Jeudi 4 mai 2023

- Présidence de Mme Françoise GATEL, présidente -

Audition de M. Stéphane Artano, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer, sur les perspectives institutionnelles relatives aux collectivités ultramarines

Mme Françoise Gatel, présidente. - Chers collègues, je suis ravie d'accueillir Stéphane Artano, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer. Je le remercie d'avoir accepté cette invitation.

Au-delà de l'actualité de ces derniers jours à Mayotte et en Polynésie, et sans être spécialiste des outre-mer, je ressens une réelle difficulté lorsque ces sujets sont abordés au Sénat, par manque de connaissance, de compréhension, voire d'intérêt. Or, nous constatons l'importance des outre-mer pour notre pays. Les outre-mer sont la France ; la France comprend les outre-mer. Le contexte géopolitique est particulièrement puissant. Les forces qui émergent sont intéressées et cultivent un appétit pour nos territoires d'outre-mer. Il existe, au sein des outre-mer, des appétences et difficultés que nous ne pouvons ignorer.

Il y a un mois, à la demande du Président Larcher et de Lana Tétuanui, nous avons mené avec Jean-Michel Houllegatte et Agnès Canayer une mission sur l'intercommunalité en Polynésie. Nous avons pris conscience d'un certain nombre de sujets et de réalités propres à ce territoire vaste comme l'Europe, entièrement composé d'îlots. Les organisations mises en place il y a plusieurs années engendrent des difficultés. Nous retrouvons des sujets de décentralisation, de différenciation, de déconcentration. Des évolutions semblent nécessaires.

Le président Larcher a souhaité que le groupe de travail « Décentralisation » qu'il préside comprenne un volet sur l'outre-mer, ce que je trouve judicieux. Hier, le président Artano a présenté à ce groupe les résultats des travaux de la délégation. Si les questions sont aisément identifiables, les réponses demeurent complexes. Il me semblait donc fort intéressant que le président Artano échange avec nous sur ces sujets.

Je ne serai pas plus longue et laisse la parole à Stéphane Artano.

M. Stéphane Artano, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer. - Je vous remercie pour cette invitation. Je trouve tout à fait positif que votre délégation se saisisse des questions ultramarines. Il est intéressant que nous puissions croiser nos regards, entre la délégation « naturelle » des outre-mer et les autres délégations et commissions de cette belle maison qu'est le Sénat. Si les réalités sont parfois extrêmement diverses, nous retrouvons souvent des problèmes similaires en outre-mer et dans l'Hexagone.

Je vous propose de livrer les résultats des travaux présentés hier au groupe « Décentralisation » présidé par le Président du Sénat. Ces préconisations à propos d'une possible évolution constitutionnelle font suite à des travaux engagés par le Sénat en 2020 pour « un nouvel acte de décentralisation », comprenant un volet ultramarin porté par mon prédécesseur Michel Magras. Le rapport soutenait deux préconisations principales : l'adaptation des normes nationales aux caractéristiques des territoires et la réécriture des articles 73 et 74 de la Constitution relatifs aux outre-mer.

Le Président de la République a par ailleurs annoncé une révision constitutionnelle eu égard, notamment, au contexte calédonien. La délégation s'est ainsi interrogée sur la pertinence de reprendre le travail que nous avions réalisé en 2020.

En mai 2022, sept exécutifs ont signé l'appel de Fort-de-France. Le Président de la République a réuni le 7 septembre 2022 à l'Elysée l'ensemble des élus ultramarins, et s'est montré relativement ouvert sur les perspectives institutionnelles. La feuille de route dressée par les ministres Gérald Darmanin et Jean-François Carenco s'appuie sur un mode opératoire territoire par territoire afin de préparer le CIOM (Comité interministériel pour l'outre-mer).

Depuis 2020, plusieurs assemblées des territoires ultramarins ont été renouvelées, entraînant des évolutions de vision. Le changement de majorité en Polynésie française dimanche dernier impactera aussi vraisemblablement le positionnement institutionnel.

Nos travaux se sont inscrits dans ce contexte. Avec ma collègue Micheline Jacques, sénatrice de Saint-Barthélemy et co-rapporteur, nous avons auditionné tous les exécutifs de l'outre-mer. Le Président Gérard Larcher, très sensible aux outre-mer, a souhaité consacrer un après-midi à ces territoires lors du Congrès des Maires. Les échanges ont été très nourris sur ces questions. Le sujet institutionnel a été abordé, concomitamment à celui des compétences.

Nous tirons divers enseignements de nos travaux. Plusieurs consensus émergent : adaptation insuffisante des politiques publiques aux réalités de chaque territoire, faible efficacité de dispositifs en vigueur sur le sujet, rigidité et faiblesse de l'État déconcentré dans les outre-mer. Nous sommes arrivés au bout d'un système. Une déconcentration et une décentralisation accrues seraient une dualité intéressante.

Le constat de l'échec d'adaptation se traduit par une forte demande de co-construction des politiques publiques. Les territoires veulent faire avec l'État, presque autant qu'ils veulent faire « à sa place ». Ce constat partagé ne permet pas pour autant de dégager des solutions communes. Cela témoigne pleinement de ce qu'est la différenciation.

Les collectivités de l'article 74 - Polynésie, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna - ne demandent pas de profondes évolutions, préférant des aménagements à la marge. Les souhaits exprimés n'appellent pas directement de modification de la Constitution. Les lois organiques répondent à leurs besoins - seule la Polynésie française demande l'inscription du fait nucléaire dans la loi fondamentale, ainsi que la valeur législative des lois du paysdemande. Certaines dispositions de l'article 74 pourraient néanmoins être précisées, s'agissant notamment de la notion d'autonomie des collectivités. Saint-Martin et la Polynésie française se sont exprimées en défaveur d'une refonte globale du cadre constitutionnel des outre-mer tandis que Saint-Pierre-et-Miquelon et Saint-Barthélemy restent ouverts.

Les orientations sont très diverses - voire opposées - parmi les collectivités de l'article 73. La Guyane et la Martinique expriment une volonté de forte évolution, demandant un pouvoir normatif plus fort dans de nombreux domaines de compétences. La Guyane sollicite une mention particulière dans la Constitution pour garantir son autonomie. Un basculement vers l'article 74 n'a jamais été formulé. Mayotte et La Réunion, pour leur part, sont attachées au statu quo. Le département de la Réunion souhaite le maintien de l'amendement Virapoullé - tandis que la région de La Réunion souhaite sa suppression - ainsi qu'un partenariat renouvelé avec l'État, une co-construction des politiques publiques et des consultations appuyées en amont. La région est, quant à elle, ouverte à de nouvelles compétences. Entre ces deux positions, la Guadeloupe accepterait des évolutions. Toutefois, depuis, le congrès des élus de la Guadeloupe aurait avancé dans ses réflexions. On le voit, le sujet institutionnel est mouvant et toutes les positions ne sont pas figées.À l'issue de ces auditions, la délégation a formulé trois scénarios. Pour nous, le volet institutionnel doit arriver au bout des réflexions, si on l'estime nécessaire pour conduire les politiques souhaitées. Nous ne faisons pas d'une évolution constitutionnelle un totem. Le Président de la République offrait une perspective en la matière. Traditionnellement, une fenêtre sonstitutionnelle s'ouvre tous les 15-20 ans. Il serait dommageable pour ceux qui le souhaitent de ne pas en profiter. Ceux qui ne sollicitent pas d'évolution resteraient dans leur situation actuelle.

Le premier scénario repose sur un statu quo institutionnel. Quelle que soit l'alternative retenue, une réforme des méthodes nous paraît incontournable. Nous imaginons six pistes non exhaustives. La principale porte sur l'organisation annuelle d'une semaine de l'outre-mer au Parlement, au cours de laquelle une loi d'adaptation serait examinée. Cette approche figurait déjà dans le rapport du Sénat de 2020. Cette semaine a pleinement son intérêt. Le ministre chargé des outre-mer Jean-François Carenco a annoncé qu'une grande loi outre-mer verrait le jour à l'issue du CIOM.

La deuxième piste concerne les études d'impact. Un important travail doit être mené pour que l'adaptation des dispositifs aux réalités des outre-mer soit examinée dès l'élaboration des avant-projets de loi et de décret. La troisième piste vise une revue générale des normes outre-mer, code par code, en vue d'adapter le droit. La quatrième piste d'amélioration soutient la co-construction des politiques publiques et implique une déconcentration massive de l'État autour du préfet. Le Président Gérard Larcher a soutenu ce message lors de sa visite en Guadeloupe et en Martinique. Notre cinquième piste concerne les procédures d'habilitation législative prévues par l'article 73 de la Constitution. Nous souhaitons que l'État accompagne les collectivités dans la mise en oeuvre de ces procédures qui, par ailleurs, fonctionnent mal. Enfin, il nous semble indispensable de renforcer les moyens de la Direction générale des outre-mer (DGOM), qui a perdu en effectif et n'assure plus son rôle de pilotage des politiques publiques.

Ce premier scénario a le mérite de ne pas rouvrir un débat porteur de divisions sur certains territoires. Il contraint l'État et les collectivités à réinventer leur relation partenariale. Pour autant, il ne répond pas aux aspirations de la Guyane et de la Martinique en faveur d'un pouvoir normatif plus autonome. Il est par ailleurs permis de douter de la capacité de l'État à changer en profondeur et durablement ses pratiques et son organisation.

Le deuxième scénario est favorable à une révision qui complèterait les articles 73 et 74. Cette orientation répondrait au reproche en immobilisme, sans ouvrir un grand débat institutionnel. Elle pourrait cependant brouiller le cadre constitutionnel. Plusieurs modifications nous semblent souhaitables, dont la réécriture du second alinéa du Préambule de la Constitution afin de supprimer la mention anachronique de « territoires d'outre-mer ». Nous pourrions également renforcer le principe d'adaptation des normes aux réalités des territoires en le rendant obligatoire - sauf à justifier de la non-nécessité d'adaptation. Nous pourrions ouvrir la possibilité aux collectivités de l'article 73 d'exercer un pouvoir normatif autonome, sous la forme d'une extension permanente des habilitations préalablement obtenues - sous réserve que le statut du territoire le prévoie et que la population donne son consentement. Si un pouvoir normatif autonome était admis pour les collectivités demandeuses, un amendement Virapoullé modifié pourrait exclure La Réunion de ce dispositif afin de préserver l'équilibre sur le territoire. La Réunion pourrait alors recourir à la procédure d'habilitation s'exerçant sous le contrôle du Parlement et du Gouvernement, mais continuerait à se distinguer en s'interdisant tout pouvoir normatif autonome. De leur côté, les collectivités de l'article 74 pourraient avoir le droit d'exercer toutes les compétences, à l'exception des compétences régaliennes et selon un calendrier défini par elles-mêmes. En revanche, il ne serait pas fait droit aux demandes de mention particulière du statut de certains territoires dans la Constitution.

Le troisième scénario porte sur une vraie rénovation du cadre constitutionnel des outre-mer. La réforme de 2003 a abouti à un paysage constitutionnel et juridique éclaté en outre-mer tout en maintenant une distinction binaire entre les articles 73 et 74, qui prive les collectivités de l'article 73 de l'accès à certains outils juridiques et alimente les crispations sur la question des institutions. Un cadre unifié aurait plusieurs avantages. Les deux articles réunifiés constitueraient une « boîte à outils » au sein de laquelle chaque outre-mer puiserait ce qui l'intéresse pour adapter son statut sur mesure. Il ne s'agirait pas de l'absorption d'un régime par un autre, mais d'une réécriture complète ouvrant le champ des possibles.

