Mardi 9 mai 2023

- Présidence de M. Pierre Henriet, député, président de l'Office -

La réunion est ouverte à 13 h 35.

Examen du rapport sur les lois de programmation militaire et l'innovation (Huguette Tiegna, députée, et Ludovic Haye, sénateur, rapporteurs)

M. Pierre Henriet, député, président de l'Office. - Mes chers collègues, je vous souhaite la bienvenue à cette nouvelle réunion de l'Office. L'unique point à l'ordre du jour est l'examen du rapport préparé par Huguette Tiegna et Ludovic Haye sur les lois de programmation militaire et l'innovation. Je cède immédiatement la parole aux rapporteurs pour qu'ils nous présentent le résultat de leurs travaux.

Mme Huguette Tiegna, députée, rapporteure. - Mes chers collègues, au printemps 2023 sera examiné au Parlement un projet de loi de programmation militaire pour la période 2024-2030. Les lois de programmation militaire (LPM) définissent la programmation pluriannuelle du budget de l'État destiné aux forces armées françaises.

En amont de l'examen de ce projet de loi, la commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée nationale a saisi l'Office en décembre dernier pour établir un état des lieux de l'innovation de défense dans le cadre des lois de programmation militaire, avec un éclairage particulier sur la récente réforme de la gouvernance et sur la dualité civil-militaire.

Pour les Armées, bénéficier de technologies de pointe permet de disposer d'une supériorité technologique sur l'adversaire. Cela favorise aussi la compétitivité des industriels français de l'armement sur le marché mondial et à l'exportation, notamment vers l'Europe. L'innovation de défense représente donc un atout à la fois stratégique et économique pour notre pays.

Le rapport que nous présentons aujourd'hui explore principalement les questions suivantes : en termes d'innovation défense, la France se donne-t-elle les moyens de l'ambition affichée dans le projet de LPM 2024-2030 ? À quelles conditions la France sera-t-elle porteuse d'innovations de rupture ? La dualité forte affichée par le système français est-elle source de dépendance à l'innovation civile ? Le modèle français est-il unique dans le paysage européen ?

Pour tenter d'apporter des réponses, nous nous sommes penchés, dans un premier temps, sur la politique d'innovation mise en place récemment par le ministère des Armées.

Cette politique passe par une impulsion budgétaire qui s'est consolidée au fil de la dernière LPM. En 2022, le budget innovation défense était de 1 milliard d'euros (Md €) par an et la prochaine LPM prévoit 10 Md € consacrés à l'innovation sur la durée 2024-2030 - soit plus d'1 Md € par an. Ce budget sera réparti sur différents domaines d'intérêt afin d'« offrir aux armées la maîtrise des nouveaux champs de conflictualité (espace, fonds marins, champ informationnel, cyber) à l'horizon 2030, que ce soit en captant des technologies civiles ou en explorant des nouvelles technologies de rupture ».

L'émergence de nouvelles menaces et leur multiplicité ne doivent cependant pas inciter à la dispersion de l'écosystème d'innovation. Il faudra opérer des choix précis lors de chaque actualisation de la LPM en fonction de l'évolution des menaces, des progrès technologiques réalisés et des points forts de l'innovation française.

Cet effort budgétaire a été accompagné d'une réforme de la gouvernance avec la création de l'Agence de l'innovation de défense (AID) en 2018. L'AID a pour rôle de piloter et mettre en oeuvre l'innovation défense française, sous l'autorité du délégué général de l'armement.

Le milliard d'euros dédiés chaque année à l'innovation est donc principalement géré par l'AID dans le but d'accompagner un changement de stratégie globale : il ne s'agit pas simplement de poursuivre, avec plus de moyens, la politique d'innovation précédemment mise en oeuvre par la Délégation générale de l'armement (DGA) mais bien de changer de paradigme à l'égard de l'innovation.

En effet, les programmes d'armement menés par la DGA sont complexes par nature, accompagnés d'investissements massifs (souvent plusieurs dizaines de milliards d'euros pour un seul programme) et s'inscrivent dans le temps long, avec une planification stricte. Ce mode opératoire garantit le respect des lignes budgétaires, permet le développement de projets d'ampleur et surtout limite les risques. Il ne laisse cependant que peu de place à l'innovation qui peut apparaitre ou s'avérer utile au cours du développement d'une technologie.

Avant la réforme de 2018, certains projets d'innovation gérés par la DGA étaient confrontés à une vraie difficulté de mise en oeuvre liée une prise de risque insuffisante et à la complexité du processus permettant à l'innovation de « sortir du laboratoire ». Ce problème trouvait son origine dans un manque de moyens - financiers et humains - mais aussi dans une culture insuffisante de l'innovation.

La culture de minimisation des risques en vigueur à la DGA ne doit pas se retrouver dans le traitement des projets à l'Agence de l'innovation de défense puisque, par nature, l'innovation est risquée. Cela passe par l'accompagnement du « passage à l'échelle » des projets afin de faciliter la sortie du laboratoire de certaines recherches très fondamentales vers la conception de prototypes de qualité industrielle. Il s'agit moins d'en faire un mode de fonctionnement systématique que de consolider la capacité à certifier rapidement en temps de paix l'innovation ouverte de manière à être réactif en cas de conflit.

Plus généralement, l'accompagnement de l'innovation est nécessaire pour créer un cadre favorable à celle-ci et attirer de nouveaux acteurs. Il s'agit aussi de favoriser l'émergence de technologies de rupture sur le territoire national, comme cela est d'ailleurs spécifié dans la présentation du projet de LPM 2024-2030.

Pour accompagner le renforcement de la politique en faveur de l'innovation, l'AID dispose de différents leviers. Elle a d'abord pour mission de se positionner en tant que « guichet unique » face à l'écosystème d'innovation militaire et civil, en mettant à disposition des acteurs plusieurs moyens de financement définis en fonction du type de projet.

Quelques années après sa création, l'AID montre un certain succès et a une bonne visibilité auprès des parties prenantes. Il est cependant trop tôt pour tirer un bilan complet de cette réforme de la gouvernance de l'innovation, d'autant que certaines évolutions sont toujours en cours.

Un point de vigilance peut néanmoins déjà être soulevé : « organisation du ministère à compétence nationale », placée sous l'autorité du délégué général de l'armement, l'AID n'a pas d'autonomie juridique. Sa mutation vers un type de structure plus agile, ouvert et capable de réagir rapidement - tel que cela avait été pensé initialement - nécessitera de réfléchir à l'évolution de son statut à court ou moyen terme.

L'écosystème d'innovation défense compte aussi la base industrielle et technologique de défense (BITD). Ce terme désigne l'ensemble des industries nationales prenant part aux activités de défense. La DGA collabore en permanence avec les maîtres d'oeuvre industriels français de la BITD, notamment par le biais de contrats pour la réalisation et l'exportation de systèmes d'armes.

La BITD française compte au total près de 2 000 entreprises dont une grande majorité de petites et moyennes entreprises sous-traitantes.

Pourtant, 70 % des crédits d'innovation sont fléchés vers les huit plus grands groupes industriels que sont Airbus, Arianegroup, Dassault Aviation, MBDA, Naval group, Nexter, Safran et Thales. Dans ce contexte, il est plus difficile pour les PME de trouver leur place et de compter dans le paysage d'innovation, même si les budgets obtenus par les grands groupes sont aussi destinés à alimenter l'écosystème dans sa globalité.

Pour la BITD, l'État joue à la fois le rôle de client, d'actionnaire et de régulateur. Ainsi, à travers sa stratégie de défense, l'État conduit aussi une politique industrielle. Si l'innovation est considérée comme un outil stratégique et économique par les pouvoirs publics, ce paradigme doit alors se retrouver dans la gouvernance de la BITD.

Du fait de la restructuration récente de la gouvernance de l'innovation et de la création de l'Agence de l'innovation de défense, l'écosystème industriel a dû rééquilibrer ses demandes entre le guichet traditionnel de la DGA et les différents programmes de financement de l'AID, notamment pour les grands projets d'innovation programmée.

La situation est plus complexe pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI). Certaines ne se reconnaissent ni dans les appels à projets de la DGA (projets d'ampleur, soutien de plusieurs milliards d'euros) ni dans le fonctionnement plus agile de l'AID, dont le soutien à l'innovation a surtout visé, dans ses débuts, les petites structures de type start-up.

Au-delà des grands programmes d'armement et des financements du ministère des Armées et de la DGA, la BITD fait aussi de l'innovation sur fonds propres en suivant globalement les grandes orientations définies par le ministère des Armées. Programmer des financements et des axes de priorité sur le temps long, environ 7 ans, comme le fait la LPM permet de donner de la visibilité et de conforter les projets, mais aussi de renforcer l'attractivité du secteur pour le recrutement d'ingénieurs de haut niveau, par exemple.

Concevoir des équipements de pointe permet aux entreprises de la BITD d'honorer les contrats domestiques mais surtout de rester compétitives à l'export. En effet, le seul marché français reste insuffisant pour assurer le modèle économique des industriels de défense et pour amortir les coûts de R&D et R&T nécessaires pour résister à la compétition technologique mondiale. Il est donc indispensable pour les industriels français d'être performants à l'exportation.

La dynamique reste cependant assez vertueuse puisque les revenus d'exportation sont très souvent réinvestis dans l'innovation afin de maintenir la place de la France sur le marché mondial, c'est-à-dire au 3e rang pour les exportations d'armes.

Dans ce contexte, certaines PME ou ETI se sont ouvertes à des capitaux étrangers (avec des pays considérés comme partenaires, en Europe ou aux États-Unis) afin d'élargir leur marché. Elles restent éligibles aux dispositifs de soutien à l'innovation de la DGA et de l'AID mais doivent passer par des procédures plus complexes. Elles se tournent alors souvent vers les nouveaux dispositifs de soutien disponibles à l'échelle européenne, comme le Fonds européen de défense.

Face à l'intensification et à l'accélération de la compétition mondiale, avec une montée en puissance budgétaire et technologique des États-Unis et de la Chine, l'Union européenne a créé le Fonds européen de défense (FED) en 2021. Sur la période 2021-2027, le Fonds bénéficie d'un budget pluriannuel de 7,9 Md €. L'objectif est de financer les programmes de recherche et développement des industriels européens de la défense, dans un esprit de coopération pour consolider la BITD européenne.

L'intérêt est double : d'une part, accroitre l'autonomie stratégique européenne en faisant émerger des acteurs européens de taille critique susceptibles de rivaliser avec ceux des grandes puissances sur la scène internationale ; d'autre part, améliorer l'interopérabilité des équipements européens.

Environ 5 % du budget global du FED est consacré au développement ou à la recherche de technologies de rupture susceptibles de déboucher sur des innovations déterminantes dans un contexte de défense.

L'outil a donc réussi à s'imposer dans le paysage national même si l'articulation avec les projets et les soutiens nationaux doit encore se préciser.

Face à la multiplication des acteurs, il faut maintenant mutualiser ces guichets de financement de manière vertueuse. Solliciter différents guichets et multiplier les acteurs est consommateur de temps - temps pendant lequel les forces ne bénéficient pas des technologies sur les théâtres d'opération.

M. Ludovic Haye, sénateur, rapporteur. - Dans un second temps, nous avons examiné l'évolution de la dualité à la française et comment elle conditionne l'écosystème d'innovation de défense aujourd'hui.

De la Seconde Guerre mondiale aux années 1970, le contexte géopolitique a amené les grandes puissances à mettre en place d'importants programmes d'armement et d'innovation, à la fois dotés de budgets conséquents et soumis à des délais de développement très brefs. Il en est résulté un développement rapide de technologies de rupture qui ont trouvé de nombreuses applications civiles.

Cette synergie entre les fins civiles et militaires de l'innovation est appelée dualité. Elle consiste « à tirer parti de l'exploitation de compétences, de technologies, de produits, de procédés pour satisfaire des besoins exprimés à la fois sur des marchés civils et militaires ». On peut penser par exemple aux grands programmes d'exploration spatiale ou au développement de la force nucléaire pendant la guerre froide.

La dislocation du bloc soviétique en 1989 a provoqué une baisse tendancielle des financements des programmes militaires pendant toute la décennie 1990. De ce fait, l'innovation militaire a globalement ralenti et ses déclinaisons vers le secteur civil se sont atténuées.

Dans un contexte économique plus concurrentiel et un marché militaire français devenu trop étroit, la dualité est alors apparue nécessaire pour l'industrie de défense. Elle suppose de réfléchir au double usage, militaire et civil, d'une technologie dès les débuts de sa conception afin d'élargir l'éventail de ses possibles applications et d'accroître son potentiel de rentabilité.

Les cycles d'innovation dans le monde civil connaissent depuis un quart de siècle une accélération sensible portée par des investissements privés massifs, alors que les investissements de défense ont diminué. Ce phénomène résulte pour une large part de l'essor des technologies de l'information et de la communication, où les GAFAMs occupent une place dominante.

L'écosystème d'innovation militaire s'est adapté à cette nouvelle donne et la dualité a pris une nouvelle orientation entre la fin des années 1990 et le début des années 2000. Ce phénomène s'observe dans le monde entier, notamment en France où l'Agence de l'innovation de défense a développé une politique active pour promouvoir la dualité.

Cependant, la politique nationale en matière de dualité ne doit pas consister à se placer dans le sillage des écosystèmes d'innovation privée, que ce soit celui des start-up ou celui des grands acteurs mondiaux du numérique.

Les grandes lignes de l'innovation civile sont aujourd'hui dictées par des acteurs non français et marquées par une forte prédominance des technologies numériques. Certes, l'intelligence artificielle, la cybersécurité, le spatial ou les technologies quantiques sont des champs d'innovation cruciaux pour la défense et la sécurité nationale. Mais il ne faut pas pour autant négliger les autres domaines d'innovation, plus classiques, tels que la science des matériaux, les sciences hydro- et aérodynamiques, la chimie, l'électronique ou encore la santé, qui restent tout aussi fondamentaux pour donner à la France les moyens de garantir sa souveraineté.

C'est pourquoi la puissance publique doit également mobiliser la recherche publique et les organismes de recherche duale.

Par exemple, le Ministère des Armées exerce ou participe à la tutelle de l'État sur quatre établissements de recherche : le CEA (Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives), le CNES (Centre national d'études spatiales), l'ONERA (Office national d'études et de recherches aérospatiales) et l'ISL (Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis). Ces établissements conduisent des recherches duales, tant fondamentales qu'appliquées.

Ces établissements sont le bras armé de l'État pour la définition d'objectifs, de priorités et de projets dans les champs scientifiques et technologiques ayant des implications majeures pour la défense : dans le domaine spatial et aéronautique avec le CNES et l'ONERA, dans les projectiles hypervéloces avec l'ISL, dans le calcul à haute performance avec le centre de calcul de la direction des applications militaires (DAM) du CEA, situé à Bruyères-le-Châtel et dédié à la simulation de la dissuasion nucléaire française.

Les spécificités de la recherche publique, notamment l'absence d'impératif de rentabilité, permettent une certaine liberté d'exploration sur le long terme, dans le respect des orientations fixées par la puissance publique et des programmes décidés par leurs organes de direction. Ceci offre un cadre favorable à l'innovation, qu'elle soit incrémentale ou de rupture. Il convient donc de continuer à soutenir l'écosystème de recherche publique français - qui, par ailleurs, ne vit pas en vase clos et a développé des politiques actives de connexion avec le monde des start-up.

La BITD participe aussi à la démarche de dualité. On distingue deux types d'entreprises : celles qui sont duales par nature et celles dont l'activité est exclusivement militaire.

Dans le premier cas, les activités civiles et militaires sont souvent complémentaires et la dualité s'inscrit dans une sorte d'équilibre naturel. Par exemple, les entreprises du secteur aéronautique investissent massivement dans l'innovation civile depuis quelques années pour répondre aux besoins de décarbonation de l'aviation. Cela s'inscrit dans une démarche de sobriété et d'optimisation des ressources dont peuvent tirer profit les forces aériennes : un avion qui consomme moins de carburant peut accomplir des missions de plus longue durée et sur de plus longues distances ; une force aérienne capable de déployer des unités plus sobres peut mieux couvrir l'espace aérien.

Au contraire, des entreprises comme Nexter, NavalGroup ou MBDA ont une activité entièrement orientée vers la défense. Elles financent leur R&D interne via les dispositifs de la DGA ou de l'AID mais aussi grâce aux recettes tirées de leurs activités d'exportation. Pour détecter, capter et adapter les innovations du secteur civil, ces entreprises n'ont d'autre choix que de nouer des partenariats avec l'écosystème civil de R&D : PME, universités, laboratoires de recherche, etc.

Quels que soient leur profil et leur secteur d'activité, les industriels de la BITD inscrivent presque systématiquement leur R&T et leur R&D dans une démarche de dualité plus ou moins développée. Le lien entre les écosystèmes de recherche et d'innovation civils et militaires est donc bien réel grâce aux efforts des acteurs concernés, sachant que le principal moteur est la contrainte financière.

De manière générale, le modèle français et son évolution récente - sur les plans budgétaire et organisationnel, mais aussi en matière de soutien ouvert à la dualité - est souvent décrit comme s'inspirant du modèle américain.

Le modèle d'innovation militaire américain repose principalement sur la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency), agence spécialisée chargée de la R&D au sein du Département américain de la défense (DoD). Son budget propre ne s'élève qu'à 3 milliards de dollars, mais il ne s'agit que d'un budget de fonctionnement d'administration. En effet, la DARPA ne développe aucun projet de R&D en interne mais contractualise tous ses projets d'intérêt avec différents partenaires externes (publics, privés, laboratoires, industriels) en mobilisant les financements conséquents du DoD. La DARPA bénéficie d'une forte autonomie et fait preuve d'un réel « appétit pour le risque » qui lui ont permis d'être à l'origine de nombreuses technologies de rupture aux répercussions mondiales, telles que l'ARPANET (ancêtre de l'internet) ou le GPS.

Depuis quelques années, les pays européens ont entamé une réflexion autour de leur modèle d'innovation défense.

La France s'inspire du modèle américain sur quelques aspects précis : ouverture vers les acteurs privés ou civils, hausse des financements, création d'un fond d'investissement ; elle a cependant décidé de placer son agence d'innovation sous l'ombrelle de la DGA.

Le projet de loi LPM 2024-2030 prévoit que seront mises en place des « coopérations au service de l'autonomie stratégique européenne » en citant « l'Italie, l'Espagne, [...] l'Allemagne et le Royaume-Uni [comme] partenaires privilégiés ». De par leurs spécificités, les modèles d'innovation défense de ces pays présentent des avantages et des inconvénients qu'il est utile de connaitre.

