Mercredi 3 mai 2023

- Présidence de Mme Maryse Carrère, présidente -

La réunion est ouverte à 18 h 15.

Secrétaires de mairie - Audition

Mme Maryse Carrère, présidente. - Je remercie de leur présence à cette audition Monsieur Michel Hiriart, ancien maire de Biriatou et président de la fédération nationale des centres de gestion de la fonction publique territoriale, Madame Cindy Laborie, responsable des affaires juridiques de cette fédération, et, par visioconférence, Madame Magali Moinard, présidente départementale de la fédération autonome de la fonction publique territoriale et présidente du Syndicat national des secrétaires de mairie pour la section de Vendée.

L'audition que nous tenons aujourd'hui porte sur un sujet important pour les communes et dans le cadre de la mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire : celui du personnel administratif communal et, particulièrement, des secrétaires de mairie, si cruciaux pour le bon fonctionnement de la municipalité.

Au cours des auditions et des déplacements que nous avons effectués, nombreux ont été les intervenants, et particulièrement les maires, à insister sur l'importance des secrétaires de mairie pour le bon fonctionnement des municipalités, ainsi que sur les difficultés qui se posent pour le recrutement de ces personnels. Nous avons pu en discuter il y a quelques jours à l'occasion de l'examen d'une proposition de loi de nos collègues du groupe communiste. Nous avons par ailleurs déjà entendu, au cours d'une audition du rapporteur, le président du centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), M. François Deluga.

Aujourd'hui, nous avons la chance de vous accueillir et vous remercions de vous être joints à nous. Votre témoignage sera précieux à notre mission d'information, non seulement pour nous aider à mesurer l'importance du rôle des secrétaires de mairie - ce dont nous sommes nombreux ici à être convaincus, mais aussi pour identifier les difficultés qui se posent dans leur pratique quotidienne et pour leur recrutement.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Le sujet des conditions d'exercice du mandat de maire est au coeur de notre mission d'information. Nous nous intéressons donc à tout ce qui peut limiter, voire décourager, cet exercice. Tous ici, dans nos départements, nous avons des exemples de maires qui se découragent, faute de secrétaires, d'ingénierie et de moyens.

C'est ce qui motive l'organisation de cette table-ronde sur le sujet des secrétaires de mairie et plus largement du personnel ainsi que des agents municipaux. Comme Madame la Présidente l'a rappelé, le statut de secrétaire de mairie fait l'objet de nombreux débats : la commission des lois vient d'en connaître à l'occasion d'une récente proposition de loi et elle sera peut-être prochainement saisie d'une proposition de loi à l'initiative du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI).

M. Michel Hiriart, président de la fédération nationale des centres de gestion de la fonction publique territoriale. - Je connais très bien le rôle du secrétaire de mairie car j'ai été maire pendant 31 ans d'une commune de 1 900 habitants, 10 ans président d'agglomération et 19 ans président du centre de gestion.

Les petites collectivités exercent les mêmes compétences et les mêmes responsabilités que les grandes, mais sans les mêmes moyens ni la même pratique : une petite commune ne lance ainsi qu'un appel d'offres par mandat, quand Paris en ouvre plusieurs chaque jour. Pourtant, s'il y a une erreur, la sanction est la même.

Le rôle du secrétaire de mairie est essentiel : c'est le bras droit du maire. En son absence, le maire se trouve dépourvu de tout conseil et de toute aide pour gérer le quotidien.

Il y a 31 000 communes de moins de 2000 habitants. Dans ces communes, le seul personnel administratif est le - ou plutôt la - secrétaire de mairie, qui doit tout savoir faire : ouvrir la porte de la mairie le matin, tenir la comptabilité, gérer le personnel etc.

Les statistiques sont éloquentes : on compte actuellement 19 000 secrétaires de mairie environ pour 31 000 communes de moins de 2 000 habitants. Ce sont très majoritairement, à 94 %, des fonctions occupées par des femmes.

Les secrétaires de mairie se répartissent entre les trois catégories : 5 % de catégorie A, 23 % de catégorie B et 60,5 % de catégorie C.

La moyenne d'âge est plus élevée que la moyenne d'âge de l'ensemble des autres fonctionnaires territoriaux : 50 ans en moyenne contre 48 ans pour les autres fonctionnaires territoriaux. Par ailleurs, 20 % des secrétaires de mairie sont contractuels.

