outils. Le livret nécessite peut-être une traduction et un accompagnement dans les différentes langues créoles, entre autres. Une déclinaison adaptée à l'environnement culturel de chacun de ces territoires serait judicieuse. En effet, Mayotte et la Guyane sont très différentes, par exemple.

Il convient également d'adapter le sac des 1 000 premiers jours et de mieux le déployer dans les maternités en outre-mer. C'est l'un des enjeux de l'inscription budgétaire pour 2024. Il est ensuite nécessaire de disposer de lieux ressources de proximité. En effet, les familles les plus éloignées de ces outils, qui en ont le plus besoin, ne parviennent pas à trouver la bonne porte d'entrée. Le déploiement des maisons des 1 000 premiers jours et la mise en réseau d'acteurs à échelle territoriale deviennent nécessaires. La déclinaison de ces différents outils sur les territoires ultramarins est identifiée comme l'une des priorités de la future feuille de route.

Concernant les parents et l'approche directe des familles, il faut adapter le parcours naissance et créer des fonds ad hoc entre l'État, la Cnaf et la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) pour financer des actions locales. Nous retrouvons ici la nécessité de mieux travailler avec les associations et les partenaires qui connaissent les familles. Ils sont plus proches d'elles et peuvent notamment assurer un rôle de médiation. Ils peuvent attirer les familles vers les différents dispositifs en place. Si nécessaire, ils peuvent adapter le droit commun avec un droit spécifique et des démarches d'accès adaptées. Enfin, sur la prochaine vague des 1 000 premiers jours, une vigilance particulière devra être portée aux métiers de la protection maternelle et infantile et aux questions autour de la maternité. Des soutiens financiers spécifiques devront être envisagés, soit dans le cadre de la contractualisation protection de l'enfance avec le fonds d'intervention régional (FIR), soit dans des dispositifs portés par la Cnam afin de réaliser des bilans de prévention par des sages-femmes pendant la grossesse.

Enfin, il est essentiel de s'assurer que le déploiement sera opéré de la même manière sur l'ensemble des territoires. Certains sont aujourd'hui plus en retrait que d'autres, alors que les besoins y sont certainement les plus importants. Mayotte est pleinement concernée par ce que j'évoque. Comment pouvons-nous y apporter des compétences ? Devons-nous les développer localement et les appuyer, ou apporter des compétences depuis l'Hexagone vers les maternités ultramarines ? L'appui aux ressources locales constitue un véritable enjeu. Une volonté de disposer, à terme, d'une unité d'hospitalisation parents-bébé spécialisée en psychiatrie périnatale est évoquée. Par ailleurs, il est important que chaque territoire puisse bénéficier du même type de structure.

Ce point rejoint des sujets évoqués à l'occasion d'autres auditions, et notamment le besoin d'appui à l'ingénierie de projet sur un certain nombre de territoires ultramarins. Ils ne proposent pas tous la même qualité de structuration.

Enfin, venons-en à la coordination des acteurs. Depuis un an, des comités départementaux de service aux familles se déploient sur l'ensemble des départements français. C'est une manière d'animer localement cette politique de modes de garde de l'enfant, mais aussi de la parentalité. Les territoires ultramarins ont demandé à bénéficier d'un allègement de leur structuration, puisque ces comités sont aujourd'hui composés de plus de quarante membres, ce qui rend difficiles leur mise en place et l'organisation de réunions régulières. Nous pourrons répondre favorablement à leur demande, pour qu'ils soient les plus opérationnels possible. Autour du préfet, du président du département et du président de la CAF locale, les enjeux de parentalité et de services aux familles doivent être analysés pour que soient développés les outils les plus pertinents. Je sais que mes collègues de la Cnaf reviendront notamment sur le fonds parentalité, un outil de développement.

Je reste à votre disposition pour toute question complémentaire. Je pourrai revenir sur un certain nombre de points, si nécessaire.

Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes, co-rapporteure. - Je vous remercie. Je donne maintenant la parole à M. Jean-Marc Bedon, coordinateur de projet référent outre-mer à la Cnaf.

M. Jean-Marc Bedon, coordinateur de projet référent outre-mer à la Cnaf. - Permettez-moi de réaffirmer l'attention particulière de la Caisse nationale d'allocations familiales en faveur des territoires d'outre-mer et des CAF des départements et régions d'outre-mer. En effet, les contextes économiques et sociaux de ces territoires, mais aussi leur histoire, au regard de l'égalité des droits, et notamment du droit au titre des prestations sociales versées par les CAF, justifient un dialogue de proximité entre la Cnaf et ses CAF. Le but est d'accompagner au mieux les CAF dans leurs missions et de faciliter le déploiement de leurs actions au profit des populations.

Je rappellerai également brièvement les limites géographiques du périmètre d'intervention et de responsabilité de la branche famille en faveur des territoires d'outre-mer. Les territoires d'exercice de la Cnaf et des CAF concernent les départements de La Réunion, de Mayotte, de la Guyane, de la Martinique et de la Guadeloupe, mais aussi des deux collectivités territoriales de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, couvertes par la CAF de la Guadeloupe. Ainsi, les autres collectivités territoriales ultramarines ne sont pas dans le champ de responsabilité de la Caisse nationale et donc des CAF.

Sur cet ensemble géographique, néanmoins, quelques chiffres permettent peut-être de mesurer l'action proposée. En 2022, les cinq caisses d'outre-mer ont versé des prestations à 590 000 foyers allocataires, représentant 1,4 million de personnes. Le taux de couverture de la population par les CAF s'établit à 63 %, soit les deux tiers de la population ultramarine. Par comparaison, les CAF dans l'Hexagone couvrent en moyenne 47 % de la population. Ce taux de couverture supérieur dans les DROM concerne toutes les prestations. À titre d'exemple, 74 % de la population y est bénéficiaire des allocations familiales, contre 62 % en France hexagonale. Les foyers monoparentaux bénéficiaires de l'allocation de soutien familial représentent 15 % des allocataires, contre seulement 6 % en métropole. Un allocataire sur trois est bénéficiaire du RSA dans les DROM, pour seulement un allocataire sur dix dans l'Hexagone. Enfin, pour un tiers des allocataires, les prestations versées par la CAF constituent la seule source de revenus pour vivre. Cette proportion est deux fois plus élevée que dans l'Hexagone, où 17 % des allocataires sont dans cette situation. Ce taux élevé de dépendance aux prestations est certainement le plus révélateur des difficultés sociales de ces territoires. Il engage au quotidien la responsabilité de la Caisse nationale et des caisses d'allocations familiales ultramarines, qui assument de manière encore plus prégnante que sur le reste du territoire national un rôle d'amortisseur social. En effet, les prestations familiales et sociales, leur poids financier, leur caractère redistributif et de solvabilisation des familles constituent des leviers importants des politiques publiques de lutte contre les inégalités, mais aussi de cohésion sociale, tant à l'échelle locale que nationale.