Ce troisième scénario paraît comme le plus satisfaisant juridiquement et intellectuellement, mais il ne convainc pas encore tout le monde. Un travail de pédagogie amplifié serait nécessaire pour convaincre et rassurer. Nous imaginons trois garanties pour y parvenir. Tout d'abord, ce nouveau cadre ne s'appliquerait pas aux DROM, souhaitant continuer à être régis par l'article 73. Ce dernier ne serait abrogé qu'à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi organique du nouveau statut. Par ailleurs, ce nouveau statut ne créerait pas d'obligation d'évoluer institutionnellement. Enfin, ce cadre renforcerait le principe de consultation et d'approbation populaires avant toute évolution institutionnelle substantielle. Ces garanties politiques, juridiques et démocratiques constituent des préalables indispensables pour lever les oppositions si une nouvelle page institutionnelle devait s'ouvrir.

Ces trois scénarios comportent leurs avantages et leurs faiblesses. La délégation n'a pas souhaité trancher le sujet. Si une révision de la Constitution devait être à l'ordre du jour, la délégation écarte le statu quo constitutionnel pour les outre-mer.

En 2020, Michel Magras avait porté le troisième scénario, retenu par la proposition 44. Si la force de cette orientation demeure intacte de par sa cohérence et son pragmatisme, les conditions d'un consensus dans les territoires ne sont pas réunies à ce jour. Malgré son érosion, la distinction entre les articles 73 et 74 demeure un point de repère important.

À ce stade, et dans le contexte politique actuel, le scénario 3 requiert de la prudence.

Hier, le ministre Jean-François Carenco a réuni les deux délégations aux outre-mer, de l'Assemblée et du Sénat pour évoquer le CIOM. Huit thèmes de travail avaient été identifiés et transmis aux préfets dans l'optique d'un travail participatif avec les collectivités et les territoires (conditions de vie, conditions de développement économique, etc.). Le neuvième thème, une évolution institutionnelle, n'arriverait qu'en cas de nécessité. Plus de 2 000 demandes ont émané des territoires dans le cadre du CIOM et seront synthétisées autour d'une centaine de propositions. Si le CIOM répond aux critiques et aux dysfonctionnements, le champ constitutionnel ou institutionnel pourrait ne pas être ouvert. Pour autant, un territoire qui dispose d'une loi organique pourrait engager un processus avec le Gouvernement en vue de sa révision à la marge.

Je me tiens à votre disposition pour tout complément.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Merci beaucoup, Monsieur le Président, pour ce travail considérable. Je salue votre méthode d'écoute des territoires, votre volonté d'aboutir à un diagnostic partagé et votre ouverture sur le champ des possibles.

Nous avons la manie, en France, de définir un cadre en espérant résoudre toutes les difficultés de fonctionnement. Or, vous le dites, l'évolution des institutions interviendra éventuellement dans un second temps, sur la base des dysfonctionnements identifiés et du projet construit. Celui-ci doit être partagé et recevoir l'adhésion de la population.

L'objectif est que les populations puissent être « servies », que l'égalité des droits soit une réalité et que les territoires bénéficient d'un dynamisme et d'une solidarité nationale. Le premier scénario reprend les conclusions du rapport d'Agnès Canayer et Éric Kerrouche sur les services déconcentrés de l'État. Entre outre-mer comme en métropole, les collectivités sont parfois conduites à procéder sans l'ingénierie et l'appui de l'État. Les études d'impact, vous le soulignez, n'existent pas. Nous manquons souvent d'ambition en matière d'expérimentation, alors que ces démarches permettent de tester des dispositifs, d'apprivoiser des changements et d'évoluer de manière sécurisée.

M. Jean-Michel Houllegatte. - Je vous remercie pour ce travail accompli. Lors de notre déplacement en Polynésie, le manque de concertation en amont a souvent été évoqué. Nous retrouvons les sujets de co-construction, de déconcentration ou encore d'autonomie du pouvoir normatif.

La Polynésie relève de l'article 74. Avec 118 îles et 48 communes réparties sur un territoire grand comme l'Europe, la géographie s'impose. Les archipels sont des entités géographiques et sociologiques fortes. Un « toilettage » du périmètre des communes serait utile pour permettre aux conseils municipaux de se réunir dans de bonnes conditions. Le découpage de certaines intercommunalités relève parfois d'opportunités financières. Nous ressentons également un besoin d'innovation.

L'eau est rare, notamment dans l'archipel des Tuamotu. Une problématique se pose dans la « potabilité » de l'eau récupérée et son adaptation aux normes. Il en est de même en matière d'assainissement, parfois défaillant et très mal contrôlé. Des résidus d'assainissement peu - voire pas - contrôlés se déversent dans les lagons. Nous pointons également la problématique des déchets et des ordures ménagères.

Il convient d'être innovant dans l'exercice des compétences en fonction de la géographie. Un toilettage institutionnel paraît également nécessaire. À cela s'ajoute le fait politique, le parti d'Oscar Témaru venant de remporter 38 des 58 sièges. Nous verrons comment cette volonté d'évolution se traduira.

La Chambre territoriale des comptes exerce sa mission de contrôle a posteriori. Il existe selon moi un déficit d'accompagnement amont des territoires et des décideurs dans l'efficience de l'action publique. Nous constatons un manque de stratégie dans l'allocation de moyens.

Le troisième scénario me semble s'imposer. Le Président de l'Assemblée territoriale ou le Président de la Polynésie exerceront certainement une pression. Le souhait d'évolution est fort. Envisagez-vous une évolution des fonctions de contrôle afin que l'État accompagne mieux ces collectivités ?

Mme Corinne Féret, vice-présidente. - Je vous remercie d'avoir initié ce point. Le rapport est extrêmement intéressant.

Une délégation de la commission des Affaires sociales s'est rendue en Martinique il y a une dizaine de jours pour évoquer le vieillissement de la population. D'ici 2030, ce département sera le plus âgé de France - les personnes de plus de 75 ans seront plus nombreuses que les moins de 25 ans.

Nous avons rencontré l'une des vice-présidentes de la Collectivité territoriale de Martinique ainsi que l'un des trois présidents des intercommunalités et plusieurs maires des 34 communes. Le territoire rencontre des problématiques hétérogènes au Nord, au Sud et dans le centre. Les besoins dans le domaine social sont forts. Quid de la prise en charge des personnes âgées dans un territoire divers, confronté à d'importantes difficultés de déplacement et d'accès aux soins ? Quels moyens l'État peut-il consacrer à ces territoires ? Les investissements et les sommes accordées dans le cadre du Ségur de la Santé demeurent insuffisants.

J'apprécie vos propos sur la méthode et sur la volonté d'étudier en premier lieu les problématiques des territoires avant d'envisager une évolution des institutions, voire de la constitution.

M. Stéphane Artano. - La commission des Affaires sociales s'est déplacée pour la deuxième fois en outre-mer, après un voyage en Guyane. Il est extrêmement important de maintenir ces déplacements réguliers de parlementaires pour constater l'inadaptation de certains dispositifs et se rendre compte des réalités. Je vous remercie pour ce témoignage.

La redistribution de compétences en Polynésie française a toujours été un sujet. Les communes disposent de capacités d'investissement limitées, mais aspirent à répondre à leurs obligations. Lors de son audition en 2022, le Président Édouard Fritch de la Polynésie française déclarait être ouvert aux discussions pour un nouveau partage de compétences et disait ceci : « Dès le début de mon mandat [...] j'ai proposé à tous les maires [...] de considérer le pays comme un partenaire de développement. J'ai mis en place des outils financiers innovants en faveur de projets d'investissements communaux. Aujourd'hui, les conditions sont devenues favorables et permettent une évolution en faveur d'une plus grande coopération entre la Polynésie et les communes ». Trois outils de coopération existent déjà en Polynésie pour confier des compétences aux communes : le mandat, la délégation et le transfert de compétences. Ces outils n'ont pas nécessairement à être modifiés. Le problème vient du fait que les maires polynésiens ne parviennent pas à assumer leurs compétences, faute de moyens financiers.

La question de la fiscalité percute l'exercice des compétences sur le territoire polynésien. Nous pourrions mieux mobiliser ou mieux orienter la taxe de séjour pour offrir des marges, tout en conservant une péréquation entre les communes selon leurs capacités financières.

La fragilité des communes de Polynésie française est structurelle. Le regroupement obligatoire en intercommunalités peut être une solution. Une question se pose cependant : que pouvons-nous mutualiser, si ce n'est certaines fonctions support ? L'insularité, comme la ruralité, nous pousse à l'innovation. Nous sommes contraints de nous débrouiller. Je suis convaincu que des solutions peuvent être trouvées, et le résultat des élections territoriales de dimanche dernier ne devrait pas changer cette dynamique. En l'état, Moetai Brotherson souhaite poursuivre le dialogue avec le Gouvernement. Le ministre chargé des outre-mer nous a confirmé sa volonté d'avancer.

La Polynésie française dispose d'une largeautonomie, mais reste peu accompagnée. L'enjeu, pour ce territoire comme pour d'autres, est de se saisir pleinement des compétences qui lui sont confiées.

En matière de contrôle, nous devons renvoyer l'État à ses responsabilités. Ce contrôle protège les élus. À Saint-Pierre-et-Miquelon, nous sommes tenus de répondre aux remarques de la Chambre territoriale des comptes et de mettre en débat ces réponses à l'Assemblée. J'ignore si ce dispositif existe en Polynésie. Ce point mériterait d'être investigué. La fonction de contrôle en amont est indispensable pour sécuriser les pratiques. Pour être honnête, je ne vois pas souvent l'État accompagnateur et facilitateur. Sur certains territoires, les administrations sont tellement pléthoriques qu'elles ajoutent des barrières à des projets qui pourraient trouver des solutions facilement, dans le respect du cadre réglementaire. Nous manquons d'intelligence collective. Un changement de méthode s'impose. Lorsque les services de l'État participent à des réflexions de territoires, à des projets de développement économique, ils apprennent des choses. Les fonctionnaires d'État ne sont pas formés à ces sujets. Ce changement de méthode dépend grandement des hommes et des femmes aux commandes. En tant que préfet, Jean-François Carenco a marqué mon territoire. L'État déconcentré doit être recentré sur ses fonctions et reprendre le contrôle sur les agences (ADEME, OFB, ANCT, etc.).

In fine, si nous n'avons pas résolu les problèmes, nous arriverons au volet constitutionnel ou institutionnel. L'intelligence collective doit nous permettre de résoudre des difficultés.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Lors de mon déplacement en Polynésie, j'ai été frappée par l'accès aux soins. Compte tenu de la configuration du territoire, je pensais que la difficulté en la matière était importante. Pourtant, les déserts médicaux n'ont jamais été évoqués par les maires. Sur un territoire insulaire isolé, les acteurs inventent des solutions et s'adaptent au contexte. Les Marquises disposent d'un dispensaire et font régulièrement venir un avion transportant divers spécialistes - oncologue, dermatologue, etc. - qui restent sur place quelques jours. Ce suivi de la population évite toute anxiété.

Les déchets sont un sujet majeur en Polynésie. Bora Bora est une pépite touristique par la qualité de ses eaux. D'éventuels incidents de pollution auraient un effet désastreux sur l'économie et l'image du territoire. En Polynésie, les communes n'ont pas de compétences générales. Elles interviennent sur l'eau potable et sur les déchets. Le principe de subsidiarité conduirait à établir un schéma de collecte et de traitement des déchets à l'échelle de la Polynésie. Le territoire ne devrait-il pas mutualiser sa stratégie et ses moyens ? Ces évolutions peuvent être décidées sans grande révolution institutionnelle.

Une co-construction, une proximité et un accompagnement sont nécessaires entre les intercommunalités et la Polynésie.

M. Jean-Michel Houllegatte. - Si la Polynésie n'a pas de problème curatif, notons qu'il n'existe pas de politique de santé publique. Le déséquilibre alimentaire et les addictions constituent deux difficultés majeures.

