Jeudi 30 mars 2023

- Présidence de Mme Annick Billon, présidente -

Santé des femmes au travail - Audition de représentants de la direction générale du travail du ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion

Mme Annick Billon, présidente. - Nous poursuivons nos travaux sur la thématique « Santé des femmes au travail » avec nos quatre rapporteures, Laurence Cohen, Annick Jacquemet, Marie-Pierre Richer et Laurence Rossignol. Nous auditionnons des fonctionnaires de la Direction générale du travail au ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion (DGT), chargée notamment de l'élaboration et de l'application des textes en lien avec les conditions de travail et la protection de la santé des travailleurs et travailleuses dans les entreprises, ainsi que du développement d'actions dans ce domaine.

Nous accueillons Mme Amel Hafid, sous-directrice des conditions de travail, de la santé et de la sécurité au travail, Mme Heidi Borrel, adjointe à la cheffe de la mission du pilotage de la politique et des opérateurs de la santé au travail, M. Moustapha Aouar, chargé de mission au sein du bureau de la durée et des rémunérations du travail, Mme Sylvie Therouanne, chargée de mission au sein du bureau des relations individuelles du travail, et Mme Axelle Houdier, chargée de mission. Vous avez reçu en amont de cette audition un questionnaire écrit dont vous pourrez nous faire parvenir les réponses d'ici à une quinzaine de jours.

Nos précédentes auditions nous ont amenés à dresser plusieurs constats.

La santé des femmes au travail, si elle a fait l'objet de recherches en sciences sociales, a été peu étudiée sous l'angle des politiques de santé publique, et les spécificités féminines en matière de santé, hors du champ de la santé sexuelle et reproductive, manquent de visibilité. Ce manque est très certainement lié à l'absence de données et statistiques « genrées » concernant les risques et maladies professionnels.

Les femmes sont pourtant de plus en plus exposées aux risques professionnels, accidents du travail et maladies professionnelles, mais cette exposition est sous-estimée, notamment dans les secteurs professionnels où elles sont le plus représentées. Les femmes représentent près de 60 % des cas de troubles musculo-squelettiques (TMS) et elles sont les premières victimes des risques psychosociaux. Les cancers professionnels chez les femmes sont également sous-évalués, alors que le travail de nuit augmente de près de 30 % le risque de cancer du sein.

Enfin, la sous-estimation des risques auxquels les femmes sont plus particulièrement exposées entraîne un sous-développement des politiques de prévention qui leur sont dédiées.

Partant de ces différents constats, nous nous intéressons aux actions qui pourraient être développées par les pouvoirs publics, et notamment par la DGT, pour inciter les entreprises à mieux prendre en compte la santé des femmes au travail, mais aussi pour rendre plus efficaces les interventions des services de prévention et de santé au travail.

Comment faire pour que la loi du 4 août 2014, qui impose aux entreprises une appréciation genrée de leur évaluation des risques professionnels, soit réellement appliquée ?

L'absence de statistiques sexuées dans ce domaine, et plus généralement dans le monde professionnel, n'est-elle pas le signe que la différenciation genrée reste un impensé des politiques publiques de santé au travail ?

Quelles actions pourraient être menées en faveur de la santé des femmes au travail, dans le domaine de la prévention en particulier, afin d'améliorer la prise en compte des risques professionnels spécifiquement féminins ou affectant en pratique davantage les femmes que les hommes ?

Enfin, les politiques publiques de santé au travail prennent-elles suffisamment en compte les nouveaux risques environnementaux et sociétaux, qui ont une plus forte incidence sur les femmes ?

Mme Amel Hafid, sous-directrice des conditions de travail, de la santé et de la sécurité au travail. - La DGT est une direction d'administration centrale chargée d'élaborer et de mettre en oeuvre les politiques publiques en matière de travail, et notamment de santé au travail.

Le questionnaire que vous nous avez adressé comporte un certain nombre de questions relevant plutôt des compétences de la Direction de la sécurité sociale (DSS), que nous avons donc sollicitée pour pouvoir vous répondre par écrit.