Enfin, le total annuel des prestations légales versées par les CAF des DROM s'élève à 5,55 milliards d'euros sur un budget global, pour la France entière, d'environ 100 milliards d'euros. De plus, si durant de nombreuses années, les droits aux prestations comportaient de multiples différences entre les outre-mer et l'Hexagone, on peut souligner aujourd'hui, à l'exception du cas particulier de Mayotte, que l'égalité est quasiment atteinte sur le plan du droit. Toute nouvelle prestation légale nationale est automatiquement applicable dans les départements d'outre-mer, aux mêmes conditions.

Quelques différences persistent néanmoins. Elles concernent les allocations familiales qui sont versées dès le premier enfant dans les outre-mer, mais aussi l'allocation de complément familial, également versée dès le premier enfant. Enfin, dans le domaine du logement par exemple, les locataires du parc social conventionné ne peuvent bénéficier comme dans l'Hexagone d'une aide personnalisée au logement. En revanche, les accédants à la propriété peuvent, si leurs ressources le permettent, bénéficier d'une aide au logement, ce qui n'est plus le cas en France hexagonale depuis 2018.

De même, les DROM bénéficient de deux autres prestations qui n'existent pas en métropole : le revenu de solidarité et la prestation accueil et restauration scolaire (Pars). Cette dernière permet aux CAF d'outre-mer de contribuer au financement de la restauration scolaire dans le but de réduire le reste à charge des familles. En 2021, 344 000 enfants scolarisés de la maternelle au lycée ont bénéficié de cette aide, soit 64 % de l'ensemble des élèves ultramarins. Il convient toutefois de souligner la situation particulière de la Guyane, dont le taux de couverture est le plus faible parmi l'ensemble des départements d'outre-mer, avec seulement 38 % des élèves bénéficiaires. Cette moindre couverture est en partie liée à l'absence de dispositif et d'offre de restauration scolaire dans plusieurs communes de Guyane. La CAF ne peut, à elle seule, au moyen de la Pars, financer une offre de restauration scolaire dont l'organisation, la gestion et le financement relèvent de la responsabilité des collectivités.

Pour clore ce chapitre concernant les prestations dans les outre-mer, je ne peux pas passer sous silence l'action des CAF en matière d'accès aux droits, un enjeu majeur pour ces territoires. Dans ce cadre, les caisses peuvent s'appuyer sur de nombreux leviers et canaux de contact. Elles ont déployé une stratégie proactive d'« aller vers » dans une approche situationnelle, et ont mis en place des parcours usagers. C'est par exemple le cas du parcours « séparation » depuis 2021. Elles déploieront prochainement le parcours « arrivée d'un enfant », dont la généralisation est prévue à la fin de cette année. Celui-ci vise à renforcer l'accompagnement des parents de la grossesse jusqu'aux trois ans de l'enfant. Ces parcours, déclenchés dès la connaissance par la caisse d'un événement, visent à faciliter les démarches des usagers et à valoriser les droits aux prestations. Ils ont aussi pour objectif d'informer, orienter et accompagner les allocataires vers les dispositifs d'aides et services d'action sociale proches de chez eux et pouvant être mobilisés en réponse à leur situation.

Les CAF d'outre-mer ont également développé des formats d'accueil spécifiques, comme des rendez-vous des droits qui sont proposés à des allocataires en situation sociale à risque. Là aussi, l'objectif est d'informer, si besoin, de conseiller, et surtout de veiller à ce que l'ensemble des droits auxquels les allocataires peuvent prétendre soient bien valorisés. Les caisses s'appuient également sur le développement d'un large réseau de partenaires pour mailler le territoire et proposer une information de premier niveau et un accompagnement, notamment numérique. Il peut s'agir d'espaces France services, de Centres communaux d'action sociale (CCAS), de permanences de mairie ou encore de structures partenaires comme des maisons, des parents ou des centres sociaux. Enfin, et compte tenu de leur géographie particulière, les CAF des DOM ont développé des solutions innovantes, mobiles et itinérantes, permettant d'aller au contact des populations. Je pense aux territoires de l'intérieur de la Guyane ou aux villes et communes des Hauts à La Réunion. Ces solutions itinérantes permettent d'aller au plus près des populations.

Ces initiatives, au croisement de l'accès au droit et du développement territorial des offres de services des CAF, m'amènent également à vous dire quelques mots sur l'action tout aussi essentielle des CAF des DOM en faveur des politiques sociales sur ces territoires. Pour contribuer aux politiques publiques et développer leur mission, les caisses disposent de plusieurs leviers financiers et de dispositifs conventionnels stratégiques et opérationnels de partenariat. S'agissant des leviers financiers, elles bénéficient de dotations d'action sociale, plus généralement appelées fonds locaux, à la disposition des conseils d'administration des CAF. Elles sont dépensées dans le cadre de règlements intérieurs définis par chacune des caisses départementales. Elles disposent également de fonds nationaux dédiés, comme le Fonds national parentalité, et de prestations services qui leur permettent de contribuer au développement et au fonctionnement des équipements, déployant des services aux familles et des actions sociales d'accompagnement des populations.

Le Fonds national parentalité a été créé en 2014 de manière à aider les CAF à soutenir le déploiement des actions des réseaux d'écoute et d'accompagnement des parents (REAP), ainsi que pour financer des postes de coordinateurs, animateurs de la gouvernance partenariale locale et acteurs du soutien à la parentalité. Depuis 2022, un nouvel axe est venu enrichir le Fonds national parentalité afin de pouvoir financer des lieux d'accueil et de ressources des familles sur les questions liées à la parentalité, ainsi que le développement de services d'écoute personnalisée et d'accompagnement des parents à distance.

