Mercredi 8 février 2023

- Présidence de M. Jean-François Rapin, président -

La réunion est ouverte à 13 h 30

Institutions européennes - Programme de travail de la Commission européenne : examen d'une proposition de résolution européenne présentée par MM. Didier Marie et Jean-François Rapin

M. Didier Marie- Monsieur le Président, mes chers collègues, le 18 octobre dernier, la Commission européenne a présenté son programme de travail pour 2023, intitulé « Une Union qui montre sa fermeté et son unité ». Ce programme de travail est ambitieux. Souhaitons que toutes ses initiatives puissent voir effectivement le jour car la période utile pour faire adopter l'ensemble des textes européens en attente est désormais très brève du fait des élections européennes.

Naturellement, ce programme de travail tire les conséquences du renouvellement des incertitudes géostratégiques, au premier rang desquelles le retour de la guerre sur le territoire européen à la suite de l'agression russe en Ukraine. Cette réponse était nécessaire. Mais veillons, mes chers collègues, à ce qu'elle n'occulte pas les efforts de long terme entrepris pour assurer l'avenir du continent européen. Je veux citer, par exemple, la mise en oeuvre du pacte vert, la nouvelle politique industrielle ou encore la reconnaissance de l'économie sociale.

Quelques mots sur le programme de travail pour 2022, au sujet duquel nous avons adopté un avis politique, le 3 février de la même année. Composé de 32 nouvelles actions, il était marqué par la mise en oeuvre de l'agenda climatique, mais aussi par la présentation d'une législation sur les semi-conducteurs, par la proposition de mise en place d'un revenu minimum au sein de l'Union européenne, par la relance des ambitions spatiales européennes, ou encore par l'actualisation des règles de l'espace Schengen.

Cependant, comme l'a rappelé la Commission européenne dans sa réponse à notre avis politique, « l'agression illégale de la Russie contre l'Ukraine le 24 février n'était pas prévisible au moment de l'adoption du programme de travail de cette année, mais elle sera désormais un point essentiel de l'action politique de l'Union dans de nombreux domaines », visant en particulier la défense, l'énergie et le numérique.

Au niveau des procédures et de la transparence de ce programme 2022, notons que la Commission européenne a insisté sur la création d'une plateforme permettant à chacun de « donner son avis » sur la mise en oeuvre des initiatives indiquées dans son programme de travail. En revanche, elle a confirmé que les analyses d'impact concernaient uniquement les « initiatives ayant des incidences importantes », importance qu'elle évalue selon ses propres critères. Cela n'est pas satisfaisant et cela nous conduira, mes chers collègues, à demander de nouveau l'établissement d'une analyse d'impact pour chaque projet de texte législatif.

Par la suite, la Commission européenne a présenté, le 29 juin dernier, son troisième rapport de prospective stratégique. Ce rapport est important car, sur la base d'un recensement des nouveaux défis, il constate que les transitions écologique et numérique peuvent être contradictoires, à l'exemple de l'augmentation des déchets électroniques et de la consommation d'énergie engendrée par une utilisation accrue du numérique. Afin de garantir la pérennité des choix stratégiques de l'Union européenne, leur « couplage », c'est-à-dire leur articulation, doit donc être une priorité du programme de la Commission pour cette année.

Dans cette perspective, le rapport recense dix domaines d'action (transports ; bâtiments ; agriculture...) pour lesquels ce couplage apparaît nécessaire. Sur la base de ce constat et du concept central de « résilience », la Commission européenne propose d'évaluer et d'assurer le suivi, au-delà d'une simple mesure en termes de produit intérieur brut (PIB), des effets favorables de la transition numérique et de son empreinte carbone, énergétique et environnementale, globale. Cette démarche de la Commission européenne apparaît comme une prise de conscience bienvenue qu'il faut saluer. Néanmoins, il lui reste à mener un travail de fond sur les moyens de répondre efficacement à ces enjeux car les premières pistes d'action évoquées - comme la numérisation de l'énergie, le verdissement des transports et l'écologisation des bâtiments...- sont seulement esquissées, sans étude d'impact et sans plan d'action concret.

J'en viens aux grandes lignes du programme de travail de la Commission européenne pour 2023. Il est introduit par ces mots de sa présidente, Mme Ursula von der Leyen, lors de son discours sur l'état de l'Union, le 14 septembre dernier: « Le continent tout entier s'est dressé dans un élan de solidarité... Les Européens n'ont ni reculé, ni hésité. »

En 2023, l'objectif du programme de la Commission est triple : d'abord, renforcer la capacité de l'Union européenne à « faire face à l'ensemble des crises qui affectent la vie quotidienne des Européens », mais aussi « accélérer la double transition écologique et numérique » et enfin, « rendre l'Union européenne plus résiliente ». Ainsi, la Commission européenne souhaite stimuler la compétitivité européenne et a d'ailleurs consacré 2023 comme « Année européenne des compétences ».

Le programme de travail comporte 43 nouvelles actions, contre 32 en 2022, toujours réparties selon les six grandes ambitions définies initialement dans les orientations politiques de la Commission von der Leyen : « un pacte vert pour l'Europe » (9 actions) ; « une Europe adaptée à l'ère du numérique » (10 actions) ; « une économie au service des personnes » (10 actions) ; « une Europe plus forte sur la scène internationale » (4 actions) ; « la promotion de notre mode de vie européen » (7 actions) et « un nouvel élan pour la démocratie européenne » (3 actions).

Au total, ces 43 nouvelles actions devraient se décliner à travers 54 initiatives, selon un calendrier prévisionnel établi de façon trimestrielle - la Commission européenne prenant bien soin de préciser que ces informations restent indicatives. Le nombre total d'initiatives prévues en 2023 est en nette augmentation par rapport à celui de 2022 (qui était de 42), tout comme celui des initiatives législatives, qui passent de 24 en 2022 à 32 en 2023. Les initiatives non législatives augmentent à la marge, s'élevant à 15 en 2022 et à 16 en 2023. Précisons enfin que le statut (législatif ou non législatif) de 6 initiatives n'a pas été tranché. Le président Rapin détaillera le contenu de ces initiatives. Je veux néanmoins souligner l'importance de la réforme attendue du marché de l'électricité et insister sur les avancées du pacte vert.

Le programme de travail présente également les révisions, évaluations et bilans de qualité auxquels la Commission européenne envisage de procéder en 2023, au titre du programme REFIT de simplification. Nous pouvons noter que seules 8 initiatives doivent être réexaminées dans ce cadre, contre 26 en 2022 et 41 en 2020, alors même que 116 textes - datant parfois de 2008 ! - attendent toujours leur éventuelle adoption. Parmi ces 8 initiatives en réexamen, il y a la révision du règlement REACH, relatif à l'évaluation et à l'autorisation des substances chimiques, qui a suscité l'inquiétude de notre commission pour les huiles essentielles de lavande et les filières du patrimoine utilisant le plomb. On peut aussi mentionner la révision du cadre réglementaire applicable aux droits des passagers et celle de la stratégie pharmaceutique européenne.

Comme je viens de le souligner, la Commission européenne dresse également la liste des 116 textes présentés parfois il y a plusieurs années, et qui sont toujours en attente d'adoption par le législateur européen malgré leur caractère prioritaire. Pour rappel, il y en avait 76 en 2022 et 50 en 2021. Si l'évolution à la hausse du stock de propositions en attente d'adoption est normale à ce stade du mandat de la Commission européenne, on peut néanmoins en conclure qu'il va falloir faire des choix. Ces textes en attente d'adoption concernent principalement le rétablissement de l'autonomie de l'Union européenne dans des domaines clefs (instrument d'urgence pour le marché intérieur ; règlement semi-conducteurs), la transition numérique (identité numérique ; intelligence artificielle ; cybersécurité...) ou encore le Nouveau pacte pour la migration et l'asile (règlement filtrage ; règlement Eurodac ; déclinaison réglementaire de la déclaration de solidarité...), sujets dont les négociations sont difficiles.

Enfin, le programme de travail prévoit le retrait d'une proposition législative modifiant le règlement (CE) n° 715/2007 relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers, retrait qui s'explique par un arrêt de la CJUE du 13 janvier 2022 qui a rendu ce texte caduc.