La santé au travail des femmes est un enjeu important qui nous mobilise dans un contexte interministériel. Cette problématique devient plus visible.

Les avancées tiennent d'abord à une prise de conscience accentuée, par exemple au sein des Conseils régionaux d'orientation des conditions de travail (Croct), à un renforcement du code du travail sur le sujet avec l'instauration d'une approche genrée au sein du document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP), ainsi qu'à une multiplication d'actions à la fois nationales et territoriales.

Les études sur cette thématique se sont multipliées au cours des derniers mois et des dernières années. Nous disposons d'un certain nombre de données tangibles. En matière d'accidents du travail, la tendance est à la hausse pour les femmes. Les TMS touchent plus les femmes que les hommes, à la fois en fréquence et en gravité ; il y a là une problématique particulière.

Les travaux de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) sur les facteurs de risques montrent que les hommes sont plutôt concernés par les sollicitations physiques et les femmes par les sollicitations psychosociales. Cela rejoint nos constats sur le compte professionnel de prévention (C2P), dont les hommes bénéficient plus.

Il y a une manière négative et une manière positive de présenter les choses. Version négative : nous devons accentuer l'effort pour que les femmes ne soient pas les laissées-pour-compte de la politique de prévention, avec une attention portée aux plus vulnérables, que la vulnérabilité soit temporaire ou inscrite dans la durée. Version positive : le dialogue social et les actions menées sur les conditions de travail doivent concourir à l'égalité entre les femmes et les hommes dans le cadre professionnel, mais également, de manière plus générale, dans la vie.

Nous disposons pour atteindre nos objectifs de trois leviers.

Le premier est la réglementation. Nombre de dispositions, notamment dans le code du travail, visent à protéger la santé des femmes : mesures sur les congés, sur les visites médicales ou sur l'évaluation des risques et la prévention. Les contrôles, notamment ceux de l'inspection du travail, sont le pendant de cet aspect réglementaire.

Le deuxième levier est la fixation d'un cadre stratégique. Le quatrième Plan de santé au travail (PST4), que nous avons présenté en décembre 2021, en lien avec les différents acteurs de la prévention, fixe des priorités stratégiques et précise les moyens de mise en oeuvre. Nous essayons de le doter d'indicateurs pour évaluer son impact. Il accorde une place très importante, bien plus que le précédent, à la question de la santé des femmes. Il est décliné dans les régions, qui mettent en oeuvre des actions concrètes très intéressantes. Il nous permet de mobiliser les différents acteurs, ce qui est important, car l'univers de la santé au travail est relativement fragmenté. Quand on mène une politique sur la santé au travail, en l'espèce des femmes, il faut accorder une attention particulière au pilotage et à la mobilisation des acteurs. Le code du travail peut paraître très progressiste, mais la véritable question est celle de la mise en oeuvre concrète des dispositions sur le terrain.

Le troisième levier est le dialogue social. Beaucoup d'aspects du sujet qui nous intéresse sont liés à la vie de l'entreprise. S'il est légitime et important d'avoir un cadre législatif protecteur à l'échelon national, un dialogue social permettant d'améliorer les droits et de créer un environnement dans lequel les femmes peuvent aborder des questions plus spécifiques est nécessaire en complément.

La politique de santé au travail des femmes est organisée autour de trois grands axes.

Premier axe, que les risques soient mieux évalués et prévenus. Nombre d'entreprises ont des difficultés à faire leur Document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP), voire à assurer l'effectivité de la réglementation. Des observatoires sont en train de se mettre en place ; c'est très positif. Les équipements de protection individuelle (EPI) ont historiquement été pensés pour des hommes dans des métiers d'hommes. Pour que les salariés et salariées soient vraiment protégés, il faut des EPI qui soient aussi adaptés à la morphologie des femmes. Enfin, la lutte contre les violences sexuelles et sexistes au travail a été renforcée dans la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail.

Deuxième axe, développer l'action publique sur des sujets touchant particulièrement les femmes, comme les TMS ou les risques psychosociaux, largement mis en exergue dans l'analyse de la Dares.