Les financements apportés aux gestionnaires de services ou opérateurs de projets s'inscrivent généralement, sauf dans des cas de projets très ponctuels, dans le cadre de conventions de partenariats et de financement pluriannuel. Elles couvrent aujourd'hui des périodes comprises entre trois et quatre ans. Nous souhaitons l'étendre à cinq ans lors de notre prochaine période conventionnelle, ce qui permettra à l'ensemble des opérateurs et partenaires de se protéger à long terme.

S'agissant du cadre stratégique et opérationnel, tous les territoires ultramarins se sont dotés d'un Schéma départemental des services aux familles (SDSF), dans lesquels les CAF occupent une large place. Ce cadre de gouvernance réunit les différents échelons des collectivités du territoire, les services décentralisés de l'État et les principaux opérateurs de terrain. Cette gouvernance est essentielle pour définir les axes prioritaires d'intervention au regard des diagnostics des besoins sociaux des familles et des territoires, pour structurer et coordonner la mise en oeuvre des actions, et pour mobiliser l'adhésion et l'engagement de chacun en matière de cofinancement des projets et des services. Le cadre stratégique des SDSF s'accompagne pour les CAF d'un autre support-cadre de partenariat, cette fois à l'échelle communale ou intercommunale : les conventions territoriales globales. Celles-ci permettent de définir de manière très opérationnelle les objectifs et les actions à mettre en oeuvre pour répondre aux besoins sociaux des familles et mailler les territoires.

Fin 2022, 81 conventions territoriales globales, couvrant 62 communes, ont été signées par les CAF d'outre-mer avec leurs partenaires communaux. Elles traitent et fixent des objectifs d'action dans de nombreux domaines : la petite enfance, l'enfance, la jeunesse, mais aussi la vie sociale, l'inclusion handicap, le travail social, la précarité et la lutte contre la pauvreté, l'accès au droit, le logement, la santé, la vieillesse, la citoyenneté ou encore le développement durable. Sur ces bases contractuelles, et particulièrement en matière de soutien à la parentalité, les CAF des outre-mer, en lien avec la Cnaf, se sont mobilisées entre 2018 et 2022, avec l'objectif principal de renforcer le maillage des offres de services et des actions de soutien à la parentalité, notamment dans une visée de prévention des exclusions sociales et des situations à risque. Pour ce faire, les CAF ont oeuvré sur l'ensemble des territoires à l'émergence ou à la consolidation des services de médiation familiale. Par exemple, aujourd'hui, onze équipements hors Mayotte sont en fonctionnement et en activité sur l'ensemble des territoires d'outre-mer. S'y ajoutent des structures proposant des lieux d'accueil enfants-parents. Tous les départements aujourd'hui disposent d'une offre. Les CAF ont également contribué à la création et au soutien de onze espaces de rencontres. Enfin, 108 actions d'accompagnement à la scolarité ont été déployées en faveur des enfants et de leurs parents, et de nombreuses actions d'accompagnement à la parentalité sont soutenues dans le cadre des REAP.

De même, nous pouvons évoquer le panier de services, jargon institutionnel consistant à assurer a minima sur un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) une offre d'accompagnement à la scolarité, une offre d'accompagnement à la parentalité et la garantie de fonctionnement d'un lieu d'accueil enfants-parents. L'ensemble des EPCI de la Martinique et de La Réunion ont mis en place le panier de services. 50 % des EPCI de la Guadeloupe en sont dotés, contre 25 % seulement en Guyane.

Le soutien à la parentalité s'est également matérialisé par un renforcement et un recentrage des interventions de travailleurs sociaux des CAF en faveur des allocataires en situation à risque. 11 000 foyers allocataires ont ainsi bénéficié en 2020 d'un accompagnement social dispensé par un travailleur social. 84 % des interventions de travail social ont concerné des situations de divorce ou de séparation. Les 16 % restants des interventions concernent des situations de décès d'un conjoint ou d'un enfant, d'impayés de loyer ou pour soutenir des foyers monoparentaux. Enfin, les CAF ultramarines sont fortement mobilisées pour soutenir la création et le développement de structures d'animation de la vie sociale, comme les centres sociaux ou les espaces de vie sociale. Entre 2018 et 2022, plus de 70 nouveaux équipements ont été créés, prioritairement dans les quartiers relevant de la politique de la ville. Par leur ancrage dans les quartiers, ils sont au plus proche des besoins des publics. Ils sont des relais particulièrement pertinents pour les caisses de manière à déployer des services et des actions de soutien à la parentalité.

Toutefois, les CAF sont confrontées dans de nombreux secteurs à l'insuffisance de cofinancement des partenaires, limitant de fait le rendement des leviers et dispositifs de financement nationaux à leur disposition. En effet, de nombreuses collectivités territoriales sont confrontées à des situations financières très concrètes, et ne contribuent pas, ou pas suffisamment, au cofinancement des équipements tels que prévu dans le cadre conventionnel des outils nationaux de la branche famille. Pour pallier ces situations, les CAF sont contraintes de compléter les prestations de services nationales par des apports sur leurs fonds locaux, et/ou par des dispositifs ou mesures dérogatoires ponctuelles validées par la Cnaf.

Dans le cadre des discussions en cours entre la Cnaf et les services de l'État relatives aux orientations et aux moyens de la branche pour la période 2023-2027, la Cnaf porte en faveur des départements d'outre-mer la proposition de soutenir les projets et le fonctionnement des structures d'accueil de la petite enfance et des services aux familles. Il s'agirait de prendre en compte de manière spécifique les problématiques de cofinancement et les besoins de rattrapage des territoires les plus fragiles, identifiés notamment dans le cadre des schémas départementaux des services aux familles. Bien entendu, les territoires d'outre-mer comptent parmi les territoires les plus fragiles.

De même, il est proposé de poursuivre le développement du maillage territorial, notamment dans des quartiers relevant de la politique de la ville non couverts aujourd'hui.

Par ailleurs, au-delà de la problématique de financement, les CAF sont confrontées à un déficit d'opérateurs assis sur des modèles économiques viables et en capacité de mettre en oeuvre des offres de services d'action sociale. Ce point constitue certainement le second trait majeur caractérisant les freins au développement des politiques sociales des CAF ultramarines. Dans de nombreux secteurs d'intervention, ces dernières doivent assumer, parfois intégralement, l'ingénierie sociale nécessaire à l'émergence d'opérateurs et à la création d'offres de services : formation des professionnels, mobilisation des partenaires, montage financier de projets et des services, recherche de locaux, structuration des acteurs et des réseaux relais des CAF, accompagnement au quotidien des opérateurs gestionnaires des services et des familles.

Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes, co-rapporteure. - Merci pour cette présentation exhaustive et intéressante, comme la première d'ailleurs. Je laisse maintenant la parole à notre dernière intervenante, Isabelle Richard, sous-directrice des politiques publiques à la Direction générale des Outre-mer.

Mme Isabelle Richard, sous-directrice des politiques publiques à la Direction générale des Outre-mer. - La parentalité est un défi pour chaque parent, qu'il vive dans l'Hexagone, dans les territoires ultramarins ou partout dans le monde. Il peut toutefois apparaître encore plus vertigineux en outre-mer, au regard d'un certain nombre de constats, de caractéristiques dont vous avez pris la mesure au fur et à mesure de vos auditions. La part des familles monoparentales est parfois jusqu'à trois fois supérieure au taux hexagonal. Les naissances précoces sont également plus nombreuses. Elles atteignent 10,2 % en Guyane, dans le dernier recensement connu en 2018, contre 2,1 % dans l'Hexagone. Les conditions de vie sont aussi plus difficiles. Le chômage y est plus élevé, bien que son taux soit en diminution dans la plupart des territoires depuis un an. Il s'ensuit un taux de pauvreté qui est encore trop important, et qui culmine, à Mayotte, à 77 %. Les prix sont également plus élevés, ce qui constitue évidemment un souci pour les parents, et ce même si l'inflation est moins élevée depuis un an. Enfin, l'illettrisme et l'illectronisme sont aussi beaucoup plus élevés outre-mer, s'élevant à 30 % en Guadeloupe. Les parents rencontrent des difficultés pour faire valoir leurs droits ou exercer leur parentalité au quotidien.

Ces quelques chiffres illustrent aussi le fait que la parentalité ne se limite pas aux enjeux d'éducation et de soin aux enfants. C'est une problématique plus globale, qui doit être prise en compte, notamment dans le cadre du soutien que l'on apporte aux familles, en premier lieu monoparentales. De ce point de vue, un enjeu particulier est celui de l'aide apportée à ces femmes pour qu'elles continuent à se former et à exercer un emploi. C'est sans doute un moyen de rompre le cercle vicieux, puisque les statistiques montrent, dans l'Hexagone comme en outre-mer, une corrélation entre le fait pour la femme d'être elle-même issue d'une famille monoparentale, d'afficher un niveau de formation peu élevé, d'être pauvre, et la reproduction de ce schéma. Un enjeu de formation et d'accompagnement est ainsi identifié, notamment auprès des jeunes filles, femmes et mères. De ce point de vue, il est important de soutenir un certain nombre d'actions. Par exemple, des formations s'adressant à ces publics ont été organisées en Guyane, en permettant à ces femmes de disposer d'un mode de garde à proximité de leur lieu de formation, ou en leur offrant un moyen de locomotion pour s'y rendre.

Le service militaire adapté (SMA), qui est aussi une spécificité outre-mer, permet aujourd'hui aux jeunes mères de poursuivre une formation. Des locaux qui leur sont dédiés s'ajoutent à un accompagnement pour garder leurs enfants pendant leur formation. Plus de 80 % des jeunes sortant de ce dispositif ont ensuite un débouché favorable, et peuvent effectivement trouver un emploi. Il est ainsi nécessaire de multiplier ces formations, qui permettent de concilier la vie de jeune mère - ou parfois de jeune père - avec un accès à l'emploi. Dans la panoplie d'outils existants, n'oublions pas de citer l'Association pour le droit à l'initiative économique (Adie), qui permet d'accompagner les projets professionnels et les créations d'entreprise.

Il faut ainsi multiplier les initiatives pour traiter l'ensemble des problèmes évoqués plus tôt, et les autres. S'agissant de l'illectronisme, l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI) développe un certain nombre d'outils, des diagnostics qu'il faut coupler avec davantage de formation tout au long de la vie professionnelle et personnelle de l'individu.

Ensuite, notre ministre délégué, Jean-François Carenco, a été auditionné par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale. Il a pu donner un certain nombre de pistes, à travers le bouclier qualité prix qui permet une stabilité des tarifs d'une année à l'autre, avec un panier étendu à de nouveaux produits. Il a également mentionné quelques pistes sur l'octroi de mer. Celui-ci taxe souvent des produits de première nécessité pour les parents, avec des taux atteignant parfois 20 % dans certains territoires. C'est le cas des petits pots pour bébés ou de produits nécessaires à l'hygiène des enfants. Il est important d'agir sur ce volet des prix.

Il convient également d'aider ces parents ou ces jeunes mères à s'insérer dans la société. Le soutien aux associations est particulièrement important dans ce cadre, j'y reviendrai.

S'agissant du soutien à la parentalité au sens strict du terme, les actions publiques ont été largement rappelées par ma collègue, notamment au travers de l'initiative des 1 000 premiers jours. Nous nous étions déjà rapprochés de nos collègues pour adapter encore plus le livret Conseil ainsi que le coffret remis aux jeunes mères à la maternité. Il s'agit d'adapter l'ensemble des politiques. Il me semble particulièrement important d'intégrer des volets outre-mer dans les grandes stratégies publiques, et dans les grands plans publics. C'est le cas, par exemple, de la stratégie nationale santé sexuelle 2017-2030 dans laquelle figurent des objectifs ambitieux pour les outre-mer, notamment en termes de prévention, de contraception et d'accès à un certain nombre d'informations. Pour la stratégie nationale de soutien à la parentalité, un axe important est dédié aux outre-mer. Il comprend des actions particulières et ciblées, notamment pour améliorer la connaissance des besoins des familles. Avec notre soutien et celui du secrétariat d'État à la protection de l'enfance, en 2019, la production d'une revue de littérature par l'université de Paris-Nanterre a pu être subventionnée. Elle constitue dorénavant une base documentaire unique sur l'éducation et la famille des outre-mer. Un axe a été également dédié aux possibilités d'accompagnement en répondant aux besoins spécifiques des outre-mer. Dans ce cadre, nous avons soutenu l'association idealCO pour l'animation d'un réseau professionnel ultramarin sur les thématiques des politiques jeunesse et la mise en place de plateformes d'échange pour l'ensemble des outre-mer. D'autres actions très importantes visaient à aller vers les parents, notamment dans les territoires isolés. Des initiatives en la matière ont été rappelées par Jean-Marc Bedon.