L'abrogation d'une directive de 1989 relative à la limitation des émissions sonores des avions à réaction subsoniques civils est également prévue. En effet, ce texte est désormais redondant avec une autre directive de 2006, qui fixe un cadre réglementaire à la fois plus large et plus strict concernant l'exploitation des avions.

Dans ce contexte, le faible nombre de retraits (un seul) et d'abrogations (une seule) de textes déjà présentés constitue une autre évolution notable contrastant avec les années précédentes. En effet, en 2021 et en 2022, la Commission européenne avait prévu respectivement 32 retraits et 6 abrogations. Il est difficile d'en tirer des conclusions.

Signalons enfin que, sur la base de ce programme de travail, dans une déclaration conjointe en date du 15 décembre 2022, la Commission, le Conseil et le Parlement européen ont confirmé que 164 propositions étaient prioritaires (sur 178 au total: 54 nouvelles, 8 en réexamen et 116 en attente d'adoption).

Sur le fondement de ce panorama général, le Président Rapin va vous présenter les projets de résolution européenne et d'avis politique que nous vous proposons d'adopter sur ce programme de travail ; ils vous ont été soumis en amont et nous les souhaitons consensuels. Je précise simplement que la rédaction de ces textes est une co-production et, notamment, que l'alinéa relatif à la PAC se contente de tirer les conséquences des positions adoptées récemment par notre commission sur ce sujet.

Comme je le disais en introduction, le défi majeur, pour la Commission européenne et pour les co-législateurs, est désormais de tenir parole en adoptant ces textes considérés comme majeurs avant le début de l'année 2024. Car, au-delà, nous entrerons dans la période de campagne électorale des élections européennes et il sera trop tard pour légiférer. L'Europe a donc du « pain sur la planche » en cette année 2023 !

Je vous remercie et je passe la parole à Jean-François Rapin.

M. Jean-François Rapin, président. - Mes chers collègues, après la présentation générale de notre collègue Didier Marie, je voudrais vous présenter le contenu du programme de travail de la Commission européenne pour 2023.

Ce programme de travail est marqué par le retour de la guerre sur le continent européen, mais aussi par les bouleversements profonds qu'impliquent pour nos concitoyens les ambitions européennes climatiques et numériques.

Il en résulte un approfondissement des politiques européennes, généralement à bon escient, mais ces politiques peuvent aussi parfois devenir très intrusives - je pense à la marchandisation des données personnelles - ou contraignantes - citons à cet égard la fin programmée des moteurs thermiques.

Dans ce contexte, il faut se féliciter de notre dialogue au long cours avec la Commission européenne, qui se cristallise en particulier chaque année autour de l'examen de son programme de travail.

Forts de notre légitimité de parlementaires nationaux, en contact direct avec les attentes de nos concitoyens, il nous revient d'alerter le collège des commissaires sur les effets - positifs ou négatifs - de leurs nombreuses initiatives, comme nous l'avons fait concernant la lavande ou les métiers du patrimoine menacés par la révision du règlement REACH, mais aussi, en cas de difficulté, de leur faire des propositions plus adaptées aux réalités. À cet égard, l'instauration d'un « carton vert », qui permettrait aux parlements nationaux de proposer des initiatives législatives européennes, serait très pertinente. J'en ai personnellement soutenu la nécessité, à la fois dans le cadre de la Conférence sur l'avenir de l'Europe où je représentais le Sénat avec Gisèle Jourda, et dans le cadre du groupe de travail COSAC que j'ai mené durant notre présidence européenne au premier semestre 2022.

En attendant, avec Didier Marie, nous avons rassemblé nos observations sur les initiatives les plus importantes de ce programme de travail dans une proposition de résolution européenne (PPRE), qui sera adressée au Gouvernement français, et dans un avis politique, à la rédaction quasiment identique, destiné à la Commission européenne.

Dans ces textes, nous demandons d'abord à la Commission européenne d'améliorer sa programmation des travaux : d'une part, en actualisant ses grands objectifs - car ceux qu'elle a définis en 2019 au début de son mandat ne recouvrent plus la réalité ; mais également, d'autre part, en préconisant que ce programme mentionne désormais les actes d'exécution et les actes délégués que la Commission européenne compte prendre dans l'année à venir. Comme vous le savez, ces actes constituent en effet un « angle mort » dans notre fonction de contrôle des textes européens.

Nous insistons aussi sur la nécessité de présenter chaque initiative législative avec une analyse d'impact car sans elle, il est impossible d'évaluer la nécessité et la pertinence d'une réforme. En outre, nous rappelons l'attachement du Sénat au multilinguisme ainsi qu'à la place de Strasbourg comme siège de la démocratie européenne.

Pour donner un nouvel élan à la démocratie européenne, l'une des six grandes ambitions fixées, le programme de travail prévoit un « train de mesures pour défendre la démocratie » et la mise à jour du cadre législatif anticorruption dans les États membres. Nous vous proposons de soutenir ces actions mais nous demandons assez logiquement, au vu de la dernière actualité, que le paquet de mesures anticorruption concerne également le fonctionnement des institutions européennes, afin qu'elles aussi respectent l'État de droit. Nous appuyons la nécessité de protéger les journalistes mais nous exprimons de nouveau nos interrogations sur la valeur ajoutée du texte dit « liberté des médias » et sa conformité au principe de subsidiarité, qui ont déjà été exprimées dans notre résolution européenne portant avis motivé, adoptée le 8 décembre dernier. Cette dernière démontrait que la liberté de la presse en France pourrait paradoxalement être fragilisée par cette réforme. Enfin, nous vous proposons de soutenir les efforts pour conforter l'égalité hommes/femmes, en particulier le projet de directive sur l'égalité de rémunération.

Au titre du pacte vert pour l'Europe, nous considérons que la priorité de la Commission européenne doit être la révision des règles défaillantes du marché européen de l'électricité pour garantir des prix de l'électricité abordables, pour les consommateurs comme pour les entreprises. Et nous relevons l'intérêt d'initiatives importantes sur la réduction des déchets (alimentaires et textiles) et sur la protection des sols, cette dernière étant demandée de longue date par nos collègues Gisèle Jourda et Cyril Pellevat.

Nous souhaitons aussi rappeler notre soutien à l'adoption du paquet gazier, afin de contribuer au développement de l'hydrogène, et demandons la prise en considération des exigences de l'autonomie alimentaire de l'Union européenne dans les objectifs de la PAC. En outre, nous demandons un soutien à la pêche artisanale européenne et à la préservation des fonds marins.

Au titre des objectifs de l'Europe du marché intérieur, les textes que nous vous soumettons saluent l'amélioration des modalités de négociation des accords commerciaux par la Commission européenne mais sollicitent la mise en oeuvre d'une nouvelle politique industrielle européenne pour répondre à l'adoption de l'Inflation Reduction Act (IRA) américain. Nous en débattrons cet après-midi dans l'hémicycle. Dans son programme de travail, la Commission européenne prévoit des mesures destinées à rétablir l'autonomie de l'Union européenne dans certains domaines clefs, comme la sécurisation de l'approvisionnement et du recyclage des matières premières critiques. Dans la même logique, nous souhaitons l'adoption rapide de l'instrument d'urgence pour le marché intérieur et du règlement sur les « semi-conducteurs ».

Ces objectifs sont en lien avec celui d'une Europe adaptée à l'ère du numérique, au titre de laquelle le programme de travail présente des projets d'encadrement juridique des « métavers », de révision du spectre radio-électrique et de lutte contre le piratage sur Internet. Nous préconisons en outre l'adoption du règlement sur les données (ou « Data act ») et de la directive sur les conditions de travail des travailleurs des plateformes, ce dernier texte ayant déjà fait l'objet d'une résolution européenne devenue définitive le 14 novembre dernier, adoptée sur le rapport de nos collègues Pascale Gruny et Laurence Harribey. Nous souhaitons aussi souligner la valeur ajoutée du nouveau cadre juridique sur l'intelligence artificielle (IA), au sujet duquel nous allons entendre nos collègues Catherine Morin-Desailly, André Gattolin Elsa Schalck et Cyril Pellevat prochainement.