Mme Françoise Gatel, présidente. - En effet. Merci pour cette ouverture d'esprit et cet apport de connaissance. Cher Stéphane, je salue l'intelligence de votre propos, lucide, attaché aux outre-mer et à la performance de service public. En tant que législateurs, nous avons un rôle à jouer pour comprendre, partager, construire et soutenir des démarches aussi positives.

M. Stéphane Artano. - Je vous remercie. Ce travail croisé entre commissions et délégations est extrêmement important et fructueux. Un prolongement en outre-mer de votre mission sur les services déconcentrés de l'État est utile. Nous n'irons nulle part sans une adaptation des services de l'État aux problématiques des territoires.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Je souhaite que cet appel soit entendu. Les sénateurs ayant porté la réflexion sur les services déconcentrés de l'État seront très heureux de prolonger le champ de leurs investigations.

Présidence de M. Stéphane Artano, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer, et de Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes -

Parentalité dans les outre-mer - Table ronde relative à la situation en Guyane

M. Stéphane Artano, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer, co-rapporteur. - Mes chers collègues, Mesdames et Messieurs, nous reprenons cet après-midi nos travaux sur la parentalité dans les outre-mer menés en commun par la délégation aux droits des femmes présidée par Mme Annick Billon et par la délégation aux outre-mer que j'ai l'honneur de présider. Mme Billon devra s'absenter tout à l'heure pour participer à la séance publique et s'en excuse par avance. Nous sommes tous les deux co-rapporteurs de cette étude, ainsi que Victoire Jasmin et Elsa Schalck.

Depuis février, nous avons conduit une série d'auditions dont les vidéos et comptes rendus sont disponibles sur le site du Sénat. Nous organisons des tables rondes géographiques afin d'appréhender les spécificités de chaque territoire au-delà du panorama d'ensemble que nous avons commencé à dresser.

Après Mayotte et les territoires du Pacifique, nous abordons aujourd'hui successivement la situation de la Guyane et de Saint-Pierre-et-Miquelon, territoire que je connais bien. Pour appréhender les réalités ultramarines au plus près, la présidente Annick Billon et deux de nos co-rapporteurs se sont déplacés en avril en Guadeloupe, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy. Ces visites de terrain enrichiront le rapport que nous rendrons en juillet. Je cède la parole à Annick Billon pour qu'elle puisse partager ses observations.

Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes, co-rapporteure. - Merci beaucoup Monsieur le Président. Je me réjouis d'avoir pu me rendre il y a quelques jours avec mes collègues Elsa Schalck et Victoire Jasmin dans ces territoires afin d'échanger avec des acteurs institutionnels et associatifs. Nous avons eu le privilège d'être accompagnés par notre collègue Micheline Jacques qui, tout comme Victoire Jasmin, connaît particulièrement bien ces territoires.

Nos entretiens nous ont permis de mieux appréhender les problématiques spécifiques à ces territoires sur la thématique de la parentalité, à savoir :

- de nombreuses mères seules, souvent dans des situations précaires ;

- une fréquente absence des pères dès la naissance des enfants, dont les deux tiers ne sont pas reconnus par leur père ;

- un fort taux d'IVG et de grossesses précoces ;

- un manque de structures d'accueil des jeunes enfants ;

- des problèmes de décrochage et d'absentéisme scolaire ;

- un taux élevé de violences intrafamiliales.

Nous avons également relevé un problème de maîtrise de la langue française  : pour les parents, notamment d'origine étrangère, ne parlant que le créole ou l'anglais, les échanges avec l'école et les institutions sont souvent complexes.. Ces cas sont fréquents à Saint-Martin.

Nos rencontres nous ont également permis de constater l'engagement de nombreux acteurs sur les questions de parentalité. L'action volontariste de la Caf de Guadeloupe et de Saint-Martin a été saluée par tous nos interlocuteurs. Plusieurs associations jouent un rôle crucial de soutien aux familles. Une meilleure coordination et une plus grande visibilité des différentes initiatives et structures sont cependant nécessaires.

Malheureusement, il ne nous est pas possible de nous rendre dans tous les territoires d'outre-mer. La visioconférence nous offre des possibilités d'échanges accrues. Nous nous réjouissons donc de pouvoir échanger cet après-midi avec des acteurs de Guyane que je remercie.

M. Stéphane Artano, président, co-rapporteur. - Pour nous aider à appréhender la situation particulière de la Guyane, nous allons entendre par visioconférence des acteurs très engagés. Nous les remercions vivement pour leur disponibilité, sachant que plus de cinq heures de décalage horaire séparent Cayenne et Paris. Ces acteurs sont :

- pour la collectivité territoriale de Guyane (CTG), Mme Aïssatou Chambaud, vice-présidente, présidente de la Fédération autonome des parents d'élèves et étudiants de Guyane (FAPEEG) ;

- pour la direction régionale aux droits des femmes et à l'égalité (DRDFE), sa directrice Mme Isabelle Hidair-Krivsky, anthropologue sociale et ethnologue ;

- pour la caisse d'allocations familiales (Caf), Mme Anne Cinna-Pierre-Charles, directrice par intérim, accompagnée par Mme Marie-Rose Chandely, directrice adjointe par intérim, Mme Hêv Seuleiman, responsable du développement social, et M. Olivier Noguerra, responsable de l'accès aux droits et de l'accompagnement des familles ;

- pour le réseau Périnat Est Guyane : Mme Aline Talbot, chargée de projet, référente grossesses adolescentes.

Mesdames et Messieurs, vous avez été destinataires d'une trame de questions pour vos propos liminaires en vue d'une présentation d'une dizaine de minutes environ. Puis, les rapporteurs vous poseront diverses questions. Ce sera enfin le tour de nos collègues.

Mme Aïssatou Chambaud, vice-présidente de la collectivité territoriale de Guyane, présidente de la Fédération autonome des parents d'élèves et étudiants de Guyane (FAPEEG). - Mesdames et Messieurs, les solidarités familiales sont très présentes en Guyane. Je parlerai principalement de la communauté créole, que je connais bien.

Nous nous sommes aperçus, à la collectivité territoriale de Guyane (CTG) et à la Fédération autonome des parents d'élèves et étudiants de Guyane (FAPEEG), qu'un regard stigmatisant était porté sur les pères, du fait d'un désengagement apparent. En effet, l'organisation familiale est portée par la mère : la famille guyanaise est matrifocale. Les grands-parents jouent également un rôle important dans l'éducation des enfants.

Nous avons souhaité porter notre regard sur les éléments familiaux fonctionnels plutôt que sur les dysfonctionnements, même si plusieurs difficultés sont relatées dans la présentation PowerPoint que nous vous avons transmise.

Cette solidarité familiale se manifeste dans l'attention portée aux enfants mais aussi aux aînés. La norme reste en effet le maintien à domicile des grands-parents. Le placement n'intervient qu'en dernier recours, lorsque l'état de santé de la personne âgée ne permet plus à ses enfants de s'occuper d'elle.

J'ai par ailleurs échangé avec quelques pères qui se disent mis à l'écart par rapport à leur rôle au sein de la famille, particulièrement lorsqu'il existe des difficultés au sein du couple. Ils mentionnent ainsi la garde des enfants en cas de séparation. Ces pères sont dans l'incapacité de voir leurs enfants. Je ne possède pas de données chiffrées pour corroborer ce ressenti. Cependant, lorsqu'ils saisissent la justice, ils ne se sentent pas accompagnés par les tribunaux au même titre que les mères. J'en ai terminé avec mon propos liminaire.

M. Stéphane Artano, président, co-rapporteur. - Vous pouvez ensuite suivre la trame du questionnaire. Puisque vous nous fournirez un support écrit, vous pouvez évoquer lors de l'audition des éléments annexes à ce support.

Mme Anne Cinna-Pierre-Charles, directrice par intérim de la Caf de Guyane. - Nous avons travaillé ensemble pour répondre aux différentes questions de manière complémentaire.

Nous vous remercions d'abord d'avoir invité la Caf à cette table ronde, car la parentalité occupe une place importante dans ses travaux. J'aimerais ajouter quelques éléments de contexte.

La superficie de la Guyane équivaut à 75 fois celle de la Martinique, avec un défaut important d'accessibilité et une très faible densité de population. La couverture du réseau internet est partielle et irrégulière. L'accès aux droits et à l'information sur le territoire est donc complexe.

Une douzaine d'écoles, collèges et lycées ouvre chaque année en Guyane. De nombreuses communautés, langues et cultures s'y côtoient. Ces spécificités amènent la Caf à développer des actions de proximité et une politique d'expérimentation : la Guyane est un laboratoire, au sens noble du terme.

Concernant la première question du questionnaire relative aux spécificités familiales et parentales en Guyane, Mme Marie-Rose Chandely énoncera quelques constats, puis Mme Isabelle Hidair-Krivsky apportera son regard d'anthropologue.

Mme Marie-Rose Chandely, directrice adjointe par intérim de la Caf de Guyane. - Mesdames et Messieurs, du point de vue de la Caf, la parentalité en Guyane présente plusieurs spécificités. Les parents sont jeunes et les grands-parents également, ils sont encore en activité lorsqu'ils deviennent grands-parents. Le noyau familial est plus large en Guyane qu'en métropole ou aux Antilles. Les grands-parents se substituent souvent aux parents et accompagnent ces derniers dans leur rôle éducatif. Enfin, il faut noter le fait que, dans notre société, la maternité permet d'acquérir un statut.

Mme Isabelle Hidair-Krivsky, directrice de la direction régionale aux droits des femmes et à l'égalité (DRDFE). - Mesdames et Messieurs, je suis professeure des universités en anthropologie et mise à disposition de la préfecture par l'Université de Guyane depuis quatre ans, en qualité de directrice de la DRDFE. Ces deux fonctions sont complémentaires. En effet, les problèmes familiaux en Guyane sont souvent d'abord les problèmes des femmes. Bien souvent, les familles guyanaises reposent sur les femmes.

En Guyane, alors que les femmes représentent 51 % de la population, 57 % d'entre elles n'ont pas de diplômes. Cet élément est lié à l'histoire de la Guyane, mais ne concerne pas seulement les populations issues de l'immigration. Parmi les populations autochtones, certaines personnes ne sont pas francophones. Ainsi, certaines familles ancestrales rencontrent de grandes difficultés. 11 % des femmes guyanaises de plus de trente ans ne sont pas titulaires du baccalauréat.

Ces éléments ont une incidence directe sur l'accès à l'emploi et le bien-être des familles. Le taux de chômage régional des femmes atteint 44 % : il est le plus élevé de France. Par conséquent, les familles vivent dans une plus grande précarité. Les liens de parenté sont difficiles à entretenir et les savoirs difficiles à transmettre. Par ailleurs, la réussite scolaire dépend de la réussite professionnelle de la famille et donc des femmes.

Les différentes questions que nous allons aborder sont intrinsèquement liées les unes aux autres. Le lien doit être fait entre la situation des femmes en Guyane et les structures de parenté et d'éducation.

Pour comprendre la situation des familles, il faut examiner la géographie et l'histoire de la Guyane. Or, la Guyane n'étant pas un territoire insulaire, il faut distinguer le littoral de l'intérieur du pays : cette fracture historique a eu un impact considérable sur la scolarité, le niveau économique et la vie des familles. Jusqu'à la départementalisation de 1946, seuls les descendants d'esclaves du littoral étaient scolarisés.

À partir de 1950, les premières écoles et pensionnats catholiques s'implantent à l'intérieur du pays pour éduquer les populations amérindiennes et noires maronnes alors majoritaires. Le littoral et l'intérieur du pays présentent des différences considérables en termes de niveau de vie et d'organisation familiale.