Les actions publiques s'orientent de plus en plus sur le problème du non-recours, c'est-à-dire le non-exercice par les publics de leurs droits ou le non-accès aux politiques publiques. Je peux citer l'expérimentation « zéro non-recours », dont la réception des candidatures est en cours. Le ministère des outre-mer, par l'intermédiaire des préfets, a essayé de susciter des candidatures ultramarines dans le cadre de cet appel à manifestation d'intérêt. Nombre d'entre elles sont en cours d'examen. Bien sûr, nous formons le voeu qu'elles soient, pour certaines, déclarées recevables et qu'elles puissent participer à cette expérimentation. Les taux de non-recours sont particulièrement élevés en Guyane et à Mayotte. Nous observons un effet important de l'illettrisme et des langues locales, raison pour laquelle il est important de traduire les documents et interfaces informatiques. Il est également essentiel de développer les Maisons France Services. Un objectif en ce sens a été assigné aux outre-mer par l'intermédiaire de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

Ensuite, les prestations de restauration scolaire sont très importantes pour l'enfant. L'existence de la Pars a été citée par Jean-Marc Bedon. Nous avons également mené une action en Guyane et à Mayotte, que nous pourrons décrire dans le document. Elle a consisté à réduire le reste à charge pour les familles, en lien avec nos collègues des ministères sociaux. Un décret paru en décembre 2022 réduit encore le reste à charge pour les repas du midi à Mayotte et pour les collations en Guyane. Il me semble important de suivre cette voie, et de tirer des enseignements de l'augmentation de cette prestation pour atteindre la cible précise assignée.

S'agissant de la poursuite de l'alignement des outre-mer sur l'Hexagone en matière de prestations, M. Bedon a indiqué que les différences étaient aujourd'hui très faibles. Il en existe néanmoins. Vous avez cité le complément familial et les prestations à Mayotte. S'agissant du premier, nous avons mené des échanges pour refaire un point avec nos collègues des ministères sociaux. Cette prestation est spécifique aux outre-mer. Elle bénéficie aux familles depuis les trois ans de l'enfant, jusqu'à son cinquième anniversaire. Elle avantage les familles monoparentales ou avec deux enfants. Elle n'existe pas dans l'Hexagone. A contrario, pour les familles nombreuses, elle s'arrête au cinquième anniversaire de l'enfant, et ne les accompagne pas ensuite. Si une réforme concernait ce complément familial, il faudrait être très vigilant à cet équilibre et aux publics bénéficiaires.

Ensuite, le président de la République a annoncé lors de la dernière campagne présidentielle qu'il souhaitait ramener le terme de la convergence sociale de 2036 à 2031 à Mayotte. Elle est déjà bien entamée, puisque de nouvelles prestations ont d'ores et déjà été alignées. Pour autant, il existe encore des différences majeures, notamment en matière de minima sociaux tels que le revenu de solidarité active (RSA), l'allocation aux adultes handicapés (AAH), ou les compléments pour exercice d'un métier. Ils s'élèvent à la moitié des valeurs nationales. À Mayotte, le SMIC est équivalent à 75 % de sa valeur hexagonale. Ainsi, c'est un équilibre qu'il faut trouver entre un accroissement de ce salaire minimum, une croissance économique et les prestations. La croissance des prestations ne peut aller plus vite que les autres facteurs économiques. Une réflexion d'ensemble doit être menée à ce sujet. Il convient d'étudier les dernières prestations sociales pour assurer un équilibre, en lien avec les ministères sociaux, de l'économie et du travail.

Notre réponse écrite donnera quelques éléments d'explications supplémentaires, même s'ils ne pourront être complets s'agissant des statistiques relatives aux familles dans les outre-mer et des raisons expliquant un nombre important de grossesses précoces. J'ai cité quelques facteurs tels que la pauvreté ou la formation, grandes politiques auxquelles le Gouvernement s'attaque en parallèle. C'est tout un front de politiques publiques qu'il faut mener pour améliorer la situation de ces familles dans les outre-mer.

Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes, co-rapporteure. - Je vais laisser la parole au président Stéphane Artano, qui est également rapporteur. J'aurai peut-être d'autres questions à vous poser ensuite, avant de laisser mes collègues réagir à vos interventions.

M. Stéphane Artano, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer, co-rapporteur. - Merci pour ces éclairages. Je n'ai pas beaucoup de questions à vous poser. Tout de même, j'aimerais interroger la DGCS. À quelle échéance prévoyez-vous de sortir la deuxième feuille de route des 1 000 premiers jours, en cours de rédaction ?

Ma deuxième question concerne essentiellement le soutien à la parentalité. Les acteurs entendus au cours de nos travaux ont souligné l'action des caisses sur les territoires, tout en déplorant les financements intervenant majoritairement dans le cadre d'appels à projets. De quelle manière des financements structurels ou pluriannuels en direction des associations pourraient-ils éventuellement être envisagés ? Cette interrogation rejoint la question numéro 13 du questionnaire : dans quelles conditions les fédérations et associations nationales des acteurs du soutien à la parentalité pourraient-elles être plus présentes dans les outre-mer pour soutenir les acteurs locaux ? Nous tentons de réfléchir à la manière de faire de ces acteurs des relais plus importants encore sur les territoires, y compris pour vous. Certaines fédérations disent ne pas disposer de relais sur tous nos territoires ultramarins. Nous réfléchissons à la manière la plus efficace et efficiente d'en faire des relais pour la parentalité, y compris pour les institutions, dans le déploiement de certaines politiques publiques.

Mme Anne Morvan-Paris. - La deuxième feuille de route des 1 000 premiers jours est encore en cours d'élaboration. Une phase de concertation est encore à mener. Nous espérons pouvoir la publier pour la rentrée 2023, dans quelques mois. Sa déclinaison permettra de répondre à certaines de vos questions, notamment s'agissant des appels à projets. L'instruction « appels à projets 1 000 premiers jours » devrait paraître dans les prochains jours. Le sujet de la pluriannualité et de la manière dont on peut mobiliser les acteurs sur des financements plus structurels est en suspens. Un fonds innovation sera également publié dans les jours à venir, en lien avec nos différents partenaires, dont la Cnaf. Est envisagée une pluriannualité de trois ans, ce qui répond en partie aux soucis que nous font remonter les associations. Se pose ensuite une question plus structurelle sur le parcours des 1 000 premiers jours et les Maisons des familles. Nous devons pouvoir réfléchir à des financements plus structurels, entrant dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion (COG), dont l'atterrissage est en cours de finalisation.