Nous soulignons aussi de nouveau notre attachement à une meilleure prise en considération des territoires ruraux mais aussi des régions ultrapériphériques (RUP) des pays et territoires d'Outre-mer (PTOM) dans l'ensemble des politiques européennes.

Enfin, au titre du volet santé du marché intérieur, nous demandons la présentation de la stratégie pharmaceutique européenne, qui n'a que trop tardé, et l'instauration d'une approche européenne globale de la santé mentale.

Concernant l'économie au service des personnes et l'Europe sociale, les initiatives annoncées par la Commission européenne sont d'importance inégale. On peut mentionner la création de l'euro numérique, dont nous prenons acte avec prudence, et la reconnaissance de l'économie sociale au niveau européen, chère à notre collègue Florence Blatrix Contat.

Nous considérons par ailleurs que la France doit être très vigilante lors du réexamen à mi-parcours du Cadre financier pluriannuel (CFP), afin que cette « revoyure » ne soit pas synonyme de diminution des fonds européens pour nos agriculteurs et nos collectivités territoriales en particulier. Nous alertons aussi l'Union européenne sur l'urgence, pour elle, de se doter de nouvelles ressources propres afin de financer ses dépenses. En particulier si elle souhaite mettre en place un Fonds de souveraineté européen. Ce dernier, en effet, ne saurait être financé par un nouvel emprunt. Il en va de notre responsabilité pour les générations futures.

Dans ce cadre, nous demandons également l'achèvement des négociations européennes en cours sur l'instauration d'un devoir de vigilance des entreprises et l'interdiction des produits issus du travail forcé, au sujet desquelles nos collègues Didier Marie, Jacques Fernique et Christine Lavarde sont attentifs. Nous regrettons aussi l'absence de mise en place d'un système de garantie unique des dépôts, qui permettrait pourtant l'achèvement de l'union bancaire.

Au titre de l'Europe plus forte sur la scène internationale, de l'Europe de la défense et de l'Europe spatiale, le programme de travail de la Commission européenne insiste sur trois points, au premier rang desquels le renforcement de la sécurité et de la défense spatiales, la sûreté maritime et l'approfondissement des relations avec l'Amérique latine et les Caraïbes.

Les projets qui vous sont soumis encouragent en outre les initiatives industrielles européennes en matière de défense. Ils marquent un soutien pragmatique à l'ancrage européen de l'Ukraine, de la Moldavie et des pays des Balkans occidentaux. Et ils recommandent de nouvelles initiatives fortes de l'Union européenne en Méditerranée.

Enfin, concernant l'Espace de liberté, de sécurité et de justice, le programme de travail de la Commission européenne prévoit une refonte des règles européennes sur l'immigration légale, mais aussi la dématérialisation à venir des documents de voyage et une actualisation du cadre législatif européen relatif à la lutte contre les abus sexuels sur les enfants. Cette actualisation comprend, à la fois, la proposition de règlement que nous examinerons très prochainement en commission, sur le rapport de nos collègues Catherine Morin-Desailly, Ludovic Haye et André Reichardt, mais aussi une refonte de la directive de 2011 qui définit les sanctions contre les auteurs d'abus sexuels, qui doit être présentée avant l'été.

En complément, nous vous proposons d'apporter un soutien au Parquet européen. Nous demandons l'adoption définitive du Nouveau Pacte sur la migration et l'asile avant la fin du mandat de la Commission Von der Leyen. Je sais que nos collègues André Reichardt et Jean-Yves Leconte restent vigilants sur ce dossier. Cette adoption constitue un enjeu majeur pour la crédibilité des institutions européennes. Nous rappelons également notre souhait que soit mis en place un contrôle parlementaire conjoint de l'agence de garde-frontières et de garde-côtes Frontex qui associerait le Parlement européen et les parlements nationaux des États membres. Au sujet de Frontex, je vous rappelle, mes chers collègues, que nous examinerons ce soir en séance publique, la proposition de résolution européenne que notre commission a adoptée le 14 décembre dernier.

Au final, la Commission européenne présente un programme de travail très riche, peut-être trop, qui va occuper la fin de son mandat. Comme le disait Didier Marie, il faut espérer que toutes les propositions qui contribuent à rétablir notre autonomie stratégique pourront entrer en vigueur rapidement. Car, dans le cadre des tensions actuelles, l'Union européenne est de nouveau contrainte de démontrer sa pertinence et sa valeur ajoutée.

Je vous remercie. Nous ouvrons ces questions au débat.

M. Laurent Duplomb. - Merci Monsieur le Président. Je voudrais revenir sur certains points énoncés dans les propos des rapporteurs qui me font malheureusement dire que les grands principes annoncés aujourd'hui ne sont pas respectés par la Commission européenne.

Début décembre 2022, la Commission européenne a annoncé que l'Union européenne avait trouvé un accord de principe concernant la modernisation de la partie commerciale de l'accord d'association avec le Chili datant de 2002. Si cet accord ne pose pas de problème particulier, le Chili n'étant pas un très grand producteur agricole mondial, la méthode de la Commission européenne interroge. En effet, cette dernière a annoncé que l'accord commercial serait divisé en deux parties : d'une part, un accord-cadre avancé comprenant l'ensemble de l'accord annoncé et devant être ratifié par la totalité des États membres ; d'autre part, un accord de libre-échange intérimaire couvrant uniquement les sujets commerciaux, relevant de la compétence exclusive de l'Union européenne, et ne nécessitant pas une ratification par chaque État membre. L'accord intérimaire expirera à l'entrée en vigueur de l'accord-cadre, mais il ne sera pas pour autant remis en cause si l'accord-cadre venait à être rejeté par certains États membres. Cette savante architecture juridique et technocratique permet ainsi à la Commission européenne d'outrepasser d'éventuelles oppositions des États membres, et le cas échéant, de leurs parlements nationaux, à ces propositions d'accords commerciaux. Ces méthodes qui interrogent sur le plan démocratique, sont très inquiétantes à l'heure où la mise en cohérence de la politique commerciale de l'Union et de sa politique agricole est plus que jamais nécessaire.

On peut même craindre qu'un tel montage soit de nouveau utilisé pour mettre en oeuvre de manière intérimaire un accord commercial avec le Mercosur. Celui-ci serait beaucoup plus dommageable pour l'ensemble des filières agricoles, de par la multiplication de quotas d'importations libres de droits de douane sur les grains et autres productions, et ce sans contrepartie réelle du Brésil et de l'Argentine sur les aspects phytosanitaires ou environnementaux.

Il n'est pas acceptable de tenir un double langage au sujet de la politique commerciale et de la politique agricole. En conséquence, on ne peut pas écrire dans une résolution que nous voulons plus de démocratie, et laisser en même temps la Commission européenne, par ses procédures juridiques et technocratiques, écraser la totalité de cette démocratie. Nous ne sommes pas obligés d'accepter de laisser périr nos entreprises, nos agricultures, en France et ailleurs, parce que tout simplement la Commission européenne outrepasse ses droits et néglige la démocratie. Elle nous impose des accords dont nous ne voulons pas et que les peuples ne veulent pas. La Commission européenne n'est pas compétente pour décider ce que veulent faire nos populations et nous imposer ses diktats : cette compétence nous appartient en tant que représentants et élus du peuple.

M. Jacques Fernique. - Merci à nos rapporteurs pour cette synthèse utile du programme de travail de la Commission pour 2023. Sur la soixantaine d'alinéas avancés, seuls trois me posent soucis. Premièrement, l'alinéa 29 sur l'agriculture reprenant la résolution adoptée en mai dernier demandant une réorientation de la stratégie agricole européenne découlant du  « pacte Vert » au regard des conséquences de la guerre en Ukraine. Sans reprendre le débat sur le sujet, le groupe écologiste pense au contraire qu'il faudrait plus que jamais tenir la stratégie qui permet d'évoluer vers l'agro-écologie.

Le deuxième point au sujet duquel je m'interroge, concerne le point 34 évoquant la nécessité d'une réponse forte et coordonnée à l'Inflation Reduction Act (IRA). Il aurait été intéressant dans la résolution de proposer des pistes. Pour ma part, je pense qu'il s'agirait d'un protectionnisme vert européen à assumer. Il manque, dans les mesures imaginées tant par Paris et Berlin que par la Commission, le levier des marchés publics : un « Buy European Act ». Il manque également la nécessaire mention des clauses miroirs dans le domaine agricole. Je partage en partie ce qui a été avancé par Laurent Duplomb sur les accords commerciaux. Nous avons avancé sur le mécanisme carbone aux frontières, mais je crois que dans la nécessité de cette réponse coordonnée, il faut que le dispositif mis en place soit à la hauteur des attentes.