Leur temps moyen de travail est de 25 heures par semaine. En revanche, dans les offres d'emploi, le temps de travail moyen proposé l'an passé s'élevait seulement à 13 heures par semaine. La différence s'explique par le fait que ces agents interviennent généralement dans plusieurs communes à la fois.

15 % des secrétaires de mairies ont un niveau scolaire « collège », 40 % disposent du baccalauréat, 27 % sont d'un niveau « bac +2 », 14 % d'un niveau « licence » et 4 % ont un « bac +5 ». Cela illustre la diversité du niveau de formation des secrétaires de mairie.

Actuellement, 1 920 postes de secrétaires de mairie sont à pourvoir sur notre site internet, dont 56 % de postes de catégorie C.

Trois facteurs nuisent à l'attractivité de ce métier : l'exigence d'une large polyvalence - il faut tout savoir faire -, le manque de poste à temps plein et l'insuffisance des formations.

Pour y remédier, nous avons des pistes de réflexion sur lesquelles nous travaillons d'ailleurs régulièrement depuis 2019 par le biais d'une commission dédiée. Nous cherchons à rendre le métier de secrétaire de mairie plus attractif et plus intéressant, au-delà du seul aspect financier, bien que cela soit un aspect à prendre en compte évidemment.

Mme Magali Moinard, présidente du Syndicat national des secrétaires de mairie. - Je suis présidente départementale et nationale des secrétaires de mairie. J'ai donc eu l'occasion d'interroger des collègues de la France entière. Beaucoup sont partis ou vont partir en retraite. Au début de notre carrière, nous étions toutes passionnées par ce métier atypique de la fonction publique territoriale.

On a beaucoup parlé de simplification administrative depuis 40 ans mais c'est pire qu'avant et le métier de secrétaire de mairie a bien changé. Autrefois, nous étions le premier échelon auprès des administrés et des citoyens, tandis qu'aujourd'hui nous avons le sentiment d'être le dernier échelon.

Ce métier, complètement atypique, est en voie de disparation.

Je suis très surprise des recrutements effectués par certains maires qui se disent être contraints d'embaucher une hôtesse de caisse comme secrétaire de mairie, tout en ajoutant qu'elle saura construire un budget parce qu'elle sait encaisser et rendre la monnaie ! Selon moi, pour éviter de telles difficultés, il faudrait mieux former certains élus, qui se croient maître de tout dans leur commune et font ce qu'ils veulent pour les recrutements.

On constate beaucoup de démissions de secrétaires de mairie. Certains de mes collègues retraités sont à nouveau sollicités par leurs maires parce que les recrues qui les ont remplacés, surprises de l'ampleur de la tâche des secrétaires de mairie, ont elles-mêmes démissionné.

Je voudrais remercier et féliciter les élus qui nous soutiennent. Pour ma part, je suis retraitée depuis le 1er janvier mais je continue à apporter mon aide car il y a de nombreux secrétaires de mairie en souffrance. La plupart sont des fonctionnaires de catégorie C. Au premier échelon, ils perçoivent moins que le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), ce qui est compensé par l'indemnité de garantie individuelle du pouvoir d'achat (GIPA), pour leur faire tout juste atteindre le niveau du SMIC. À cela, les élus répondent qu'ils ne disposent pas des moyens et des dotations suffisantes pour leur offrir une meilleure rémunération. Ce faisant, un grand nombre d'agents retournent dans le secteur privé pour être mieux payés.

Bien que l'appellation de « secrétaire » ne soit pas péjorative, il serait préférable de modifier la qualification de notre fonction au profit de celle de « directeur » ou de « directrice ». Je le propose depuis 30 ans, sans succès. Pourquoi ? Il est pourtant courant d'entendre parler d'un « directeur » de crèche ou d'un « directeur » périscolaire.

Tout à l'heure, Monsieur Hiriart a indiqué à juste titre qu'au sein des petites collectivités étaient requises les mêmes compétences que dans les grandes : lorsqu'on construit un budget, il convient de le faire correctement, sans se tromper. Il en est de même pour l'état civil, les marchés publics, la gestion du personnel etc.

Souvent, on évoque les strates démographiques pour définir si une commune est « grande » ou « petite ». Il est à mon sens erroné de raisonner ainsi. À titre personnel, j'ai débuté ma carrière dans une petite commune puis dans une ville de 10 000 habitants, avant de revenir, finalement, à des petites communes, car j'y trouvais notre rôle plus intéressant : l'éventail des services à gérer était plus large. Ce qui compte est moins la strate de population que le nombre de services publics implantés dans la commune.