M. Jean-Marc Bedon. - Je ne sais pas si j'ai besoin d'ajouter des éléments s'agissant des financements. Je suis d'accord avec les propos précédents. Nous comprenons bien le besoin d'un certain nombre d'associations. Pour autant, il faut distinguer ce qui relève d'une action ponctuelle ou d'un projet innovant, et des fonds assis sur une base contractuelle inscrivant d'emblée une pluriannualité pour la production d'un service. Je pense qu'un segment associatif répond, par sa souplesse, à des urgences, à des innovations, et à des besoins nouveaux qui émergent. Il a besoin d'être accompagné, ensuite, dans une structuration plus pérenne.

Ensuite, la Caisse nationale accompagne chaque année 78 têtes de réseau et associations nationales, dont une cinquantaine dispose d'antennes et d'implantations sur les territoires ultramarins. Nous les soutenons essentiellement pour leur permettre de financer leur action d'animation, de structuration de leur réseau, d'outillage, de ressources méthodologiques, techniques, métiers, législatives... Sur la période de 2018 à 2022, nous avons également souhaité aller un peu plus loin qu'un simple soutien à l'animation globale de leur réseau, en investissant ces associations d'une mission d'accompagnement de proximité auprès de ces territoires. Je pense particulièrement à la Fédération nationale des centres sociaux, partenaire historique de la branche famille. Elle a vraiment joué le jeu. Nous l'avons accompagnée financièrement. Elle s'est fortement investie sur le sujet pour créer et faire émerger des structures, des centres sociaux, des espaces de vie sociale, mais aussi pour construire et créer une instance départementale qui sera ensuite en capacité d'animer et d'accompagner l'ensemble des centres sociaux qui se seront créés sur le département. Nous en avons besoin, puisqu'il y a un segment intermédiaire entre le niveau national et le niveau très local. Dans de nombreux secteurs d'activité, beaucoup de choses se font par le biais de multiples réseaux, mais il manque une échelle de coordination, d'animation et d'accompagnement méthodologique métier, technique, et de formation des professionnels au quotidien.

Dans la prochaine convention d'objectifs, si l'ensemble de ces projets sont validés dans nos discussions avec l'État, nous avons pour objectif, dans les outre-mer, de renforcer cette mobilisation des têtes de réseau national de manière à ce qu'elles puissent se mobiliser davantage en local et construire de l'animation et de la coordination au niveau des départements.

Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes, co-rapporteure. - Merci pour ces réponses. J'ajouterai quelques questions.

Vous avez parlé d'expérimentations en Guyane ou à La Réunion, notamment s'agissant d'un référent natalité ou d'un parcours naissance. Pourrez-vous nous envoyer des éléments plus précis sur leur mise en place ? Des moyens supplémentaires vous ont-ils été alloués ? Pourquoi ces deux territoires ? Comment ces expérimentations s'articulent-elles dans les dispositifs existants ? Vous avez également évoqué des staffs médico-sociaux dotés de budgets de 400 000 euros en 2021, puis 200 000 euros en 2022. Cette somme peut sembler importante, mais combien de personnes représente-t-elle à l'échelle des territoires ultramarins ? Divisée entre les différents territoires, elle peut finalement apparaître un peu ridicule.

Vous avez en outre mentionné une augmentation du recours au congé paternité. On a assez peu évoqué les familles monoparentales et la non-reconnaissance des pères ce matin. Dès lors que deux tiers des enfants ne sont pas reconnus par leur père dans certains territoires, j'imagine que ceux qui reconnaissent leurs fils ou leurs filles sont très motivés.

S'agissant du parcours des 1 000 premiers jours et de sa nécessaire adaptation, je suis assez surprise que l'on n'ait pas imaginé une traduction pour rendre le dispositif compréhensible partout sur le territoire, de la part des parents. On insiste souvent sur le besoin d'actions en proximité, qui font écho aux ressources locales, humaines. Parvenez-vous à en avoir ? Formez-vous de plus en plus de personnes pour être au plus près du terrain ?

J'aimerais ensuite vous interroger sur les parcours « séparation » et « arrivée de l'enfant » évoqués par M. Bedon. Sont-ils mis en place au sein de chaque territoire ultramarin ? S'agit-il d'une expérimentation ? S'ils ne sont mis en place que sur certains territoires, quelle en est la raison ?

Enfin, nous avons peu parlé d'IVG. Des stratégies pour limiter leur nombre sont-elles en place ? Diffèrent-elles selon les territoires, du fait de situations différentes ?

Mme Annick Petrus. - Merci à tous d'avoir apporté un éclairage sur cette problématique. Je suis sénatrice de la collectivité territoriale de Saint-Martin, qui fête ses 17 ans cette année. J'ai occupé le poste de troisième vice-présidente en charge de ces sujets. Ainsi, les chiffres énoncés ce matin ne m'étonnent pas, d'autant que les territoires d'outre-mer ont souvent été pointés du doigt comme des consommateurs de la Caisse d'allocations familiales. Nous étions qualifiés de champions de la consommation de ces aides. Je ne reviendrai pas sur le sujet. C'est la situation de ces territoires et surtout de leurs habitants qui en sont la cause. Certains n'ont d'autres possibilités que de vivre de ces aides, puisqu'ils n'ont pas de travail. Parfois, ces situations se reproduisent de génération en génération. Lorsqu'une mère a vécu avec les allocations familiales et aides sociales de toutes sortes, faisant un bébé tous les trois ans pour ne pas perdre le bénéfice de l'aide, leurs enfants peuvent être tentés de reproduire le même schéma. Ce n'est pas qu'ils ont choisi cette façon de vivre, mais ils n'en ont pas trouvé d'autres. Dès lors qu'ils rencontrent une autre possibilité, ils parviennent à s'en sortir. Je suppose que cela a été dit au cours des auditions de ce cycle.

Il y a six mois, la collectivité de Saint-Martin a signé un plan territorial d'insertion (PTI) et une convention territoriale globale (CTG) avec la CAF. Les collectivités ne sont pas toujours informées de tous les dispositifs existants au sein de la CAF. Je le disais, j'ai présidé une délégation. C'est au fur et à mesure que je découvrais des dispositifs qui pouvaient être mis en place pour aider les familles, la plupart du temps monoparentales, à appréhender autrement la parentalité.