Enfin, en ce qui concerne le point de la proposition de résolution sur les nouvelles ressources propres, nous prenons acte de l'instauration éventuelle d'un fonds européen de souveraineté financé par les ressources propres « pour ne pas sacrifier les générations futures ». Malgré tout, je ne crois pas qu'il soit judicieux d'écarter par principe la voie de l'emprunt qui pourrait être utile pour financer une partie de ce fond. La rédaction de la proposition de résolution me paraît excessive à ce sujet.

Mme Gisèle Jourda - Tout d'abord, je voudrais saluer le travail et la qualité du texte présenté. J'ai ensuite quatre observations. En premier, je veux remercier les co-rapporteurs pour avoir pris en compte la résolution que Cyril Pellevat et moi avons présentée en matière de protection des sols. À ce titre, je souhaiterai compléter la rédaction proposée afin que l'on insiste sur la nécessité d'une cartographie européenne des sols pollués.

Ensuite, concernant les régions ultrapériphériques (RUP), je voudrais que la proposition souligne l'importance des enjeux maritimes des RUP et d'une vision d'avenir pour celles-ci « axée sur l'économie bleue au coeur de l'économie européenne ». Au même titre que le « Green Deal », un « Blue Deal » avait en effet été annoncé par la Commission européenne

Concernant la sécurité et la défense, je regrette l'absence d'une référence au Fonds européen de défense. Pourrait-on ajouter une mention prenant acte du caractère stratégique de ce fonds ?

Ma dernière observation est relative au Partenariat Oriental, qui n'est pas du tout évoqué dans la résolution. Afin de mieux évoquer la situation des Balkans dans la résolution, pourrait-on y inclure un alinéa appelant au renforcement du partenariat oriental, pour rompre l'isolement de la Géorgie ? On cite beaucoup de pays, mais la Géorgie, enclavée avec ses deux conflits gelés avec la Russie et dans le contexte actuel que nous connaissons, mérite notre attention. Voilà pour mes observations. Félicitations à nouveau pour la qualité de votre travail !

M. Didier Marie. -Lorsque nous balayons autant de sujets européens dans une résolution, il est évidemment difficile de trouver un consensus sur chacun d'entre eux. Je m'en suis ouvert à notre Président Jean-François Rapin sur deux sujets pour lesquels je n'amende pas le texte mais j'émets des réserves. Le premier concerne la stratégie « De la Ferme à la Fourchette » : il me paraît important de la rappeler comme un élément positif au regard de la réduction des pesticides et des engrais d'ici 2050 ou de la mise en adéquation du secteur agricole avec les objectifs de diminution des gaz à effet de serre.

Il est certain que le contexte du conflit en Ukraine et de la crise énergétique qui en a résulté ont eu un impact sur les questions de sécurité alimentaire mondiale. Néanmoins, l'Union européenne a réagi avec un plan d'urgence visant à garantir la sécurité alimentaire en novembre 2021, autorisant un certain nombre de dérogations sur les règles environnementales de la PAC. Il n'y a plus, par exemple, d'obligation de rotation des cultures pour l'année 2023 et la mise en culture des jachères est tolérée. Lorsque nous voyons l'impact de l'agriculture sur notre santé, avec le développement de l'obésité ou de maladies diverses, il est du devoir de l'Union européenne d'avoir un discours fort et ambitieux sur le sujet. Une demande de réorientation de la stratégie agricole européenne ne me semble pas totalement pertinente car nous ne disposons que de très peu de visibilité sur l'avenir des crises et cette stratégie est issue d'un long travail de concertation au niveau européen. Il nous faut trouver des équilibres entre le maintien d'une politique agricole volontariste et la lutte contre le dérèglement climatique et les défis environnementaux.

Le second sujet que je veux évoquer est celui du financement du fonds européen de souveraineté. Il y a eu un accord total entre nous sur la nécessité de développer les ressources propres et d'en chercher de nouvelles. C'est le premier élément nécessaire et indispensable au financement de la transition écologique et numérique, mais aussi de la souveraineté européenne. Néanmoins, il ne faut pas selon moi écarter la possibilité d'un emprunt, dès lors qu'il s'agit d'un emprunt mutualisé tel que celui mis en place pour financer la politique de relance post-Covid et que l'Union européenne est en capacité de le rembourser.

M. François Calvet. - Je voudrais parler de la nécessité de signaler les difficultés rencontrées aujourd'hui en matière de transports transfrontaliers. Le sujet me semble prioritaire, surtout pour les régions éloignées où les besoins en transport correct se font sentir. Il a été question de créer une ligne reliant Amsterdam à l'Espagne, et donc de nouvelles lignes transfrontalières. Malheureusement, la compagnie ferroviaire espagnole, la Renfe, avait décidé d'abandonner la ligne reliant Barcelone à la Gare de Lyon. Je pense que favoriser le transport transfrontalier sur toute l'Europe serait important et que ce sujet mérite une mention dans le texte.

Mme Patricia Schillinger. - Je ne vais pas rallonger le débat mais cette résolution est-elle assez complète sur les enjeux de souveraineté en matière de santé ? Il me semble fondamental de mettre l'accent sur ces enjeux. En particulier, l'Union européenne ne peut-elle pas agir contre les déserts médicaux ? Pourrions-nous y faire référence dans la proposition ? M. Jean-François Rapin. - Deux alinéas de la proposition de résolution concernent la santé, nous ne pouvons en demander davantage à l'Union européenne à ce stade au risque de lui reprocher plus tard de ne pas satisfaire le « cahier des charges ». Par ailleurs, la santé demeure de la compétence première des États membres et nous devons à ce titre garder notre souveraineté. Néanmoins, une réflexion sur le sujet serait louable, et également sur la question de la reconnaissance des diplômes.

M. Didier Marie. - L'année 2023 a été annoncée comme « année européenne des compétences » et, dans ce cadre, la Commission européenne s'engage à avancer sur le sujet de la reconnaissance des diplômes. Notamment en réponse à l' « Inflation Reduction Act », il s'agirait de permettre une plus grande circulation des travailleurs à compétence commune, y compris dans le secteur de la santé.

M. François Calvet. - Sur ce point, de mon expérience personnelle, je peux attester que faire travailler des nationalités ensemble, cela fonctionne. Sur mon territoire, frontalier avec l'Espagne, l'Europe a financé, à hauteur de 60% des crédits, la création d'un bloc hospitalier spécialisé en oncologie. Nous aurons progressivement toutes les spécialités dans ce centre hospitalier qui est riche de la diversité de son équipe médicale. On doit pouvoir le faire ailleurs. Quand l'Europe soigne les gens, ça ne peut que faire du bien.

M. Jean-François Rapin. - Le groupe d'amitié France-Benelux s'était réuni avec l'ambassadeur du Luxembourg que j'ai vu pour la deuxième fois la semaine dernière. Le sujet de la santé des transfrontaliers a été de nouveau évoqué avec des exemples concrets : ainsi, il est peu efficace de faire venir à la frontière luxembourgeoise, côté français, un véhicule du service mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) depuis Metz alors que des structures luxembourgeoises seraient prêtes à intervenir en quinze minutes. C'est un véritable sujet de réflexion.

Mme Christine Lavarde. - Au regard de nos échanges récents au sujet du marché de l'électricité, ne devrions-nous pas faire référence, dans la résolution, aux réflexions en cours sur la réforme de ce marché ?

M. Jean-François Rapin. - Nous partageons cette préoccupation, qui figure en bonne place dans le texte envisagé, plus précisément à son alinéa 23. Je veux également répondre à Laurent Duplomb et rappeler que la négociation et la signature des accords commerciaux s'inscrit dans le cadre juridique des traités européens, qui ont été ratifiés par les États membres, dont la France, et d'un marché unique avec des responsabilités douanières partagées. Le processus décisionnel suivi par la Commission s'appuie sur des outils que les États membres ont accordés à l'Union européenne. Les voies de recours existent contre les décisions de la Commission européenne. Ceux de nos collègues qui ont pu participer à notre déplacement au Luxembourg en début de semaine ont pu voir que ces capacités de recours étaient mises en oeuvre et que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) statuait soigneusement sur chaque recours.