Encore aujourd'hui, et malgré les difficultés liées à la croissance démographique, le littoral est mieux doté que le coeur du pays en termes d'infrastructures scolaires. Les élèves scolarisés à l'intérieur du pays accumulent de fait un important retard scolaire. Le taux de chômage des jeunes et le décrochage scolaire y sont plus importants que sur le littoral. La Guyane n'est donc pas un territoire homogène.

Par ailleurs, les populations littorales ont adopté, via la politique d'assimilation liée à la scolarisation, un mode de vie occidental avant les populations de l'intérieur du pays. Ces dernières ont conservé un mode de vie réglé par le clan et le lignage matrilinéaire : la mère prend en charge les enfants. Le père, lui, n'a pas le droit de se mêler de leur éducation.

Ce mode d'éducation est assimilé à tort à la monoparentalité, notamment dans les statistiques, car les femmes déclarent élever seules leurs enfants. Or, la monoparentalité est multiforme : les femmes livrées à elles-mêmes, en situation de précarité, représentent un très faible pourcentage de cet ensemble.

La majorité des familles monoparentales guyanaises est reliée à une famille élargie, où se retrouvent des formes d'entraides intergénérationnelles. Celles-ci sont encore très dynamiques sur le territoire et doivent être conservées. Lorsque les jeunes quittent l'intérieur du pays pour gagner le littoral, ils se rendent en réalité dans un environnement dont ils ne maîtrisent pas les codes. Ils pourront plus facilement s'y installer si un membre de leur famille est déjà présent.

Ainsi, la géographie a un impact considérable sur la réussite scolaire. Lorsque les infrastructures n'étaient pas présentes à côté du domicile parental, les enfants étaient d'office inscrits dans des pensionnats catholiques. Ces derniers existent encore, la Guyane n'étant pas entièrement pourvue d'infrastructures scolaires. Après l'école primaire ou le collège, les enfants doivent donc quitter leur famille.

Cette particularité pose de véritables problèmes organisationnels et de réussite scolaire. À onze ou quinze ans, les enfants sont en proie à diverses tentations, qu'ils assouvissent plus facilement en l'absence de contrôle parental. Certaines jeunes filles sont agressées sexuellement. D'autres jeunes rentrent dans des phases de dépression et s'adonnent à la consommation de substances psychoactives. Par ailleurs, le taux de suicide des jeunes est plus important à l'intérieur du pays que sur le littoral.

De plus, beaucoup de jeunes quittent la Guyane pour suivre leur carrière socioprofessionnelle. Ce déplacement peut entraîner des conséquences dramatiques, que je n'aborderai pas ici.

La monoparentalité est souvent liée, chez les jeunes filles, à une volonté d'exister. Peu de propositions d'emploi leur sont faites, sachant que beaucoup parmi elles n'ont pas le bagage scolaire leur permettant d'être autonomes financièrement. Souvent, elles deviennent mères à l'adolescence : les enfants sont alors pris en charge par les grands-mères, voire par les arrière-grands-mères, l'écart d'âge entre les générations étant très faible. Pour certaines jeunes filles, la maternité devient alors une forme d'occupation.

Même si ces cas de figure sont moins nombreux, la maternité survient aussi suite à des abus sexuels.

Lorsque les jeunes filles sont scolarisées loin de leur domicile, des mécanismes de prostitution peuvent se mettre en place. Nous abordons actuellement dans la Commission départementale de parcours de sortie de prostitution ces questions liées à la prostitution des jeunes. Certaines jeunes filles ont du mal à comprendre que l'échange de prestations sexuelles contre un téléphone portable, un tour en scooter ou un billet de 20 euros relève de la prostitution.

Les jeunes Guyanais ayant échappé au contrôle de la famille élargie pour gagner le littoral y découvrent les réseaux sociaux, puisqu'une grande partie de l'intérieur du pays a des difficultés de connexion. Or, ils n'ont pas forcément été formés à l'usage de ces réseaux.

Les dispositifs nationaux ne peuvent pas être déclinés de la même manière partout en Guyane. Ils doivent notamment être adaptés aux dix langues régionales guyanaises reconnues, 4 % des élèves n'étant pas francophones, ainsi qu'aux différentes cultures présentes sur le territoire.

Mme Aline Talbot, chargée de projet, référente grossesses adolescentes du réseau Périnat Est Guyane. - Je voudrais aborder les grossesses précoces : celles-ci sont définies comme des grossesses survenant lorsque la mère a moins de vingt ans. Nous avons recensé 1 300 grossesses adolescentes. Au réseau périnatalité, nous accompagnons 240 parents.

Les grossesses précoces relèvent d'un problème sociétal profond. Chaque situation relève d'une histoire différente que nous prenons le temps de recueillir.

Les grossesses adolescentes sont rarement désirées : elles sont motivées par un désir de prouver sa féminité, de s'émanciper de sa famille, d'exister, de se reproduire ou encore de prouver son indépendance à ses parents.

Néanmoins, ces grossesses sont aussi des cris de détresse. Les jeunes filles qui gagnent le littoral se retrouvent seules dans un appartement et isolées de leur communauté. Elles rencontrent souvent de jeunes hommes sur les réseaux sociaux, se mettent en couple et font un enfant.

Pourquoi ces jeunes femmes font-elles des enfants aussi tôt ? Les raisons sont à la fois sociologiques, socioculturelles et psychosociales.

La grossesse démontre parfois chez l'adolescent des manques et des carences affectives précoces. Certaines adolescentes recherchent l'amour à travers une sexualité dont elles ne comprennent pas forcément l'usage.

Je donnerai l'exemple d'une jeune de treize ans ayant décidé de faire un enfant avec son petit ami de quinze ans. À la découverte de la grossesse, les parents étaient totalement désemparés. Lors d'un entretien avec la jeune fille, celle-ci nous a indiqué que son père lui manquait. En effet, ses parents étant séparés, elle n'avait plus de liens avec lui. La sexualité et son couple lui servaient de compensation. Sa mère souhaitait qu'elle avorte, mais la grossesse était trop avancée et elle voulait garder son enfant.

Une autre situation concerne une jeune de seize ans. Son père, apprenant qu'elle a eu des relations sexuelles, l'amène dans la forêt pour la « tabasser », au point qu'elle a dû rester chez elle durant cinq jours. Or, elle disait également que son père lui manquait, ses parents venant de se séparer. Elle expliquait s'être « donnée à fond » dans la sexualité pour combler ce manque. Elle a également subi des viols.

Les jeunes femmes sont démunies et désemparées face à la grossesse. Elles sont confrontées au rejet de la famille et de leurs proches. De plus, la plupart des agents de l'éducation nationale ne parviennent pas à adopter une posture professionnelle adéquate et compatissante face à ces adolescentes. Je rappellerai qu'en Guyane, 20 % des collégiens sont déscolarisés.

La grossesse est la conséquence de la précarité, de la pauvreté, d'une mauvaise maîtrise ou de l'absence de contraception, mais aussi le reflet d'un manque d'éducation, de l'inégalité entre les sexes et de certaines attitudes communautaires.

Les grossesses précoces présentent des risques médicaux, sociaux et psychologiques :

- au niveau médical, le corps des adolescentes n'est pas assez mature pour porter un enfant. Les risques médicaux sont très importants, avec des grossesses prématurées notamment. La grossesse est souvent peu maîtrisée ;

- au niveau social, la grossesse entraîne des formes de précarisation, de déscolarisation, de prostitution et un isolement social. L'enfant en subit les conséquences. Les grossesses précoces contribuent également à renforcer les inégalités de genre. Certaines jeunes femmes enceintes abandonnent l'école pour élever leur enfant, généralement parce qu'elles sont isolées et privées de moyens financiers ;

- les impacts psychologiques sont également importants. Les rapports sexuels sont souvent non consentis. Plus de 10 % des jeunes mères ont été abusées sexuellement. Elles portent des enfants issus de viols mais décident de les garder. Une adolescente de 12 ou 13 ans n'imagine pas devenir mère : cette situation crée une souffrance mentale, caractérisée par la honte, l'isolement, le déni de grossesse, la culpabilité, ce qui peut conduire à des envies suicidaires. Les jeunes femmes sont vite orientées vers des services psychologiques.

Une jeune fille bien entourée par sa famille traversera sa grossesse sans rencontrer les mêmes problèmes qu'une jeune fille isolée.

Le suivi psychologique est par ailleurs indispensable lorsque la grossesse est due à des violences sexuelles. Je me souviens d'une jeune fille enceinte qui avait été violée par son père. Elle vit avec un enfant qui représente le viol de son père, qui a été incarcéré. Dans d'autres cas, les jeunes filles sont violées et les violeurs restent autour d'elles.

Comment aider ces personnes ? Nous disposons des chiffres internes du réseau : parmi les 240 personnes accompagnées, 50 % ne sont pas françaises, 80 % sont déscolarisées et 35 % ont subi des violences. De plus, 5 % des grossesses sont issues de viols. Les adolescentes subissent énormément de violences de la part de leur famille ou de leur entourage.

Ces adolescentes sont confrontées à une extrême précarité matérielle et psychologique. Elles vivent pour la plupart dans des logements insalubres, sans eau ni électricité. Elles ne mangent pas à leur faim alors qu'elles sont enceintes. En Guyane, le seul partenaire qui offrait facilement des colis alimentaires, la Croix-Rouge, a cédé ses missions au centre communal d'action sociale (CCAS), alors que celui-ci était déjà débordé par ses missions.

Je citerai encore l'exemple d'une jeune de 15 ans, enceinte de six mois, qui partageait une chambre avec sa soeur et sa mère. Son établissement scolaire était situé si loin qu'il lui était quasiment impossible d'y accéder à pied. Or, elle n'avait pas les moyens de se payer le trajet en bus. Elle a abandonné l'école. Sa mère m'a demandé comment elle allait s'en sortir pour accueillir l'enfant de sa fille. Lors de la visite, des rats tournaient tout autour de la chambre. Par ailleurs, cette mère est en situation régulière. Néanmoins, depuis plus d'un an, elle reçoit des récépissés de trois mois qui ne permettent pas de faire valoir ses droits aux allocations familiales. Elle ne peut pas non plus travailler. Cette situation l'a plongée dans une grande précarité alors qu'elle s'occupe de ses deux filles de 14 et 15 ans.

Nous sommes seulement deux référentes grossesses adolescentes en Guyane aujourd'hui. Face au nombre de problématiques que nous rencontrons, nous devrions être quatre. Des postes « parentalité » ont été créés pour soutenir les adolescentes après l'accouchement : certaines, en effet, ne savent pas comment élever leurs enfants.

Je lance un cri d'alarme : nous sommes face à des bébés qui font des bébés. Or, ces adolescentes ne sont pas accompagnées après les naissances.

Mme Hêv Seuleiman, responsable du développement social à la Caf Guyane. - Les politiques sociales et familiales sont à l'interface des politiques de santé, des politiques sociales, d'insertion et de prévention. Il existe une diversité d'acteurs et de projets sur le territoire : le plan de lutte contre la pauvreté, les schémas territoriaux de service aux familles et d'action sociale de proximité. Cette liste nous amène à interroger la coordination des différentes initiatives.

80 % des projets menés en direction des familles sont portés par des associations : ce système est un atout car il permet un maillage serré du territoire. Néanmoins, il rend difficile la mise en réseau des partenaires et des actions.

Au titre du Fonds national d'action sociale, 24 millions d'euros sont dédiés chaque année aux services aux familles, en incluant la petite enfance et la jeunesse. En se focalisant spécifiquement sur la parentalité, environ 1,5 million d'euros annuels sont fléchés vers des projets et actions dédiés.

Ces données montrent que le dispositif le plus mobilisé est le réseau d'écoute et d'accompagnement à la parentalité. Le contrat local d'accompagnement à la scolarité est mobilisé de manière plus minoritaire. Les projets d'envergure regroupent les médiations familiales, les espaces de rencontres, les lieux d'accueil enfants-parents, mais aussi l'accueil de la petite enfance. Ces services nécessitent des compétences professionnelles spécifiques et des moyens financiers pour être pérennisés.