À titre d'exemple, j'ai appris récemment que les bénéficiaires du RSA pouvaient obtenir des aides pour faire garder leur enfant le temps d'un entretien d'embauche ou d'une recherche de travail. Je ne disposais pas de cette information lorsque j'étais vice-présidente. Si j'en avais eu connaissance, nous aurions pu mettre en place ces aides très rapidement en les versant à des structures ou associations qui accompagneraient ces familles dans la garde de ces enfants, plutôt que de les verser directement aux bénéficiaires. En effet, nous observons beaucoup de détournements d'aides, qui seraient évités par cette manoeuvre.

L'aide de rentrée scolaire n'est pas systématiquement détournée. Pour autant, j'ai été directrice d'un établissement scolaire dans une autre vie. Je peux assurer que ces prestations ne sont pas toujours utilisées intégralement pour l'enfant. Les allocations familiales non plus, d'ailleurs. Certains enfants sont bien lotis du 1er au 15 du mois. Ils ont un goûter, tout va bien. À partir du 15 du mois, ils n'ont plus de goûter, parce que l'argent a été mal géré, et qu'il n'y en a plus.

J'ai compris que la CAF ne pouvait pas aider à la gestion des allocations familiales. Néanmoins, pourrait-on trouver des dispositifs par le biais de structures, d'associations, pour aider ces familles ? Dernièrement, j'ai demandé au Pôle solidarité famille de mettre à disposition de ces familles des conseillers sociaux, familiaux ou économiques. Elles vont remplir le frigo les quinze premiers jours avec l'argent des allocations familiales. Les enfants vont tout manger en deux semaines. Après, il n'y aura plus d'argent, et ils viendront à l'école sans goûter. Il faut les aider. Comment pourrait-on mettre en place des dispositifs pour aider à la bonne utilisation de cette aide ? La CAF joue son rôle, elle donne de l'argent, mais la gestion de celui-ci ne permet pas aux parents d'embrasser convenablement leur mission, leur rôle et l'utilisation de ces fonds.

Sur le territoire de Saint-Martin, au lendemain de l'ouragan Irma, nous avons expérimenté une carte Cohésia. Certes, certains ont émis des doutes sur sa conformité à la réglementation. Ne pourrait-on pas initier des partenariats, des conventions avec des librairies, entre autres, pour nous assurer qu'une partie des aides soit dépensée dans ce cadre, et non pour rembourser les traites d'une voiture, par exemple ?

Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes, co-rapporteure. - Merci pour ce témoignage en prise directe avec la réalité de Saint-Martin, où nous nous sommes rendues avec Micheline Jacques, sénatrice de Saint-Barthélemy.

Je vous laisse donc répondre, dans l'ordre qui vous convient le mieux. Je me permets également de vous interroger sur le contrat d'objectifs et de gestion (COG) et ses délais. Comment vous organisez-vous dans ce cadre ?

Mme Anne Morvan-Paris. - D'abord, vous m'interrogiez sur les parcours natalité, les staffs médico-psychosociaux et leur mise en place. Il s'agit aujourd'hui d'une expérimentation faisant suite à un appel à candidatures et à un arrêté d'expérimentation. La Guyane a été retenue dans ce cadre, notamment pour la mise en place d'un référent parcours. Celui-ci a pour rôle d'accompagner au mieux des personnes repérées comme vulnérables lors de l'entretien précoce prénatal, lors de la maternité ou lors du retour au domicile. Il s'agit d'assurer la présence d'un professionnel pour que le lien d'attachement se noue au mieux, dès l'arrivée de l'enfant, pour que le parent, même en difficulté sociale, assume pleinement son rôle. On peut être un bon parent dans tout contexte social, mais ce lien est primordial. Il convient de trouver les ressources personnelles, d'accompagner la mère pour qu'elle soit capable d'élever son enfant, par des conseils d'ordre matériel, mais aussi par des jeux, des regards, des temps d'observation.

Ensuite, le staff médico-psychosocial correspond à un renforcement des moyens, notamment en termes de présence de personnels médicaux et paramédicaux au sein des maternités pour détecter des personnes en situation de fragilité. Certaines ne s'en aperçoivent pas elles-mêmes, mais leur retour à domicile pourra être très compliqué. Nous nous positionnons aussi dans la prévention avant la protection de l'enfance. Nous devons soutenir au plus fort, au plus vite, avant d'entrer dans des dispositifs relevant de la protection de l'enfance. Ces staffs se sont développés dans le cadre d'une expérimentation, mais nous souhaitons que chaque maternité puisse en bénéficier à terme. Ce repérage et ce dialogue entre professionnels, avec la PMI qui peut revenir à domicile lorsque des signaux ont été détectés, permettent d'assurer une meilleure prise en compte des difficultés parentales.

Ensuite, je ne dispose pas d'analyse sur la non-reconnaissance des enfants par leurs pères dans les outre-mer. Je pense que des études sociologiques ont été menées sur le sujet. Je verrai si nous avons des éléments à vous apporter. Sinon, nous y travaillerons collectivement. La place du père est à nos yeux un grand objet de la future stratégie des 1 000 jours. Elle a trop été oubliée dans la première feuille de route. Le congé paternité est un outil, mais pas seulement. Y compris en protection de l'enfance, la place des deux parents est importante. Nous devons être plus attentifs à la reconnaissance de la place du père auprès de l'enfant. Il sera aussi un soutien auprès de la mère en cas de séparation.

La Cnaf a développé de nombreux outils autour de la séparation et de l'accompagnement des familles dans ces moments.

Enfin, vous m'interrogiez sur l'IVG. Mes collègues de la santé ne sont pas présents ce matin, mais nous pourrons vous apporter des éléments sur le sujet, puisque la Direction générale de la santé a déployé un certain nombre de programmes en la matière.