Mme Maryse Carrère, présidente. - Vous évoquez la notion de « premier » et de « dernier échelon » - ce dernier terme ne correspond pas au sentiment que j'ai. Pouvez-vous préciser votre pensée ? Faites-vous référence à l'accueil du public dans la commune ?

Mme Magali Moinard. - Effectivement, j'ai fait référence au « premier échelon » car les citoyens, les administrés, les électeurs et les contribuables de la commune s'adressent d'abord à la mairie. Personne, ou presque, ne se rend au siège de la communauté de commune.

Mme Maryse Carrère, présidente. - Certes, mais alors, pourquoi dites-vous que les secrétaires de mairie sont devenus le dernier échelon ?

Mme Magali Moinard. - C'est ainsi qu'elles sont considérées alors qu'à mes yeux, elles constituent bien le premier échelon.

J'insiste également sur la question de la rémunération. J'ai parlé avec des universitaires, qui pensent qu'il est possible de revaloriser le métier de secrétaire de mairie. Toutefois, j'en doute car le salaire est trop faible. En outre, le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) crée des distorsions de rémunération importantes entre les communes.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - J'entends ce que vous dites s'agissant du besoin de qualification. Je le ressens moi-même lorsque je fais le tour des communes de mon département, l'Ardèche. Le métier de secrétaire de mairie a beaucoup évolué du fait du développement de l'intercommunalité, de l'inflation du nombre de réunions et d'un besoin plus fort, pour les citoyens, de solliciter l'échelon local. Mais j'ai une lecture différente de la situation. L'offre de formation n'est pas suffisante dans de nombreux départements, c'est évident, mais le premier problème est celui du manque de candidats : personne ne répond aux appels d'offre, quel que soit le niveau de formation demandé.

Mme Anne Chain-Larché. - Je vous remercie de votre témoignage. Ayant été maire et présidente d'une communauté de communes, j'ai été confrontée à la difficulté de faire accéder les secrétaires de mairie ou les agents qui travaillaient auprès de moi à des formations. La validation des acquis de l'expérience ne rentre malheureusement pas suffisamment en compte dans les examens que doivent passer les agents pour évoluer d'une catégorie à une autre. Ces personnes, pourtant excellentes dans l'exercice des tâches qui leur sont confiées, n'arrivent pas à mobiliser leurs acquis à l'occasion d'examens théoriques. Il conviendrait de valoriser l'expérience plus que la théorie. C'est peut-être une piste à explorer dans le cadre de nos travaux.

Mme Catherine Belrhiti. - Je partage le constat qui a été dressé. À mon sens, il conviendrait de créer un brevet de technicien supérieur (BTS) de secrétaire de mairie pour que les spécificités de ce métier soient véritablement reconnues et qu'elles se traduisent, à terme, par une revalorisation salariale. Changer son nom n'est pas la solution pour renforcer son attractivité.

M. Michel Hiriart. - Tous les éléments abordés au cours de cette audition sont des propositions que nous portons depuis déjà plusieurs années. Contrairement à vous, Madame la sénatrice, je pense qu'il faut changer l'appellation de « secrétaire de mairie » car cette expression est un peu péjorative. C'est bien ce que nous avons fait pour les directeurs généraux des services, autrefois appelés « secrétaires généraux ».

Nous portons par ailleurs d'autres propositions. En premier lieu, il est urgent de créer un diplôme de secrétaire de mairie en lien avec l'Éducation nationale et les universités, à l'image de ce qui s'est fait, par exemple, dans le département des Pyrénées-Atlantiques avec l'université de Pau et des pays de l'Adour. Il doit s'agir d'une formation initiale qualifiante, adaptée aux spécificités du métier de secrétaire de mairie, avec un référentiel de compétence. Elle doit s'accompagner d'une formation continue qui permette de suivre les évolutions de la réglementation auxquelles ce métier est perpétuellement confronté. Les centres de gestion offrent à cet égard un appui considérable aux élus et aux secrétaires de mairie, notamment en assurant le remplacement provisoire de l'agent qui part en formation.