En Allemagne, la R&D à destination militaire ne présente presque aucune dimension duale pour des raisons historiques, ce qui contraint un écosystème qui dispose pourtant d'un fort potentiel.

En Espagne et en Italie, des actions nationales en faveur de l'innovation de défense commencent doucement à se mettre en place, en complément des projets déjà initiés via le Fonds européen de défense et les partenaires européens.

Enfin, dans le cadre de cette étude, nous nous sommes déplacés au Royaume Uni pour explorer de plus près son modèle d'innovation défense. Nous avons pu rencontrer différents acteurs de cet écosystème : le Ministère de la défense, la recherche académique à Cambridge, et deux industriels, Marshall Group et Babcock. En définitive, il nous semble que le modèle britannique réunit peu ou prou les mêmes acteurs que l'écosystème français, même si son organisation n'est pas totalement transposable : Ministère de la défense, entité spécifique chargée des projets R&D, BITD avec une forte activité duale et d'exportation, recherche publique. Ces similitudes en font a priori un partenaire à privilégier pour des coopérations d'innovation défense dans le cadre de la LPM.

Au vu de tous ces éléments, nous formulons les recommandations suivantes :

- mieux assumer la prise de risque inhérente à toute innovation de rupture, notamment en améliorant les instruments et les processus qui permettent d'accompagner le « passage à l'échelle » des projets ;

- ouvrir la possibilité de faire évoluer le positionnement de l'Agence de l'innovation de défense, sur la base d'une analyse de ses réalisations à l'occasion d'un bilan à mi-parcours de la prochaine LPM ;

- accompagner la dynamique contemporaine de la dualité civil-militaire en approfondissant la logique de détection-captation-adaptation de l'innovation civile, tout en veillant à ne pas enfermer la défense dans une dépendance au civil, notamment par la mobilisation de la recherche académique et des organismes publics impliqués dans la recherche duale ;

- tirer parti de la proximité entre les modèles d'innovation défense français et britannique pour faire du Royaume Uni un partenaire privilégié de l'innovation défense ;

- à moyen terme, resserrer le nombre d'axes d'innovation prioritaires. Cela pourra passer par une actualisation de la LPM à mi-parcours.

M. Pierre Henriet, député, président de l'Office. - Je vous remercie pour cette présentation et je salue l'étendue du travail que vous avez fourni pour présenter ce rapport, notamment pour ce qui concerne les comparaisons avec les États-Unis et nos partenaires européens.

Vous signalez l'ouverture plus importante des acteurs militaires vers les activités civiles. Nous avons tout à gagner à une coopération plus étroite entre le civil et le militaire, mais le cadre de la souveraineté doit rester maîtrisé. Vos interlocuteurs vous ont-ils fait part d'alertes quant aux risques que soient divulguées de façon intempestive des avancées techniques ? Quels enjeux de souveraineté s'attachent à cette récente ouverture vers le civil ?

Mme Huguette Tiegna, députée, rapporteure. - Ce sujet a été abordé lors des auditions. Les financements de l'État étant trop faibles, les budgets de R&D doivent être abondés, voire sécurisés par les recettes tirées de l'exportation et des activités civiles. Donc l'ouverture vers les marchés civils est essentielle à l'équilibre financier des firmes industrielles.

Celles-ci peuvent également tirer profit de recettes tirées de leur propriété intellectuelle, comme les redevances de brevets, mais il n'est parfois pas possible de déposer de brevet si les fondamentaux techniques sont très sensibles, très stratégiques, et nécessitent une confidentialité élevée.

Globalement, les acteurs industriels de la défense parviennent à concilier toutes ces exigences.

En matière de souveraineté, les liens étroits entre le secteur industriel de la défense et la DGA permettent de sécuriser certaines technologies. Pour ce qui est des collaborations avec des partenaires étrangers, des dispositions sont prises pour assurer la protection de la propriété intellectuelle.

M. Ludovic Haye, sénateur, rapporteur. - L'articulation est néanmoins complexe. L'audition de l'AID a montré que deux questions sont en toile de fond : comment peut-on repérer une « pépite » civile ? Comment les militaires peuvent-ils communiquer sur leurs besoins ? L'AID est au coeur de cette articulation et elle est une interface entre les deux mondes civil et militaire. Ses missions incluent le repérage des innovations civiles, d'où un lien étroit avec le marché français de l'innovation.

Il faut prendre conscience que le développement d'un produit n'est pas toujours effectué pour répondre spécifiquement à un besoin de la défense. Mais le dynamisme des entreprises technologiques nationales fait que, grâce au repérage fait par l'AID, la France a une bonne carte à jouer.

La principale difficulté pour les garanties de souveraineté est l'achat des start-up par des acteurs économiques plus importants. Notre mission au Royaume-Uni nous a montré que l'attractivité générale du pays est un paramètre à prendre en compte pour éviter les départs et faciliter les retours.

M. Philippe Bolo, député. - Je remercie nos collègues pour ce travail très intéressant. Il montre à nouveau que l'Office est utile au Parlement. C'est le cas ici, bien sûr, dans la perspective de l'examen du projet de loi de programmation militaire, mais c'est aussi le cas dans de nombreux autres domaines, comme la bioéthique ou, plus près de nous, sur le sujet de l'éventuelle fusion entre l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

Le degré de maturité d'une technologie est généralement évalué sur l'échelle dite « TRL ». L'innovation civile et l'innovation militaire progressent-elles à la même vitesse sur cette échelle TRL ? Si c'est le cas, ce phénomène peut-il freiner ou contrarier leur capacité à se nourrir l'une l'autre ?

Mme Huguette Tiegna, députée, rapporteure. - C'est très variable selon les situations. Pour des innovations purement militaires, la vitesse de maturation de la technologie est surtout liée à la disponibilité du financement, car le substrat scientifique existe et il est performant. Ceci étant, les innovations civiles peuvent être très rapides - c'est notamment le cas pour les technologies numériques. L'enjeu pour les autorités de défense est alors surtout de ne pas laisser passer une opportunité, d'où l'importance de l'effort qu'il faut consacrer à la détection.

M. Ludovic Haye, sénateur, rapporteur. - Le président de la République a dit récemment qu'avec la prochaine LPM, on passera d'une logique de « réparation » à une logique de « rénovation et de transformation ». Une telle approche acte le fait que les phénomènes de maturation technique sont souvent plus rapides dans le civil que dans le militaire. Les armées ont besoin de matériel performant, mais la performance est ici une notion globale qui suppose que le matériel ait fait ses preuves. L'innovation intègre donc souvent le champ militaire vers la fin du processus de maturation technique.

Dans ces conditions, l'enjeu consiste à savoir quel domaine il faut privilégier, ce qui implique de travailler sur les différenciations dans les degrés de maturité.

M. Philippe Bolo, député. - Dans ce processus d'intégration de l'innovation civile par les armées, les recherches se font-elles en parallèle ou en série ? En matière de drones, l'armée semble avoir pris le produit final issu de l'innovation civile pour l'intégrer dans une boucle propre d'innovation militaire.

Mme Huguette Tiegna, députée, rapporteure. - Les deux situations sont observées. Par exemple, dans le domaine aéronautique, l'entreprise Ratier-Figeac, que nous avons visitée, a une activité duale : de nombreux développements visent le marché civil, mais un contrat avec la DGA conduit à prendre en compte des spécifications « défense » dans le développement de certains produits finaux. De même, la technologie des drones est maintenant mature dans le domaine civil, mais les armées expriment des besoins spécifiques qui appellent des développements spécifiques.

M. Ludovic Haye, sénateur, rapporteur. - Comme je l'ai dit précédemment, le secteur militaire arrive souvent en fin de processus pour ce qui est de la maturation des technologies, donc la logique est généralement celle d'une adaptation au cahier des charges de la défense. Pour accélérer, il faut chercher à intégrer le militaire plus tôt dans le processus de développement ; c'est justement le rôle de l'AID.

Il y a beaucoup de lourdeurs dans l'organisation, donc le fonctionnement de la recherche. Il s'y ajoute une forte concurrence entre les laboratoires : certains publient beaucoup et ont de la visibilité, d'autres concentrent leur énergie sur la réalisation des travaux de recherche, mais font moins de publications et ont donc moins d'accès aux financements.

M. Pierre Henriet, député, président de l'Office. - Nous prenons bonne note du message que vous passez sur la nécessité d'une plus grande ouverture entre civil et militaire.

Je remarque par ailleurs que certains établissements publics de recherche fortement impliqués dans les activités de défense - je pense à l'ONERA et à l'ISL - font preuve d'une grande discrétion. On les connaît fort peu. Il serait intéressant de savoir si leurs activités de recherche ont été évaluées par le Hcéres.

Mme Huguette Tiegna, députée, rapporteure. - Pas à notre connaissance.

M. Pierre Henriet, député, président de l'Office. - Il faut donc y voir une combinaison peu courante entre un haut niveau de recherche et une faible valorisation publique.

M. Ludovic Haye, sénateur, rapporteur. - J'approuve ce qu'a dit Philippe Bolo quant à l'utilité de l'Office pour le Parlement. Il faut en profiter pour dire que de nombreux éléments du débat qui nous occupe sont positifs, comme la qualité de la recherche et le dynamisme de l'innovation de défense. Les ingrédients du succès sont là, il suffit de mieux s'organiser pour bien les exploiter. Le message global vers nos collègues parlementaires doit être positif.

Mme Huguette Tiegna, députée, rapporteure. - Je tiens à souligner que toutes les entreprises, petites, moyennes ou grandes, qui travaillent dans nos territoires à l'innovation de défense contribuent à renforcer le lien armée-nation. C'est extrêmement important pour assurer un recrutement pérenne et de qualité, tant pour les industriels que pour les armées. Il est très heureux que, dans la politique de réindustrialisation voulue par le Gouvernement, la partie relevant de la défense tienne une place si éminente.

M. Pierre Henriet, député, président de l'Office. - Vos propos et le travail que vous venez de présenter confirment que l'Office assume avec efficacité sa mission d'information du Parlement. Je m'en réjouis et je vous remercie pour la qualité du débat que vous nous avez proposé aujourd'hui.

L'Office adopte le rapport sur « Les lois de programmation militaire et l'innovation » et en autorise la publication.

La réunion est close à 14 h 30.

Jeudi 11 mai 2023

- Présidence de M. Pierre Henriet, député, président -

La réunion est ouverte à 9 h 45.

Audition publique sur les enjeux scientifiques du traité international visant à mettre un terme à la pollution plastique

M. Pierre Henriet, député, président de l'Office. - Bonjour à tous, bienvenue pour cette audition publique qui permettra à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) de retrouver un sujet qu'il connaît bien, celui de la pollution plastique, et dont il abordera aujourd'hui une dimension spécifique. En décembre 2020, nos collègues Philippe Bolo et Angèle Préville ont présenté devant l'Office un rapport qui a fait date, nourri par de très nombreuses auditions et un travail extrêmement approfondi.

Angèle Préville et Philippe Bolo sont en quelque sorte devenus les spécialistes parlementaires de la pollution plastique. Ils sont désormais très souvent sollicités pour présenter les analyses de l'Office, que ce soit dans les médias, dans les enceintes scientifiques ou ailleurs. Ils ont d'ailleurs été invités à participer en début de semaine prochaine à un séminaire franco-américain sur la recherche scientifique dans ce domaine, comme ils l'avaient été déjà l'an dernier.

C'est là une marque de reconnaissance quant au sérieux de nos travaux. Nous ne pouvons donc que nous en réjouir et je remercie chacun de vous deux pour votre implication au sein de l'Office.

En décembre 2020, le rapport de l'Office préconisait la négociation d'un traité mondial en vue de réduire la pollution plastique. En mars 2022, l'Assemblée des Nations Unies pour l'environnement (UNEA) réunie dans le cadre du Programme des Nations Unies pour l'environnement a adopté une résolution prévoyant que serait élaboré un instrument international juridiquement contraignant pour mettre fin à la pollution plastique. Cinq réunions du comité intergouvernemental de négociation sont programmées d'ici fin 2024 et la France accueille la deuxième session à la fin du mois.

C'est la raison pour laquelle l'Office a décidé d'organiser une audition publique sur les enjeux scientifiques liés à ce projet de traité international. Une première table-ronde traitera des raisons scientifiques qui poussent à l'élaboration de ce traité. La seconde table ronde s'intéressera aux enjeux scientifiques des propositions en discussion.

Première table ronde : Les justifications scientifiques d'un traité visant à mettre un terme à la pollution plastique

Mme Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l'Office. - Notre premier intervenant est M. Andrés Del Castillo, avocat senior au Centre pour le droit international de l'environnement (CIEL). Il évoquera la pollution plastique sous l'angle du dépassement des limites planétaires.

Je rappelle qu'en 2009 paraissait une étude scientifique qui identifiait neuf limites planétaires à ne pas dépasser pour que l'humanité continue à vivre dans un écosystème sûr : la pollution atmosphérique, la perturbation du cycle de l'eau douce, l'appauvrissement de la couche d'ozone, l'acidification des océans, le réchauffement climatique, le changement de l'affectation des sols, les flux biochimiques, l'érosion de la biodiversité et la pollution par des substances nouvelles. Parmi les six limites planétaires dépassées depuis 2022 figure la pollution par les substances nouvelles, notamment en raison de l'explosion de la production des plastiques.

M. Andrés Del Castillo, avocat senior, Centre pour le droit international de l'environnement (CIEL). - Je vous suis reconnaissant de m'avoir convié à cette séance à la fois pertinente et nécessaire, qui sonne comme un véritable prélude à la réunion que Paris accueillera dans deux à trois semaines, où plus de 2300 experts de 163 pays se réuniront pour discuter d'un prochain instrument juridiquement contraignant.

Le terme de « pollution plastique » a évolué dans le temps. À l'origine, il s'agissait d'une accumulation des débris plastiques dans l'environnement physique et le biota. Deux rapports phares présentés par l'OCDE en 2022 donnent une définition de la pollution plastique qui pourrait être celle choisie à Paris comme base de travail : « De manière générale, toutes les émissions et tous les risques résultant de la production, de l'utilisation, et de la gestion des déchets et des fuites de matière plastique. » Le terme « émission » peut être appréhendé à travers les rejets dans l'atmosphère, ainsi qu'à travers les rejets dans les écosystèmes aquatiques et les sols. Le terme « fuite » limite juridiquement la définition. Parler de « rejets » serait donc plus convenable.

La pollution plastique doit être mise en perspective des neuf processus biophysiques qui régulent la stabilité et la résilience du système terrestre : les limites planétaires. Nous passons de l'holocène à l'anthropocène, période où les activités humaines ont une forte répercussion sur les écosystèmes de la planète et la biosphère, et les transforment à tous les niveaux. En 2009, nous avions déjà transgressé trois limites planétaires. En 2022, les données montrent que nous avons désormais transgressé six limites planétaires. L'année dernière, la limite relative à la contamination par des produits chimiques (introduction de nouvelles entités dans la biosphère) a été transgressée.

Pourquoi l'avons-nous transgressée ? Comment résoudre cette problématique ? Est-il possible de revenir en arrière, vers l'holocène ? Il n'est pas possible de revenir en arrière selon les études, mais il est toutefois possible d'arrêter les dommages causés dans le futur.

Qu'entendons-nous par nouvelles entités ? Il s'agit de nouvelles substances, de nouvelles formes de substances existantes, de formes de vies modifiées, de nouveaux types de matériaux ou d'organismes manufacturés inconnus auparavant du système terrestre, ainsi que d'éléments naturels (par exemple les métaux lourds) mobilisés par les activités anthropiques.

Le modèle de la tête de la Méduse place huit limites planétaires de part et d'autre et positionne au centre les plastiques. Cette représentation montre comment l'interaction avec les plastiques exacerbe les autres limites planétaires. Je me concentrerai à cet égard sur la partie liée au changement climatique.

Le graphique présenté dans le sixième rapport d'évaluation du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) montre les changements de température mondiale. Un graphique de l'OCDE envisage un triplement de la production annuelle de plastiques. La production actuelle équivaut à 400 millions de tonnes par année. D'ici 2060, nous passerons à une production de 1,2 milliard de tonnes par an. Si nous n'arrivons pas à gérer la production actuelle, qu'en sera-t-il dans un monde plus chaud avec plus d'un milliard de tonnes de productions plastiques par an ? Il est donc nécessaire d'agir. C'est pourquoi les Nations Unies et l'ensemble des États ont construit l'année dernière un plan pour traiter la pollution plastique de manière holistique en se concentrant sur l'ensemble de son cycle de vie.

Le plastique a un effet sur le climat et menace la possibilité d'envisager un monde où le réchauffement ne dépasserait pas 1,5°C. Un de nos rapports récents montre que d'ici 2050, les émissions de gaz à effet de serre provenant du plastique pourraient atteindre plus de 56 gigatonnes, soit 10 à 13 % de l'ensemble du budget carbone restant. Certaines études indiquent qu'au lieu d'augmenter de 4 % par an la production de matières plastiques, nous devrions diminuer la demande de 3 % par an pour réduire de moitié la consommation annuelle du budget carbone imputable à l'industrie du plastique d'ici 2050.

Il est possible de parler de plastique à différentes échelles parmi lesquelles figurent : les matières premières utilisées dans les plastiques ; les précurseurs plastiques, c'est-à-dire les produits chimiques basiques utilisés pour la préparation des monomères, des polymères et des additifs nécessaires ; les résines ou les matières plastiques ; les produits plastiques ; les déchets plastiques.

Ainsi, il est nécessaire de distinguer les matières plastiques (upstream), les produits plastiques (midstream) et les déchets plastiques (downstream).

Par ailleurs, nous approchons de la fin de la négociation de la conférence des parties pour les conventions de Bâle, Rotterdam et Stockholm. Un rapport a été publié sur la dimension chimique du plastique et démontre que plus de 13 000 produits chimiques sont utilisés pour la production des plastiques. Nous disposons de données pour près de 7000 de ces produits, dont presque 3200 sont des substances préoccupantes selon les scientifiques.

Si nous prenons la Convention de Minamata, les protocoles de Montréal et la Convention de Stockholm, 128 produits seulement sont régulés parmi les 3200 produits chimiques préoccupants. Désormais, ces produits régulés seront au nombre de 130, car la semaine dernière la Convention de Stockholm a décidé de prendre en considération deux produits chimiques supplémentaires. Ces produits sont utilisés comme retardateur de flammes et comme filtre UV (il s'agit de l'UV 328).