Ce travail est aujourd'hui effectué mais devrait être fortement renforcé.

Concernant la formation, pour développer des services aux familles et des actions de parentalité, nous manquons cruellement de travailleuses sociales et familiales, d'auxiliaires de vie, de personnes capables de porter de l'ingénierie de projets. Ce dernier domaine est prioritaire car il permet la structuration et la mise en place des différents services. Or, la Guyane comporte un vivier de jeunesse que nous devons accompagner.

Nous avons identifié différents besoins, à savoir le manque de coordination déjà évoqué, mais aussi le manque de visibilité des acteurs intervenant dans le champ de la parentalité et l'absence de ciblage de certaines actions nous faisant passer à côté de besoins potentiels.

Nous proposons qu'un chef de file de la parentalité puisse être désigné prenant en charge les missions liées à la parentalité. Il s'agit déjà d'une volonté politique inscrite dans le schéma territorial des services aux familles. Néanmoins, la question de l'ingénierie reste centrale et il est difficile de rendre ces points opérationnels.

Nous souhaitons également créer des dispositifs dédiés à la coordination et à l'accompagnement individuel des familles et des enfants, ainsi que des financements associés. Au titre de la politique familiale, nous intervenons principalement au travers de services collectifs. L'approche individuelle pose différentes questions de structure et de financement.

Nous souhaitons être au plus près des familles et des parents et déployer plus encore les initiatives qui fonctionnent déjà. Enfin, nous souhaitons également mettre en place un observatoire de la parentalité.

Concernant les projets « services parentalités » sur le territoire, l'insuffisance d'interlocuteurs de proximité et l'absence de porteurs de projets sur les territoires les moins denses et les plus éloignés affectent l'insertion sociale et professionnelle des familles accompagnées.

Nous souhaitons renforcer l'offre de formations professionnelles. Nous adoptons une logique prospective : si nous avons besoin de trente services aux familles, nous devons savoir de quels professionnels nous manquons et ce que ces services produiront économiquement sur le territoire. En effet, les problématiques de professionnalisation et d'insertion sociale participent à relever le niveau économique du territoire.

Enfin, l'aide éducative à domicile relève de la compétence de la CTG. Nous devons renforcer et accompagner sa prise en charge. Nous prévoyons le renforcement des actions de sensibilisation et de prévention sur la vie affective et sociale auprès des enfants en milieu social et des familles. Il faudrait également mettre en place une éducation à la parentalité en ce sens. Nous disposons de dispositifs déjà déployés qui doivent être renforcés, tels que le dispositif d'aide à domicile ou « vacances en famille ». Ces initiatives ont été portées par la Caf de Guyane.

Le frein majeur réside dans la définition d'un porteur de l'ingénierie de ces projets.

Mme Aïssatou Chambaud. - Je souhaiterais compléter ces propos concernant les politiques familiales. Quatre schémas sont élaborés au niveau de la CTG, ainsi que des contrats avec des partenaires institutionnels, comme celui de protection de l'enfance en partenariat avec la préfecture et l'ARS.

Ces schémas se superposent bien souvent : il faudrait sans doute les simplifier ou les fusionner afin qu'ils soient plus lisibles pour nos partenaires et en interne. Nous devons en effet mettre en place différentes réglementations. Ces contrats sont élaborés avec les partenaires institutionnels et les acteurs de terrain, même si des améliorations peuvent encore être apportées. Le manque de transversalité et le cloisonnement ne permettent pas un déploiement satisfaisant de ces plans à destination des familles.

De plus, certaines instances de concertation comme les comités locaux du travail social et du développement social, instaurés en 2019, n'existent pas en Guyane. Il ne s'agit pas de créer des instances à tout va mais de mettre en place le fonctionnement le plus pertinent possible du point de vue de l'harmonisation mais aussi des cofinancements.

Ces instances de concertation permettraient de réajuster les dispositifs en cours de route en fonction des événements et donc une plus grande réactivité.

Les politiques de régularisation administrative des étrangers accentuent la précarité sociale des familles. Les orientations prises par les services de l'État semblent difficilement compréhensibles : certaines personnes nées sur le territoire et qui devraient donc être régularisées ne le sont pas. Souvent, nous ne savons pas pourquoi. Il faudrait mettre en place des espaces dédiés afin de mieux comprendre pourquoi certaines personnes sont privées de leurs droits.

Ce phénomène a des conséquences importantes pour les institutions. En effet, ces personnes sont privées de l'accès au droit commun : elles viennent donc engorger les services et les dispositifs. Les travailleurs sociaux des services sociaux de proximité ne peuvent pas remplir leurs missions, notamment de prévention, parce qu'ils en viennent à faire de l'humanitaire.

Concernant la parentalité, nous avons besoin d'actions et de dispositifs de prévention, ainsi que de professionnels formés et diplômés. Certes, nous disposons d'un vivier, mais il faut que celui-ci soit formé. Nous en revenons ainsi à la scolarisation. Nous avons également besoin de dispositifs de prise en charge comme les centres parentaux : la Guyane n'en compte pas.

Sachant les besoins, des mesures dérogatoires seraient nécessaires afin d'établir de nouvelles structures, notamment des établissements scolaires. En effet, une part importante de la population est soit en décrochage scolaire, soit déscolarisée. Par ailleurs, les délais de passation des marchés publics devraient être réduits.

Le support qui vous a été envoyé détaille des préconisations, comme la création d'un dispositif permettant de susciter des vocations et de sensibiliser la population aux métiers en tension, notamment dans le secteur social, médico-social et sanitaire. Certaines zones de Guyane sont enclavées : il faut approcher ces zones et leur population dès le collège. L'accompagnement de ces personnes est nécessaire : il concernerait l'hébergement, le transport, les moyens de subsistance, avec des mécanismes de bourse ou de tutorat. Il faut en effet favoriser la réussite éducative de ce vivier.

M. Olivier Noguerra, responsable de l'accès aux droits et de l'accompagnement de familles à la Caf Guyane. - Toutes prestations confondues, la Caf verse 565 millions d'euros sur le territoire, dont 232 millions à destination des bénéficiaires des minimas sociaux. 56 % des allocataires dépendent des minimas sociaux et 44 % dépendent totalement des prestations de la Caf. Autrement dit, les prestations sociales ou familiales sont la principale voire l'unique source de revenu de ces allocataires.

Mme Anne Cinna-Pierre-Charles. - En effet, la Caf de Guyane injecte 1,5 million d'euros par jour dans l'économie.

De manière générale, nous souhaitons développer, adapter et structurer l'offre de parentalité sur le territoire. Retenons ainsi trois axes : la mise en place d'une coordination territoriale sur la parentalité, d'une animation de réseau parentalité, ainsi que la formation et l'accompagnement professionnel des jeunes.

M. Stéphane Artano, président, co-rapporteur. - Je voudrais vous remercier pour la qualité de vos réponses et du document que vous nous avez envoyé. Nous disposons ainsi de tous les éléments nécessaires.

Vous parliez de la coordination des acteurs sur le territoire. Or, à Saint-Pierre-et-Miquelon, la caisse de prévoyance sociale, équivalent local de la Caf, a initié un schéma enfance-famille avec l'ensemble des acteurs du territoire. Peut-être pourriez-vous vous en inspirer, même si la situation en Guyane est compliquée par les questions de distance. Cette solution permettrait d'éviter l'empilement des différents schémas.

Le schéma de Saint-Pierre-et-Miquelon ne concernait pas la parentalité au sens strict mais l'action sociale et familiale, en partenariat avec les mairies, la collectivité et la Caf. Les chefs de projets étaient désignés en fonction des champs de compétences. Je vous livre cette réflexion car elle fait partie des trois axes d'évolution mentionnés à la fin de votre document.

Mme Victoire Jasmin, rapporteure. - Je remercie tous les intervenants, que j'ai écoutés avec beaucoup d'intérêt. L'aménagement du territoire guyanais mérite qu'on s'y attarde. J'ai entendu les recommandations formulées. Les personnes habitant sur le fleuve rencontrent de grandes difficultés : elles vont à l'école en pirogue. À certains endroits en Guyane, le taux de suicide des jeunes est bien trop important. Une attention particulière doit y être portée.

Par ailleurs, j'ai beaucoup apprécié les interventions évoquant la formation. Il faut vraiment trouver les moyens de former les personnes à distance. Le récent rapport de la Défenseure des droits a démontré que la Guyane fait face à de grandes difficultés concernant notamment l'illettrisme et l'accès au réseau. Le modèle économique devrait être rénové et mieux prendre en compte les formations. Il faut réfléchir à des outils différents, comme la validation des acquis de l'expérience (VAE) par exemple, puisqu'il est très difficile de circuler en Guyane.

Je n'ai pas de question précise, toutes les données ayant été transmises.

Mme Marie-Laure Phinera-Horth. - J'aurais deux questions.

La première s'adresse à Mme Aline Talbot et porte sur le rapport du 4 mars 2021 consacré aux inégalités de santé en Guyane. Celui-ci devait permettre à chaque femme enceinte, quel que soit son lieu de résidence, de bénéficier d'une visite prénatale au cours du premier trimestre de sa grossesse. En effet, la surveillance de la grossesse démarre très tardivement en Guyane, empêchant le dépistage d'éventuelles complications médicales. Quel pourcentage de femmes enceintes bénéficie aujourd'hui de cette visite ?

Ma seconde question s'adresse à Mme Aïssatou Chambaud. J'ai eu l'occasion d'alerter Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État en charge de l'enfance, sur l'accueil des jeunes dans les familles. Des mesures seront sans doute annoncées dans les semaines à venir. Je souhaiterais néanmoins connaître l'avis de Mme Aïssatou Chambaud sur cette question.

Mme Aline Talbot. - Le réseau natalité a mis en place un dispositif permettant de couvrir les soins des femmes ne disposant pas d'une couverture santé. Ces femmes, venant de pays voisins, ne peuvent pas bénéficier de la couverture santé. Un dispositif de consultation gratuite pour les échographies est donc pris en charge par le réseau périnatalité. Mis à part ce dispositif financé et payé par le réseau, je n'ai pas d'élément à vous partager.

Mme Aïssatou Chambaud. - Les visites prénatales faisaient partie du contrat protection de l'enfance réunissant la CTG, les ARS et les services de l'État. Néanmoins, nous avons été confrontés à la pénurie de professionnels. La CTG n'a pas pu remplir cette mission. En effet, le financement était destiné à un recrutement qui n'a pas pu être réalisé.

Par ailleurs, j'ai récemment interpellé le cabinet du Président Gabriel Serville au sujet des familles hébergeantes. Annie Robinson Chocho a repris la gestion de ce dispositif. De plus, le Grand Conseil coutumier travaille sur cette question depuis plusieurs mois. J'ai eu l'occasion d'assister à des réunions impliquant des organisations autochtones et le Grand Conseil coutumier. Un dispositif fiable, stable, et des financements pérennes doivent être proposés aux familles tout en prenant en compte les différents acteurs impliqués. Une proposition avait notamment été faite en ce sens par la direction de l'éducation.

Mme Anne Cinna-Pierre-Charles. - La Caf est directement touchée par ces questions d'hébergement des jeunes. Nous avons besoin d'associations capables de les accueillir. Ils ne doivent pas être oisifs lorsqu'ils sortent de l'école. Ainsi, ils devraient pratiquer des activités sportives et culturelles et se rencontrer au sein de leurs communautés respectives mais aussi dans un objectif de mixité sociale.

Mme Aïssatou Chambaud. - Les associations ne manquent pas à l'appel, mais la CTG doit être capable de proposer une solution. De plus, les jeunes doivent garder des liens avec leurs familles, ce qui pose à nouveau la question du transport fluvial et aérien.