M. Laurent Duplomb. - La Commission européenne est déjà en train de contourner les clauses miroirs pour faire ce qu'elle a toujours fait, c'est-à-dire créer des accords de libre-échange en décidant elle-même. C'est aussi simple que cela.

M. Didier Marie. - Cette question du partage des compétences entre la Commission et les États membres a été tranchée à l'occasion de recours devant la CJUE, qui a jugé en reconnaissant la compétence exclusive de l'Union européenne en matière de commerce. On peut effectivement avoir des avis partagés sur le sujet mais la question des compétences est tranchée juridiquement. Une exception est faite pour les anciens accords commerciaux qui ne sont pas encore arrivés à terme.

M. Jean-François Rapin. - Je propose que l'on auditionne le nouveau ministre du Commerce Olivier Becht sur les préoccupations exprimées. Je précise également qu'à l'alinéa 32 de notre proposition, nous demandons une meilleure association des parlements nationaux au processus de négociation de ces accords

M. Laurent Duplomb. -Je n'y crois pas. Rappelez-vous les négociations de l'accord commercial Union européenne - Canada (CETA). Cet accord a été ratifié par l'Assemblée nationale mais jamais soumis au Sénat. Aujourd'hui, nous laissons la Commission européenne négocier un accord-cadre et un accord intérimaire, ce dernier devant s'appliquer dans tous les cas. Si cela n'est pas un pied de nez à la démocratie et aux parlements nationaux, je ne sais pas ce que c'est. 99% des citoyens français, s'ils en étaient informés, trouveraient cela inadmissible. Le rôle des parlementaires est en péril.

M. Didier Marie. - On peut être d'accord ou non avec la situation mais la question de la compétence en matière de commerce a en effet été tranchée juridiquement. C'est effectivement la Commission européenne qui a une compétence exclusive en matière commerciale. Les parlements nationaux peuvent toujours examiner et se prononcer sur les mandats de négociation des accords commerciaux internationaux que le Conseil confie à la Commission. Au sein de notre commission, nous avons d'ailleurs examiné de tels mandats pour négocier des accords avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Nous pourrions le faire, et il faudrait le faire, concernant les négociations avec l'Inde et l'Indonésie.

On peut effectivement regretter cette situation, mais on entre alors sur le plan politique et non juridique. Les accords antérieurs, lorsqu'ils présentaient un caractère mixte, étaient soumis à ratification dans chaque État membre. C'était le cas du CETA et ce pourrait l'être également pour l'accord avec le MERCOSUR puisque c'est un accord de longue date remis en discussion. Sur le CETA, un certain nombre de parlements l'ont déjà fait. En France également, l'Assemblée Nationale l'a fait. Nous avions demandé au Gouvernement de saisir le Sénat, mais malheureusement il ne l'a pas fait.

M. Daniel Gremillet. - Au sujet des accords commerciaux, je pense que nous laissions croire que nous manquons de volonté politique si nous écrivons que le Sénat « prend acte des efforts de la Commission européenne ». Je suis partisan d'une rédaction plus énergique. Ainsi, nous pourrions plutôt souligner que le Sénat « demande à la Commission de mieux assurer la conditionnalité sociale et environnementale » dans ces accords.

Je rejoins également Christine Lavarde sur le sujet de l'électricité : il nous faut être plus incisif. Nous voyons bien que nous payons actuellement les « pots cassés » d'une politique très défavorable aux intérêts français et que nous ne nous en sortons pas.

M. Jean-François Rapin. -Concernant les demandes de modification ou d'ajouts exprimées, je confirme que nous allons intégrer les demandes de Gisèle Jourda, de François Calvet et de Patricia Schillinger dans la proposition de résolution. Je veux également préciser ma position sur le fonds européen de souveraineté. Pour moi, il ne doit pas être financé par un emprunt mutualisé. Je vous rappelle que nous avions défendu l'emprunt mutualisé sur le plan de relance européen, parce qu'il y avait eu un engagement du Gouvernement français d'obtenir que le remboursement de l'emprunt serait assis sur de nouvelles ressources propres. Or aujourd'hui, ces ressources propres demeurent quasiment inexistantes. Repartir sur un nouvel emprunt avec les mêmes promesses et sans certitude de nouvelles ressources propres ne me semble pas souhaitable.

Je souhaite donc faire preuve de cohérence en affirmant qu'avant d'engager un nouvel emprunt mutualisé, nous devrions commencer par rembourser celui engagé pour le plan de relance. Ce dernier risque bien d'être remboursé plutôt par les cotisations des États, en 2027.

M. Didier Marie. - Je crois que nous sommes tous d'accord pour demander d'avancer beaucoup plus vite sur la création de nouvelles ressources propres. En tout état de cause, la Commission européenne a ouvert des champs de réflexion mais ne les a pas explorés. Aujourd'hui, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières va permettre d'engranger un minimum de ressources. L'impôt minimal sur les bénéfices des entreprises à 15% est entré en vigueur au 1er janvier 2023 et ses effets vont se faire sentir dans le courant de cette année. La taxe plastique entre également en vigueur, bien que son rendement s'annonce inversement proportionnel au temps qui passe. Un certain nombre de ressources simplement évoquées comme la taxe sur les transactions financières n'ont à ce jour pas avancé.

Mon groupe souhaite que la Commission soit bien plus volontariste sur ce dossier. Dès lors, nous aurons autant de moyens pour financer les plans de relance et le pacte industriel vert. Ceci étant, on ne peut pas totalement exclure le recours à l'emprunt car, si l'Europe n'emprunte pas de façon mutualisée, les États le feront. Il semble préférable de mutualiser dès lors que c'est une dette qui n'est pas engagée pour financer notre fonctionnement mais pour investir pour l'avenir et donc générer de la croissance. Nous souhaitons que la question de l'emprunt mutualisé européen reste encore ouverte, comme un moyen de générer des ressources fiscales à l'avenir.

M. Jean-François Rapin. -Je ne soutiendrai pas de nouveau un dispositif tel que celui adopté pour le plan de relance car les engagements pris n'ont pas été tenus.

Mme Elsa Schalck. - Je veux remercier les co-rapporteurs pour leur travail. Je souhaite formuler une remarque de pure rédaction en ce qui concerne le rôle européen de la ville de Strasbourg. Pourrions-nous déclarer que nous souhaitons valoriser Strasbourg « en tant que siège du Parlement européen » ? Il est important de réaffirmer ce rôle, qui, comme vous le savez, fait l'objet d'attaques régulières.

M. Daniel Gremillet. - Une solution serait de changer la formulation retenue pour affirmer sans ambiguïté que l'Union européenne doit valoriser le siège du Parlement européen à Strasbourg. .

M. Jean-François Rapin. - Cette solution semble convenir à tous. Nous voyons là l'intérêt du travail en commission. Nous allons maintenant voter sur le texte amendé. L'exposé de vos réserves figurera dans le compte-rendu de la réunion. Ainsi, je mets aux voix la proposition de résolution européenne ainsi amendée sur le programme de travail de la Commission européenne pour 2023.

Adoption à l'unanimité

Puis-je considérer que ce vote est le même pour le projet d'avis politique ?

Idem.