M. Jean-Marc Bedon. - J'évoquais plus tôt différents parcours. Il s'agit de dispositifs construits dans le champ de l'action sociale, à la main du conseil d'administration de la Cnaf et des CAF, en concertation avec les services de l'État. Nous sommes ici positionnés dans le champ des aides légales. Nous définissons les périmètres. Ici, il est construit pour l'ensemble du réseau des CAF, y compris et a fortiori les cinq départements d'outre-mer. Nous prenons d'ailleurs attache avec les outre-mer dès que nous le pouvons. Le parcours « séparation », mis en place en 2021, a fait l'objet d'une phase d'expérimentation, associant la CAF de la Martinique. Le parcours « arrivée de l'enfant » sera déployé en fin d'année ou en début d'année prochaine. Il a lui aussi fait l'objet d'une phase d'expérimentation qui, cette fois-ci, a associé la CAF de La Réunion. Nous avons bien identifié des particularités. Nous avons tendance à construire depuis le niveau national vers le local, avec une prégnance de ce que l'on sait des besoins de 90 % des territoires. Parfois, malheureusement, nous allons trop vite, et oublions des particularités propres à des mécanismes ou des réalités sociales des outre-mer. Pour cette raison, lorsque nous menons des expérimentations, nous essayons dès que nous le pouvons d'inscrire d'emblée les territoires ultramarins de manière à ce qu'ils nous alertent si nous allons trop vite ou si nous oublions quelque chose. Nous faisons en sorte que le cadre national construit soit suffisamment inclusif, et qu'il prenne en compte les réalités sociales de ces territoires.

Ensuite, je n'ai pas de réponse particulière à apporter à l'intervention de Mme Pétrus, qui fait écho à la réalité. Je prends bien note de la demande d'amélioration et de construction de la communication vis-à-vis des institutions, des allocataires, des partenaires. S'agissant de ces derniers, les problématiques que vous posez existent chez vous, mais aussi en Seine-Saint-Denis, comme partout en France. L'utilisation par les parents des allocations familiales, et autres prestations familiales ou sociales qui leur sont versées, renvoie effectivement à la nécessité impérieuse d'avoir des associations relais à leurs côtés, des travailleurs sociaux. Vous pointiez les conseillères en économie sociale et familiale qui assurent un rôle sur la gestion budgétaire des familles. Malheureusement, je pense que sur certains territoires, ces corps intermédiaires, relais de l'information et de l'accompagnement des familles, ne sont pas suffisamment nombreux. Nous sommes confrontés à une pénurie de professionnels dans le domaine social en général.

Vous m'interrogiez ensuite concernant le contrat d'objectifs et de gestion. Depuis une petite vingtaine d'années, la Cnaf contractualise ses orientations et les moyens permettant de les mettre en oeuvre tous les cinq ans avec l'État. Nous venons de terminer la précédente convention, qui courait sur les années 2018 à 2022. Nous avons réalisé un travail avec l'ensemble de notre réseau pour dresser un bilan de cette période et construire les prochaines orientations, pour la période courant de 2023 à 2027. Nous sommes en négociation avec l'État sur tous nos champs d'intervention, d'actions sociales, de relations de service, d'outillage, de systèmes d'information, de prestations et de fonctionnement de notre réseau.

Nous avons, dans le cadre de cette discussion avec l'État, une fiche spécifique dédiée aux outre-mer. Loin de nous le souhait d'extraire ces territoires du réseau national, mais il nous a semblé nécessaire de mettre en lumière des conditions et des contextes un peu particuliers, et des actions particulières, elles aussi, en termes de vigilance et de renforcement de la caisse nationale vis-à-vis des outre-mer.

Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes, co-rapporteure. - Comment les acteurs institutionnels prennent-ils en compte l'adoption coutumière, fréquente dans certains territoires tels que la Polynésie ou les sociétés kanak ? Comment gérez-vous la parentalité dans ce cadre exceptionnel ?

Mme Anne Morvan-Paris. - Ces sujets sont délicats, au regard des textes en vigueur dans l'Hexagone sur l'adoption. La façon dont on conçoit l'adoption est en pleine évolution. Un Conseil national de l'adoption a été mis en place récemment. L'État pourra lui soumettre un certain nombre de décrets déclinant la loi de février 2022, qui a revu un certain nombre d'éléments. L'une de nos questions concerne l'application d'une coutume en Polynésie, qui ne relève pas du champ de l'adoption, et qui ne peut pas être reconnue. Elle pose de réelles questions de filiation et de droits pour l'enfant. Je propose de vous répondre à cette question par écrit, de façon aussi précise que possible.

En termes de réseau de formation, on apprend de l'outre-mer la manière dont la famille et l'entourage familial peuvent être un soutien pour l'enfant. Dans le cadre de la loi de protection de l'enfance, on se rend compte que l'entourage de l'enfant dans l'Hexagone - les figures d'attachement autres que les parents - n'est pas regardé, contrairement aux outre-mer. Au sein de ces territoires, il est possible de concevoir la famille de manière élargie. Nous ne devons pas remettre en cause ce modèle en nous appuyant sur un regard uniquement hexagonal, mais nous devons tout de même nous attacher aux droits qui en découlent pour l'enfant et la famille.

Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes, co-rapporteure. - Lorsqu'on gagne des droits pour les femmes, on les gagne pour la société, pour les hommes comme pour les femmes. Je suis persuadée que les travaux que nous menons avec la délégation aux outre-mer nous permettront de flécher de bonnes pratiques et expérimentations, qui pourront être dupliquées. Comme le soulignait M. Bedon, des difficultés pointées par Mme Pétrus, sénatrice de Saint-Martin, peuvent également être observées dans d'autres territoires.

Je vous remercie sincèrement pour la précision de vos réponses. Vous pouvez nous adresser des compléments par écrit avant le 12 juin, si cela est possible, pour que nous les intégrions dans notre rapport et dans nos préconisations. J'excuse nos rapporteures Elsa Schalck et Victoire Jasmin, absentes ce matin pour raisons médicales.

M. Stéphane Artano, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer, co-rapporteur. - Merci Annick, merci à tous pour la qualité de cette audition et pour les apports dont vous nous avez fait part. La matière est en mouvement au niveau national, notamment dans le cadre du COG de la Cnaf. J'attends de voir de quelle manière l'adaptation de la feuille de route des 1 000 premiers jours aura lieu en outre-mer. Au sein de notre délégation, et au sein du Sénat, je le crois, nous plaidons pour une différenciation de mise en oeuvre des politiques sur chacun de nos territoires pour tenir compte de leur sociologie et de leurs contextes économiques et sociaux. N'hésitez pas à nous faire part de vos remarques et compléments que vous jugeriez utiles. Merci à tous pour votre présence et votre participation active.