Nous sommes dans une approche au cas par cas dans laquelle plusieurs années sont nécessaires pour évaluer et classer les différentes substances. Il sera important de regrouper les substances par grandes familles, comme cela se fait déjà au niveau de l'Union européenne pour les PFAS (plus de 10 000 substances) et les bisphénols (plus de 156 substances). En effet, plus de 350 000 produits chimiques sont produits, dont 200 000 sont des polymères. Nous avons besoin du droit et de la volonté politique pour rationaliser cela. Nous ne parlons pas d'éliminer le plastique, mais de contrôler une substance qui est hors de contrôle aujourd'hui. En outre, un rapport publié récemment met en avant les Dirty 10, soit les dix groupes de substances chimiques que le traité devra s'attacher à contrôler.

Par ailleurs, la science nous suggère de plafonner la production des plastiques vierges : il s'agit d'une des options, si ce n'est l'une des premières options documentées par l'UNEA. Elle sera mise sur la table lors des discussions à Paris. Une autre option est la simplification chimique : limiter le nombre de substances mises sur le marché dans une logique de no data no market : si les données sont absentes, les substances chimiques ne doivent pas pouvoir accéder au marché. Il faut également regrouper l'évaluation et le contrôle des produits chimiques utilisés dans les matières plastiques.

Mme Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l'Office. - Nous allons à présent écouter M. Hervé Corvellec, professeur à l'université de Lund en Suède.

La pollution plastique résulte de l'extraordinaire succès rencontré par le plastique dans tous les usages. Pour lutter efficacement contre cette pollution, nous ne pouvons pas nous contenter d'essayer d'améliorer la gestion de la fin de vie des plastiques, il nous faut réduire drastiquement sa production et par conséquent, notre consommation. Pour ce faire, il est indispensable de comprendre les ressorts économiques qui nous poussent à consommer toujours plus de plastique et à nous intéresser aux usages.

M. Hervé Corvellec, professeur à l'université de Lund. - Merci pour votre invitation.

Nous savons exactement où va le plastique : 40 % dans les emballages et 20 % dans la construction.

Il existe un paradoxe de la consommation plastique. Les plastiques sont omniprésents. Pourtant, ils sont rarement activement choisis par le consommateur. Le plastique est en effet un accompagnateur discret. Il suit. Par exemple, si vous achetez un concombre biologique, paradoxalement il sera emballé individuellement dans du plastique. De la même manière, si vous disposez d'une automobile, vous utiliserez énormément de plastique, par exemple avec les pare-chocs ou les protections latérales. Le plastique représente actuellement 30 % du poids des véhicules, contre 17 % en 2011. Cette augmentation de la présence du plastique est donc récente.

Il existe quelques exceptions. Il est par exemple possible de choisir des jouets en bois plutôt qu'en plastique, des fenêtres en aluminium plutôt qu'en PVC, ou des lavettes en tissu plutôt qu'en plastique. Je soupçonne néanmoins les lavettes en tissu d'être emballées dans du plastique, ce qui est un paradoxe de plus.

À part ces exceptions, le plastique « suit » l'acte de consommation. Je vais commenter cette photo qui montre un oeuf de Pâques. Les petits oeufs qu'il contient sont emballés dans un sac en plastique. Les oeufs de plus grande taille sont quant à eux emballés dans un autre sac en plastique. Ces sacs en plastique sont placés dans un sac en tissu, lequel comporte des matières en plastique. Ce même sac est situé dans un oeuf en plastique. Sur cet emballage est attachée une étiquette au moyen d'un petit fil, lui-même en plastique. La présence du plastique constitue donc un choix de designer, de producteur et de distributeur. En ce sens, pour reprendre les termes de Michel Serres, le plastique est un parasite. Il se nourrit de la présence des autres produits et permet à ces autres produits de fonctionner.

C'est pourquoi j'appellerai le plastique un passeur de qualités. Je me réfère à l'économie des qualités de Michel Callon, lequel explique que les produits représentent un certain nombre de qualités et que c'est pour cette raison qu'ils sont sur le marché. Ainsi, parmi les qualités du plastique figurent la protection barrière, la légèreté et la commodité. Le plastique permet de passer ces qualités à divers produits. Par exemple, le plastique permet de passer la qualité d'abondance. Sur cette photo qui représente les étagères d'un supermarché, chaque produit végétal est emballé dans du plastique pour produire une impression d'abondance, de commodité et d'individualisation des choix au sein des rayonnages. Le plastique permet également de passer la qualité de rapidité. La rapidité est essentielle à la modernité. Nous le savons depuis Paul Virilio, depuis l'omniprésence de la consommation et de l'hypermobilité des matériaux, des produits et des personnes. Le plastique permet en permanence de passer ces qualités. La mobilité et la sécurité constituent les qualités essentielles pour consommer en mouvement et se protéger. Nous nous protégeons avec un casque par exemple, mais pas de la même manière des risques plastiques.

Une qualité essentielle du plastique est sa « jetabilité ». Si nous pouvons arriver à vendre 1,3 milliard de bouteilles d'eau par jour, c'est parce que nous pouvons les jeter ensuite. Les produits plastiques sont produits, dessinés et destinés à devenir des déchets. En ce sens, le plastique participe largement à la normalité du déchet. Cette jetabilité fait partie de l'offre. En effet, quand nous achetons une bouteille d'eau en plastique, nous achetons également la mobilité, la possibilité de se déplacer et d'emmener l'eau avec soi. C'est paradoxal, car nous achetons l'eau et non pas le plastique, mais le plastique permet de consommer l'eau selon la stratégie et les politiques de gestion des entreprises. Cette politique de gestion des entreprises et de distribution de l'eau est basée sur le fait qu'il est considéré comme normal de jeter cette bouteille à la fin de son usage.

Dans cette normalisation du déchet, le recyclage joue un rôle clé. Le lobby européen Plastics Europe, par exemple, est un fervent partisan du recyclage du plastique. Il insiste notamment sur le potentiel et l'importance des développements du recyclage chimique pour surmonter l'un des grands problèmes du recyclage mécanique des plastiques que sont les additifs. Il considère que ce recyclage est un élément clé du passage à l'économie circulaire, elle-même faisant partie de la stratégie verte de l'Union européenne. C'est intéressant : comme au Moyen-Âge où des indulgences permettaient de s'affranchir de la responsabilité de ses péchés, le recyclage permet de ne pas se poser la question « comment faire autrement ? » et il maintient l'illusion qu'il est possible de contrôler le déchet, voire d'en faire une ressource. Cette pensée participe à la limitation de la responsabilité des producteurs, des distributeurs et des consommateurs en matière de production du déchet. Ainsi, le recyclage joue un rôle important de légitimation du déchet et ce, alors même qu'il existe un problème fondamental dans le recyclage du plastique et de manière générale dans son traitement comme déchet : toutes les qualités qui rendent le plastique intéressant pour sa production s'inversent pour son recyclage et le traitement des déchets. En effet, la collecte du plastique est peu rentable, car les coûts de la collecte sont déterminés par les kilomètres parcourus et le temps passé, tandis que les revenus de la collecte sont déterminés par le poids et le prix au kilo des déchets. Lorsque les plastiques sont volumineux, légers et peu coûteux, il devient difficile pour les entreprises de collecte de déchets de financer leur activité en revendant leurs produits. Il s'agit d'un problème fondamental.

Le plastique étant très malléable, il est possible de le retrouver partout, par exemple enrobant du métal ou du verre, ce qui ne permettra pas forcément de le recycler ou de le retraiter. La résistance du plastique à l'eau, aux acides et aux ultraviolets, entraîne une durabilité qui le rend difficile à traiter. C'est pourquoi il se retrouve dans la nature pendant très longtemps.

Les déchets nous renvoient avec une violence lente à notre confiance dans le plastique qui participe à notre bien-être. Cette confiance permanente est accordée du fait de sa jetabilité. Mais cette confiance s'effrite quand le plastique devient déchet.

À cet égard, la cigarette électronique à usage unique constitue une urgence. La cigarette, en plus d'être un défi de santé publique, en particulier chez les jeunes, génère un déchet plastique-métal-électronique, difficile à gérer. Il s'agit d'un excellent exemple de la question de la légitimité de mise sur le marché d'un produit qui génère un déchet systématique. Comment pouvons-nous accorder une autorisation de mise sur le marché à un tel produit ? Accepter cette mise sur le marché revient à accepter que le traitement du déchet soit toujours à la traîne par rapport à la mise sur le marché du produit.

Le déchet plastique, comme le dit Amanda Boetzkes dans son livre Plastic Capitalism, constitue une condition de possibilité du système économique contemporain, que ce soit pour la mobilité, la gestion du risque ou la globalisation. Il n'existe aucun aspect du système économique contemporain qui ne soit dépendant d'un usage intensif du plastique. Cela explique pourquoi l'usage intensif du plastique est omniprésent. La présence du déchet plastique est consubstantielle au développement d'activités économiques en général. Le déchet plastique nous renvoie en permanence aux non-pensées de la production, de la distribution et de la consommation pour les étapes situées après le premier usage. Subsiste l'idée que la personne suivante s'occupera du déchet. Le déchet doit être quelque part traité, neutralisé et contrôlé. Mais ce n'est pas le cas. C'est notamment le défi de l'anthropocène et le défi de la pollution plastique dans les mers, les montagnes ou dans l'air. Nous savons que nous ne pourrons pas continuer à gérer le plastique si une telle production est maintenue. Cette non-pensée pour le déchet nous renvoie à notre appétence pour la rapidité, la praticité, la légèreté et la couleur, à une notion du sans-souci. Le déchet plastique est intimement lié à nos préférences, à nos pratiques et à la production. Si nous voulons traiter le déchet plastique, il sera nécessaire de détricoter le maillage serré que l'industrie du plastique a fait de nos sociétés.

Mme Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l'Office. - Notre troisième intervenant est M. Jeroen Sönke, directeur de recherche au CNRS. Les microplastiques ont envahi tous les compartiments environnementaux. Nous les retrouvons dans les océans, les fleuves, les sols, mais également dans les airs, au sommet des montagnes, sur les glaces et dans les fosses marines les plus profondes. Comment modéliser ces flux de plastiques pour en dresser un bilan global à l'échelle planétaire ? C'est à cette tâche que s'est attelée votre équipe pour établir le premier modèle complet du cycle de vie des plastiques et des microplastiques.

M. Jeroen Sönke, directeur de recherche au CNRS, spécialisé en géochimie de l'environnement. - À Rio Las Vacas, au Guatemala, lors de pluies intenses, les crues mobilisent une quantité phénoménale de déchets plastiques depuis un bassin versant urbanisé qui vont ensuite dans la mer. Des dispositifs de captage de ces plastiques sont en cours de développement. Les quantités de déchets plastiques en jeu dans les pays du sud sont incroyables.

Depuis les années 1950, la production plastique connaît une croissance continue, avec aujourd'hui 450 millions de tonnes produites chaque année. Une tonne représente le poids d'une voiture. Ainsi, l'équivalent du poids de 450 millions de voitures est produit en plastique chaque année.

Par ailleurs, 12 % du pétrole est converti chaque année en polymères, majoritairement pour des emballages à usage unique. Depuis les années 1950, au total, 8 300 millions de tonnes de plastiques ont été produites. Cela suffirait à tapisser la France entière avec une couche de 50 centimètres de polymères.

Parmi ces 8 300 millions de tonnes de plastiques produits, 30 % sont toujours en utilisation (pare-chocs, coques de téléphone, ordinateurs, etc.). Deux tiers étaient à usage unique, dont la moitié se trouve en décharge, parfois à ciel ouvert, parfois gérée de manière correcte. L'autre moitié est rejetée directement dans l'environnement. 10 % des plastiques sont incinérés et génèrent du CO2 et environ 8 % des plastiques sont recyclés. Mais après le recyclage, le plastique peut rejoindre l'incinérateur, la décharge ou être rejeté dans l'environnement.

Dans le cycle des plastiques à l'échelle de la planète, on distingue les macroplastiques, dont la taille est supérieure à 5 millimètres, et les microplastiques, dont la taille est comprise entre 1 micromètre et 5 millimètres. Certains microplastiques primaires sont produits pour être utilisés tels quels dans les produits cosmétiques ou la peinture par exemple.

Les plastiques en utilisation peuvent être rejetés vers les décharges, les milieux urbains, industriels et les sols agricoles. Les fleuves transportent lentement les microplastiques et les plastiques et les dispersent vers le milieu marin. D'abord, ils dérivent vers la surface de l'océan. Ensuite, ils se sédimenteront, pénétreront dans les océans profonds et se retrouveront dans les sédiments côtiers ou seront déposés sur les plages.

Il existe également un cycle atmosphérique. Par exemple, les microparticules résultant de l'abrasion des pneus et les émissions de l'océan vers l'atmosphère se redéposeront plus loin sur l'océan, les sols naturels, les glaciers et autres milieux terrestres.

L'enjeu ces dernières années a été de quantifier les stocks et les flux de ce cycle de vie des plastiques. Pour ce faire, nous avions besoin d'observations avec nos équipes. À l'observatoire Midi-Pyrénées, nous avons travaillé sur l'atmosphère. Nous avons regardé la neige au-dessus des Pyrénées, l'air en haute altitude sur le pic du Midi ou encore la brume marine.

D'autres collègues ont exploré l'océan profond. Il s'agissait jusque-là d'un domaine d'études assez peu connu. Jusqu'à 10 000 mètres de profondeur, dans la fosse des Mariannes, il est possible de trouver du plastique. Des centaines d'études permettent aujourd'hui d'affiner et de comprendre la dispersion des plastiques et microplastiques. Depuis 10 ans, nous connaissons la quantité de plastiques qui flotte à la surface des océans : 0,3 million de tonnes. Ce nombre paraît faible au regard des 82 millions de tonnes de plastiques qui ont gagné les océans profonds, soit 300 fois plus qu'à la surface. Dans l'océan côtier, plus de 100 millions de tonnes de plastique ont déjà été déposées.

On découvre également que les émissions marines et terrestres ont alimenté les sols naturels en plastiques, à hauteur de 28 millions de tonnes, lesquels ont rejoint, avec la pluie, les océans, dans une sorte de boucle infernale de microplastiques. Le bilan montre que 97 % des plastiques produits se retrouvent toujours en milieu terrestre, dans les décharges ou dans la nature, en utilisation, et seulement 3 % des plastiques et microplastiques ont été dispersés vers le milieu marin ou les sols naturels.

Nous avons ensuite traduit ce premier bilan en modèle numérique mathématique pour estimer les échelles de temps impliquées dans la dispersion et la fragmentation des microplastiques dans cet écosystème. On est obligé d'effectuer des simplifications dans ce modèle. Ainsi, nous avons supposé un taux de fragmentation de 3 % par an. Nous avons simulé un scénario d'arrêt de production en 2040. Les déchets plastiques terrestres décroissent à cause de la fragmentation en microplastiques. Un siècle après, les déchets microplastiques se dispersent vers l'océan, l'atmosphère et les sols naturels. En parallèle, au cours des prochains siècles, les microplastiques augmenteront dans les milieux marins, l'océan profond et dans les sols naturels. Cette simulation doit être prolongée jusqu'à 20 000 ans pour que les microplastiques se déposent dans les sédiments marins et se stabilisent hors des écosystèmes de surface. Cette échelle de temps, à cause de cette fragmentation lente, est très longue. Le risque est que pendant des millénaires nous devions faire face à des plastiques déjà produits aujourd'hui.

Ainsi, 12 % du pétrole est converti chaque année en polymères, une quantité très importante qui risque de s'accroitre encore. 3 % des plastiques ont été mobilisés des milieux terrestres vers les milieux marins et les sols naturels. La majorité des plastiques se trouvent toujours en milieu terrestre. À cause de cette fragmentation lente, leur impact peut être aggravé pendant des millénaires. Afin de limiter cette dispersion et cette fragmentation, il est absolument nécessaire de limiter la production. Revenir à un niveau zéro est probablement irréaliste, mais il faut améliorer la gestion des déchets dans les pays du sud et chez nous, et probablement assainir les déchets déjà présents en milieu terrestre afin de limiter la dispersion.

Mme Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l'Office. - Notre quatrième intervenant est Xavier Cousin, chercheur à l'INRAE, affecté à l'unité mixte de recherche MARBEC - acronyme de MARine Biodiversity, Exploitation and Conservation. Les images chocs de mammifères marins étranglés par un engin de pêche ont révélé au grand public l'impact de la pollution plastique sur la faune marine. Pour autant, ces images ne sont que la partie visible de l'iceberg de la pollution plastique qui touche toute la chaîne trophique.

M. Xavier Cousin, chercheur à l'INRAE, UMR MARBEC (MARine Biodiversity, Exploitation and Conservation). - Les images d'animaux marins prisonniers ou asphyxiés par les déchets plastiques ont fait le tour du monde et ont offert une grande visibilité à la problématique des déchets plastiques en milieu marin. Cette problématique est une réalité, car lors des campagnes réalisées sur les côtes des Pays-Bas, pour certaines espèces de phoques, on a identifié 20 % des individus avec des fragments plastiques de grande taille. Ces chiffres peuvent aller jusqu'à 60 % pour des animaux juvéniles.

Les gros objets ne sont qu'une partie du problème, puisqu'ils se fragmentent en microplastiques, auxquels s'ajoutent les microplastiques primaires. Il faut bien parler des microplastiques, car il existe une grande diversité de taille (entre 1 micromètre et 5 millimètres), une grande variabilité de formes et de compositions (polymères ou additifs). Mais tous ces plastiques ont comme point commun la capacité d'être ingérés par tous les organismes de la chaîne trophique. Ceci a été démontré chez tous les organismes étudiés. Il existe une relation entre la taille des organismes et la taille des microplastiques qu'ils peuvent ingérer. On observe des microplastiques de quelques micromètres ingérés par des organismes de quelques centaines de micromètres (artémia ou larves de mollusques) ou de quelques millimètres (larves de poissons).

Dans le tube digestif des poissons, les microplastiques ingérés sont évacués et ne s'accumulent pas. La translocation, c'est-à-dire le passage dans les tissus, n'existe que pour les petits microplastiques ou les nanoplastiques. Cependant, la source est permanente et infinie. En effet, les organismes sont soumis à un flux continu de plastiques qui les traverse en permanence.

Deux expériences sont rapportées ici sur le zooplancton. Dans les expériences réalisées avec des expositions aiguës, qui correspondent à des tests réglementaires, nous n'avons mis en évidence aucune toxicité pour ces organismes, y compris pour des concentrations sans commune mesure avec celles observées dans l'environnement. En revanche, lorsque sont testées des expositions de plus longue durée, on observe des altérations physiologiques : une diminution du taux d'ingestion de nourriture par les copépodes exposés aux microplastiques et une diminution de la taille des oeufs au bout du septième jour. Ainsi, ces exemples montrent que pour le zooplancton, la toxicité est absente pour des expositions de courte durée, mais apparaît progressivement pour des expositions plus longues.