Nous défendons également la remise en cause des quotas de promotion en interne. Aujourd'hui, les secrétaires de mairie de catégorie C n'ont quasiment pas accès à des promotions car le ratio retenu est celui d'une promotion pour trois recrutements. Or, la plupart des recrutements concernent, à l'heure actuelle, des contractuels dont l'effectif n'est pas pris en compte, ce qui réduit mécaniquement le nombre de promotions offertes en interne. Il convient donc d'encourager les promotions hors quotas et hors concours.

À ces propositions s'ajoutent d'autres pistes de réflexion comme la bonification de l'ancienneté et le relèvement de 1 000 à 2 000 habitants du seuil de recrutement de secrétaires de mairie contractuels.

Il est urgent d'agir car 50 % des secrétaires de mairie actuellement en fonction partiront à la retraite d'ici 2027 !

Mme Catherine Belrhiti. - Est-ce qu'il existe un système de validation des acquis de l'expérience pour les secrétaires de mairie ?

Mme Cindy Laborie, responsable des affaires juridiques de la fédération nationale des centres de gestion de la fonction publique territoriale. - Aujourd'hui, le processus de validation des acquis de l'expérience est très lourd. Le Gouvernement propose de le simplifier en prévoyant que 60 % des effectifs de catégorie C puissent accéder à la catégorie B sans passer par le processus de droit commun qui peut durer un an. Nous soutenons cette initiative.

Mme Magali Moinard. - Je soutiens ces propositions et réaffirme qu'à mon sens, le changement d'appellation est primordial, de même que la revalorisation salariale, pour renforcer l'attractivité de ce métier. Mais le problème reste qu'au nom de la libre administration des collectivités territoriales, un maire peut recruter un agent de n'importe quelle catégorie.

Je me fais le porte-parole de toutes les secrétaires de mairie qui vont partir à la retraite pour témoigner de leur lassitude.

Comme vous, je pense que l'amélioration de l'offre de formation est essentielle, à la condition de remplacer l'agent le temps de sa formation. Le problème, c'est que, lorsqu'une secrétaire de mairie part en formation, elle ne trouve personne pour la remplacer.

J'aimerais aussi revenir sur le sujet de la formation des élus. Certains élus ne savent pas ce qu'est le métier de secrétaire de mairie et ne se donnent pas les moyens de recruter un agent au niveau de compétence requis.

Mme Cécile Cukierman. - L'avenir du maire est aussi lié à la qualité du travail et de sa relation avec le secrétaire de mairie. Tous les maires nous disent combien ce métier est précieux et indispensable pour leur permettre d'assurer leur mission.

Il faut travailler sur les spécificités de ce métier et procéder à une revalorisation des rémunérations, à la condition qu'on en donne les moyens aux élus.

Les réalités territoriales font qu'en dépit de l'action des centres de gestion, les agents qui partent en formation ne sont pas remplacés, les tuilages sur un même poste sont rarement possibles et les vacances de postes se multiplient.

N'oublions pas non plus, au titre des spécificités de ce métier, qu'en dépit des formations et de l'entraide entre secrétaires de mairie, son exercice est principalement solitaire. Il faut réfléchir à la façon d'y remédier.

De plus, les secrétaires de mairie font face à un environnement de travail de plus en plus complexe à maîtriser, notamment du fait de la dématérialisation des démarches administratives, pourtant présentée comme un facteur de simplification de l'exercice de leur métier.

Nous constatons un manque de vocation pour occuper ces postes. Je note, pour en avoir parlé avec plusieurs secrétaires de mairie, que certains agents ne sont pas prêts à prendre une promotion à la ville-centre ou au siège de l'intercommunalité si cela implique de doubler leur temps de trajet entre leur domicile et leur lieu de travail.

J'entends la critique sur les recrutements effectués par certains maires, mais je crois surtout que, dans un contexte très difficile, les élus doivent se contenter des candidats qui se présentent, faute de quoi ils ne pourraient tout simplement pas assurer l'ouverture de leur mairie.

Enfin, j'observe que la dévitalisation de l'échelon communal aggrave la crise d'attractivité de ce métier : quand l'action de la commune et celle des élus municipaux est valorisée, le rôle des agents communaux l'est également.

M. Michel Hiriart. - Les secrétaires de mairie sont non seulement attachés à leur poste mais aussi à leur commune.

Pour en revenir au rôle des élus dans le recrutement des secrétaires de mairie, je confirme que ceux-ci, aujourd'hui plus que dans le passé, assument pleinement leurs fonctions de gestionnaire de personnel.