Merci à tous.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE SUR LE PROGRAMME DE TRAVAIL DE LA COMMISSION POUR 2023

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu l'article 12 du traité sur l'Union européenne,

Vu le discours de Mme Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, devant le Parlement européen, le 16 juillet 2019,

Vu la réponse de la Commission européenne du 2 mai 2022 (C(2022) 3027 final) à son avis politique relatif au programme de travail de la Commission pour 2022, C (2021) 645 final,

Vu le rapport de prospective stratégique 2022 de la Commission européenne, intitulé « Garantir le couplage des transitions verte et numérique dans le nouveau contexte géopolitique », en date du 29 juin 2022, COM(2022) 289 final,

Vu le discours sur l'État de l'Union 2022 devant le Parlement européen, le 14 septembre 2022,

Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 18 octobre 2022 présentant son programme de travail pour 2023, intitulée « Une Union qui montre sa fermeté et son unité », COM (2022) 548 final,

Vu la déclaration conjointe de la Commission européenne, du Conseil de l'Union européenne et du Parlement européen, en date du 15 décembre 2022,

Souligne que l'ensemble des choix stratégiques des États membres et de l'Union européenne sont durablement bouleversés depuis le 24 février 2022, date de l'agression de l'Ukraine par la Russie ; salue leurs efforts conjoints pour soutenir le peuple ukrainien et pour tirer toutes les conséquences de ce choc géopolitique sur les politiques européennes, et appelle à préserver la solidarité européenne au cours des prochains mois ;

Approuve le programme de travail de la Commission européenne pour 2023, articulé autour des six grandes ambitions définies dans les orientations politiques présentées en 2019 par Mme Ursula von der Leyen, à savoir « Un pacte vert pour l'Europe », « Une Europe adaptée à l'ère du numérique », « Une économie au service des personnes », « Une Europe plus forte sur la scène internationale », « Promouvoir notre mode de vie européen » et « Un nouvel élan pour la démocratie européenne » ;

S'interroge cependant sur la pertinence actuelle de cette présentation du programme de travail annuel, notant en effet que ces ambitions concordent désormais imparfaitement avec la réalité du programme, au risque de le rendre peu lisible et insincère : à titre d'exemple, constate que l'ambition « Promouvoir notre mode de vie européen » recouvre des initiatives relatives à la sécurité et à la politique migratoire ainsi que des actions de santé publique, que les initiatives relatives aux transports sont arbitrairement réparties entre les ambitions « Un pacte vert pour l'Europe » et « Une Europe adaptée à l'ère du numérique », et que cette dernière ambition comprend une initiative relative à la détection de l'amiante dans les bâtiments ; demande ainsi la clarification de cette présentation afin que les ambitions avancées correspondent aux initiatives envisagées pour l'année à venir ;

Insiste également sur la nécessité d'une programmation des travaux plus transparente et plus complète ; demande en conséquence que de nouvelles rubriques soient instituées dans le programme de travail pour mentionner, d'une part, les décisions et accords préparés par la Commission européenne pour l'année à venir en matière de relations internationales et de politique commerciale, et, d'autre part, les actes délégués et les actes d'exécution devant être adoptés au cours de l'année à venir, conformément aux articles 290 et 291 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ;

Insiste sur la nécessité pour la Commission européenne d'appuyer ses initiatives législatives par des analyses d'impact systématiques afin d'en contrôler la nécessité et la proportionnalité ;

Souligne l'importance d'associer étroitement les parlements nationaux au processus de décision européen, même en cas d'urgence ; demande en conséquence la mise en oeuvre des conclusions du groupe de travail de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC) sur le rôle des parlements nationaux dans l'Union européenne, rendues publiques en juin 2022 ; rappelle que ces conclusions recommandent en particulier l'instauration d'un droit d'initiative législatif des parlements nationaux (carton vert), l'amélioration des modalités d'application du principe de subsidiarité par l'extension du délai d'examen des textes et par l'abaissement du seuil de déclenchement du « carton jaune », et l'institutionnalisation d'un droit de questionnement écrit à l'égard des institutions européennes ;

Insiste sur la diversité culturelle et linguistique de l'Union européenne, qui reflète la richesse de son héritage culturel commun ; souhaite donc que multilinguisme ne soit plus l'exception mais la règle de fonctionnement des institutions européennes dans leur travail interne, dans la rédaction et la traduction des documents officiels et informels d'importance, ainsi que sur les sites Internet des institutions, organes et agences européens ;

Souligne enfin que le Gouvernement français et les institutions européennes doivent valoriser le siège du Parlement européen à Strasbourg, qui symbolise la réconciliation franco-allemande et incarne l'Europe du droit ;

Sur un nouvel élan pour la démocratie européenne

Prend acte du troisième rapport de la Commission européenne sur la situation de l'État de droit dans l'Union européenne, qui fait de la lutte contre la corruption sa priorité ; soutient en conséquence le « paquet anti-corruption » et le « train de mesures pour la démocratie » annoncés par la Commission européenne pour renforcer la lutte contre la corruption dans les États membres et contre toute ingérence extérieure dans leurs processus démocratiques, et appelle solennellement le Gouvernement à s'assurer que ces mesures concerneront également les institutions européennes ;

Conformément à sa résolution européenne n° 122 du 21 mars 2022, appuie les mesures de transparence accrue demandées aux auteurs de publicités politiques, dénonce la possibilité de financements des partis politiques européens par des structures issues de pays tiers membres du Conseil de l'Europe et s'interroge sur la pertinence du maintien du financement de ces partis européens par des entreprises, susceptible de compromettre leur nécessaire indépendance ;

Rappelle que la liberté et l'indépendance de la presse sont des conditions existentielles de la démocratie ; exprime donc sa vive préoccupation sur la dégradation de la situation des journalistes dans l'accomplissement de leur mission d'information au sein des États membres ; conformément à sa résolution portant avis motivé n° 127 adoptée le 30 juin 2022, souligne l'intérêt de l'initiative législative en cours de discussion visant à protéger des procédures judiciaires abusives, les journalistes et toute personne participant au débat public mais rappelle la nécessité d'assurer sa compatibilité avec les règles du procès équitable ; s'interroge en revanche sur la conformité aux traités et sur la valeur ajoutée de la proposition de règlement COM(2022) 457 final, dont l'objectif affiché est de garantir « la liberté des médias » ; constate en particulier, à la suite de sa résolution portant avis motivé n°36 adopté le 11 décembre dernier, que la proposition ne tient pas compte de la structure essentiellement nationale ou régionale des médias, qu'elle bâtit un projet de régulation ignorant la diversité culturelle et linguistique des États membres et qu'elle risque d'engendrer un « nivellement par le bas » du cadre juridique des États membres ayant un corpus législatif ancien et robuste en ce domaine, dont la France ;

Insiste sur le rôle premier que l'Union européenne doit jouer dans la promotion de l'égalité entre hommes et femmes ; se félicite à cet égard de l'accord trouvé sur la proposition de directive assurant la présence de femmes dans les conseils d'administration des entreprises, dix ans après le dépôt de cette proposition ; souhaite, dans le même esprit, l'adoption d'un cadre européen permettant la mise en oeuvre effective du principe de l'égalité de rémunérations entre hommes et femmes pour un même travail ou un travail de même valeur ; appelle enfin avec solennité à l'adoption rapide de la proposition de directive sur la lutte contre les violences faites aux femmes, conformément à sa résolution européenne n° 46 en date du 26 novembre 2021 ;

Sur le pacte vert pour l'Europe, la politique agricole commune et la pêche

Constate que la priorité absolue pour l'Union européenne est aujourd'hui d'adopter une réforme du marché européen de l'électricité garantissant des prix de l'électricité abordables pour les entreprises et les consommateurs ; souhaite que les orientations données par la Commission européenne pour dessiner cette réforme soient précédées d'une analyse d'impact précise et exhaustive ;

Demande l'achèvement rapide des négociations en cours du paquet législatif relatif au gaz, qui comprend la révision de la directive « marché intérieur du gaz fossile » et du règlement « conditions d'accès aux réseaux de transport de gaz fossile », dont l'objet principal est d'augmenter la part du gaz renouvelable et bas carbone, en particulier l'hydrogène, dans le « bouquet » énergétique des États membres ; rappelle l'impératif de neutralité technologique dans les modalités retenues pour la décarbonation de l'industrie ;

Rappelle que le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » contient un ensemble de mesures interdépendantes destinées à mettre en oeuvre la loi européenne sur le climat (règlement (UE) 2021/1119 du 30 juin 2021), en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 55 % d'ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990 et d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 ; salue le prochain achèvement des négociations sur ce paquet ;

Recommande de veiller à la cohérence des réformes préconisées au titre de ce paquet et de procéder, dès que possible, à une évaluation précise des conséquences des mesures de décarbonation sur les secteurs concernés, en particulier de l'accord intervenu, le 27 octobre 2022, sur la révision du règlement relatif aux émissions de CO2 des véhicules neufs, prévoyant la fin des moteurs thermiques, ainsi que du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières ; prend acte de l'accord trouvé sur la mise en place d'un Fonds social pour le climat, afin de garantir une transition écologique juste pour tous, mais s'inquiète des incertitudes demeurant sur son financement et, par conséquent, sur son entrée en vigueur effective ;