M. Stéphane Artano, président, co-rapporteur. - Je vous remercie sincèrement pour ces réponses qui nous permettent d'avoir une vision exhaustive de la situation.

Présidence de M. Stéphane Artano, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer -

Parentalité dans les outre-mer - Table ronde relative à la situation à Saint-Pierre-et-Miquelon

M. Stéphane Artano, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer, co-rapporteur. - Mesdames et Messieurs, nous poursuivons nos travaux sur la parentalité dans les outre-mer, menés en commun par la délégation aux droits des femmes présidée par Mme Annick Billon et la délégation aux outre-mer que j'ai l'honneur de présider, avec l'étude de la situation à Saint-Pierre-et-Miquelon. Mme Annick Billon a dû s'absenter pour participer à la séance publique. Elle vous prie de l'en excuser. Les deux autres co-rapporteurs de cette étude sont Victoire Jasmin, présente par visioconférence, et Elsa Schalck.

Pour nous aider à appréhender la situation de Saint-Pierre-et-Miquelon, nous accueillons, pour la collectivité territoriale, Mmes Jacqueline André, vice-présidente en charge des solidarités, et Sonia Borotra, directrice du pôle développement solidaire. Nous accueillons également, pour la caisse de prévoyance sociale (CPS), Mmes Sylvie Koelsch, directrice adjointe, et Aurore Vigneau, responsable action sociale et en charge de la parentalité.

Mesdames, vous avez été destinataires d'une trame de questions. Je vous propose de tenir un propos liminaire, puis de répondre aux différentes questions. Je donne d'abord la parole à la Mme Jacqueline André de la collectivité territoriale.

Mme Jacqueline André, vice-présidente de la collectivité territoriale. - La collectivité territoriale possède à la fois les compétences du département et de la région. Nous travaillons en collaboration avec la CPS, qui possède les compétences d'une Caf. Je laisserai ses membres détailler le travail réalisé concernant l'action sociale et familiale ainsi que l'aide sociale à l'enfance, sans oublier les actions d'accompagnement des familles réalisées au sein de la Maison territoriale de l'autonomie auprès des jeunes en situation de handicap. Il s'agit en effet d'un axe prioritaire de notre action.

Mme Sylvie Koelsch, directrice adjointe de la CPS. - La CPS gère l'ensemble des branches de la Sécurité sociale, dont la branche famille. Nous proposons à la population des prestations légales proches des prestations métropolitaines. Nous avons développé une action sociale en faveur des familles, notamment depuis 2014, puisque nous pouvons désormais émarger au Fonds national d'action sociale (FNAS) de la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM). Mmes Aurore Vigneau et Marie Larralde, psychopédagogues, parleront des actions développées au bénéfice des familles.

M. Stéphane Artano, président, co-rapporteur. - Nous pouvons d'abord aborder les spécificités familiales et parentales de l'archipel, puis les politiques et les prestations familiales, et enfin le soutien à la parentalité.

Mme Jacqueline André. - L'organisation familiale à Saint-Pierre-et-Miquelon se rapproche de celle de l'Hexagone. Elle n'a rien à voir avec celles de La Réunion ou de la Polynésie française. La problématique des grossesses précoces ne touche pas l'archipel.

Le lien familial est toujours présent même s'il se distend peu à peu : la présence des familles, et notamment des grands-parents, reste importante dans l'entourage des jeunes enfants. Cependant, les familles venant de l'extérieur, de plus en plus nombreuses, ne bénéficient pas d'un tel tissu familial. La situation des familles monoparentales ne diffère pas beaucoup de la métropole. Cette configuration me semble plus subie que choisie, mais je ne dispose pas d'éléments le confirmant.

Mme Aurore Vigneau, responsable action sociale et en charge de la parentalité à la CPS. - Je pense que les deux cas de figure coexistent. Parfois, la relation ne fonctionne plus et la séparation a lieu d'un commun accord.

Mme Sylvie Koelsch. - Nous pourrons vous fournir les chiffres de l'état matrimonial des personnes bénéficiant de prestations familiales. Seuls 20 % des bénéficiaires sont en situation de célibat, divorce, séparation ou veuvage.

Par ailleurs, les prestations légales sont relativement similaires aux prestations métropolitaines. Depuis 2007, la CPS essaie de se rapprocher le plus possible du régime général.

Mme Aurore Vigneau. - Les prestations extra-légales regroupent différentes aides financières individuelles, en fonction des situations familiales : l'isolement parental, l'action éducative, l'aide financière exceptionnelle, la survenue d'une maladie ou d'un handicap chez l'enfant ou chez le parent. Notre politique familiale s'inspire des politiques métropolitaines tout en tenant compte de nos spécificités locales.

La partie « actions sociales et famille » comprend notamment le financement de la prestation de service unique auprès de la seule crèche de Saint-Pierre-et-Miquelon et de la prestation « accueil de loisirs sans hébergement » auprès du seul centre aéré de l'archipel.

De plus, nous octroyons des subventions à diverses associations. Ainsi, l'association « Les petits flocons » a mis en place dernièrement une maison d'assistants maternels.

En tant que service d'action sociale, nous gérons également un service de médiation familiale avec un partenaire en métropole, l'association « Espace médiation » basée à Rennes. Celle-ci propose six à sept sessions par an directement sur l'archipel mais opère également à distance par visioconférence. Nous disposons d'un service de conseil individuel et familial géré lui aussi par la médiatrice familiale ainsi que d'un service Espace rencontre parents-enfants et d'un relais d'assistants maternels parents-enfants. Celui-ci évoluera durant l'année pour devenir un relais petite enfance, sur le modèle métropolitain.

Ainsi, notre axe familial se partage entre les aides financières individuelles à destination des familles et une offre partenariale regroupant le versement de prestations de service et l'accompagnement des acteurs de terrain.

Mme Sylvie Koelsch. - Par ailleurs, les spécificités locales de l'archipel, notamment le coût de la vie, ont déterminé l'extension de certaines prestations légales. Je peux vous détailler les différents barèmes des prestations si vous le jugez utile.

M. Stéphane Artano, président, co-rapporteur. - Les éléments techniques pourront être détaillés à l'écrit.

Mme Jacqueline André. - J'ajouterai que la CPS a établi un schéma territorial d'action sociale à la suite d'un important travail de partenariat. Par ailleurs, les prestations de conseil individuel s'inspirent du modèle canadien. En effet, les médiations familiales nécessitent l'accord des deux personnes, qui n'est pas toujours facile à obtenir. Le conseil individuel permet à une personne seule de faire le point sur une situation conflictuelle, pour ensuite éventuellement amener l'autre personne vers une médiation familiale. Ce dispositif rencontre un vrai succès.

De plus, les médiations familiales intègrent de plus en plus les jeunes, les lycéens et les étudiants qui résident hors de l'archipel.

Mme Sylvie Koelsch. - Un temps d'adaptation a été nécessaire pour que ce dispositif fonctionne. L'expression de problématiques personnelles à des tiers requiert d'avoir confiance dans le prestataire. Néanmoins, le bouche-à-oreille a été positif sur notre territoire. Plusieurs situations ont ainsi été résolues, ce qui a fait connaître ce service. La médiation familiale a ainsi évolué au-delà de la simple séparation de couple pour intégrer des problématiques familiales bien plus larges.

Mme Aurore Vigneau. - En effet, depuis deux ans, nous avons beaucoup développé les médiations parents-adolescents. La médiatrice familiale rencontre d'abord les parents, puis les enfants, avant de rassembler tout le monde afin de renouer le dialogue au sein de la cellule familiale. Ce dispositif rentre de plus en plus dans les moeurs de l'archipel. Les habitants ont moins honte de faire appel à ce type de services et sont très satisfaits des résultats.

Mme Sonia Borotra, directrice du pôle développement solidaire de la collectivité territoriale. - L'action de la collectivité se situe plutôt au niveau du service social de polyvalence et de l'aide sociale à l'enfance (ASE). À Saint-Pierre-et-Miquelon, les missions de PMI ne sont pas exercées par la Collectivité mais par le centre hospitalier, comme le précise le Code de la santé publique. Nous organisons de la guidance parentale avec les travailleurs sociaux présents dans nos services et intervenons au sein de la Maison territoriale de l'autonomie. En effet, le soutien aux parents d'enfants en situation de handicap doit être renforcé, car ils sont parfois malmenés.

Mme Jacqueline André. - La cinquième question concernait le montant global des différentes prestations sociales et familiales.

Mme Sylvie Koelsch. - En 2021, 417 familles bénéficiaient des prestations familiales pour 1,6 million d'euros de dépenses. 115 familles ont touché l'allocation de rentrée scolaire. Je transmettrai les chiffres détaillés par écrit. Par ailleurs, en 2022, les prestations de service et les aides individuelles ont été financées à hauteur de 130 000 euros.

Mme Jacqueline André. - La sixième question concernait les différences avec les prestations métropolitaines.

Mme Sylvie Koelsch. - Nous y répondrons également par écrit. Par ailleurs, de nouvelles prestations seront mises en place dans le courant de l'année, à savoir : l'allocation journalière du proche aidant et l'allocation journalière de présence parentale.

Mme Jacqueline André. - Nous poursuivons avec le soutien à la parentalité, et la septième question concernant les besoins identifiés et l'éducation à la parentalité.

Le soutien à la parentalité doit être mis en place dès le plus jeune âge. Saint-Pierre-et-Miquelon ne bénéficie pas encore d'un schéma départemental de service aux familles. Sa mise en place demande l'assentiment de l'État : elle serait bénéfique. Nous sommes également influencés par les approches nord-américaines.

Dans un premier temps, nous souhaitons privilégier une approche globale afin que tous les parents puissent bénéficier du soutien à la parentalité, sur le modèle du dispositif des 1 000 premiers jours de l'enfant mis en place en métropole. Étant donné les petits effectifs de l'archipel, celui-ci pourrait y être adapté.

Ensuite, nous réfléchissons avec le Président de la Collectivité à la mise en place d'un projet éducatif du territoire afin d'accompagner les jeunes mais aussi les parents, en lien avec les établissements scolaires, périscolaires et extrascolaires. De plus, à la suite de la visite d'un inspecteur, nous avons échangé avec l'Éducation nationale concernant le développement des compétences psychosociales des enfants, des adolescents mais aussi des parents.

J'insiste également sur la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, qui se révèle particulièrement importante. En effet, les crèches sont prises d'assaut. De plus, l'absence de cantine scolaire sur l'archipel pose des difficultés aux familles. Le maintien à domicile des personnes âgées ou en situation de handicap se développe également de plus en plus. Or, les horaires des aides à domiciles étant atypiques, il faut réfléchir à des solutions d'accompagnement pour leurs familles. Entre 12 heures et 13 heures 30, la situation reste compliquée pour les personnes ayant des contraintes horaires.

Concernant le décrochage scolaire et la délinquance, les informations préoccupantes sont données beaucoup trop tardivement. Nous avons notamment eu un cas où l'information préoccupante a été donnée après 90 demi-journées d'absence. Ces informations arrivent souvent en juin, moment où il est difficile pour les travailleurs sociaux d'intervenir auprès des familles. Nous sommes entrés en contact avec la conseillère technique sociale du rectorat de Caen. Nous faisons donc en sorte, en lien avec l'Éducation nationale, que ces informations nous parviennent plus rapidement.

Mme Sonia Borotra. - Les données sur l'absentéisme et le décrochage nous manquent en effet cruellement. Nous sommes confrontés à un absentéisme massif qui nous interroge. Notre travail avec la rectrice de Normandie doit permettre de mieux décliner les protocoles nationaux, notamment la plateforme de lutte contre le décrochage qui n'est pas effective à Saint-Pierre-et-Miquelon. Par ailleurs, la prévention de la délinquance des mineurs ne constitue pas un sujet majeur sur l'archipel, puisqu'elle est très faible, contrairement à l'absentéisme et au décrochage scolaire. Les informations concernant l'obligation scolaire ne parviennent pas forcément aux parents d'élèves.