Pour les mollusques, en l'occurrence des huîtres, deux expériences sont ici représentées pour montrer les effets à l'échelle individuelle, c'est-à-dire au niveau du fonctionnement des organismes. L'exposition à des composants chimiques présents dans les pneus met en évidence une altération physiologique, de la capacité de filtration, du taux de respiration et de la variable du potentiel de croissance. Les deux autres graphiques concernent des huîtres perlières exposées à des particules résultant du broyage de matériaux plastiques utilisés en ostréiculture, environnement non naturel, mais habituel. Cette exposition conduit à l'apparition de malformations au niveau de la coquille et à une diminution de la qualité des perles. Ces exemples montrent que la toxicité peut être liée soit à l'ingestion des microplastiques, soit aux substances chimiques qu'ils contiennent.

Le deuxième exemple sur les huîtres a pour but de montrer les effets à l'échelle populationnelle. Différentes variables liées à la reproduction sont mises en évidence. Les substances d'exposition sont encore une fois le lixiviat, avec cette fois-ci des matériaux caoutchoutés (pneus), des extraits de granulés pour les terrains de sport et des élastiques en caoutchouc utilisés en ostréiculture. Sont représentés les lixiviats obtenus à partir du matériau neuf ou du matériau vieilli. Systématiquement, que ce soit pour les pneus, le terrain de sport ou les élastiques, on observe que l'exposition au lixiviat du matériau neuf entraîne une toxicité plus élevée que celle des matériaux vieillis. Ainsi la toxicité dépend de l'âge des matériaux.

Des gamètes d'huîtres ont été exposés à des particules de taille différente : 500 nanomètres ou 50 nanomètres. La diminution du taux de fécondation n'est observée que pour les particules d'une taille de 50 nanomètres. Ainsi la toxicité dépend de la taille des particules, avec une tendance selon laquelle les particules plus petites sont plus toxiques que les particules de plus grande taille.

Avec des collègues de l'université de Bordeaux, nous avons exposé deux espèces de poisson, d'eau douce et marine, à quatre plastiques : deux polymères industriels (PE et PVC) et des plastiques collectés sur des plages de Guadeloupe. Les plastiques industriels ont été enrobés avec des substances chimiques. Nous avons exposé les poissons pendant plusieurs mois, en commençant par le premier stade de développement. Au bout de quatre mois et demi d'exposition, nous avons mis en évidence une diminution significative, de l'ordre de 15 à 20 %, de la croissance. L'effet apparaît donc au bout d'une exposition chronique. Les mêmes effets sont observés pour les deux espèces. Il n'y a donc pas de dépendance à l'espèce ou au milieu. Manifestement, les effets observés résultent d'un effet générique indépendant du polymère ou de l'origine.

Nous nous sommes également intéressés aux effets de l'exposition sur la reproduction. Nous avons mis en évidence une diminution du nombre de pontes. Sont observées cette fois-ci des différences selon les polymères. Pour le polyéthylène, les effets ne sont observés que lorsqu'il est absorbé avec une substance chimique. Pour le PVC, un des plastiques qui contient le plus d'additifs, les effets sont observés avec ou sans la présence de substances chimiques absorbées. Pour les plastiques collectés sur les plages, les effets n'ont été observés qu'avec un seul plastique. Ainsi les mécanismes en jeu sont différents de ceux de la réduction de la croissance.

Le puffin est un oiseau marin qui se nourrit de poissons. À cette occasion, il ingère des macroplastiques et microplastiques. Des collègues australiens ont analysé le contenu de l'estomac et du gésier en microplastiques chez de jeunes oiseaux âgés de 80 à 90 jours (moment où ils sortent du nid). Les oiseaux n'ont donc été nourris jusque-là que par leurs parents. Leur alimentation reflète ce que les parents ont mangé dans leur environnement proche. Les collègues australiens ont établi une corrélation entre la masse de plastiques présente dans ces oiseaux et la présence d'une fibrose au niveau de l'estomac, ainsi qu'une corrélation entre la présence de plastiques et la sévérité de la fibrose. Ils ont également mis en évidence une corrélation négative entre la quantité de plastiques identifiée dans ces oiseaux et la masse corporelle au moment de l'analyse.

Pour conclure, l'exposition chronique à des microplastiques conduit à des effets à long terme. Ces perturbations touchent notamment la croissance et la reproduction. Tous les niveaux de la chaîne trophique sont impactés. Des différences en termes de toxicité sont à relever, puisqu'elle dépend de la durée d'exposition. En effet, une exposition longue entraîne des effets plus importants ou des effets, par rapport à une exposition courte. La toxicité dépend également de la nature des plastiques, de l'âge des matériaux et de leur taille. Les mécanismes restent néanmoins peu connus, puisqu'il existe des effets physiques comme dans le cas de la fibrose (pas nécessairement visible chez toutes les espèces), ainsi que des effets chimiques qui peuvent dépendre à la fois des polymères et des additifs. Une des hypothèses est qu'une partie des effets observés résulte d'une perturbation de l'équilibre énergétique qui pourrait impliquer une participation du microbiote.

Mme Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l'Office. - Notre dernière intervenante est Mme Muriel Mercier-Bonin, directrice de recherche à l'INRAE dans l'unité mixte de recherche Toxalim, centre de recherche en toxicologie alimentaire.

La pollution plastique affecte les écosystèmes et a également un impact négatif sur la santé humaine. Mme Mercier-Bonin nous expliquera comment l'écosystème digestif humain est exposé aux microplastiques, et potentiellement aux nanoplastiques, et quels sont leurs impacts potentiels.

Mme Muriel Mercier-Bonin, directrice de recherche à l'INRAE, UMR Toxalim, centre de recherche en toxicologie alimentaire. - Je vous présenterai un exemple de recherche interdisciplinaire que nous menons à Toxalim sur l'impact des microplastiques, voire des nanoplastiques dans l'environnement digestif humain. Parmi les trois sources potentielles d'exposition chez l'homme figurent l'ingestion, l'inhalation et le contact par la peau. Mon exposé sera centré sur l'ingestion.

Un microplastique a une taille comprise entre 1 micromètre et 5 millimètres, même si les travaux ne sont pas nécessairement consensuels par rapport à la notion de taille, en ce qui concerne les nanoparticules. Les nanoplastiques sont définis de manière récente comme une particule qui a une taille inférieure à un micromètre. Un nanoplastique ne correspond ni à un microplastique ni à une nanoparticule au sens des nanomatériaux comme le dioxyde de titane. Cependant, un microplastique est également lié au type de polymère qui compose les particules plastiques, ainsi qu'aux notions d'additif, de morphologie et de vecteur. En effet, un micro ou nanoplastique pourra durant son cycle de vie absorber certains composés chimiques ou toxines (polluants environnementaux ou métaux lourds).

La santé humaine constitue selon moi une thématique très émergente, mais très active au niveau français et européen, voire international. Une enquête réalisée par l'Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) en 2019 avait pour but d'étudier la façon dont les citoyens européens percevaient la sécurité sanitaire des aliments. Un eurobaromètre portait sur une quinzaine de sujets d'étude : additifs, contaminants alimentaires, pesticides, nanomatériaux, etc. Un panel de citoyens avait été interrogé sur sa perception de la présence des microplastiques dans l'alimentation. Les réactions dépendaient des pays. Les citoyens d'Europe du Nord étaient très conscients des enjeux liés à la présence des microplastiques dans l'aliment, contrairement à ceux d'autres pays comme la Grèce ou Chypre. Le niveau d'éducation pouvait également intervenir dans cette perception. Cette thématique des microplastiques et nanoplastiques dans la santé est en lien avec des enjeux politiques, économiques et sociétaux autour de la pollution plastique.

En 2015, nous n'avions aucune connaissance sur les impacts en santé humaine des microplastiques. Depuis 2017, l'acquisition des connaissances s'est accélérée. Plus spécifiquement, un embryon de recherche sur les nanoplastiques est apparu. Les communautés commencent à se structurer, mais ce sujet reste très émergent. Cette connaissance scientifique doit s'articuler sur les enjeux politiques, économiques et sociétaux, déclinés à l'échelle européenne via l'EFSA, la stratégie européenne pour l'économie circulaire ou encore le pacte vert, mais également déclinés au niveau français avec la loi AGEC (loi anti-gaspillage pour une économie circulaire du 10 février 2020), le rapport du Conseil économique social et environnemental (CESE) ou l'ambition pour 2040 de zéro emballage en plastique à usage unique. Nous nous inscrivons également dans la négociation d'un traité mondial pour mettre fin à la pollution plastique et prendre en compte les enjeux des impacts en santé humaine.

Quel est le risque pour notre santé d'être exposé quotidiennement aux microplastiques et aux nanoplastiques ? L'évaluation du risque est à ce stade impossible au regard des connaissances scientifiques. Ce sujet a fait l'objet d'une publication dans le journal Science en 2021. Il existe encore des verrous cognitifs et méthodologiques autour des dangers liés à l'exposition, aux effets toxicologiques, à la difficulté de détecter des microplastiques et des nanoplastiques dans les fluides biologiques. Il s'agit de freins à la connaissance. Toutefois, la Commission européenne a financé en 2020 cinq projets qui ont pour objectif d'améliorer l'évaluation du risque en santé humaine.

Le risque se définit comme l'association d'un danger (effet toxicologique) et d'une exposition humaine. En 2019, une information s'est répandue selon laquelle un humain consommait cinq grammes de microplastique par semaine, soit l'équivalent d'une carte de crédit. L'impact médiatique de ce chiffre fut très fort. Ce résultat n'a eu de valeur, pour nous scientifiques, qu'avec la publication de l'article qui y fait référence, intervenue en 2021. Les conclusions étaient en fait plus mitigées. En fonction des scénarios d'exposition, on se situait plutôt dans une fourchette de 0,1 à 5 grammes par semaine de microplastiques ingérés. Cependant, depuis un ou deux ans, ces chiffres sont discutés.

Un article publié très récemment par un collègue autrichien estime qu'il faut 23 000 ans pour ingérer 5 grammes de microplastiques. Les travaux de Nor en 2021 se sont basés sur différents types d'aliments : poissons, mollusques, crustacés, eau du robinet, eau en bouteille, bière, lait, sel et air. L'étude estimait les doses de microplastiques ingérées à 4 microgrammes par semaine. Une autre étude, en 2023, basée sur une population coréenne, a étudié 80 produits issus de différents types d'aliments : sel, sauces, fruits de mer, algues, miel, bière, boissons. L'ordre de grandeur du plastique ingéré se situait entre 140 et 310 microgrammes par semaine.

Ainsi, les incertitudes sur l'exposition sont nombreuses. En fonction des sources de données ou des méthodes d'estimation, les écarts sur les doses d'exposition quotidiennes peuvent être importants.

Chez l'adulte, les sources d'exposition sont les microplastiques dans l'eau, les boissons, les produits de la mer, les poissons, le sel, la bière, les fruits et les légumes, et dans les emballages (sources directes d'émission de microplastiques). Un microplastique est également vecteur d'autres polluants environnementaux, causant un effet « cheval de Troie ».

Chez l'enfant, les sources d'exposition sont aussi présentes, car on peut trouver des plastiques dans les biberons, les tétines, les jouets, la poussière. Des travaux récents tendraient à montrer que des microplastiques se trouvent aussi dans le lait maternel.

En ce qui concerne les microplastiques, les données sont encore très peu nombreuses. Un article récent est paru sur l'eau du robinet et certains emballages.

Il existe une diversité des polymères au regard de leurs tailles et de leurs formes. Une fois que ces formes sont ingérées, une dégradation physicochimique sera déclenchée ou non en fonction du type de polymère, au niveau des premières étapes de la digestion, de la bouche jusqu'aux parties hautes du tractus intestinal. Une couronne biomoléculaire peut se former autour des microplastiques. Elle pourra avoir un impact sur les mécanismes de translocation au niveau de la barrière intestinale. Il a été montré in vitro une altération de la digestion des lipides qui peut avoir ensuite un impact sur l'homéostasie au niveau de la digestion.

Des travaux menés à partir de 2019 montrent qu'on trouve des particules de microplastiques avec différentes chimies (PET, polypropylène) dans les selles excrétées. Chez certaines populations sensibles, notamment les enfants, une augmentation des microplastiques est observée, notamment en PET. Une augmentation similaire a été trouvée chez certains patients MICI (maladie inflammatoire chronique de l'intestin). Les pathologies de type maladie de Crohn ou rectocolite hémorragique sont ici concernées.

En laboratoire, nous travaillons sur la barrière intestinale, c'est-à-dire la barrière protectrice indispensable à l'homéostasie. Elle est composée de trois acteurs : l'épithélium, le mucus et le microbiote. Nous travaillons également sur des modèles in vivo, avec des animaux, et des digesteurs in vitro chez l'adulte et l'enfant.

Quand nous avons commencé nos travaux, il existait une seule étude qui portait sur des digesteurs à partir de selles humaines. Il s'agissait uniquement d'un modèle colique avec des microplastiques en polyéthylène téréphtalate. Dans le cadre d'une exposition aiguë, des effets compartiments et donneurs dépendants avaient été mis en évidence.

Par rapport à cette synthèse, nous avons travaillé sur des modèles in vitro. Ils correspondent globalement à un bioréacteur instrumenté où nous régulons l'ensemble des paramètres physico-chimiques et microbiens qui régissent l'écosystème digestif humain au niveau du côlon. Nous l'avons appelé le Mucosal ARtificial COLon. Nous avons travaillé chez l'adulte et l'enfant. Nous avons pris à chaque fois quatre donneurs : deux femmes et deux hommes ou deux filles et deux garçons. Nous avons travaillé sur des microplastiques en polyéthylène d'origine commerciale. Ils avaient une forme sphérique. La dose journalière d'ingestion était de l'ordre de 21 milligrammes. Nous avons étudié quatorze jours d'exposition avec une administration quotidienne dans le bioréacteur. Nous avons observé le microbiote intestinal, qui est l'ensemble des micro-organismes abrités dans notre côlon. Nous avons travaillé sur la composition et l'activité métabolique du microbiote. En effet, le microbiote produit des métabolites qui peuvent avoir des effets positifs ou négatifs sur notre santé.

On trouve des signatures microbiennes communes à l'adulte et à l'enfant. Une augmentation des pathobiontes a été relevée. Il s'agit de bactéries potentiellement pathogènes sous certaines conditions. Au niveau d'un microbiote luminal, nous avons détecté l'augmentation de deux populations : les dethiosulfovibrionaceae et les enterobacteriaceae. Il s'agit de pathobiontes.

S'ajoutent des signatures microbiennes spécifiques à l'adulte et à l'enfant. Pour la population adulte, nous avons observé l'augmentation d'un composé organique volatile : le scatole. Elle avait déjà été constatée chez des patients atteints d'encéphalopathie hépatique. Chez les enfants, contrairement à l'adulte, nous avons mis en évidence une diminution du butyrate, acide gras à chaîne courte qui a un effet bénéfique pour notre santé. Cette diminution pose question par rapport à l'impact des microplastiques.

Le microbiote peut être impacté par les microplastiques et peut également avoir des capacités de biodégradation des microplastiques faits de polyéthylène. Nous avons commencé à réaliser de la microscopie électronique. Nous avons repéré des bactéries adhérant à la surface des microplastiques. Peuvent-elles dégrader le polyéthylène ? Pour répondre à cette question, nous avons effectué de la spectroscopie Raman avec des collègues chimistes et analystes. Il s'agit d'une spectroscopie vibrationnelle qui permet d'obtenir une signature chimique des microplastiques. Dans le cas du polyéthylène, les modifications physicochimiques des microplastiques étaient peu nombreuses. Nous avons également mis en contact les digestats avec des modèles cellulaires qui miment la barrière mucus épithélium. Nous avons observé des effets mineurs et donneurs dépendants sur l'épithélium et le mucus.

Ce sujet constitue un défi interdisciplinaire. J'ai choisi de l'illustrer au niveau de la toxicologie et de la chimie.

Pour la toxicologie, de nouveaux modèles expérimentaux seront nécessaires pour mieux appréhender cette problématique complexe et mimer d'autres problématiques autour de la communication entre les organes. En effet, l'intestin est central. Il communique avec le foie, le cerveau et le poumon. Nous devons également nous intéresser à des populations à risque, avec la notion d'exposome. En effet, durant tout le cycle de vie, l'humain est exposé à un certain nombre de facteurs environnementaux. Nous espérons que l'ANR financera un projet portant sur l'impact chez des populations soumises à un régime occidental et qui ont à la fois une barrière intestinale fragilisée et un microbiote disbiotique (déséquilibré).

Pour la chimie, il est important d'avoir accès aux différentes sources de contamination par les microplastiques et nanoplastiques afin d'avoir de meilleures donnéessur l'exposition humaine.

Il est également nécessaire de travailler avec nos collègues chimistes sur des modèles représentatifs en termes de forme, taille, polymère, additifs et effets vecteurs. Il faut également développer des méthodes analytiques fiables et robustes pour détecter dans les fluides biologiques les petites particules. Nous avons noué sur ce sujet une collaboration avec des collègues en Sicile.

Dans une logique interdisciplinaire, je finirai par ces mots : « Things happen when we share our visions ».

Mme Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l'Office. - À la lumière de ce que vous venez de nous exposer, nous sommes bien confrontés à une bombe à retardement. Il s'agit d'une apocalypse plastique, par l'accumulation et l'impact millénaire des plastiques du fait de leur fragmentation. Les plastiques de petite taille auront des conséquences sur la santé, mais également sur la biodiversité toute entière.

Nous commençons à nous faire une image plus nette de la réalité de la pollution plastique, mais nous ne sommes pas arrivés au bout. Que faudrait-il faire ? Comment diffuser cette connaissance auprès des décideurs ? Comment faire prendre conscience aux citoyens et les amener à être plus regardants dans leur consommation ? En effet, le flux plastique est énorme. Toutes ces matières ont été mises sur le marché avec des produits chimiques, des additifs et des plastifiants sans en mesurer l'impact et parce que nous pensions qu'ils ne seraient pas relargués. Mais nous sommes devant le fait accompli : ces produits sont relargués et posent d'importants problèmes.

M. Andrés Del Castillo. - Les discussions internationales posent en particulier la question de l'approche politique à adopter. Une approche axée sur les risques ? Ou bien sur la dangerosité ? Le principe de précaution s'avère nécessaire. Par exemple, quand le plastique est en contact avec les aliments, on peut retenir une approche recourant à une liste « positive ». Plus précisément, les substances incluses dans la liste seront celles permises pour la production d'un matériel. Les listes « négatives » énumèrent quant à elles les substances à proscrire, notamment dans le cadre des lois sur les plastiques à usage unique. Une approche hybride serait intéressante. Nous n'avons cependant pas encore toutes les données, ce qui pose problème dans une approche basée sur les risques.