Troisième axe, mobiliser les entreprises et les acteurs sur des thématiques spécifiques aux femmes mais dépassant le seul monde du travail. Je pense à la question de l'endométriose, qui peut avoir des répercussions sur le travail, ou à celle de la lutte contre les violences conjugales. Comme cela ne concerne pas directement les relations entre le salarié et l'employeur, il est nécessaire de mobiliser des moyens d'action un peu différents.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Avez-vous connaissance d'entreprises du secteur privé qui, à l'instar de la municipalité de Saint-Ouen, auraient lancé l'expérimentation d'un congé menstruel pour les employées souffrant de règles douloureuses ou d'endométriose ?

Pouvez-vous mesurer les conséquences sur les femmes du télétravail, qui n'est pas supporté de la même manière selon le genre ?

Sachant que les TMS concernent majoritairement les femmes, avez-vous formulé des propositions en la matière ?

Des préconisations ont-elles été adressées aux entreprises pour avoir des EPI mieux adaptés au corps des femmes, au-delà des seuls secteurs dits féminisés ?

Vous avez évoqué les difficultés des entreprises à faire leur DUERP. Mais il y a aussi la crainte d'accroître le risque de discrimination. Je suis frappée par l'absence de solutions adaptées aux risques professionnels. Savez-vous mesurer l'amélioration de la prise en compte de la santé des femmes au travail ?

Enfin, pourriez-vous évoquer les solutions qui sont apportées et les actions concrètes qui sont menées ?

Mme Amel Hafid. - D'une manière générale, la France a une culture de prévention insuffisante. Le constat, qui n'est pas nouveau, est largement partagé.

Depuis vingt ans, on note une stagnation, sans considération de sexe, en matière d'accidentalité grave et mortelle. Il y a un problème d'effectivité des mesures de protection.

Depuis la transposition des directives de 1989 dans le code du travail, les principes de prévention sont très clairs : dans l'entreprise, l'employeur est responsable de la santé et de la sécurité de ses salariés. Cette obligation de moyens renforcée équivaut à une quasi-obligation de résultat. L'employeur doit mettre en oeuvre les mesures pour évaluer et prévenir les risques. Mais, dans les faits, les choses ne progressent pas suffisamment. C'est pourquoi des plans sont élaborés par l'administration. Nous avons institué dans la loi du 2 août 2021 un document unique qui va créer des outils de prévention pour les entreprises.

J'ai évoqué précédemment le travail de mobilisation des acteurs. L'État réglemente, mobilise et contrôle. Mais ce sont les employeurs qui sont responsables de la santé et la sécurité des salariés. Il ne suffit pas d'inscrire des principes dans le code du travail pour que tout suive derrière. D'une manière générale, les choses ont du mal à avancer ; un récent rapport de la Cour des comptes l'a mis en évidence. Avec mon équipe, nous sommes mobilisés pour développer la culture de prévention dans les entreprises, grandes ou petites.

Nous avons fait en sorte qu'une importance plus grande soit accordée à la question de la santé des femmes au travail. Le PST4, sur lequel nous avons beaucoup travaillé, fixe des orientations en la matière, qu'il s'agisse d'évaluation, de différenciation des mesures de prévention ou de prise en compte de toute une série de problématiques pouvant affecter la santé des femmes. Nous donnons une place à la qualité de vie et des conditions de travail. Cela consiste à s'interroger sur les fondamentaux du travail, notamment son organisation, qui ont des effets sur la santé, en particulier la santé des femmes, compte tenu de leur exposition aux risques psychosociaux.

Comment passer du plan stratégique à des avancées concrètes dans les entreprises ? Aujourd'hui, moins de 50 % des entreprises de moins de 150 salariés ont un DUERP à jour. Nous n'avons pas de statistiques concernant le nombre d'entreprises ayant mis en oeuvre la disposition sur la santé des femmes mais on peut supposer qu'elles sont assez peu nombreuses.