Dans tous les départements, les associations de maires organisent des actions de formation dans des domaines variés, en particulier en début de mandat. Mais on ne peut pas demander à un maire d'une petite commune de consacrer tout son temps à se former, d'où l'importance du binôme maire-secrétaire de mairie.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Le contenu du travail de secrétaire de mairie a évolué au fur et à mesure du développement d'une strate supplémentaire - l'intercommunalité - et de la multiplication des réunions avec les services de l'État et ses satellites. Il devient de plus en plus difficile de conjuguer vie professionnelle et vie d'élu tout en consacrant le temps nécessaire à la collaboration avec le secrétaire de mairie. Je dis cela pour modérer le sentiment exprimé par certains que les élus négligeraient les secrétaires de mairie. Au contraire, je pense que les élus, particulièrement dans les petites communes, mesurent l'importance de l'aide que leur apportent ces agents, notamment sur les questions juridiques, et la complémentarité du duo qu'ils forment avec eux.

Mme Anne Chain-Larché. - En tant qu'employeur, le maire est tenu d'organiser un entretien annuel avec ses agents. Cet entretien est-il l'occasion, pour les secrétaires de mairie, de faire part de leurs doléances ?

M. Michel Hiriart. - Nous faisons appel, chaque année, aux services d'un cabinet privé qui interroge plusieurs milliers de fonctionnaires territoriaux. Nous nous servons de ces informations pour publier notre enquête annuelle intitulée « Horizon ». Il serait intéressant de poser cette question dans le cadre de notre prochain sondage.

Mme Anne Chain-Larché. - Comme l'a souligné le rapporteur, la charge de travail a tendance à s'accroître. Quelle est votre retour d'expérience sur les mutualisations de de secrétariats de mairie ? Mon territoire, la Seine-et-Marne, est à l'avant-garde sur ce sujet puisque la première expérimentation de ce type y a été lancée dans les années 1960.

Mme Cindy Laborie. - Avant le 1er janvier 2023, le centre de gestion de la Seine-et-Marne était l'un des seuls centres de gestion ne proposant aucun service de remplacement pour les secrétaires de mairie. Dans les autres départements, cette mutualisation se fait depuis longtemps via les centres de gestion qui disposent d'un service de remplacement. Depuis les schémas de mutualisation, les intercommunalités mènent également des expérimentations de ce type. Nous observons cependant de fortes résistances au changement dans certains départements, notamment en Bretagne. La fédération nationale des centres de gestion appuie fortement ces initiatives. C'est grâce à la mise en réseau que les secrétaires de mairie peuvent se former et avancer ensemble.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - À la communauté d'agglomération d'Haguenau, l'intercommunalité embauche plusieurs secrétaires de mairie et leur demande de se spécialiser dans des domaines différents afin de pouvoir disposer d'un panel élargi de compétences.

Mme Maryse Carrère, présidente. - Pouvez-vous nous donner d'autres exemples d'initiatives locales innovantes pour pallier la pénurie prévisible des secrétaires de mairie ? Le centre de gestion des Hautes-Pyrénées, par exemple, a organisé une formation spécifique pour une trentaine de personnes volontaires pour devenir secrétaires de mairie.

Par ailleurs, si vous n'aviez qu'une recommandation à retenir, quelle serait-elle ?

M. Michel Hiriart. - La mutualisation est un outil exceptionnel pour deux raisons : elle permet, d'une part, de pallier les absences et, d'autre part, de former les agents in situ avec l'appui de leurs collègues et des centres de gestion. Dans la quasi-totalité des cas, ces agents finissent par être recrutés sur des postes pérennes. Malheureusement, nous manquons de volontaires.

Surtout, pour faire face à la pénurie de secrétaires de mairie, de nombreux maires sont contraints de recruter à temps partiel sur des postes qui nécessiteraient pourtant un temps plein.

Mme Cindy Laborie. - Beaucoup de centres de gestion ont mis en place des formations pour des personnes recrutées via Pôle Emploi. Le désengagement de Pôle Emploi dans plusieurs départements nous pose donc souci ; nous tentons d'y remédier avec le soutien de l'État.

Pour ne citer que quelques exemples d'initiatives locales, dans le Cantal, le centre de gestion s'est rapproché de la chambre de commerce et d'industrie pour s'associer à la formation des assistantes commerciales et de direction du secteur privé afin de toucher un public plus large, en proposant des modules spécifiques liés au métier de secrétaire de mairie.