M. Hervé Corvellec. - Si votre baignoire déborde, votre première réaction consistera non pas à vous enquérir de serpillères, mais à fermer le robinet. Même si nous stoppons notre production en 2040, le problème du plastique persistera pendant des dizaines de milliers d'années. Mais les chiffres montrent que la production augmentera de manière exponentielle jusqu'en 2040. Nous sommes dans une situation de débordement où un risque sur la santé est possible à tous les niveaux. Il est nécessaire de s'attaquer à l'augmentation de la production et de l'utilisation du plastique. Nous devons nous interroger sur les domaines dans lesquels il est possible à commencer à supprimer du plastique.

Mme Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l'Office. - Au sujet de la liste des produits chimiques interdits ou limités, que faudrait-il faire pour accélérer la documentation à ce sujet ? En effet, des milliers de substances posent problème. Comment agir suffisamment rapidement par rapport au risque ? S'ajoutent les secrets industriels qui font que nous ne connaissons pas tous les produits ajoutés aux plastiques et qui pourtant aboutiront dans l'environnement et impacteront la biodiversité.

M. Andrés Del Castillo. - Il existe déjà des exemples dans le cadre de l'OCDE avec l'outil MAD (Mutual Acceptance of Data), ou acceptation mutuelle des données. Cela permet de transposer les résultats sur des produits chimiques obtenus dans un pays dans d'autres zones géographiques et de croiser les données. Dans certains pays, certaines substances sont interdites et elles pourraient l'être au niveau global. Nous évoquions 128 ou 130 substances contrôlées au niveau international. Mais au niveau national ou régional, environ 1 000 substances sont contrôlées. Cette approche par groupes de substances, et non au cas par cas, permettra d'accélérer les procédures.

M. Philippe Bolo, député. - Le travail en commun des équipes scientifiques et l'intelligence collective de la recherche permettraient, selon moi, de lever les freins, d'élargir le champ des protocoles et de se diriger vers des démonstrations plus rapides et plus robustes. Existe-t-il un « GIEC de la pollution plastique » à l'instar du GIEC du climat ? En France, nous avons la chance d'avoir le groupement de recherche (GDR) Polymères & Océans. Qu'en est-il du croisement des recherches au niveau européen et mondial ?

M. Victor Cousin. - Actuellement, il n'existe pas de structure apparentée au GIEC. Cependant, les discussions sur le traité relatif à la pollution plastique entraînent le regroupement de scientifiques. Une structure ou une instance est donc en train de se formaliser, ou en tout cas de s'organiser avec la participation d'acteurs extérieurs au monde scientifique.

Mme Muriel Mercier-Bonin. - Il est nécessaire de créer les espaces pour décloisonner les disciplines. Nous travaillons souvent dans des silos disciplinaires et thématiques. Il faut réussir à fédérer les espaces d'échange et de co-construction. Travailler avec les intelligences des uns et des autres permettrait un effet positif où l'addition de un et un serait égale à trois. Déjà, des liens forts existent avec les États-Unis pour travailler ensemble sur la pollution plastique et ses impacts. Le renouvellement du GDR Polymères & Océans a pour ambition d'aller au-delà de la question des océans. La santé humaine et la santé des sols ont été intégrées à son domaine d'action. En effet, les sols constituent des ressources malheureusement chargées en microplastiques et nanoplastiques, avec des impacts sur la santé environnementale. Nous déclinons le concept One Health dans ce GDR. Enfin, la dimension internationale est nécessaire.

M. Pierre Henriet, député, président de l'Office. - Il est également nécessaire de s'interroger sur les alternatives à ces usages. Il existe un enjeu scientifique, mais également culturel, à la fois dans les habitudes de consommation, mais également dans l'utilisation plus globale des plastiques et de leurs alternatives. Traiter purement et simplement la question de l'interdiction amènerait à des impasses politiques, comme c'est le cas sur d'autres sujets tels que les intrants alimentaires. Nous avons plutôt intérêt à valoriser les alternatives. Avons-nous aujourd'hui des solutions techniques pour que les obligations en matière de sûreté alimentaire ouvrent de telles alternatives et pour assurer les décisions politiques ?

M. Philippe Bolo, député. - Cela fait écho à certaines questions posées par les internautes. Par exemple, les bioplastiques offriraient-ils une réponse à l'utilisation du pétrole ? Est-ce une vraie ou fausse bonne idée ? Au sujet de l'interdiction, une autre question revient. Le domaine de la santé utilise beaucoup de plastique : qu'en est-il des impasses dans ce domaine et utilise-t-on une approche coûts/bénéfices ?

M. Victor Cousin. - L'idée n'est pas d'interdire tous les plastiques. Il existe certainement des conditions ou des situations dans lesquelles le plastique ne peut pas être remplacé facilement.

La notion de « bioplastiques » recouvre deux réalités : des plastiques dont la matière première n'est pas d'origine pétrolière, mais végétale ; des plastiques biodégradables.

Les plastiques d'origine non pétrolière produisent le même type de plastique. Il n'y a donc pas de différence. L'innocuité des plastiques biodégradables n'a pas été réellement démontrée. Ainsi, ils présentent peut-être un bénéfice en termes industriels et théoriques. Un certain nombre d'études commencent à être réalisées et montrent que les plastiques biodégradables entraînent une certaine toxicité et n'apparaissent donc pas comme une solution. Enfin, un seul plastique est biodégradable en milieu marin.

Mme Muriel Mercier-Bonin. - De plus, ce plastique émettra également des microplastiques. Dans le cadre des plastiques biodégradables, nous avons effectué une demande commune de financement avec Xavier Cousin autour de la fragmentation et de ses impacts dans un environnement plutôt marin.

Mme Nathalie Gontard. - Le plastique pose problème, car il n'est pas biodégradable. Il existe souvent une confusion dans les termes employés et dans la définition du biodégradable. Par exemple, le plastique à base d'acide polylactique (PLA) est appelé biodégradable. Or, il ne l'est pas en condition naturelle. Je pense que le terme bioplastique est à proscrire. Le plastique peut être biosourcé, mais cet aspect n'a pas d'intérêt vis-à-vis de la pollution plastique.

Un vrai matériau biodégradable a de véritables effets. C'est notamment pourquoi les sacs plastiques ont été remplacés par des sacs papier dans les supermarchés. En effet, le papier est biodégradable et ne s'accumule pas comme le carton ou le bois. Il ne faut pas craindre le terme « biodégradabilité », mais une confusion est entretenue. Je ne comprends pas pourquoi cette définition n'a pas été révisée. Actuellement, des matériaux sont appelés biodégradables, alors qu'ils doivent être chauffés à des températures très élevées de 60 degrés pour pouvoir l'être. Il faudrait un réchauffement climatique particulièrement intense pour espérer que de tels matériaux soient biodégradés dans l'environnement ! Certes, l'objectif n'est pas de les jeter dans l'environnement. Mais, même si nous pouvons avoir l'impression que ces matériaux ne sont pas jetés, car ils sont correctement traités, enfouis ou recyclés, ils se retrouveront in fine dans l'environnement.

M. Hervé Corvellec. - Si 40 % des plastiques proviennent des emballages, c'est en raison des choix effectués en matière de distribution des produits. C'est une question de présence dans les rayonnages. Il est souhaité que les produits durent plus longtemps et c'est pourquoi ils sont emballés. Mais ce choix est délibéré. Par exemple, un dimanche soir jusqu'à la fermeture, les rayonnages doivent être pleins, même si un réapprovisionnement aura lieu le lendemain. Il s'agit d'un refus de présenter des étagères vides. Ce sont des choix de stratégie commerciale, de marketing vis-à-vis de la clientèle. Nous sommes ainsi arrivés à des suremballages.

Nous pourrions faire d'autres choix. Ils seront peut-être plus contraignants et demanderont une manutention plus prudente et un accès moins direct au produit consommé.

De même, lorsqu'une municipalité décide d'installer un terrain de sport en plastique, nous savons que ce choix amènera des déchets plastiques dans les systèmes de récupération des eaux. Ainsi, pourquoi continuer à construire des terrains de sport en plastique ?

Seconde table ronde : Les enjeux scientifiques des propositions en discussion dans le cadre du traité international pour mettre fin à la pollution plastique

M. Philippe Bolo, député. - La première table ronde a montré pourquoi un traité international visant à mettre un terme à la pollution plastique était indispensable et nous allons maintenant questionner les enjeux scientifiques du traité dont la France accueille la deuxième réunion de négociation du 29 mai au 2 juin prochain. Le rapport que nous avons remis en décembre 2020 avec la sénatrice Angèle Préville comportait 49 préconisations, dont l'une soutenait l'adoption d'un traité international. J'avais alors présenté à l'Assemblée nationale, à l'été 2021, une proposition de résolution invitant la France à soutenir les initiatives internationales pour mettre fin à la pollution plastique. Cette proposition de résolution avait été cosignée par plus de 400 collègues députés et adoptée à l'unanimité le 29 novembre 2021, témoignant de l'engagement de tous les groupes politiques autour de cette action de lutte contre la pollution plastique. Je me réjouis donc aujourd'hui que nous puissions évoquer concrètement ensemble ce traité international. C'est un honneur pour la France d'accueillir les délégations de plus de 160 pays qui souhaitent faire avancer le sujet.

La science est indispensable pour éclairer les enjeux du traité qui visent à considérer le sujet d'une manière holistique, à toutes les étapes du cycle de vie des plastiques, depuis la production des granulés industriels jusqu'à la gestion des objets plastiques devenus des déchets. Cette transversalité intègre toutes les formes de pollution, de la plus visible, celle des mers et des rivières, aux pollutions insidieuses et invisibles par les micro et nanoparticules dispersées dans tous les endroits de la planète.

Cependant, cette transversalité rend l'approche du traité complexe. En effet, chaque pays est diversement concerné par la pollution plastique en raison d'une utilisation plus ou moins importante, en raison de politiques publiques plus ou moins avancées, en raison d'enjeux économiques différents, en raison de la présence ou non d'infrastructures de gestion des déchets et en raison du niveau de vie de ses habitants.

Ainsi, la science a toute sa place dans l'aide à la décision sur les mesures les plus adaptées pour concilier les conditions particulières des différents pays et atteindre l'objectif central du traité, celui de la fin de la pollution plastique en 2030.

Pour mieux appréhender les enjeux scientifiques du traité international, notre premier intervenant est M. Hugo-Maria Schally, conseiller pour les négociations internationales à la direction générale de l'environnement de la Commission européenne. Il va nous expliquer la genèse de ce traité, les objectifs poursuivis, mais également la position des différentes parties prenantes.

M. Hugo-Maria Schally, conseiller pour les négociations internationales à la direction générale de l'environnement de la Commission européenne. - Beaucoup de défis ont été relevés dans l'objectif d'une réglementation au niveau global qui pourrait être le résultat des négociations qui se poursuivront à Paris. La problématique des déchets marins et de la pollution par les plastiques figure de longue date à l'ordre du jour de l'Assemblée des Nations Unies pour l'environnement. De multiples efforts internationaux et nationaux ont été fournis pour lutter contre la pollution par le plastique, notamment au sein de l'Union européenne avec l'adoption de la stratégie européenne sur la matière plastique. Des efforts ont également été fournis au sujet du plastique à usage unique, des emballages, des déchets, de l'écoconception des textiles et des microplastiques. L'action de l'Union européenne repose sur une base solide. Elle est accompagnée par un renforcement de la coopération internationale au moyen de partenariats, de projets bilatéraux et d'instruments régionaux.

Comment en sommes-nous arrivés à cette négociation ? Depuis 2014, au sein de l'UNEA (United Nations Environment Assembly), un accord politique stipulait que le maintien du statu quo n'était pas envisageable et que même avec les politiques et initiatives existantes, les matières plastiques entrant dans nos océans auraient triplé d'ici 2040. Une dynamique croissante en faveur d'une action mondiale a ainsi été engagée.

Une première ébauche de résolution a été proposée lors de l'UNEA en 2019 ; ce projet a échoué parce que d'importants partenaires tels que la Chine ou les États-Unis n'étaient pas prêts pour une telle décision. Jusqu'à l'UNEA-5, une dynamique croissante en faveur d'une action mondiale a été constatée. Plus de 140 pays en amont de l'UNEA-5 en 2022 avaient appelé à lancer des négociations pour un accord mondial sur les matières plastiques. Les États membres de l'Union européenne étaient largement unis sur la question.

L'Union européenne et ses États membres se sont engagés activement et ont joué un rôle de premier plan pour réunir des pays partageant les mêmes valeurs afin de préparer l'UNEA-5. La Commission européenne a coordonné et facilité l'élaboration d'une résolution phare qui était présentée par le Pérou et le Rwanda. Il est très important que cette résolution ait été présentée par deux pays du Sud, l'un d'Amérique latine et l'autre d'Afrique.

Parmi les axes présents dans cette résolution figuraient : l'action sur la pollution par les plastiques dans tous les environnements, sans se limiter aux milieux marins ; l'adoption d'une perspective de cycle de vie ; l'approche des problèmes à leur source et pas seulement en aval, ni focalisée uniquement sur la gestion des déchets ; des discussions sur le financement et les ressources financières nécessaires pour la mise en oeuvre d'un tel accord.

Les négociations ont été difficiles. La coalition des pays de haute ambition a joué un rôle déterminant dans l'adoption de la résolution 114 qui a permis d'établir un comité intergouvernemental de négociations. Celui-ci a commencé ses travaux à Punta del Este en Uruguay en novembre dernier. Nous avons eu un premier échange sur les positions et les ambitions des différents partenaires.

Trois grands groupes de pays structurent ces négociations :

- un groupe de pays à haute ambition : les pays européens, les pays africains, une grande partie des pays de l'Amérique latine. Ils appellent à un accord juridiquement contraignant avec des objectifs et des obligations juridiquement contraignantes pour toutes les parties. Ils veulent adopter une approche de cycle de vie, avec des obligations et des objectifs concernant la conception, la production, l'utilisation, la distribution et la gestion des déchets, ainsi que l'utilisation des produits des matières recyclées ;

- les pays qui souhaitent plutôt se focaliser sur la gestion des déchets, couplée à des objectifs et des engagements, comme celui de la Legacy Plastic, c'est-à-dire en se concentrant sur la pollution existante et son élimination ;

- le groupe des pays dépendants des produits fossiles et qui ont grandement augmenté leur capacité de production ces dernières années, tels que les pays du Golfe, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Ils joueront un rôle déterminant. Ils ont fait entendre qu'ils n'étaient pas à l'aise avec l'idée d'un accord qui aurait pour but de limiter la production et la consommation de plastique en tant que tel.

Un autre problème est à relever dans ce contexte. Les États-Unis sont en principe en faveur d'un accord juridiquement contraignant. Mais le Sénat américain qui, conformément à la Constitution devra approuver l'accord international, souhaiterait plutôt un accord de type Accord de Paris, c'est-à-dire sans engagement juridiquement contraignant pour les parties et où l'ensemble des actions et des engagements seraient volontaires, mais compris dans un plan d'action national.

Un grand débat a lieu sur la mise en oeuvre du futur traité et la nécessité de générer des ressources financières, en particulier pour les pays en voie de développement. Les débats abordent notamment le sujet des parties responsables. Lorsqu'on regarde le volume de production au niveau global, une majeure partie se trouve dans des pays du Sud. Selon l'application du principe de pollueur-payeur, les pays producteurs de plastiques ou de produits plastiques devraient prendre leur part dans le financement de la mise en oeuvre du futur traité.

Ces sujets seront soumis à une première discussion lors de la réunion de Paris. Un document a été élaboré sur la base des discussions de la première réunion en novembre dernier. Il présente l'ensemble des options pour les éléments du futur traité. Les États membres des Nations Unies seront appelés à se prononcer sur les différentes options soumises à discussion.

L'étape suivant la réunion de Paris consistera à préparer une première ébauche du traité. Elle sera discutée lors de la troisième réunion du comité qui aura lieu en novembre à Nairobi, au Kenya. Nous avons pour objectif de conclure les négociations fin 2024. Deux réunions du comité de négociation auront lieu en 2024 avec comme objectif une conférence diplomatique en Équateur au printemps 2025 où nous espérons disposer d'un traité ambitieux et traitant de tous ces sujets pour le soumettre à l'approbation de toutes les parties et tous les États membres des Nations Unies.

M. Philippe Bolo, député. - Notre deuxième intervenante est Mme Véronique Gayrard, professeur de physiologie à l'École nationale vétérinaire de Toulouse, et membre de l'unité mixte de recherche Toxalim.

Afin de mettre fin à la pollution plastique, certains pays souhaitent stopper la production et l'utilisation de certains polymères et produits chimiques, dont la liste serait fixée dans une annexe. Se pose alors la question de la définition des critères pour identifier les polymères et les produits chimiques à mettre dans ladite annexe. Parmi les critères suggérés figure leur dangerosité pour l'environnement ou la santé humaine. En effet, les matières plastiques sont une source importante de substances chimiques, en particulier de perturbateurs endocriniens, comme les phtalates, les bisphénols ou les substances perfluoroalkylées. Des études menées dans le monde entier ont documenté l'exposition généralisée aux perturbateurs endocriniens utilisés dans les matières plastiques et leur contribution à l'infertilité, aux maladies non transmissibles comme l'obésité, le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires et certains cancers. La législation européenne est considérée comme très protectrice vis-à-vis des consommateurs et pourrait servir de modèle. Pourtant, l'exemple du bisphénol A montre les limites de la réglementation européenne et les difficultés d'interdire des substances pourtant connues pour leur dangerosité.

Mme Véronique Gayrard, professeur de physiologie à l'École nationale vétérinaire de Toulouse, membre de l'UMR Toxalim. - Le bisphénol A est majoritairement utilisé pour produire des polymères. Ces derniers entrent dans la composition des polycarbonates, lesquels sont à la base des plastiques. Ils sont durs et transparents et constituent donc de bonnes alternatives au verre. Le bisphénol A est également un composant des résines époxy-phénoliques. Il est utilisé en particulier dans des résines pour le revêtement interne des boîtes métalliques.

Moins de 5 % du bisphénol A est utilisé en tant que monomère, additif à des plastiques de type PVC, additif à papier ou à papier thermique pour révéler l'encre, ou en tant que moyen pour produire d'autres produits chimiques (par exemple les retardateurs de flammes ajoutés au mobilier).