Ce qui se passe dans les régions est très intéressant. Par exemple, six plans régionaux ont prévu des actions pour avancer sur la santé des femmes au travail. Certains Croct, comme en Bretagne, ont élaboré une méthodologie pour aider les entreprises à établir un DUERP sexué. Ils ont également effectué un travail de formation des élus et de sensibilisation des entreprises.

Il ne suffit pas que l'État claque des doigts pour que toutes les entreprises se dotent d'EPI adaptés aux femmes. Ce sont des investissements. L'enjeu est de sensibiliser les acteurs, comme cela a pu être fait dans le plan de la région Normandie.

Après avoir publié le PST4 fin 2021, nous avons adressé une instruction aux Directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets) afin que le sujet de la santé des femmes soit pris à bras-le-corps au sein des plans régionaux de santé au travail (PRST).

De nombreux PRST ont intégré des mesures sur l'endométriose ou les violences sexistes et sexuelles. C'est le cas du PRST Réunion.

Le PRST Ile-de-France a prévu la création d'un observatoire pour mieux appréhender les risques auxquels sont exposées les femmes.

En outre, certaines actions concernent les femmes indirectement même si l'approche première n'est pas celle de la santé des femmes. Ainsi, le PRST des Hauts-de-France comprend une action importante sur les TMS dans le secteur médico-social, ce qui de fait concerne pour une immense majorité des salariées femmes.

Si la situation n'est pas complètement satisfaisante, nous essayons de progresser, et la dynamique partenariale autour des actions des PRST est fondamentale.

Nous commençons à dresser des premiers constats sur le télétravail. Après la crise sanitaire, nous entrons dans une phase de stabilisation de cette forme de travail. Les perceptions ne sont pas encore complètement concordantes sur la place que le télétravail est appelé à prendre dans les entreprises. Difficile à ce stade de tirer des conclusions définitives s'agissant des conséquences du télétravail sur la santé des femmes. Il est certain que les femmes sont davantage concernées par les contraintes psychosociales, notamment la difficulté de concilier les temps, et que le télétravail comporte certains risques, par exemple sur la charge mentale. Mais nous n'avons pas encore suffisamment de recul pour avancer des éléments précis à vocation scientifique.

Mme Heidi Borrel, adjointe à la cheffe de la mission du pilotage de la politique et des opérateurs de la santé au travail. - La DGT est partie prenante de la stratégie nationale de lutte contre l'endométriose établie en 2022. Nous menons des actions visant à sensibiliser davantage les employeurs à la prise en compte de cette pathologie. Il nous est également demandé de repérer les bonnes pratiques. Dans ce cadre, nous avons connaissance d'entreprises ayant conclu des accords allant dans le sens de la création d'un congé menstruel ; nous pourrons vous apporter plus de précisions par écrit. Cela reste assez minoritaire et concerne essentiellement l'économie sociale et solidaire ou le secteur associatif.

Mme Amel Hafid. - La DGT n'est pas favorable à la création par la loi d'un congé spécifique, en particulier pour l'endométriose. D'abord, nous considérons que cela relève du dialogue social. Surtout, l'endométriose étant une pathologie, nous estimons qu'elle doit être prise en charge par la Sécurité sociale, d'autant que le régime des arrêts de travail pour maladie permet de préserver la confidentialité ; je ne suis pas certaine que toutes les femmes souffrant d'endométriose souhaitent le dire à leur employeur.

Les questions des affections de longue durée (ALD) et du jour de carence, qui se posent effectivement, concernent davantage la DSS. Nous vous apporterons des éléments de réponse par écrit.

Mme Laurence Rossignol, co-rapporteure. - Vous dites que la DGT n'est pas favorable au congé pour endométriose. Si j'ai pu partager à une époque les arguments que vous avancez, ce n'est plus le cas. Le problème n'est pas tant à la DGT qu'à la DSS. La confidentialité est un aspect anecdotique ; la vraie question est celle du jour de carence ! Quand la DSS acceptera la suppression du jour de carence pour ces femmes qui ont besoin, pas forcément chaque mois mais plusieurs fois par an, d'un congé rémunéré, il sera temps d'examiner les autres arguments.