Préconise de longue date, conformément aux orientations de sa résolution européenne n°147 du 23 juillet 2021, l'élaboration d'une directive européenne sur la protection des sols ; se félicite de l'annonce d'une telle directive-cadre dans le programme de travail de la Commission européenne pour 2023 ; souhaite que ce cadre législatif européen soit adopté avant la fin du mandat de la présente Commission européenne et qu'il concerne l'ensemble des enjeux liés à la protection, à la gestion durable et à la restauration des sols de l'Union européenne, y compris la prévention de leur dégradation par les activités industrielles et minières ; rappelle la nécessité d'établir une cartographie européenne des sols pollués ;

Regrette l'absence de publication de l'analyse d'impact de la stratégie « De la ferme à la fourchette » alors que plusieurs études indépendantes évaluent entre 10 % et 20 %, d'ici à 2030, la diminution de la production agricole européenne qui en résulterait ; fait part de sa vive préoccupation au sujet du risque de remplacement de cette production de qualité par des importations de substitution avec des standards inférieurs ; rappelle que sa résolution européenne n° 126, en date du 6 mai 2022, demande, au regard des conséquences économiques et agricoles de la guerre en Ukraine, une réorientation de la stratégie agricole européenne découlant du Pacte vert afin d'assurer l'autonomie alimentaire de l'Union européenne ;

Demande à l'Union européenne d'intégrer sans ambiguïté la défense et le développement de la pêche artisanale et côtière dans les priorités de la politique commune de la pêche (PCP) et de ses financements dédiés ; souhaite également la définition d'une stratégie ambitieuse européenne en faveur de la protection des fonds marins, aujourd'hui menacés par la pollution liée à l'activité humaine et par une industrialisation des mers ;

Sur la politique commerciale, l'Europe du marché intérieur et et la transition numérique

Demande à la Commission européenne, dans la négociation de nouveaux accords commerciaux avec des pays tiers, d'assurer une meilleure conditionnalité sociale et environnementale et de garantir à la fois, une concurrence loyale, des conditions de marché équitables, et la réciprocité dans l'accès aux marchés publics ; réitère son appel à réviser la méthodologie de négociation des accords commerciaux internationaux afin de mieux associer les parlements nationaux au processus de négociation ;

Salue l' « arsenal » européen désormais adapté d'instruments de défense commerciale (IDC), comprenant des règles antidumping, des mesures antisubventions et des mesures de sauvegarde ; souligne néanmoins l'ampleur des défis en la matière ; considère que la première réponse européenne à ces défis doit être une nouvelle politique industrielle ambitieuse permettant à l'Union européenne de demeurer un centre de production industrielle mondial ; soutient, pour remplir cet objectif, l'adaptation annoncée du régime applicable aux aides d'État mais souhaite plus généralement une mise à jour durable de la politique européenne de concurrence, afin de permettre enfin la constitution de « champions européens » et d'éviter aux entreprises européennes des secteurs stratégiques de devoir s'allier avec des partenaires de pays tiers, au risque de perdre leur savoir-faire et leur ancrage territorial ;

Appelle à l'adoption rapide d'une réponse européenne forte et coordonnée à l'entrée en vigueur de l'« Inflation Reduction act » (IRA) américain, qui, en subventionnant massivement les industries vertes présentes sur le territoire américain, représente un avantage compétitif pour les États-Unis en termes d'activités et un risque réel de délocalisation d'entreprises européennes sur leur territoire ;

Souligne que le programme de travail de la Commission européenne doit avoir pour priorité d'assurer ou de rétablir l'autonomie de l'Union européenne et des États membres dans des domaines vitaux pour son avenir ; note à cet égard la pertinence de l'élaboration d'un instrument d'urgence pour le marché intérieur, qui doit garantir l'approvisionnement de ce dernier en biens essentiels, en cas de situation d'alerte ou d'urgence ; rappelle par ailleurs que les puces électroniques sont des éléments déterminants pour maîtriser la transition numérique et soutient en conséquence la conclusion prochaine des négociations actuelles sur la proposition de règlement « semi-conducteurs » (« Chips Act »), dont l'objectif est de permettre à l'Union européenne d'assurer 20 % de leur production mondiale à échéance 2030 ; dans la même perspective, rappelle que 75 à 100 % des métaux exploités dans l'Union européenne proviennent de pays tiers et souhaite l'adoption d'une législation européenne relative aux matières premières critiques afin de sécuriser leur disponibilité nécessaire, par exemple, à la fabrication d'aimants, de batteries électriques ou d'instruments chirurgicaux dans l'Union européenne ; appelle les États membres et la Commission européenne à diversifier les sources d'approvisionnement et à mettre en place des filières durables et crédibles de traitement et de recyclage de ces matières premières ;

Prend acte de l'avancée des négociations sur la proposition de règlement sur les données (« Data Act »), qui doit assurer une meilleure répartition de la valeur issue de l'utilisation des données personnelles et non personnelles, et prévoit des efforts pour lutter contre le piratage sur internet et pour assurer une régulation européenne pérenne des métavers, espaces de réalité virtuelle dans lequel les utilisateurs peuvent interagir ;

Souligne que l'ensemble de ces initiatives doivent respecter les principes de protection des données personnelles et de protection de la vie privée, garantis par le règlement général sur la protection des données de l'Union européenne (RGPD) de 2016 et par la directive « vie privée et communications électroniques » (« E-privacy ») de 2002 ; appelle, à cet égard, à l'actualisation de ce cadre juridique protecteur pour tenir compte de l'apparition de nouvelles technologies et de nouveaux acteurs ; prend acte de la redéfinition en cours des règles organisant les transferts de données personnelles entre l'Union européenne et les États-Unis à la suite de l'invalidation des décisions d'adéquation par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), qui a considéré que les conditions de collecte et de transfert des données personnelles étaient illégales, faute de respect suffisant des garanties du RGPD ;

Insiste en outre sur la nécessité d'un cadre juridique européen pour l'utilisation de l'intelligence artificielle (IA) afin de disposer de systèmes sûrs et respectueux des droits fondamentaux et appelle en conséquence le Conseil et le Parlement européen à s'accorder dès que possible sur la proposition de règlement établissant des règles harmonisées en matière d'intelligence artificielle (COM(2021) 206 final) ;

Soutient l'actualisation des règles européennes pour promouvoir l'innovation, assurer la meilleure coordination des conditions d'attribution du spectre radioélectrique par les États membres et faciliter le déploiement des réseaux de communications sans fil, en particulier pour réduire les « zones blanches » ;

En cohérence avec sa résolution européenne n° 17 du 14 novembre 2022, constate l'urgence pour l'Union européenne d'établir des conditions de travail claires au bénéfice des travailleurs des plateformes ; demande ainsi solennellement aux États membres de trouver un compromis ambitieux afin de dénouer leurs divergences d'interprétation actuelles sur les critères de reconnaissance de la présomption de salariat ;

Attire l'attention sur la nécessité, pour l'Union européenne, d'adopter sans plus tarder, la stratégie pharmaceutique prévue dans le programme de travail pour 2022, afin d'assurer l'autonomie de l'Union européenne dans la recherche et la production de principes actifs et de médicaments ;

Observe que la dégradation de la santé mentale de nombreux citoyens a fait l'objet d'une attention renforcée depuis les confinements imposés par la pandémie de covid-19 et nécessite une approche commune afin d'encourager les recherches médicales, la mise en place des protocoles thérapeutiques et l'accompagnement social adaptés ;

Soutient la nécessité d'appuyer le développement du transport transfrontalier entre États membres ;

Souhaite une mise en oeuvre pragmatique de l'agenda rural européen, présenté le 30 juin 2021, et du pacte rural européen lancé en décembre 2021, afin de mieux associer les territoires ruraux européens aux politiques européennes et de prévoir des financements contribuant à leur développement local, avec une attention particulière portée aux « déserts médicaux », conformément aux orientations de sa résolution n° 26 (2021-2022), adoptée le 4 novembre 2021 ;