En principe, à moins que les polymères soient fragmentés en microplastiques et nanoplastiques, ils ne sont pas considérés comme dangereux. En effet, ils ne peuvent pas entrer dans l'organisme. En revanche, dans le cas des polymères de bisphénol A, la polymérisation peut ne pas être complète. Une hydrolyse peut se produire et libérer progressivement du bisphénol A dans les aliments ou dans les boissons, et ceci de façon plus importante, en présence notamment de détergent qu'on chauffe ou lorsque le plastique est usé. Ce processus est à l'origine de l'image très choquante du biberon en polycarbonate chauffé au micro-ondes.

Un rapport de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a évalué la production de bisphénol A dans le monde : plus de 7 millions de tonnes en 2019. La production et les besoins en bisphénol A continuent d'augmenter.

En ce qui concerne les émissions dans l'environnement, le graphique montre les concentrations moyennes de bisphénol A dans les eaux de surface européennes. La tendance est à la diminution à partir de 2012, peut-être en raison des mesures de restriction. Mais globalement, l'Agence européenne des produits chimiques constate qu'en 2020, le bisphénol A est toujours émis. Même si la contribution de chaque utilisation individuelle est faible, la totalité de toutes les utilisations conduit à une situation qu'elle juge inacceptable.

Nous sommes tous exposés au bisphénol A. L'exposition est d'abord orale. Elle est liée à l'ingestion d'aliments et de boissons contaminées par du bisphénol A. Une fois ingéré, il entre dans l'organisme, parce que l'absorption est très efficace. Heureusement, le bisphénol A est également rapidement éliminé de l'organisme dans les urines. C'est pourquoi la quantité de bisphénol A présente dans les urines constitue un marqueur de la quantité qui est entrée dans l'organisme.

Qu'en est-il de la population ? L'étude Esteban, étude française réalisée entre 2014 et 2016, a évalué l'imprégnation de la population française au bisphénol A chez 900 adultes et 500 enfants. On trouve le bisphénol A dans la totalité des échantillons d'urine. Comme il est éliminé très rapidement, l'exposition n'est pas permanente, mais au moins quotidienne. À partir de cette étude, les auteurs ont évalué la quantité moyenne de bisphénol absorbée quotidiennement. Elle paraît faible : 0,005 microgramme par kilogramme de poids corporel et par jour. Jusqu'à présent, cette quantité était jugée sans risque. Mais dans sa récente évaluation, l'Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) a abaissé très fortement la dose journalière admissible, c'est-à-dire la quantité qu'on peut ingérer quotidiennement sans danger pour la santé toute sa vie. Désormais, la quantité moyenne absorbée quotidiennement est considérée comme 100 fois supérieure à cette nouvelle dose sans danger. L'EFSA en a conclu que l'exposition humaine au bisphénol A était préoccupante.

Ces résultats nous poussent à nous interroger sur l'origine de ce bisphénol A, puisque les restrictions ont été nombreuses. En tant que scientifique, je me suis également demandé si la réglementation était suffisante. Le bisphénol A, comme tous les produits chimiques, relève du règlement européen REACH, acronyme des termes enregistrement, évaluation, autorisation et restriction. Selon ce règlement, tous les fabricants etimportateurs de substances chimiques, à hauteur de plus d'une tonne par an, doivent enregistrer ces substances. Ils doivent identifier les risques et transmettre leur dossier à l'Agence européenne des produits chimiques qui vérifiera leur conformité. Selon le risque, un plan d'action communautaire, le CoRAP, demandera à l'un des États membres de l'Union européenne d'évaluer cette substance. Une proposition de classification de cette substance dans le règlement CLP peut ensuite intervenir. De plus, l'inclusion dans l'annexe VI de cette réglementation permettra d'identifier la substance et de montrer aux utilisateurs ses dangers. Si cette substance est cancérigène, mutagène, persistante ou reconnue comme perturbateur endocrinien, elle peut être identifiée comme substance très préoccupante (substance SVHC). Elle sera dans ce cas inscrite dans une liste d'autorisation de l'annexe XIV du règlement. Dès lors, elle ne sera pas interdite, mais son utilisation sera soumise à autorisation. Enfin, les États membres peuvent également proposer des restrictions particulières.

Le bisphénol A a été intégré dans le premier plan d'action communautaire en 2012. L'Allemagne a réalisé l'évaluation. Il a ainsi été inclus dans l'annexe VI du règlement CLP en raison de sa toxicité pour la reproduction, pour les yeux et la peau. En 2017, le bisphénol A a été classé dans l'annexe XIV du règlement comme substance très préoccupante pour ses propriétés toxiques pour la reproduction et reconnu comme perturbateur endocrinien.

Enfin, la France a souhaité proposer une restriction, désormais en oeuvre depuis 2020. Il s'agit d'une restriction de la teneur en bisphénol dans les papiers thermiques. L'Allemagne est en train de déposer d'autres restrictions.

En termes de limites de la réglementation, il faut noter que les polymères sont exemptés de l'enregistrement et de l'évaluation dans le cadre du règlement REACH. Moins de 5 % du bisphénol A est donc concerné par cette réglementation. De même, des substances qui seraient importées ou fabriquées en France et destinées à élaborer des polymères ne sont pas concernées par l'autorisation.

La réglementation REACH paraît en contradiction avec un autre règlement sur les substances qui entrent dans la composition des matériaux en matière plastique destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires. Ce règlement européen dresse la liste des substances autorisées pour la fabrication de ces matériaux. Le bisphénol A fait partie de cette liste et est donc autorisé à être utilisé comme polymère avec une limite de migration spécifique fixée en 2015 à 0,05 milligramme par kilogramme d'aliments.

De plus, la procédure d'autorisation REACH a pour objectif de remplacer des substances dangereuses par d'autres substances ou technologies moins dangereuses. C'est la raison pour laquelle, très précocement, les industriels ont remplacé le bisphénol A par d'autres bisphénols, majoritairement le bisphénol S, en particulier dans les papiers thermiques. Actuellement, le bisphénol S est identifié comme un potentiel SVHC, soit une substance très préoccupante. Il pourrait ainsi prochainement entrer dans l'annexe XIV et être soumis à régulation.

Notre équipe a publié en 2019 une étude qui montrait que le bisphénol S est plus persistant dans l'organisme que le bisphénol A. Dans ce cas-là, nous sommes face à une substitution tout à fait regrettable.

Enfin, la réglementation REACH évalue les composés individuellement, ce qui se révèle chronophage. Les toxicologues estiment que cette évaluation est insuffisante. D'une part, nous sommes exposés à des milliers de composés. D'autre part, combinés, même à faible dose, les effets de certaines molécules peuvent non seulement s'additionner, mais également se renforcer ou s'amplifier. Il s'agit de l'effet cocktail. L'évaluation des risques associés aux effets cocktails constitue un enjeu scientifique et de santé publique auquel nous devrons répondre.

Une étude publiée l'année dernière dans la revue Science a identifié un cocktail de polluants du quotidien, qui aurait des effets délétères dans la construction du cerveau des jeunes enfants. Cette étude a été basée sur une cohorte suédoise mère-enfant. Le cocktail de substances a été associé à un retard dans l'acquisition du langage chez les enfants de deux ans. Dans ce cocktail se trouvent le bisphénol A et d'autres substances dérivées du plastique, par exemple les phtalates. L'étude concluait que les enfants nés des 10 % des femmes les plus exposées avaient un risque trois fois plus important d'avoir un retard dans l'acquisition du langage, que les enfants nés des femmes les moins exposées.

M. Philippe Bolo, député. - Notre troisième intervenante est Mme Nathalie Gontard, directrice de recherche à l'INRAE.

Le futur traité international a vocation à prendre des dispositions pour augmenter la circularité des plastiques dans l'économie afin de réduire la production de plastique vierge. À cet égard, le recyclage s'est imposé comme la solution censée permettre la circularité des plastiques. Dans les pays développés, des investissements considérables ont été consentis par les pouvoirs publics pour mettre en place des systèmes de collecte et de tri de plus en plus performants, tandis que le recyclage chimique est présenté comme la solution pouvant parvenir enfin à un recyclage infini des plastiques. Qu'en est-il en réalité ? Mme Nathalie Gontard évoquera le sujet du recyclage, ses atouts et ses limites.

Mme Nathalie Gontard, directrice de recherche à l'INRAE. - Je vous présenterai un décryptage des différentes stratégies de recyclage. Je vous parlerai d'empreinte plastique, de décyclage, d'économie tire-bouchon et de prévention à la source.

Le plastique est un matériau qui dure très longtemps. Il s'inscrit typiquement dans une économie linéaire, avec un épuisement des ressources. Il présente également un comportement très particulier, extrêmement différent de tous les matériaux que l'humain utilise, du fait de son accumulation dans tous les compartiments de notre environnement, sa durée de vie très élevée, sa fragmentation, sa capacité à absorber des polluants, sa diffusion dans notre écosystème et sa translocation possible dans les organes des êtres vivants.

Il est nécessaire d'être vigilant quant à l'utilisation de certains termes. Il est préférable de parler de chaîne de vie plastique, plutôt que de cycle de vie. De fait, jusqu'à nouvel ordre, la vie du plastique ne constitue pas un cycle. Quatre grandes étapes structurent cette chaîne de vie parmi lesquelles figurent l'élaboration, l'usage et le post-usage (gestion des déchets et recyclage). La dernière étape est la plus inquiétante : la fin de vie et le vieillissement sur le long terme, lequel inclut le réservoir de microplastiques et de nanoplastiques en train de se constituer. Les plastiques que nous n'avons pas détruits au niveau moléculaire vieilliront sur un temps plus ou moins long et grossiront ce réservoir, lequel commence à se diffuser dans l'environnement.

Les matériaux jetés ou qui présentent une durée d'usage très courte ne sont pas les seuls à être dangereux et à produire des micros et des nanoplastiques. L'ensemble des plastiques vieillissent, que ce soit après leur usage en tant que déchet (par exemple dans les stations d'enfouissement) ou pendant leur usage (plastiques utilisés dans les bâtiments). Ce sont ces mêmes micro et nanoplastiques que nous trouvons aux côtés d'autres microplastiques et nanoplastiques au fin fond des glaces de l'Arctique par exemple.

Actuellement, nous avons une connaissance correcte des émissions et des conséquences de ce plastique sur une durée assez longue. Nous disposons d'outils tels que les analyses de cycle de vie (ACV) pour évaluer leur impact environnemental. Les ACV permettent d'évaluer l'empreinte carbone d'un procédé, d'un matériel, etc. Cependant, les connaissances actuelles ne permettent pas de quantifier les impacts des plastiques et notamment de ces micro et nanoplastiques. Le principal danger lié au plastique, à savoir sa persistance ou sa fragmentation, n'est pas comptabilisé dans les ACV. Or, actuellement la grande majorité des raisonnements sont basés sur des empreintes carbone du plastique, lesquelles proviennent des ACV. Ce n'est pas par mauvaise volonté, car nous ne disposons simplement pas des connaissances nécessaires pour quantifier ces effets. Pourtant, ils existent et sont relativement effrayants. Ainsi, le processus sur le très long terme, avec une accumulation dans tous les compartiments (atmosphère, biosphère, hydrosphère, sols) constitue une empreinte plastique. Nombre de scientifiques se battent pour faire reconnaître cette notion d'« empreinte plastique » et pour sensibiliser au fait qu'il n'est pas possible d'établir des raisonnements, en ce qui concerne les matériaux plastiques, seulement sur une empreinte carbone et sur une ACV, dans la mesure où le principal danger est oublié.

Nous parlons donc d'une économie linéaire qui comporte des problèmes d'empreinte plastique. Au départ, des macrodéchets deviennent des microdéchets, puis des nanodéchets. Mais il est difficile de définir l'échelle de temps associée.

Nous essayons de trouver des solutions et avons construit une sorte de concept autour de l'économie circulaire. Le plus bel exemple d'économie circulaire nous est offert par la nature avec toutes les matières organiques biodégradées et régénérées par photosynthèse à l'identique. La stratégie européenne sur la matière plastique a été essentiellement focalisée sur le recyclage et la mise en place d'une économie circulaire. La logique est de recycler et de régénérer à l'identique. Par exemple, une bouteille en plastique après usage redeviendra une même bouteille en plastique. Ainsi, les déchets disparaîtront, les ressources ne s'épuiseront plus et l'empreinte plastique disparaîtra. Le principal danger serait alors écarté.

Nous sommes particulièrement efficaces dans le recyclage des bouteilles en PET. Elles sont broyées, nettoyées et décontaminées. En effet, le plastique n'est pas un matériau inerte et absorbe des polluants. Ensuite, il est possible de refabriquer une bouteille. Cependant, le plastique se dégrade et la chaîne d'approvisionnement doit être contrôlée. Le processus est donc très limité et ne peut être appliqué qu'aux bouteilles en PET, lesquelles ne représentent que 1 à 2 % des plastiques. Le processus peut être appliqué sur 2 à 3 cycles et permet de diminuer la consommation de plastiques vierges et de déchets. Mais l'impact sur l'empreinte plastique demeure très limité.

Cet emballement pour l'économie circulaire et le recyclage relève ainsi d'une stratégie de décyclage et non de recyclage. En effet, la bouteille n'est pas transformée en bouteille et il en est de même pour une barquette. Elles sont transformées en un autre objet qui trouvera une certaine utilité. Par exemple, la bouteille sera transformée en pull, ou la barquette en brique de construction, en meuble pour remplacer le bois, en pot de fleur pour remplacer la terre cuite, etc.

Cette économie du décyclage ne contribue absolument pas à réduire la pollution plastique. Les nouveaux objets remplaceront des matériaux qui ne posaient pas de problèmes environnementaux majeurs comme la laine, le bois, la terre cuite, etc. De plus, ces nouveaux objets continueront à se dégrader. Par exemple, le pull en polyester recyclé libérera des fibres lors du lavage, finira par être jeté et continuera à se dégrader. La chaise en plastique recyclé continuera à se dégrader en microplastiques et en nanoplastiques. Cela est d'autant plus grave que nous nous créons une dépendance aux déchets plastiques. Nous construisons des filières entières que nous devons alimenter. Nous nous créons une double dépendance, car nous faisons ainsi disparaître des filières entières de matériaux locaux traditionnels qui ne posaient pas de problème. Actuellement, la filière de la laine en souffre beaucoup.

Nous nous interrogeons sur l'intérêt de cette économie du décyclage. Par exemple, certains pays osent afficher des taux de recyclage de 50 %, comme l'Autriche et l'Allemagne. Mais s'ils recyclaient 50 % de leur plastique, ils auraient dû diminuer par deux leur consommation de plastiques vierges. Or, cette consommation n'a pas diminué, mais continue à augmenter. Il est donc nécessaire de rester vigilant vis-à-vis de ces discours qui ne sont pas ancrés dans la réalité. Nous assistons à une sorte de décollage où nous construisons des concepts qui n'ont pas de prise avec la réalité. Nous ne pouvons pas construire des concepts si nous ne possédons pas les principes de base que la réalité de la matière doit respecter.

D'après les chiffres de Plastics Europe, les emballages plastiques en Europe se répartissent de la façon suivante :

- 34 % sont incinérés : l'empreinte plastique est nulle dans ce cas, mais l'incinération contribue à l'empreinte carbone ;

- 16 % sont enfouis : le géotextile en plastique de l'enfouissement se dégradera au même rythme que les plastiques qu'il contient. Cela contribue au réservoir de plastiques. Un jour ou l'autre ces plastiques se retrouveront sous forme de particules plastiques. Les générations à venir en souffriront ;

- 10 % ne sont pas répertoriés ;

- 32 % sont décyclés ;

- 5 % sont recyclés en boucle fermée : il s'agit d'un chiffre optimiste. En effet, les chiffres actuels ne sont pas précis ni cohérents.

Parmi les plastiques que nous utilisons, 60 % grossissent le réservoir de microplastiques et de nanoplastiques que nous sommes en train de constituer pour les générations à venir. Ainsi, le terme de « bombe à retardement » n'est pas exagéré.

Au cours de notre travail, nous avons ciblé le déchet. Nous sommes partis des discours sur l'économie circulaire qui ne fonctionnent pas. L'empreinte plastique est en train de générer des effets secondaires, notamment sur les efforts effectués en termes de transition numérique, agroécologique et énergétique. En effet, nous assistons au développement de solutions technologiques qui cherchent à se libérer de l'empreinte carbone en s'engouffrant dans l'empreinte plastique, mais sans la comptabiliser. Lorsque nous réduisons l'utilisation de pesticides ou l'arrosage, c'est avec l'utilisation de matériaux plastiques. Il en est de même pour les énergies vertes.

Il est important que nous sortions de notre déni. Même en mettant bout à bout l'ensemble des solutions technologiques que nous développons (développement biodégradable, réduction de l'utilisation des plastiques dans les secteurs de l'agriculture et de l'agroalimentaire), nous n'arriverons jamais à couvrir qu'une infime partie de l'inondation plastique que nous cherchons à éponger. Nous continuons à travailler sur ces solutions, mais le combat doit maintenant avoir lieu en amont. Ainsi, j'espère que ce traité contraignant sera en mesure de mener le combat en amont.

Nous devons réduire notre consommation. Nous ne fermerons pas le robinet, parce que le plastique est un matériau qui nous a apporté des progrès. Cependant, les trois quarts des plastiques utilisés actuellement encombrent notre vie. Ils nous mettent en danger et leur consommation doit être réduite. Pour ce faire, il ne faut pas détourner notre attention et nos moyens vers des solutions qui n'en sont pas. Je citerai à titre d'exemple les filtres à la sortie des machines à laver. En effet, pourquoi ne pas cesser ou diminuer notre consommation de vêtements en fibres synthétiques ? Mais comment savoir si ce que nous achetons est en fibre synthétique ? Il est quasiment impossible de le savoir, car les étiquettes sont complexes.

En outre, il est important d'interdire les mouvements transfrontaliers de déchets plastiques, pour nous éviter de penser qu'il suffit d'éduquer les pays du Sud pour que les problèmes disparaissent. La consommation de plastique est parfaitement corrélée au PIB d'un pays. Plus nous sommes riches et plus notre empreinte plastique est élevée, même si la grande majorité de ces déchets part ailleurs. Une grande partie des déchets qui se trouvent dans les pays du Sud sont nos déchets. Je pense que les déchets comme le plastique ne devraient pas avoir le droit de passer les frontières. Si nous les avons utilisés, c'est à nous de les gérer. Nous ne pouvons pas demander à des pays de gérer des matériaux que nous-mêmes nous ne sommes pas en mesure de gérer. Il est important d'informer le citoyen. Il est également très important que nous disposions des moyens de savoir où se situe ce plastique. Bien entendu, tout ne peut pas reposer sur les épaules du consommateur, il faut encourager tous les secteurs industriels à se poser la question de la réduction de leur empreinte plastique et de l'utilisation du plastique. Cependant, cette question n'a pas encore été posée.