Quant à la mise en oeuvre du droit du travail dans les entreprises, elle dépend surtout du poids des organisations syndicales dans les entreprises ! Difficile, quand on a supprimé le Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et fusionné toute les instances représentatives du personnel (IRP) en une seule, de trouver sur qui s'appuyer pour faire appliquer le PST ! D'autant que les IRP ne sont pas toujours sensibilisées sur ces sujets. On ne peut envisager la mise en oeuvre des plans sans poser la question des outils de rapport de force dans les entreprises - car aucun employeur n'organisera spontanément la santé au travail, c'est toujours le fruit d'une négociation.

Enfin, travaillez-vous avec le Service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes (SDFE), et si oui, comment ?

Mme Amel Hafid. - On se souvient des débats autour de la mise en oeuvre des ordonnances de 2017 sur le dialogue social... La fusion du CHSCT et des autres instances dans le Comité social et économique (CSE) est aussi un moyen de ne pas déconnecter les questions de santé au travail des questions stratégiques et d'organisation de la production. Cette dimension est partagée par les partenaires sociaux dans leur accord sur la Qualité de vie au travail (QVT) de 2014. C'est une approche intéressante, car il est difficile de penser la santé au travail des femmes sans s'interroger sur les finalités et les modalités de la production. Dans les entreprises qui ont conclu des accords - Arcelor Mittal, en 2020, ou Air France récemment - les mesures mises en place pour les femmes enceintes ont des répercussions sur l'organisation du travail et sur l'activité de l'entreprise. Questions économiques et questions de santé au travail sont à penser ensemble. L'écueil, sinon, est que l'on en reste au stade des chartes et des principes, qui ne seront pas appliqués par les managers car incompatibles avec les contraintes qui pèsent sur la production.

L'Accord national interprofessionnel (ANI) de décembre 2020 donne plus de place aux partenaires sociaux sur les sujets de santé au travail. Au niveau national, les prérogatives du Conseil d'orientation des conditions de travail (Coct) ont été élargies, avec une participation au pouvoir réglementaire, et une déclinaison en région.

Il y a aussi le niveau de la branche, qui est celui de la régulation. Il est pertinent que les branches s'emparent de la santé au travail : cela permet de fournir des outils adaptés aux TPE-PME qui manquent de ressources en interne, et de penser les parcours professionnels, la formation, la reconversion, notamment pour les métiers pénibles. Les syndicats sont représentés, le dialogue y est fructueux. Nous encourageons les branches à s'engager en matière de prévention, notamment sur les TMS.

Le SDFE ne participe pas au comité de pilotage du PST mais travaille avec la sous-direction des relations du travail, sur la question des congés notamment.

Mme Sylvie Therouanne, chargée de mission au sein du bureau des relations individuelles du travail. - En effet, nous travaillons régulièrement avec le SDFE. Outre le travail sur la lutte contre les violences faites aux femmes qui nous réunit, la DGT participe au label Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes : les entreprises candidates au label exposent ce qu'elles mettent en oeuvre pour l'égalité entre les femmes et les hommes, comment elles appliquent sur le terrain les mesures pour l'égalité professionnelle, pour la parentalité. L'accent est mis les pratiques extra-légales, dont l'articulation des temps, qui participe à l'équilibre de la charge mentale des femmes au travail.

Nous avons suivi les travaux du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE), qui a remis un rapport sur le télétravail des femmes en février 2023. Nous manquons encore de données sur le télétravail post-crise sanitaire - un télétravail non plus subi mais organisé par les entreprises, avec un nouvel équilibre entre présentiel et distanciel.

Mme Victoire Jasmin. - Les femmes dans la police portent toute la journée des équipements lourds, qui compriment la poitrine ; elles sont souvent en extérieur, dans une voiture, des heures durant. C'est un vrai problème lors des règles, a fortiori pour celles qui souffrent d'endométriose. L'association Femmes et Police dans l'Égalité et la Diversité attire l'attention sur ces sujets. Idem pour l'association Likid Chokola. Y êtes-vous sensibilisés ?