Mme Jacqueline André. - Nos échanges avec le rectorat de Caen ont également porté sur le déploiement de la plateforme pHARe, dédiée à la lutte contre le harcèlement. En effet, sur l'archipel, les élèves d'une même classe d'âge restent ensemble durant toute leur scolarité. Certains phénomènes de harcèlement ne sont pas pris en charge et débouchent sur de profonds mal-être et des décrochages scolaires. Les médecins scolaires ou le juge aux affaires familiales évoquent un nombre important de certificats médicaux pour phobie scolaire. Quelques élèves ont dû être exfiltrés car ils vivaient une expérience trop difficile.

La médecine du rectorat de Caen a contacté nos médecins locaux pour comprendre les phénomènes de harcèlement. Les parents seront accompagnés, car ils nous sollicitent souvent sur ce sujet.

Mme Aurore Vigneau. - Je suis favorable à un accompagnement à la parentalité plutôt qu'à une « éducation » proprement dite. Compte tenu de la taille de l'archipel, il nous faut éviter de cibler spécifiquement les familles dont les enfants auraient des problèmes de délinquance. Les fauteurs de troubles sont vite identifiés : il ne s'agit pas de les stigmatiser mais d'établir un cadre général, afin de travailler ensuite de manière individualisée en fonction des cas.

Nous devons construire une boîte à outils dans laquelle chaque parent puisse piocher celui qui convient le mieux à la situation qu'il rencontre ou à ses questionnements.

Mme Marie Larralde, psychopédagogue. - Le soutien à la parentalité est un dispositif assez nouveau. La guidance parentale apparaît de plus en plus légitime. Néanmoins, certains dispositifs métropolitains ne sont pas encore étendus à l'archipel, alors qu'il existe une vraie demande de la part des parents et des professionnels de la petite enfance. Ces derniers sont prêts à intervenir.

Nous nous inspirons aujourd'hui de ce qui fonctionne ailleurs. Par ailleurs, notre population a évolué : aujourd'hui, plus de la moitié des habitants de l'archipel est originaire de l'Hexagone. Ces personnes apportent un regard nouveau et permettent de briser les tabous qui peuvent exister dans une petite société où les gens se connaissent. Le café des parents constitue par exemple un moment d'échange privilégié.

Mme Jacqueline André. - De plus, notre approche part des forces des parents pour mieux les accompagner. Toutes ces initiatives comme les cafés des parents favorisent également l'échange et la mixité sociale entre les familles. Les échanges entre parents, sans forcément passer par des professionnels, sont primordiaux.

Mme Marie Larralde, psychopédagogue. - La semaine nationale de la petite enfance sera relayée l'année prochaine. Les intervenants sont extrêmement divers et s'approprient chacun les phénomènes spécifiques à l'archipel. De la même manière, la journée des assistantes maternelles n'existe que depuis 2016 ou 2017. Elle est depuis totalement rentrée dans les moeurs de l'archipel. Les parents souhaitent en effet participer à des événements avec leurs enfants. Nous avons tendance à faire venir beaucoup d'intervenants, mais nous disposons d'un véritable vivier sur l'archipel lui-même.

Mme Aurore Vigneau. - Ces initiatives se situent dans la droite ligne de mise en place du complément de libre choix du mode de garde en 2016.

Mme Jacqueline André. - Par ailleurs, une nouvelle association, LILAS (Libérer, Informer, Lier, Accompagner et Soutenir), s'est ajoutée aux structures institutionnelles ou associatives mettant en place des actions de soutien à la parentalité. Cette association regroupe des professionnels de santé et organise des cafés avec les parents. Ce relais est intéressant.

Je souhaiterais revenir sur les besoins d'accompagnement des familles avec un enfant en situation de handicap.

Mme Sonia Borotra. - Ce besoin se fait sentir tant sur le volet éducatif que concernant les temps de répit : par exemple, les vacances ne sont pas adaptées à l'existence d'un handicap. De nouvelles formes de répit pourraient être mises en place.

Par ailleurs, le handicap reste encore tabou : nous aimerions accompagner les parents dans l'acceptation du handicap pour qu'ils sollicitent les aides auxquelles ils ont droit. Aujourd'hui, très peu d'enfants en situation de handicap sont repérés sur l'archipel et nous n'avons aucun projet de scolarisation à mi-temps. Cette particularité nous interroge.

Mme Jacqueline André. - Je pense qu'il faut également privilégier l'accompagnement à l'autonomie. Le Canada privilégie trois axes : repérer la compétence chez les jeunes, favoriser le sentiment d'appartenance à la communauté et l'autonomie.

L'archipel est une sorte de cocon. Les jeunes partent au Canada ou dans l'Hexagone, où ils deviennent autonomes très rapidement. Nous devons donc accompagner les parents pour qu'ils rendent leurs enfants plus autonomes avant leur départ. Dans ce contexte, l'association d'éducation populaire AJEP 975, nouvellement créée, permet aux jeunes de construire eux-mêmes leur projet de départ. Ainsi, ils ne subissent plus les projets que les adultes peuvent leur proposer. Grâce aux chantiers de jeunesse, ils s'ouvrent sur l'extérieur. Les jeunes ont l'air de bien s'approprier ces dispositifs. Lorsque nous construirons notre projet éducatif du territoire, l'autonomie en constituera un axe important.

Mme Aurore Vigneau. - Une belle collaboration est en passe de naître entre le service d'action sociale de la CPS et le service jeunesse de la Collectivité territoriale afin de développer une approche territoriale globale d'accompagnement des jeunes. Ces derniers pourront ainsi organiser leur départ dans le cadre de leurs études. Cette initiative concerne aussi les jeunes qui souhaitent entrer en apprentissage ou accéder directement au marché du travail. Nous devons les aider à identifier leurs compétences psychosociales et les différentes personnes ressources qu'ils peuvent mobiliser afin de devenir autonomes et démarrer facilement leur vie active.

Mme Jacqueline André. - Il nous faut en effet accompagner l'alternance, qui se développe sur l'archipel. Les jeunes en rupture ou en difficulté scolaire peuvent ainsi suivre une trajectoire professionnelle avec la chambre d'agriculture, de commerce, d'industrie, de métiers et de l'artisanat (CACIMA). La nuit de l'apprentissage, en partenariat avec le service jeunesse de la collectivité, a réuni beaucoup de jeunes et de parents et leur a permis de discuter de leurs futurs métiers.

Mme Aurore Vigneau. - Depuis deux ou trois ans, la CPS et la Collectivité territoriale organisent un forum des étudiants en partenariat avec les mutuelles, les acteurs de l'emploi et du territoire. En effet, l'autonomisation provoque des angoisses chez les jeunes, mais aussi chez les parents. Nous développons des actions phares en ce sens.

Nous sommes par ailleurs adhérents à la Fédération nationale des médiations et des espaces familiaux (Fenamef). Le directeur d'Espace médiation, avec lequel nous sommes en partenariat, fait lui-même partie de son conseil d'administration. Saint-Pierre-et-Miquelon a ainsi la chance d'être représenté à différents niveaux au sein de la Fenamef. Espace médiation est intervenue pour développer des missions de médiation familiale et de conseil individuel ou familial. Cependant, les dispositifs déployés sur l'archipel ont inspiré l'association. Celle-ci a développé son champ d'activité concernant l'accompagnement à la parentalité, jusqu'à obtenir l'année dernière un agrément sur l'école des parents et des éducateurs. Ainsi, nous mutualisons nos services et nos approches.

Notre représentation au sein de la Fenamef nous permet également d'avoir accès à une mine d'informations et de formations pour les personnels accrédités, garantissant une qualité de service. Nous pourrions devenir nous aussi, à terme, école des parents et des éducateurs.

Mme Sylvie Koelsch. - Comme notre territoire est isolé, nous cherchons à nous rapprocher de partenaires de l'Hexagone. Nous avons noué un partenariat avec l'ensemble des caisses de Rennes. Je devrais rencontrer une représentante de la Caf et un relais petite enfance (RPE) de Rennes afin qu'ils nous apportent leurs savoir-faire.

Mme Sonia Borotra. - En conclusion, nous avons besoin de renforcer la coordination entre nos associations pour les harmoniser. Nous devons définir une politique globale, puisque nous menons beaucoup d'actions mais celles-ci peuvent paraître isolées. Actuellement, le soutien à la parentalité repose essentiellement sur la CPS et la Collectivité territoriale. Une action associative pourrait s'y ajouter : néanmoins, dans le domaine social ou médico-social, les recrutements associatifs sont de plus en plus difficiles.

Mme Sylvie Koelsch. - La Caisse nationale a récemment mis en place les conventions nationales globales. Cet outil pourrait donner un sens commun et une lisibilité aux différentes actions menées sur le territoire.

M. Stéphane Artano, président, co-rapporteur. - Je souhaiterais revenir sur le dernier point que vous avez évoqué. Le Schéma territorial d'action sociale et famille réunissait à la fois la CPS, la collectivité territoriale, les mairies et les CCAS. Or, j'ai cité ce schéma en exemple face aux problèmes de coordination pointés lors de l'audition précédente, concernant la parentalité en Guyane. Ce schéma a-t-il vocation à être élargi ou sera-t-il subordonné à un autre schéma plus global, intégrant l'ensemble des acteurs ?

Mme Aurore Vigneau. - Ce schéma existe depuis 2010 et a été finalisé en 2013. Les différents changements politiques ont pu lui faire perdre une partie de sa dynamique initiale. Le schéma couvrait la petite enfance, l'enfance, la jeunesse, la parentalité, l'accompagnement au départ, etc. Il est devenu de plus en plus difficile de coordonner ces différentes thématiques. En 2018, la CPS et la collectivité territoriale ont décidé d'élaborer deux diagnostics : le premier, pris en charge par la CPS, recouvre la petite enfance, tandis que le second, pris en charge par la collectivité territoriale, recouvre le projet territorial enfance-jeunesse, qui ciblait plutôt les 9-30 ans.

Ces deux diagnostics constituent un point d'étape. Il ne s'agit pas d'initier un nouveau schéma mais d'utiliser la convention nationale globale pour redynamiser les politiques sociales et familiales et réagencer le pilotage des différentes actions, qui reposent sur les épaules de la CPS et de la collectivité territoriale. En effet, les mairies de l'archipel ne sont pas très investies sur ces sujets, parce qu'elles doivent gérer beaucoup de choses de leur côté.

Nous devons notamment reprendre les enquêtes partenariales. En effet, les objectifs du Schéma territorial de service aux familles ont tous été réalisés. Néanmoins, les sources de financement doivent être optimisées. Nous misons beaucoup sur la convention territoriale globale, qui semble constituer un outil très positif.

Mme Jacqueline André. - Le schéma, notamment concernant la partie jeunesse, doit aussi comprendre des actions impliquant les parents et prenant en compte leurs besoins, notamment la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

M. Stéphane Artano, président, co-rapporteur. - Des obstacles légaux ou juridiques empêchent-ils certaines prestations sociales d'être appliquées à Saint-Pierre-et-Miquelon ? En effet, l'archipel relève d'un régime social différent de l'Hexagone.

Certains crédits proposés par l'État semblent par ailleurs ne pas avoir été mobilisés par les différents acteurs de Saint-Pierre-et-Miquelon. Certains crédits nationaux peuvent ne pas trouver d'utilité à l'échelon local. Sentez-vous une volonté d'impulsion de la part de l'État ou est-il plutôt observateur ?