M. Philippe Bolo, député. - Notre quatrième intervenant est M. Olivier Gabut, professeur associé à Centrale Lille Institut, chargé des matières écoresponsables pour le Groupe Legrand. Augmenter la circularité des plastiques dans l'économie nécessite de revoir leur conception afin de garantir leur recyclabilité, mais également d'imposer l'intégration de matières plastiques recyclées dans les nouveaux produits. C'est ce que nous appelons l'écoconception. Toutefois, il semble que la définition de ce principe d'écoconception soit beaucoup plus large que ce que nous pouvons imaginer au départ. Par ailleurs, l'incorporation de plastique recyclé n'est pas sans poser d'autres problèmes. Le retour d'expérience d'un groupe comme Legrand nous permettra de mesurer les opportunités, mais également les enjeux de l'écoconception.

M. Olivier Gabut, professeur à Centrale Lille Institut, chargé des matières écoresponsables pour le Groupe Legrand. - J'interviendrai avec une double casquette, puisque je suis salarié du Groupe Legrand au sein duquel je développe l'utilisation des matières plastiques recyclées. Je travaille depuis quelques années maintenant sur le recyclage des matières plastiques. Cette activité chez Legrand est couplée à une activité au sein de l'École Centrale de Lille où je suis enseignant associé.

Le Groupe Legrand est une société française qui fabrique des équipements électriques et électrotechniques de différentes catégories et dans différents domaines. Il est localisé à Limoges. C'est une société qui est largement spécialisée dans la transformation de matériaux, des matériaux métalliques et des matériaux plastiques, à partir desquels nous construisons des sous-ensembles. Une fois assemblés, ils arriveront à l'état de produits finis et deviendront des composants électriques et électrotechniques. Ces produits finis seront in fine commercialisés. Ainsi, l'activité de Legrand est essentiellement une activité de transformation de matériaux métalliques et plastiques.

Depuis quelques années maintenant, Legrand est fortement orienté vers l'incorporation de matières plastiques recyclées dans ses produits. Je pense que nous pouvons réellement parler de recyclage, parce que lorsque nous avons intégré de la matière plastique dans des composants, il s'agissait de composants initialement fabriqués en plastique. Nous n'avons donc pas remplacé du bois ou des matériaux classiques par de la matière plastique. Aujourd'hui, nous disposons de différentes sources et de différentes origines de matériaux recyclés qui nous permettent de fabriquer différents composants intégrés dans des produits finis. Ces composants sont porteurs d'une certaine quantité de matières plastiques recyclées. Nous consommons chaque année à peu près 5 000 tonnes de matière plastique recyclée avec l'objectif d'amener cette quantité à 8 000 tonnes d'ici 2024. Par ailleurs, je travaille depuis 7 à 8 ans sur le développement et le déploiement de l'utilisation des matières plastiques recyclées dans le groupe.

Comment l'écoconception peut-elle aider à l'incorporation de matière plastique recyclée ? Il m'a paru important d'en redéfinir un certain nombre de principes. L'écoconception est une démarche qui consistera à intégrer des considérations environnementales dès la conception d'un produit, d'un bien ou d'un service. Surtout, elle permettra de maintenir les considérations environnementales tout au long de la phase de fabrication et d'utilisation. Généralement, l'écoconception va de pair avec l'analyse de cycle de vie.

L'analyse de cycle de vie est une approche à travers laquelle on considère qu'un produit nait et finit par mourir à l'issue de différentes étapes qui ponctueront sa vie. Le produit est d'abord à l'état de matériaux bruts. Puis, il est fabriqué, distribué, utilisé et arrive en fin de vie. Ensuite, nous essayons de modéliser ou d'estimer l'ensemble des impacts environnementaux associés à ces différentes étapes, et ceci, au travers de différents indicateurs environnementaux.

Les indicateurs environnementaux sont plus ou moins en lien avec les impacts environnementaux. Il est possible de considérer par exemple l'épuisement des ressources naturelles, la consommation énergétique, les consommations en eau, les impacts sur le réchauffement climatique au travers du global warming. Nous avons donc à disposition un ensemble d'indicateurs environnementaux qui sont pris en compte dans la modélisation de type ACV.

L'analyse de cycle de vie consiste à croiser pour chacune des étapes du bien ou du produit considéré la modélisation ou l'estimation de la valeur d'un impact. Ensuite, par une forme de cumul, nous aboutissons à un total, lequel nous fournit l'analyse de cycle de vie globale du produit.

Selon l'ACV, dès lors qu'une analyse de cycle de vie présente au moins un indicateur amélioré, il est possible de prétendre que le produit a été écoconçu. Vous pouvez choisir n'importe lequel de ces indicateurs, sans transfert de pollution sur les autres indicateurs. Plus précisément, les indicateurs améliorés ne doivent pas causer de préjudices sur d'autres aspects. Par exemple, pour le cycle de vie d'un produit, je peux choisir d'améliorer mon procédé de fabrication. Je diminue ainsi un certain nombre d'indicateurs environnementaux. Si la conséquence de ces améliorations se traduit par une dégradation des indicateurs associés à la phase d'utilisation, j'ai généré un transfert de pollution et je ne me situe donc pas dans une démarche d'écoconception.

Dès lors qu'un impact est amélioré, l'écoconception peut être affichée comme atteinte, mais avec un certain nombre de limites. En effet, nous nous appuyons sur un certain nombre d'indicateurs environnementaux, mais il n'existe pas d'indicateurs pour tous les impacts environnementaux. L'impact toxicologique sur l'humain, l'impact sur la biodiversité ou l'empreinte plastique ne sont, par exemple, pas pris en compte dans l'analyse du cycle de vie. Ainsi, l'ACV et l'écoconception constituent de bons outils, mais ils ne sont pas toujours suffisants.

Pouvons-nous tout de même relier l'utilisation de matières plastiques recyclées à une meilleure écoconception ? Nous nous focaliserons sur la partie matériaux de mon analyse de cycle de vie d'une matière plastique. Nous ferons l'hypothèse que cette utilisation de matière plastique recyclée n'aura pas d'impact ni sur la fabrication et la distribution, ni sur aucune des autres étapes du cycle de vie. En toute rigueur, si nous voulons prétendre que l'utilisation de la matière plastique recyclée contribue à une meilleure écoconception, il est nécessaire de disposer de la modélisation environnementale de la matière plastique recyclée. Plus précisément, il faut disposer de l'analyse de cycle de vie de notre propre matière plastique recyclée. Aujourd'hui, cette analyse est extrêmement compliquée à établir, parce que les données ne sont quasiment pas disponibles. Nous pouvons malgré tout émettre des hypothèses. Si nous considérons que la matière plastique recyclée permet d'éviter de consommer du pétrole, le facteur consommation de ressources épuisables sera amélioré. L'épuisement en matières premières (raw material depletion - RMD) risque d'être proche de zéro. En revanche, le recyclage d'une matière plastique entraîne des étapes de collecte, de tri, de lavage notamment. Pour laver une matière plastique, il est nécessaire de consommer de l'eau. Cependant, l'épuisement en eau (water depletion - WD) n'est pas toujours correctement pris en compte. Des centres de tri ne sont pas forcément équipés de centrales de récupération et de traitement des eaux. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à une certaine forme d'incertitude autour de l'impact réel en termes d'ACV d'une matière plastique recyclée. Cela ne veut pas dire que les impacts sont négatifs, seulement ils ne sont pas documentés et sont en cours de construction.

En fonction des types de produits, modifier un élément sur la phase matériaux ne présente pas nécessairement le même impact. Prenons par exemple une prise électrique avec l'ensemble des composants qui la constituent. L'analyse de cycle de vie d'un système de ce type aboutit à un tableau de données. Pour l'indicateur « contribution au réchauffement climatique », c'est la partie utilisation qui pèse le plus : 77 % de la contribution de ce système au réchauffement climatique est portée par la phase d'utilisation. Cette phase d'utilisation, pour la plupart des indicateurs, pèse le plus dans l'analyse de cycle de vie global. Par conséquent, si vous fabriquez cette prise avec une matière plastique recyclée et que vous cherchez à capitaliser l'utilisation de cette matière plastique recyclée au travers de l'analyse de cycle de vie, le résultat sera faible. La phase d'utilisation étant la phase la plus importante, vous pouvez agir de n'importe quelle façon en amont, les changements ne seront pas majoritaires et peu impactants. Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas utiliser de matière plastique recyclée pour fabriquer une prise électrique, mais si nous voulons valoriser l'utilisation de cette matière plastique recyclée dans la prise électrique, il est nécessaire de choisir d'autres vecteurs de consolidation et de capitalisation que l'analyse de cycle de vie ou l'écoconception. Ce constat est valable pour tous les produits pour lesquels la phase d'utilisation est la phase la plus impactante.

L'écoconception permet-elle de mieux recycler une matière plastique d'un produit en fin de vie ? Autrement dit, en choisissant correctement la manière dont je vais concevoir mon produit, suis-je susceptible de favoriser un traitement optimal de sa fin de vie avec idéalement des opérations de recyclage facilitées ? Cela dépend de la durée de vie du produit. Si le produit a une durée de vie courte, nous pouvons facilement l'anticiper dès la phase de conception. En effet, nous nous projetons sur quelques semaines, quelques mois, voire quelques années. Nous pouvons facilement penser un produit pour faire en sorte que lors de son arrivée à l'état de fin de vie, nous puissions le recycler et le valoriser de la meilleure manière qui soit. C'est le cas le plus facile.

Pour un produit avec une durée de vie longue, de plusieurs dizaines d'années, un autre problème se pose car une matière plastique n'est pas un matériau inerte. Avec l'effet du temps, des contraintes environnementales et des événements climatiques, le plastique aura tendance à se dégrader et à vieillir. Avant qu'il ne devienne un microplastique, le plastique reste un objet compact, mais il aura vécu et sera porteur de petites dégradations. Lorsque ce matériau arrivera en fin de vie et sera récupéré, la dégradation dans la plupart des cas sera tellement avancée, qu'il deviendra compliqué à recycler mécaniquement. À cette dégradation, s'ajouteront potentiellement des phénomènes de contamination : la matière peut être souillée, avoir rencontré des environnements agressifs ou polluants, être porteuse d'huile, etc. Tout ceci conduira à ce que cette matière soit difficile à recycler. Vous pouvez envisager toutes les modalités d'écoconception que vous voulez, vous pouvez faire en sorte que le produit soit démantelable le plus facilement possible, que les choix de matériaux aient été faits de la manière la plus judicieuse possible - c'est le cas des produits électrotechniques - le matériau sera partiellement dégradé après plusieurs dizaines d'années d'utilisation. Tout n'est pas perdu, mais l'ensemble des matières plastiques que nous consommons aujourd'hui n'ont pas été pensées dans une logique de recyclage. La pétrochimie a développé nombre de solutions pour servir un certain nombre de besoins. Mais jusqu'à très récemment, personne n'a réellement pensé recyclage dès la phase de conception ou de fabrication ou de synthèse d'une matière plastique recyclée.

Le hasard fait que certaines s'avèrent être plus aptes que d'autres à des formes de recyclage chimique : les polystyrènes, les polyamides, les PET, les PVT. Des entités sont déjà en train d'utiliser les technologies nécessaires. À titre d'exemple, Michelin est en train de s'équiper d'unités de dépolymérisation pour récupérer du styrène et le réintégrer dans ses pneus. Des unités en Italie sont aujourd'hui capables de dépolymériser des polyamides. Autour de Clermont-Ferrand, des structures sont en train de se déployer pour dépolymériser des PET par voie enzymatique. Nous sentons que des matériaux sont aujourd'hui aptes au recyclage chimique. Nous savons également que d'autres matériaux sont en gestation et seront probablement pensés pour être recyclés chimiquement. Mais si nous souhaitons nous orienter vers cette approche, des compromis devront être faits. Par exemple, peut-être devrons-nous accepter des émissions environnementales supplémentaires résultant de la valorisation des déchets. L'arbre est un système qui fonctionne très bien, parce que l'ensemble des intrants sont gratuits. L'arbre bénéficie de l'énergie du soleil gratuite et de l'eau qui est également une énergie gratuite. De plus, il est aidé par des multitudes de travailleurs indépendants qui sont dans le sous-sol : des micro-organismes qui ne demandent pas de salaire. Mais si nous voulons construire le même mode de circularité que celui de l'arbre, il est nécessaire d'accepter de payer la totalité des éléments en lien avec ces activités. La question du coût risque alors de se poser : le coût des solutions de recyclage chimique en comparaison du coût des solutions issues des technologies pétrochimiques classiques.

M. Philippe Bolo, député. - Les deux dernières interventions montrent les différences de position et de points de vue autour du recyclage. Notre dernière intervenante, Mme Valérie Guillard, est professeur à l'Université Paris-Dauphine.

Les précédentes étapes de négociation du traité international ont mis en évidence que la lutte contre la pollution plastique ne sera efficace que si nous arrivons à réduire la production de polymères plastiques primaires. Cela signifie concrètement une diminution drastique de la consommation des plastiques à l'échelle planétaire. Comment y parvenir ? Quels sont les freins à lever ? C'est ce que va nous expliquer Mme Valérie Guillard.

Malheureusement cette dernière était retenue de longue date, ce qui l'empêche d'être physiquement présente. Nous allons écouter une contribution qui a été enregistrée avant l'audition publique.

Mme Valérie Guillard, professeur à l'Université Paris-Dauphine. - En préambule, je précise que je parle à travers le prisme des sciences de gestion, champ dans lequel s'inscrit mon expertise. Je le mobilise plus particulièrement en parlant du comportement du consommateur et notamment de l'analyse de ses pratiques.

Je vous présenterai les difficultés des consommateurs à réduire leur consommation de plastiques. Je parlerai essentiellement des plastiques non ou peu réutilisables, lesquels créent davantage de déchets, à travers l'alimentaire et le textile.

Je structurerai mon propos en trois points, largement interconnectés : les freins au changement des habitudes des consommateurs, l'offre des entreprises, et le rôle des pouvoirs publics, des politiques publiques et des territoires.

Je pense qu'une réduction de la consommation de plastiques passe par l'interaction entre ces trois parties prenantes. La prise en compte de ces trois acteurs permet un partage de responsabilités. Quand nous interrogeons des consommateurs, ceux-ci indiquent souvent qu'il est nécessaire de cesser de les culpabiliser et qu'ils ne sont pas les seuls à devoir agir pour la transition écologique. C'est l'interaction dans la vie sociale entre organisations non marchandes, entreprises, consommateurs, pouvoirs publics, etc., qui permettra d'avancer ensemble dans une analyse systémique.

Quels sont les freins au changement des modes de vie vers moins de consommation plastique ? J'ai structuré les raisons de ces freins - matérielles, logistiques, sociales, culturelles, psychologiques - en trois étapes qui caractérisent la façon de consommer : le savoir, le vouloir et le faire. Dans le faire se trouve le pouvoir faire. Ces étapes doivent être prises en compte pour transformer les modes de vie.

Première étape, celle du savoir : le consommateur sait-il qu'il consomme du plastique ? Le consommateur a-t-il conscience qu'il consomme du plastique et surtout de ce qu'il génère en consommant du plastique ? Évidemment, l'information ne relève pas du même concept que la prise de conscience. Le consommateur sait-il que ses vêtements de fast fashion contiennent du plastique ? Un véritable travail des marques et aussi des organisations doit être mené, notamment sur les étiquettes et sur l'information associée. Parfois cette information n'est pas vraiment comprise. Le consommateur effectue-t-il ce travail de réflexivité ? Connaît-il les conséquences sur le vivant de la consommation de certains vêtements en « plastique » ? Sait-il que l'usage de matières recyclées dans ces vêtements n'est pas nécessairement meilleur et plus écologique ?

En effet, dans la mode, il existe un discours sur le recyclé qu'il convient certainement de mieux expliquer aux consommateurs. Dans une perspective de transition écologique, pour un mode de vie plus sobre et pour réduire les conséquences de notre consommation sur le vivant, nous devons restreindre notre consommation aux besoins et ne pas utiliser des détours comme la mode avec du textile recyclé pour se donner un bon argument pour continuer à consommer au même rythme. L'information du consommateur pose une question aux pouvoirs publics. Cette information doit être claire et inviter à s'orienter vers des pratiques plus adaptées sur le plan environnemental et social.

La deuxième étape correspond au vouloir. Le consommateur souhaite-t-il utiliser moins de plastique ? Cette question est importante, car la transformation des modes de vie demande un effort cognitif (s'informer, chercher à substituer le plastique par d'autres matières) et un effort physique : le plastique est pratique, léger et donne confiance. Avec la crise de la Covid, nous avons observé une résurgence d'emballages plastiques.

Quelle pourrait être une alternative au plastique ? Faire des courses dans un magasin de vrac est un peu plus contraignant que dans une grande surface où les emballages plastiques sont plus nombreux. Dans un magasin de vrac, il faut penser à prendre ses sacs et ses pots en verre. La logistique doit ainsi être repensée. Le consommateur est-il prêt à repenser sa logistique ? Comment les organisations, les entreprises et les grandes surfaces peuvent-elles l'accompagner dans ce changement pour qu'il ne soit pas seul et qu'il ne subisse pas tous les coûts ? Par exemple, en grande distribution, les suremballages sont nombreux. Quelles actions mène la grande distribution pour encourager les consommateurs à prendre leurs propres contenants ? On observe que la grande surface ne fournit pas beaucoup d'efforts pour faciliter l'initiative du consommateur à venir avec ses contenants. La grande surface doit-elle valoriser ce type de comportement avec une gratification par exemple, comme une carte de fidélité ?

Le consommateur se situe aujourd'hui dans un certain confort et dans une certaine habitude. Changer n'est pas sa priorité, parce que cela demande du temps et une vraie réflexion sur l'utilité du changement. Prenons-nous le temps de repenser nos modes de vie vers moins de plastique et d'autres formes alternatives de consommation ? Le processus doit être facile et faire l'objet d'un véritable accompagnement, notamment par les entreprises. Le consommateur seul ne pourra pas changer ses modes de consommation.