Souhaite une prise en compte souple et adaptée des spécificités des régions ultrapériphériques (RUP) et des pays et territoires d'outre-mer (PTOM) dans la mise en oeuvre et le financement de l'ensemble des politiques européennes, notamment maritimes ;

Sur l'économie au service des personnes et sur l'Europe sociale

Constate que la mise en oeuvre du Cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 est fortement contrainte en raison des décisions prises en réponse au conflit en Ukraine et à la hausse durable de l'inflation ; appelle à la plus grande vigilance lors de l'examen à mi-parcours de ce CFP, prévu cette année, afin de maintenir les fonds de l'Union européenne bénéficiant à notre pays, déjà contributeur net, et de préserver la politique agricole commune (PAC) et la politique de cohésion ;

Souligne la nécessité, pour l'Union européenne, de se doter rapidement de nouvelles ressources propres ; rappelle à cet égard que la Commission européenne a proposé l'instauration de trois nouvelles ressources propres pour le budget de l'Union européenne, à partir des recettes tirées du système d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne (SEQE-UE), des ressources générées par le projet de mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'Union européenne, ainsi que d'une fraction des bénéfices résiduels des multinationales et prend note des accords partiels intervenus pour leur instauration ; constate que les inquiétudes du Sénat sur l'éventuelle pénalisation des entreprises exportatrices de l'Union européenne par le dispositif de mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, exprimées par sa résolution européenne n° 124 en date du 5 avril 2022, ne sont, pour l'heure, pas levées ; demande de nouveau une association étroite des parlements nationaux au processus de mise en place de ces nouvelles ressources propres, d'autant qu'ils devront ratifier la décision du Conseil afférente ; prend acte des reflexions en cours sur l'instauration éventuelle d'un fonds européen de souveraineté et souligne que, si un tel fonds devait voir le jour, l'Union européenne devrait le financer par les nouvelles ressources propres dont la création est prévue ;

Salue la prise de conscience de l'Union européenne au sujet de la responsabilité sociale des entreprises, manifestée par les initiatives législatives en cours de discussion relatives au devoir de vigilance des entreprises et à l'interdiction des produits du travail forcé ; constate que la législation française actuelle a été pionnière dans ces domaines ; appelle le législateur européen à adopter au plus vite ces textes, en prenant en considération sa résolution européenne n°143 en date du 1er août 2022 ; estime que ces dispositifs compléteront utilement les objectifs de la directive dite CSRD (Corporate sustainability reporting directive), relative à la publication d'informations en matière de durabilité des entreprises ;

Demande à l'Union européenne de parachever l'union bancaire ; déplore à cet égard que la mise en place de la garantie unique des dépôts bancaires, proposée depuis 2015, ne soit toujours pas effective alors qu'elle permettrait de limiter les fragilités récurrentes de la zone euro ; dans l'attente de cette mise en oeuvre, estime nécessaire d'évaluer la solidité des systèmes de garantie nationaux ;

Prend acte avec prudence du projet d'euro numérique destiné à permettre à la Banque centrale européenne (BCE) de fournir la monnaie publique européenne sous forme électronique aux utilisateurs, en complément des espèces, et de préserver l'euro comme point d'ancrage monétaire du système de paiement ; attire cependant l'attention sur la nécessité d'assurer la protection de la vie privée dès la conception de l'euro numérique (« privacy by design ») ; souhaite évaluer plus avant le rôle international de l'euro ;

Souligne l'intérêt d'établir un cadre européen pour l'économie sociale et solidaire (ESS), qui, à travers l'action des coopératives, des mutuelles et des associations, constitue un vecteur de croissance, de créations d'emplois, et de réponse aux défis sociaux et environnementaux ;

Sur l'Europe spatiale et sur une Union européenne plus forte sur la scène internationale

Se félicite des ambitions renouvelées de l'Union européenne dans le domaine spatial qui doivent lui permettre de conserver un accès à l'espace ; insiste sur la nécessité d'accompagner ces ambitions par un soutien politique, financier et technologique de long terme ;

Dans ce cadre, soutient l'élaboration d'une stratégie spatiale pour la sécurité et la défense, qui prend acte de la transformation de l'espace en nouveau lieu de conflit potentiel entre puissances et doit permettre à l'Union européenne de préserver sa souveraineté technologique ; et demande solennellement, conformément à sa résolution européenne n° 149 pour une connectivité sécurisée, en date du 9 août 2022, la présentation d'une initiative législative européenne contre la pollution de l'espace ;

Soutient la révision de la stratégie de sûreté marine de l'Union européenne, afin de conforter celles des États membres, en particulier pour assurer la protection des câbles sous-marins ;

Souligne l'importance du Fonds européen de défense, dont les moyens doivent être renforcés, et constate avec gravité la nécessité d'une solidarité européenne accrue dans le domaine de la politique de sécurité et de défense commune alors que le continent européen connaît de nouveau la guerre ; salue à cet égard les coopérations industrielles en cours visant à lui donner une réalité concrète ; demande simultanément, par cohérence avec cet objectif, que les négociations actuelles sur le programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense (EDIDP) préservent véritablement les intérêts européens ;

Prend acte de la candidature à l'Union européenne de l'Ukraine, de la Moldavie et de la Bosnie-Herzégovine et souhaite un accompagnement de ces candidatures par la Commission européenne et le Service européen pour l'action extérieure (SEAE) afin de créer une dynamique d'adhésion sans renoncer aux critères exigés pour intégrer l'Union européenne ; appelle au renforcement du Partenariat oriental, en particulier pour éviter la marginalisation de la Géorgie ; appelle également avec pragmatisme à un renforcement de la politique de voisinage pour arrimer à l'Union européenne l'ensemble des États des Balkans occidentaux tout en leur permettant de mieux se conformer aux standards européens, particulièrement en matière de lutte contre la corruption et de démantèlement de la criminalité organisée ; souligne simultanément la nécessité pour l'Union européenne de reprendre des initiatives pour conforter son dialogue avec la rive sud de la Méditerranée, travailler à la stabilisation et à la prospérité de la région, et développer un véritable espace euro-méditerranéen ;

Appelle au suivi et au respect des engagements réciproques pris par l'Union européenne et le Royaume-Uni dans l'accord de commerce et de coopération du 24 décembre 2020 et le protocole annexé sur l'Irlande et l'Irlande du Nord, afin de bâtir une relation euro-britannique dynamique et sereine ;

Sur l'Espace de liberté, de sécurité et de justice

Rappelle son soutien à l'approche globale combinant politique migratoire, politique de l'asile et contrôle des frontières extérieures de l'Union européenne, défendue par le Nouveau Pacte sur la migration et l'asile ; déplore les lenteurs dans la négociation de ce dernier et appelle à son adoption avant la fin du mandat de l'actuelle Commission européenne ;

Observe que l'agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, Frontex, joue un rôle d'appui aux États membres dans leur mission de contrôle des frontières extérieures de l'Union européenne ; soutient la nécessité d'assurer un contrôle parlementaire conjoint de cette agence par le Parlement européen et les parlements nationaux, conformément aux dispositions de l'article 112 du règlement 2019/1896 et à la proposition de résolution européenne n° 197 adoptée par sa commission des affaires européennes, le 14 décembre 2022 ;

Appuie les initiatives actuelles tendant à une plus grande harmonisation européenne dans la lutte contre les abus sexuels sur les enfants et la pédocriminalité en ligne ; demande sur ce point, une responsabilisation accrue des hébergeurs et la mise en place d'outils de détection proportionnés au regard de l'exigence de respect des droits fondamentaux ;

Se félicite de la mise en place du Parquet européen, outil précieux pour poursuivre les atteintes aux intérêts financiers de l'Union européenne, et juge utile d'en dresser prochainement un premier bilan ;

Constate enfin la recrudescence des catastrophes naturelles en Europe, en particulier, des inondations et des incendies ; encourage par conséquent l'Union européenne à renforcer sa capacité de soutien aux États membres en matière de sécurité civile, pour faire face à ces crises en démontrant la solidarité européenne ;

Invite le Gouvernement à soutenir ces orientations et à les faire valoir dans les négociations en cours et à venir au Conseil.

La réunion est close à 14h45.