Quel est le champ des contrôles dans les entreprises ? Quid du document unique que doivent mettre en place les employeurs ? Là encore, l'organisation de l'environnement de travail n'est pas forcément favorable aux femmes.

Mme Amel Hafid. - La police nationale relève du champ de la fonction publique, pas de la DGT, qui s'intéresse au secteur privé. Mais la question est toujours celle des tabous dans les collectifs de travail. Le code du travail interdit certes de discriminer les femmes, mais les avancées passeront moins par la réglementation que par un vrai changement culturel.

L'inspection du travail, dont la DGT est l'autorité centrale, est très mobilisée sur la question de l'égalité entre les femmes et les hommes. Le contrôle des mesures prises dans le cadre de l'Index de l'égalité professionnelle est une politique prioritaire pour le ministère du travail. Les entreprises qui n'ont pas publié d'index sont sanctionnées. Ces données figurent dans le bilan d'activité de l'Inspection du travail pour 2021, consultable en ligne.

Les contrôles portent notamment sur les conditions de travail dans les secteurs où l'emploi est très féminisé. Difficile de donner des chiffres précis, car l'inspecteur mène un contrôle général, même s'il s'attache à la mise en oeuvre des mesures réglementaires en matière d'égalité.

Une campagne est en préparation sur le temps partiel, sachant que 80 % des salariés à temps partiel sont des femmes - pour beaucoup, il s'agit d'un temps partiel subi. La loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi a fixé une durée de référence de 24 heures ; pour y déroger, les branches doivent passer des accords comprenant des mesures de protection spécifiques, comme le regroupement des heures effectuées. Le code du travail fixe également un temps maximal entre les plages de travail.

L'Inspection du travail aura à se mobiliser sur ces sujets, qui concernent tout particulièrement les femmes.

Mme Annick Billon, présidente. - Vous avez cité les plans régionaux menés en Bretagne, en Normandie, dans les Hauts-de-France. La prise en charge vous semble-t-elle plus efficace dans des régions de taille modeste ? Quid des très grandes régions ?

Le PST4 comprend un volet dédié aux femmes ; le sujet n'avait-il pas été abordé dans les précédents PST ? L'égalité entre les femmes et les hommes est une grande cause du Président de la République depuis 2017 ; la réflexion n'a-t-elle pas débuté avant 2021 ?

Mme Amel Hafid. - Ce n'est pas la taille des régions qui est déterminante mais la maturité des acteurs et de la prise de conscience. La région Bretagne réfléchit depuis longtemps à ces problématiques. La région Île-de-France, qui n'est pas une petite région, a ainsi mis en place un observatoire des conditions de travail des femmes pour objectiver les inégalités.

Mme Axelle Houdier, chargée de mission. - Des actions sont aussi menées par les régions Occitanie et PACA ; il n'y a pas de corrélation avec la taille de la région.

Mme Amel Hafid. - Le PST4 met davantage en exergue le sujet des femmes que ne le faisait le PST3, mais celui-ci comportait déjà un volet QVT, issu de l'Accord national interprofessionnel (ANI) de 2014, qui portait sur les conditions de travail, l'égalité professionnelle, la conciliation des temps, l'organisation du travail. Ces sujets figurent dans l'évaluation du PST3.

Mme Annick Billon, présidente. - Dans les régions les plus proactives, la structuration du tissu d'entreprises joue-t-elle un rôle ? On crée des observatoires, mais le risque n'est-il pas de s'en tenir à l'observation ? Est-on suffisamment dans l'action ?

Mme Amel Hafid- J'espère vous en avoir convaincu ! On progresse dans l'action, même s'il faut agir toujours plus sur la prévention. Les plans régionaux ne se limitent pas à des observatoires !

Mme Annick Billon, présidente. - Je vous taquinais. Merci de ces éléments. Nous attendons avec intérêt vos réponses au questionnaire que nous vous avons adressé.