Mme Sylvie Koelsch. - La majorité des prestations sociales a été étendue à Saint-Pierre-et-Miquelon. L'allocation journalière proche aidant et l'allocation journalière présence parentale ont été étendues dernièrement, même si nous attendons encore les décrets d'application.

De plus, certaines prestations sont étendues avec des particularités : par exemple, la Brigade de protection de la famille (BPF) dont nous disposons relève d'un statut hybride entre celui de l'Hexagone et celui des outre-mer.

La prime de déménagement n'a pas été étendue à l'archipel. L'allocation de logement familiale (ALF) et l'allocation de logement sociale (ALS) ont été étendues en 2022, contrairement à l'aide personnalisée au logement (APL). Le prêt à l'amélioration de l'habitat n'existe pas non plus, mais des aides extra-légales compensent son absence. La complémentaire santé solidaire, versée sous conditions de ressources, n'est pas mise en place.

Néanmoins, dans l'ensemble, ces spécificités sont de plus en plus réduites. Cela dit, certains dispositifs sont étendus à l'archipel alors qu'ils ne concernent que quelques situations très précises, ce qui peut générer des difficultés. En effet, la CPS ne dispose pas des outils nationaux. Les différences réglementaires compliquent considérablement la formation du personnel. L'adaptation des règles métropolitaines génère un certain nombre de cas exceptionnels qu'il est très difficile d'intégrer. Nous travaillons par exemple avec la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) sur le recouvrement des impayés de pension alimentaire, qui pose de grandes difficultés.

En 2016, quand le complément de libre choix du mode de garde (CMG) a été étendu à l'archipel, la gestion du CMG devait être prise en charge de façon transitoire par la CPS jusqu'au 31 décembre 2016, puis reprise par le Pajemploi. Les paramètres spécifiques à Saint-Pierre-et-Miquelon ne pouvaient pas être entrés dans le logiciel de gestion. Il fallait développer un outil spécifique. Finalement, nous n'avons pas pu développer d'outil de gestion et avons dû conserver une gestion manuelle du dispositif.

Or Pajemploi a récemment annoncé l'intégration de Mayotte avec des paramètres particuliers. La prise en charge des particularités de Saint-Pierre-et-Miquelon pourrait donc avoir lieu également afin de faciliter les démarches familiales.

Mme Jacqueline André. - Concernant les liens avec l'État, je constate une amélioration de nos relations avec l'Éducation nationale depuis la venue de la rectrice de Caen. L'accompagnement des familles s'en trouve amélioré. Un certain nombre de dispositifs transitent par l'administration territoriale de la santé, équivalent local de l'ARS. Ces démarches relèvent surtout du travail de Sonia Borotra.

Mme Sonia Borotra. - Je ne pense pas que l'État joue un rôle moteur. Nous avons eu beaucoup de mal à mobiliser les partenaires des différents services de l'État pour construire le projet territorial enfance-jeunesse, signé en 2020. Le travail repose essentiellement sur les équipes réduites de la collectivité et de la CPS, qui doivent gérer de nombreux sujets. Il nous faut donc assurer une coordination très précise.

Mme Victoire Jasmin, co-rapporteure. - En qualité de rapporteure, j'ai été très attentive à vos propos. Vous avez évoqué une absence de 90 demi-journées qui m'a interpellée. Êtes-vous en contact avec les associations locales de parents d'élèves ? Celles-ci vous sollicitent-elles ?

Par ailleurs, bénéficiez-vous des crédits fléchés dans le cadre du plan pauvreté du gouvernement ? Avez-vous des projets concernant les contrats locaux d'aide à la scolarité ?

Enfin, je ne connais pas d'autre territoire où il n'existe pas de restauration scolaire. Cette situation est-elle liée à une absence de besoin ou s'agit-il au contraire d'un choix de la collectivité ?

Mme Jacqueline André. - Concernant votre première question, les contacts avec les parents d'élèves s'effectuent au travers d'instances comme la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH). Les besoins ne remontent pas véritablement jusqu'à nous, sauf en cas de situations particulières. Celles-ci sont gérées avec l'Éducation nationale.

Mme Marie Larralde, psychopédagogue. - L'association L'Appel est cependant assez demandeuse d'événements et transmet rapidement les informations.

Mme Jacqueline André. - Concernant l'absentéisme, des formations à distance seront rapidement mises en place par le rectorat de Normandie afin d'impulser une dynamique concernant les situations préoccupantes. Nous verrons dans les six prochains mois si une amélioration a lieu ou non, mais nous faisons preuve d'une vigilance accrue sur cette question.

Mme Sonia Borotra. - Concernant les crédits du plan pauvreté, nous avons signé une convention de lutte contre la pauvreté avec l'État il y a quelques années. Ce plan est arrivé à échéance et n'a pas encore été renégocié dans le cadre du pacte des solidarités. L'ancienne convention privilégiait l'accompagnement des bénéficiaires du RSA et les problématiques extérieures aux questions de parentalité. Néanmoins, nous aimerions élargir la prochaine convention à ces questions et à d'autres partenaires comme les municipalités. Nous ne disposons pour le moment d'aucun crédit particulier.

Mme Aurore Vigneau. - Concernant les contrats locaux d'aide à la scolarité, la prestation existe mais nous ne disposons d'aucun porteur de projet privé ou associatif pouvant les mener à bien. Néanmoins, l'Association jeunesse éducation populaire (AJEP) vient d'ouvrir un espace jeune largement appuyé par la Collectivité et la CPS, et déploiera diverses actions. L'association souhaiterait développer à terme l'accompagnement aux devoirs.

Mme Sylvie Koelsch. - Concernant la partie restauration scolaire, nous avons été sollicités dans le cadre du projet d'ouverture d'un internat à la rentrée prochaine. La prestation existant en outre-mer n'est pas étendue à Saint-Pierre-et-Miquelon. Toutefois, elle ne serait pas forcément adaptée. Les financements proposés sont malheureusement beaucoup trop faibles en comparaison des coûts de financement réels d'une restauration collective. Une réflexion doit donc être menée en amont. La compétence de la CNAF nous échoie, néanmoins les modalités d'émargement supposent une modification législative. De plus, notre profil correspond plutôt à celui des outre-mer hors Mayotte. Or, si Mayotte dispose des montants les plus importants, ils restent malgré tout très faibles au regard du coût des repas.

Mme Jacqueline André. - Le projet d'internat concerne entre 20 et 26 élèves chaque année, qui viennent de Miquelon pour suivre leur scolarité à Saint-Pierre de la seconde à la terminale. En effet, il devenait très difficile de trouver des familles d'accueil. La prise en charge s'élève à 50 euros par jour : 21 euros pour le repas du midi, 21 euros pour celui du soir et le reste pour le petit-déjeuner. Il est très difficile de trouver des financements de ce niveau.

Par ailleurs, concernant le besoin d'une cantine pour les enfants des niveaux scolaires inférieurs, beaucoup de familles récupèrent leurs enfants entre midi et 13 heures. Plusieurs parents ont rapporté que ce temps, que nous considérions comme un moment privilégié en famille, était en réalité trop court pour permettre de vrais moments d'échanges.

Dans l'archipel, l'enseignement privé est aussi important que l'enseignement public jusqu'au collège, le lycée étant uniquement public. Or, dans le privé, l'initiative a été prise de proposer, comme au Canada, des « boîtes à lunch ». Néanmoins, il faudrait savoir combien de familles seraient intéressées par ce dispositif. De plus, les établissements scolaires sont anciens et ne disposent pas de cuisines.

Mme Marie Larralde, psychopédagogue. - Les familles sont de plus en plus demandeuses d'une cantine. De plus, les cas de séparation des parents complexifient la gestion des enfants entre midi et 13 heures. L'adoption de la « boîte à lunch » suppose que les parents apportent son repas à l'enfant. Néanmoins, cette solution fonctionne très bien et doit être creusée.

Mme Victoire Jasmin. - Quelles mesures avez-vous mises en place pour lutter contre le harcèlement ?

Mme Jacqueline André. - Nous avons évoqué des pistes lors du dernier comité de prévention de la délinquance avec l'Éducation nationale. Comme l'archipel ne dispose pas d'un service social spécifique au niveau de l'éducation nationale, la lutte contre le harcèlement reste difficile. Nous allons donc décliner très rapidement, en lien avec le rectorat de Caen, le programme national pHARe, comprenant à la fois la formation des enseignants et des jeunes, tout en ciblant le climat scolaire. Il donne de bons résultats dans l'Hexagone. Après deux ou trois ans d'expérimentation en métropole, ce programme a été rendu obligatoire en septembre 2022 sans être décliné à Saint-Pierre-et-Miquelon. Sa mise en place permettra une meilleure prise en charge de ce sujet, qui semblait un peu banalisé. Nous souhaitons faire de Saint-Pierre-et-Miquelon un territoire de bien-être.

Mme Sonia Borotra. - L'équipe éducative avait d'ailleurs remporté un projet national sur ce sujet : un spot vidéo réalisé par les jeunes avait été diffusé dans tous les lycées de l'Hexagone et des outre-mer.

Mme Jacqueline André. - Certaines actions ponctuelles comme celles-ci ont été menées, cependant le programme pHARe permet une continuité de la lutte contre le harcèlement, en identifiant les personnes ciblées dès le CP. Cette lutte est également une priorité du rectorat de Caen.

Mme Victoire Jasmin, co-rapporteure. - Un excellent rapport du Sénat, mené notamment par Mme Sabine Van Heghe et publié il y a deux ans, émet un certain nombre de recommandations en la matière impliquant tous les acteurs.

Mme Jacqueline André. - Je vous rejoins et vous remercie de m'interpeller sur ce sujet. Nous souhaitons en effet, lorsque nous travaillons sur les compétences psychosociales des enfants, que les formations proposées par l'Éducation nationale soient déclinées pour le périscolaire et l'extrascolaire.

Mme Micheline Jacques. - Mesdames, je vous remercie pour ces informations éclairantes. Je suis sénatrice de Saint-Barthélemy, une petite île connaissant des problématiques similaires aux vôtres du fait de son insularité. Pour avoir été enseignante et directrice d'école, le décalage horaire avec le rectorat de Caen pose-t-il problème ? Par ailleurs, ce rectorat dispose-t-il de la connaissance nécessaire pour répondre à certaines problématiques spécifiques à Saint-Pierre-et-Miquelon ?

Vous avez parlé des accouchements, thème cher à mon coeur. J'aimerais savoir si votre CPS prévoit des dispositifs spécifiques concernant l'accompagnement des grossesses à risques. En effet, je présume que l'évacuation engendre des coûts importants.

Mme Sylvie Koelsch. - Ce problème est pris en charge par la branche maladie de la CPS et non par la branche famille. Un décret de 1991 prévoit, sur validation du médecin-conseil, le suivi de la patiente au Canada ou en métropole selon les situations. Le billet d'avion est pris en charge et des allocations journalières sont versées pour couvrir l'hébergement de la future mère et du père. Le service d'action sociale peut intervenir en complément concernant les démarches préalables au départ ou sur des problématiques particulières.

Mme Aurore Vigneau. - Par ailleurs, nous avons créé il y a deux ans, à l'image des parcours attentionnés de l'Assurance Maladie, un parcours naissance-parentalité permettant de coordonner les actions des différents services de la CPS. Ce parcours prend la forme d'une mallette réunissant les informations auparavant envoyées de manière disparate. Les mères se voient remettre cette mallette une fois la déclaration de grossesse déposée à la CPS. Nous essayons de donner aux mères les principales informations et démarches administratives et logistiques.

Mme Micheline Jacques. - Ce dispositif est-il spécifique à la CPS de Saint-Pierre-et-Miquelon ?

Mme Sylvie Koelsch. - Oui, je vous le confirme.

M. Stéphane Artano, président, co-rapporteur. - Je vous remercie pour ces informations et pour votre disponibilité.