Le centre de gestion de l'Isère a mis en place un dispositif de conseil en recrutement, avec un tutorat proposé aux nouvelles recrues. Le centre de gestion de Meurthe-et-Moselle a également développé, en lien avec l'université de Lorraine, le premier diplôme universitaire de secrétaire de mairie. Dans d'autres départements, les centres de gestion se sont rapprochés des Greta et de Cap Emploi pour lancer des formations à destination de personnes en situation de handicap.

Mme Frédérique Espagnac. - Vous nous avez annoncé qu'en 2027, 50 % des secrétaires de mairie partiraient à la retraite. Il nous reste donc 4 ans pour trouver une solution à ce problème. Se dessine en parallèle une crise de vocation des mairies dont nous mesurerons les conséquences lors des élections municipales de 2026. C'est une urgence absolue ! Pour le bon fonctionnement de notre pays, nous devons tout faire pour éviter de nous retrouver dans cette situation. Quelle initiative nationale envisager, en lien avec le ministère de l'intérieur et des outre-mer et le ministère de la transformation et de la fonction publiques ?

Et comment gérer, en 2026, les doubles arrivées de nouveaux maires et de nouveaux secrétaires de mairie, sans expérience ?

M. Michel Hiriart. - Nous en revenons toujours au même problème. Nous défendons cinq propositions phares ; il est donc difficile de n'en retenir qu'une. La priorité absolue, c'est la formation car c'est de cela que tout découle. La formation qualifiante est une priorité, mais encourager la promotion hors quota me paraît également être un point essentiel. Il faut montrer aux secrétaires de mairie que l'on s'y intéresse et permettre aux agents déjà en fonction, notamment ceux de catégorie C, d'être promus hors quota dans une catégorie supérieure.

Mme Cindy Laborie. - Nous nous sommes engagés, avec le centre national pour la fonction publique territoriale, à promouvoir la démarche « métiers territoriaux ». Dans ce cadre, nous avons réalisé un prospectus de 8 pages distribué dans les universités pour faire connaître le métier de secrétaire de mairie. Nous travaillons également à la réalisation d'un clip vidéo.

Mme Frédérique Espagnac. - Il nous faut un plan national pour susciter des vocations.

Mme Maryse Carrère, présidente. - Des choses se préparent.

Mme Frédérique Espagnac. - Je n'en doute pas, mais il nous faut une action de grande ampleur.

M. Michel Hiriart. - Il y a 20 ans, ce métier était totalement inconnu. Nous avons donc progressé dans ce domaine.

Mme Frédérique Espagnac. - De nombreux jeunes cherchent à s'investir en politique. En milieu rural, cela passe, en premier lieu, par l'exercice de responsabilités modestes, par exemple dans les comités des fêtes. Nous pourrions donc présenter le métier de secrétaire de mairie comme un tremplin vers l'engagement politique.

Mme Magali Moinard. - Je reste dubitative par rapport à tous les discours que j'entends, même si je salue les propositions qui sont faites. Depuis 1989, nous nous battons pour faire connaître ce métier. Or, depuis plusieurs années, nous avons l'impression d'un retour en arrière. Au nom de mes collègues : ras-le-bol ! Nous vous laissons résoudre ce problème.

En revanche, je ne peux admettre l'idée qu'on pourrait prendre n'importe qui pour être secrétaire de mairie.

Mme Maryse Carrère, présidente. - Il s'agissait uniquement de constater certaines pratiques.

Mme Cécile Cukierman. - J'assume mes propos. Il faut partir de la réalité, même si le réel peut ne pas nous plaire. D'ailleurs, si nous faisons de la politique, c'est parce que nous souhaitons le modifier. Les élus ne sont pas satisfaits de cette situation mais elle existe. Ils souhaiteraient pouvoir recruter des agents qualifiés mais ils n'y parviennent pas, faute de candidats. Dire cela, ce n'est pas dévaloriser le métier de secrétaire de mairie, c'est pointer le problème. Notre rôle est d'y trouver des solutions afin de permettre aux élus de procéder aux recrutements dont ils ont besoin.

Mme Magali Moinard. - Cette mission d'information porte sur l'avenir du maire et de la commune mais nous n'avons évoqué que les secrétaires de mairie. Nos problèmes sont liés, plus largement, au démantèlement du service public qui dure depuis trop longtemps. J'ai commencé à travailler à 18 ans et j'ai 63 ans et je continue à défendre ce métier que j'ai adoré.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 18 h 45.