La dernière étape correspond au pouvoir faire. Le consommateur peut-il changer son mode de vie pour moins de plastique ? Cela pose la question des aspects matériels et économiques. Parfois, une absence de dispositif rend impossible le changement de consommation. Par exemple, si les offres de stylos qui ne sont pas en plastique sont de plus en plus nombreuses, il n'est pas toujours aisé de trouver la bonne marque et le bon produit. Aujourd'hui, les solutions alternatives au plastique, comme le vrac, restent onéreuses. Le vrac reste coûteux, parce qu'il est bio ou vendu dans des magasins en centre-ville. Nous pouvons légitimement penser que dans de tels cas, le prix des loyers se répercute sur les produits. Mais le consommateur rencontre beaucoup de difficultés à comprendre cette différence de prix. Il est toutefois possible de trouver du vrac sur les marchés pour des prix moins élevés. Cependant, le consommateur est peu encouragé par des prix souvent plus chers à se rendre en centre-ville, à repenser sa logistique et sa façon de faire les courses alimentaires.

C'est également vrai dans le domaine du textile. La fast fashion est beaucoup moins coûteuse qu'un vêtement de mode plus éthique et plus durable. Un t-shirt de fast fashion coûte environ 6 euros et un t-shirt de mode durable entre 18  et 20 euros. La question de la justice sociale est posée. Comment permettre aux différentes catégories sociales un accès aux alternatives qui utilisent moins de plastique et qui sont beaucoup plus coûteuses pour le consommateur ?

La question de la démocratisation du vrac est posée. Le territoire encourage-t-il certaines initiatives ? Par exemple, en région parisienne, une initiative appelée « la tournée » permet aux consommateurs de se faire livrer des courses avec des contenants en verre. Comment valoriser ce type d'initiative ? Comment faire valoriser ces initiatives par les territoires ?

En conclusion, je pense qu'une diminution drastique de la consommation de plastique passe par un accompagnement du consommateur, en termes d'information notamment. Il s'agit d'une question systémique. Elle questionne, certes le consommateur, remet en cause ses modes de vie, mais également l'offre des entreprises. Comment les entreprises peuvent-elles proposer des alternatives ? Les pouvoirs publics doivent s'interroger, certainement en termes d'information, voire en termes d'orientation. En effet, parfois le consommateur aimerait mieux consommer, mais il est nécessaire de lui indiquer quel chemin prendre. Cela pose également la question de la valorisation par les territoires. Comment les territoires peuvent-ils aider à la mise en place de ces pratiques alternatives ?

M. Philippe Bolo, député. - Je remercie Mme Guillard d'avoir abordé le sujet de la justice sociale et sociétale, souvent oubliée, mais essentielle. En effet, cette dimension est particulièrement importante, surtout dans le cadre d'un traité international sur la pollution plastique. Les niveaux de vie et de développement économique des différents pays sont loin d'être comparables. Il est important de corréler la dimension sociale au rôle essentiel du monde économique et des pouvoirs publics.

Quelle est la position de la Chine dans les négociations actuelles ? Comment a évolué le positionnement d'autres pays, devenus aujourd'hui destinataires de déchets plastiques à la suite de la fermeture des frontières chinoises et d'autres pays asiatiques ?

Mme Gayrard, qu'en est-il des réglementations ailleurs dans le monde ? Les limites observées dans la réglementation européenne ne constituent-elles pas une sorte de talon d'Achille dans le traité international ?

Mme Gontard, l'économie circulaire s'appuie sur les trois « R » : la réduction, le réemploi et la réutilisation, et le recyclage. Au sujet de la dimension internationale du futur traité, nous savons que tous les pays ne disposeront pas de la même capacité à investir des moyens importants dans le recyclage. Pour autant, certains sont destinataires de quantités importantes de déchets. Que vont-ils en faire ? Ne faudrait-il pas y lire une sorte de note d'espoir où ceux qui auraient des déchets importants à gérer, mais pas les capacités à développer des infrastructures de recyclage, deviendraient les promoteurs des deux autres « R » ?

M. Gabut, si nous voulons rendre une ACV puissante au niveau international, la notion d'échelle géographique entre en jeu. Au-delà de l'échelle du produit conçu pour le marché, nous devrions pouvoir développer des ACV qui indiquent quels sont les impacts dans d'autres pays et qui permettent d'éviter que ces impacts soient négatifs.

M. Andrés Del Castillo. - Depuis l'adoption de lois nationales en Chine en 2017, il a été interdit d'y importer des déchets plastiques et cela a bouleversé le monde. Cette politique nationale a accéléré les questionnements et les démarches à l'échelle régionale et internationale. Par conséquent, nous avons obtenu en moins d'un an un amendement à la convention de Bâle sur les contrôles de déchets.

La Chine a également envoyé une contribution pour la deuxième session des négociations qui se tient à Paris. En ce qui concerne les objectifs du traité, ce document met en avant deux dimensions : la protection des enjeux liés à l'environnement et la santé humaine.

Au niveau des mesures contraignantes, la Chine évoque la possibilité de promouvoir la production et la consommation durable du plastique. Quand il s'agit de mesures plus concrètes, la Chine défend des mesures volontaires de restriction des plastiques, des additifs, des produits et de certaines applications des plastiques. On observe donc une évolution, car la Chine ne souhaitait pas parler de restrictions auparavant. Elle est donc prête à la discussion.

Mme Véronique Gayrard. - Je n'ai pas beaucoup d'éléments de réponse à votre question. Je sais que le système REACH est tout à fait unique au monde, puisqu'il fournit une base de données très importante sur les produits chimiques et les risques associés. Pour ce qui concerne la sécurité des aliments et la présence de substances chimiques dans les aliments, il y a d'autres institutions équivalentes à l'EFSA comme la Food and Drug Administration (FDA) américaine. En outre, l'OCDE aide les pays à élaborer des stratégies pour réduire les risques liés à l'exposition aux produits chimiques.

M. Philippe Bolo, député. - Mme Gontard, vous avez mis en évidence le fait que nous avions centré notre approche de l'économie circulaire autour du recyclage. Nous avons la perspective d'un traité international et le sujet du recyclage est évidemment sur la table. Tous les pays ne pourront pas disposer d'une infrastructure telle que la nôtre, en matière de tri, de collecte, puis de recyclage. Certains reçoivent de grandes quantités de plastiques de la part des pays développés. Le traité ne serait-il pas pour eux l'occasion de réaffirmer qu'au-delà du recyclage, d'autres « R » existent dans l'économie circulaire : la réduction (laquelle éviterait que des déchets arrivent chez eux), le réemploi, la réparation et la réutilisation ?

Mme Nathalie Gontard. - Peut-être pourrons-nous en effectuer la démonstration. S'agissant des « R », le réemploi est très difficile pour le plastique. Il n'a pas été conçu à cet effet. Il peut être réemployé, mais de façon très limitée. Ce n'est pas du verre. Le verre est un matériau dense et inerte, à la différence du plastique. Miser sur le réemploi du plastique pour réduire significativement la pollution plastique n'est pas raisonnable selon moi.

En ce qui concerne la dimension internationale, nos déchets voyagent, notamment par la mer. Par exemple, quand des déchets franchissent des frontières et se retrouvent en Chine, ils finissent jetés dans les océans, brûlés ou enfouis. Cette problématique se pose particulièrement pour les îles et les États insulaires. Ceux-ci doivent gérer des déchets dont ils ne connaissant même pas la provenance ou dont ils s'aperçoivent que la provenance est très lointaine. Ainsi, à quoi leur sert-il de réduire leurs déchets, puisque de toute façon ce ne sont pas les leurs ?

Nous mettons en place des filières entières pour tapisser des pays de déchets plastiques dont nous ne savons pas que faire. Ces déchets pourront également être stockés sous forme d'objets qui paraîtront comme écologiques et vertueux, alors qu'ils ne le sont pas.

De plus, la production et la consommation de plastique sont parfaitement corrélées au PIB. Nous figurons parmi les pays les plus consommateurs de plastiques. Les seuls pays qui dérogent à cette corrélation sont les pays du Golfe, parce qu'ils disposent de revenus tellement élevés que la consommation de plastique ne suit pas. Ainsi, un pays qui n'a pas les moyens de traiter des déchets plastiques est un pays qui en consomme beaucoup moins.

La Convention de Bâle régit les mouvements transfrontaliers de déchets dangereux. Le plastique en fait partie. Cependant, dès lors que le pays peut démontrer qu'il est capable d'appliquer une gestion écologiquement responsable de ce déchet, celui-ci n'est plus considéré comme dangereux. Dans le cas du plastique, il suffit de collecter, de trier et de décycler. In fine, le plastique passe au travers de la Convention de Bâle.

Mis à part le décyclage, les autres solutions et supports sont peu nombreux pour la gestion de la pollution plastique dans les pays du Sud. De plus, la réduction a un impact limité, dans la mesure où les déchets que ces pays doivent gérer ne sont pas les leurs.

Il est important que nous prenions nos responsabilités et que nous interdisions les mouvements transfrontaliers de plastique. Nous devons gérer les déchets plastiques que nous produisons. Ne cherchons pas à aider des pays à les gérer, puisque nous-mêmes nous ne savons pas les gérer correctement.

Mme Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l'Office. - En France, la consommation de textiles a été multipliée par deux en 15 ans, lesquels sont majoritairement composés de plastiques. Les consommateurs ne savent certainement pas que leurs vêtements sont en plastique. La surconsommation de vêtements en plastique ces dernières années est concrète.

Le tissu polaire est un matériau textile qui résulte du décyclage. Il relarguera dans l'environnement des quantités phénoménales de microfibres. M. Sönke, on retrouve ces microfibres dans l'air, car elles sont très légères. Elles peuvent éventuellement poser d'autres problèmes de santé. Comment documenter leur présence dans l'air ? On retrouve ces microfibres jusqu'au sommet de l'Everest, dans les grands fonds marins et en maints endroits. Cela ne pose-t-il pas un problème particulier en raison de leur forme et de la façon dont elles peuvent être ingérées par des organismes comme des vers de terre ? Contrairement à d'autres matériaux en plastique, ce tissu a un impact phénoménal sur l'environnement.

Je rejoins les propos de Mme Gontard sur les filtres de machine à laver. J'émets de grandes réserves à ce sujet. De plus, la charge a été mise sur les fabricants de machines à laver et non sur les acteurs à l'origine de la fuite de ces microfibres dans l'environnement.

J'avais fait voter dans la loi climat et résilience au Sénat un amendement qui obligeait les metteurs en marché de ces produits textiles à inscrire le fait qu'ils relarguent dans l'environnement des microfibres tout au long de leur cycle de vie. Je pense que dans le cadre du traité international, il sera certainement nécessaire d'intégrer l'arrivée très massive de ces microfibres dans l'environnement. Elles poseront peut-être d'autres problèmes encore que ceux que nous avons envisagés jusqu'à présent.

M. Philippe Bolo, député. - Il est également possible de lire ce sujet du textile dans la perspective du traité à travers les filières d'exportation des déchets textiles.

Mme Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l'Office. - Nous commençons à développer en France le tri des textiles. Nous envoyons énormément de vêtements en Afrique, sous couvert humanitaire. Les populations africaines ne savent pas quoi en faire. Les vêtements sont en train de s'accumuler. Ces envois de vêtements finissent par du stockage, en maints endroits, sur les plages ou sur des terrains. Nous ne savons pas non plus recycler ces vêtements. Nous n'avons même pas encore envisagé très concrètement de le faire. Nous avons également une responsabilité dans ce domaine.

M. Jeroen Sönke. - Les fibres observées aujourd'hui dans l'atmosphère le sont généralement en milieu urbain. Elles possèdent une longueur comprise entre 0,2 et 2 millimètres. C'est relativement large et parfois observable à l'oeil nu. Je soupçonne que les microfibres observées au mont Everest proviennent de la pollution locale des milliers d'alpinistes qui gravissent cette montagne chaque année.

Les mesures des microplastiques et microfibres dans l'environnement sont extrêmement difficiles. Nous passons des années au laboratoire à peaufiner ces analyses. Très vite, nos échantillons sont contaminés par nos vêtements, eux-mêmes faits en fibres. Je pense que les microfibres dans l'atmosphère sont présentes en milieu urbain et ne voyageront pas sur de longues distances. Nous ne pouvons pas parler de transport intercontinental des microfibres, comme c'est le cas pour les microparticules très fines. Par exemple, au pic du Midi, les microplastiques les plus fins mesurent entre 3 et 20 micromètres. Les microparticules connaissent un transport intercontinental et peuvent être émises par les océans.

Je pense aussi, bien que je ne sois pas expert du sujet, que les microfibres plus longues ne pénètrent pas dans nos poumons. Nous ne les respirons pas parce qu'elles sont trop larges. Les particules les plus fines, jusqu'à 10 micromètres, font partie des fameuses PM10 qui peuvent pénétrer dans les poumons. En termes d'exposition de l'homme, il ne s'agit donc peut-être pas de la plus grande préoccupation.

Mme Nathalie Gontard. - Nombre de pays africains se sont élevés contre les arrivées massives de vêtements usagés en fibres synthétiques, lesquelles portaient atteinte à leur marché, à leurs produits locaux et notamment au coton. Parmi ces pays figurent le Rwanda, la Tanzanie, l'Ouganda et le Kenya. Le Rwanda avait commencé à interdire l'arrivée des textiles en provenance des États-Unis. Il s'en est suivi une bataille assez importante avec une menace de représailles commerciales vis-à-vis du Rwanda notamment. Les pays ont donc été obligés d'accepter à nouveau ces déchets pour ne pas souffrir sur un plan économique. Mais les particules de plastique, ce ne sont pas seulement les fibres textiles.

Le secteur de la construction constitue également un sujet de préoccupation. Des études ont analysé les particules plastiques retrouvées dans les glaces de l'Arctique et ont essayé de tracer leur origine. La première origine semble être l'usure de certains matériaux utilisés dans les bâtiments. Il s'agit de l'usure de matériaux à l'intérieur, mais aussi à l'extérieur (comme les revêtements de protection). Une maison écologique bien isolée regorge de plastiques.

Mme Muriel Mercier-Bonin. - Une étude menée en 2019 par une équipe canadienne a comparé le nombre de microplastiques consommés dans l'alimentation au nombre de microplastiques qui pouvaient être inhalés. Les quantités étaient relativement équivalentes. Au niveau pulmonaire, il existe des barrières, un épithélium pulmonaire, du mucus (qui peut aussi jouer un rôle de protection) et un microbiote pulmonaire. Il existe souvent un décalage entre l'écosystème intestinal et l'écosystème pulmonaire. Mes collègues qui travaillent sur le poumon sont peut-être un peu moins avancés sur cette thématique des microplastiques. Une métrologie est nécessaire par rapport aux questions de captation, de franchissement de barrières et de translocation éventuelle des plus petites particules. Des conséquences liées à l'inhalation existent peut-être. Des études pourraient être menées sur la communication entre les organes, les intestins et les poumons.

Mme Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l'Office. - Au sujet du savoir, du vouloir et du pouvoir faire des consommateurs, à quel moment l'emballage plastique deviendra-t-il inutilisable pour le consommateur parce qu'il en connaîtra tous les effets ? Comment faire pour introduire la notion de cycle de vie dans l'utilisation de l'emballage plastique ?

Il est légalement possible d'utiliser son propre contenant pour se faire servir à la découpe en France. Même si aucune publicité n'est réalisée à ce sujet, c'est applicable depuis le premier janvier de l'année dernière. Comment faire pour que le consommateur soit écoeuré d'avoir recours à la barquette de jambon en plastique ? Il serait nécessaire d'expliciter ce que représente la pollution plastique pour que, sans devoir fournir d'efforts, personne ne souhaite l'utiliser.

Mme Nathalie Gontard. - En termes de communication, lorsque nous expliquons l'impact des plastiques, nous avons conscience que cet impact n'a d'effet que longtemps après leur utilisation. Nous devrons fournir un effort de communication sur ce point et sur les aspects de bombe à retardement et de réservoir. Si nous ansorbons l'équivalent d'une carte bleue ou d'un petit grain de riz de plastique, nous n'en voyons pas les effets. Le plus difficile est de faire comprendre comment on peut imaginer que les effets soient nuls, au regard des quantités de plastique accumulées dans notre environnement et qui se dégradent.

Nous parlons beaucoup des consommateurs, mais j'aimerais que nous parlions davantage des acteurs très actifs : les industriels. Comment les sensibiliser ? Une grande partie du travail doit être mené avec eux. Sans eux, nous serons impuissants.

M. Andrés Del Castillo. - La conférence des Nations Unies sur le commerce parle de « remplacements », en distinguant les substituts et les alternatives. Elle a dressé une liste des codes douaniers en mettant en avant plus de 300 remplacements. Il existe des barrières au niveau du commerce parce que les droits de douane sont plus élevés sur les produits de remplacement que sur les produits plastiques. Un rapport a été présenté la semaine dernière. Cette question des remplacements figurera dans le traité international.

Par rapport à la matière plastique et à la transparence, qui doit savoir quoi ? Je ne sais pas si un consommateur est très intéressé par les filtres UV 328. Est-ce l'autorité publique ou l'utilisateur au sein de la chaîne d'approvisionnement qui doit être informé ? Beaucoup d'entreprises ne connaissent pas ce qui se trouve dans le matériel qu'elles utilisent. Des constructeurs de voitures commencent à se mettre d'accord pour disposer de bases de données sur l'ensemble des matériels et des polymères qu'ils utilisent dans la production des voitures. Les PET constituent un exemple dont nous parlons beaucoup, mais il s'agit du seul exemple de réussite dont nous disposons. De fait, les industriels s'étaient mis d'accord à ce sujet pour faire état d'un certain degré de transparence.

M. Philippe Bolo, député. - Je voudrais vous remercier toutes et tous. Vous nous avez adressé un certain nombre de messages essentiels. Le flux et le stock sont importants et des images nous révèlent l'ampleur de la pollution plastique. Ce flux perdure et alimente un stock déjà important. Nous devons agir dessus. La prise de conscience, je pense, est désormais réelle. Les leviers pour réduire ces flux sont nombreux et globaux.

Certains objets plastiques produits à un endroit de la planète peuvent polluer ailleurs ou de manière globale. C'est pourquoi nous attendons beaucoup de ce traité international. Je voudrais terminer en remerciant notre président d'avoir accepté que l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques s'empare de ce sujet, ce qui montre que le Parlement français est attentif à ce traité international. Nos résultats et la synthèse de la table ronde nous permettront d'apporter notre contribution.

Mme Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l'Office. - Merci à tous les intervenants pour votre contribution à cette image très précise de la pollution plastique et merci de nous avoir apporté des éclairages supplémentaires.

M. Pierre Henriet, député, président de l'Office. - Nous allons pouvoir clore cette séance et encore une fois nous observons l'intérêt que nous avons au sein de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques à faire entrer la science au sein des décisions politiques. Nous comptons sur vous, comme nous comptons sur l'ensemble des parlementaires mobilisés au sein de l'Office pour poursuivre ce combat, que ce soit au niveau international comme au niveau national et partout où cela sera possible. Je vous remercie.

La réunion est close à 13 h 20.