Mardi 9 mars 2010

- Présidence de M. Alain Vasselle, président -

Rendez-vous 2010 pour les retraites - Audition de Mme Pascale Coton, secrétaire générale adjointe, et de M. Patrick Poizat, conseiller confédéral en charge des retraites, de la confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)

La mission a procédé à l'audition de Mme Pascale Coton, secrétaire générale adjointe, et de M. Patrick Poizat, secrétaire confédéral en charge des retraites, de la confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.

Mme Pascale Coton a d'abord réaffirmé la volonté de la CFTC de pérenniser les régimes de retraite par répartition ; la crise économique et financière a en effet clairement montré les limites d'un financement par capitalisation. Le système par répartition est le seul à tenir compte de la solidarité entre les générations et des droits non contributifs. Les produits de capitalisation ne peuvent se substituer à des dispositifs de retraite obligatoire ; ils doivent rester facultatifs car peu fiables.

Pour le secteur privé, la CFTC est attachée à une organisation duale avec une retraite de base, principalement assurée par la Cnav, et une retraite complémentaire gérée paritairement dans le cadre des régimes de l'association générale des institutions de retraite des cadres (Agirc) et l'association des régimes de retraite complémentaire (Arrco). Ce système nécessite à l'évidence aujourd'hui une évolution de ses paramètres et notamment de ses voies de financement.

La CFTC n'est pas favorable à l'hypothèse d'une réforme systémique. Le passage à un système par points conduirait à une fusion des retraites de base et des retraites complémentaires ce qui risquerait de mettre en danger la pérennité des régimes de retraite complémentaire ; en outre, un tel mécanisme n'apporterait aucune visibilité supplémentaire. Le passage à un système en comptes notionnels, tel que celui adopté par la Suède, présente l'inconvénient majeur de faire fluctuer le niveau des pensions en fonction de l'état des comptes du régime de retraite, de l'économie ou de l'espérance de vie. Avec la crise, le gouvernement suédois a d'ailleurs dû mobiliser des ressources importantes pour limiter la baisse du niveau des pensions mais il disposait de réserves, ce qui n'est pas le cas en France où la CFTC rappelle qu'elle s'opposera à toute utilisation anticipée des avoirs du fonds de réserve des retraites (FRR). Enfin, comme l'indique le dernier rapport du conseil d'orientation des retraites (Cor), aucun de ces deux systèmes ne permet de rééquilibrer les comptes de la branche retraite, ce que recherche aujourd'hui le Gouvernement.

La CFTC rappelle qu'elle a pris acte de l'allongement de la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une pension de retraite à taux plein, fixée par la loi Fillon de 2003 à 162 trimestres aujourd'hui et 164 trimestres en 2012. En ce qui concerne l'âge de départ à la retraite, la CFTC revendique pour tous les salariés la possibilité du libre choix ; elle écarte toute évolution de l'âge minimum de liquidation de la pension et souhaite le maintien des deux âges pivots. Ainsi, ceux qui le souhaitent, notamment ceux qui remplissent les conditions de durée d'assurance, doivent pouvoir partir en retraite à soixante ans. Par ailleurs, il est important de maintenir l'âge de soixante-cinq ans pour un départ à la retraite quel que soit le nombre de trimestres cotisés ; cet âge représente une garantie sociale auquel tout assuré doit avoir droit sans abattement. En outre, il convient de prévoir des conditions spécifiques en lien avec la pénibilité du travail.

Cet attachement aux principes fondamentaux de la retraite nécessite une adaptation du financement des régimes. Celle-ci ne doit toutefois pas obérer les priorités que sont l'emploi et la revalorisation des salaires. La dynamique des recettes conditionne pour l'essentiel l'équilibre des régimes. A cet égard, la CFTC souhaiterait que soit effectuée une évaluation sérieuse des répercussions des exonérations de cotisations sociales sur l'emploi et que, en tout état de cause, l'ensemble des allégements de charges soit compensé, au centime près, par le budget de l'Etat.

Pour le régime de base, la CFTC estime que la piste la plus juste consisterait à prévoir une augmentation de la CSG appliquée à l'assiette la plus large possible englobant l'ensemble des revenus ; un accroissement d'un point de CSG produit 11,5 milliards d'euros de ressources supplémentaires. Une partie de cette hausse devrait être clairement destinée à la branche retraite. Pour les retraites complémentaires, il n'est pas envisageable d'augmenter le niveau de cotisation sans attribuer de points en contrepartie, c'est-à-dire en prévoyant une baisse du rendement ; il faudra donc que la hausse des cotisations soit partagée entre les entreprises et les salariés.

D'une façon plus générale, l'équilibre des régimes de retraite, qui est un investissement social de long terme et répond à un projet de société, doit reposer sur une juste répartition de la richesse produite ; or, depuis trente ans, le partage de la valeur se fait au bénéfice des actionnaires et au détriment des salariés. Le FRR représente un engagement vis-à-vis des générations futures ; il est important que soient définies les échéances auxquelles il sera utilisé et que soient pérennisées ses modalités d'abondement.

Mme Pascale Coton a ensuite insisté sur l'opposition de la CFTC à toute remise en cause du niveau des pensions de retraite. Le minimum vieillesse, qui doit correspondre aux besoins d'une vie décente, devrait être équivalent à 100 % du Smic pour toute personne ayant effectué une carrière à taux plein. Il est impératif que soit mis fin au déficit structurel du fonds de solidarité vieillesse (FSV) et qu'une réflexion sur l'adéquation entre ses recettes et ses charges soit menée.

En matière de pénibilité, la prévention primaire est une priorité absolue ; l'approche de cette question ne peut se faire exclusivement sous l'angle de l'âge de départ à la retraite, ce qui justifie qu'elle soit traitée en dehors du problème des retraites. La CFTC regrette l'irresponsabilité du patronat sur ce sujet. La prise en compte de la pénibilité suppose une correction de l'usure au travail, ce qui signifie que doivent être mises en place des actions de prévention primaire en lien avec l'itinéraire du salarié et en fonction de son parcours d'exposition aux risques. Lorsque la prévention échoue, un principe de réparation doit trouver à s'appliquer : pour les personnes qui ont exercé un métier particulièrement pénible et dont l'espérance de vie se trouve réduite par rapport à celle des autres, un accès anticipé à la retraite grâce à un mécanisme de bonification doit être organisé.

L'emploi des seniors est une priorité qui nécessite un véritable engagement des entreprises ; il conviendrait de former et sensibiliser les personnels de recrutement et les cadres à la plus-value humaine qu'apportent les seniors. Les jeunes sont, de leur côté, soumis à une double peine avec une entrée tardive sur le marché de l'emploi et un risque de sortie bien plus tardive encore, tout en subissant un système de carrières hachées. Il est donc primordial de lancer une grande mobilisation pour l'emploi en recherchant les solutions les plus adaptées face au développement du chômage, de la précarité et de la pauvreté. L'un des meilleurs moyens d'augmenter les recettes de la sécurité sociale reste encore d'augmenter le nombre des cotisants.

Le régime de retraite des agents de la fonction publique est lié au statut général de la fonction publique ; une harmonisation de ses règles sur celles du régime général aurait pour conséquence une remise en cause de ce statut. Comparer les deux systèmes, qui se sont construits de manière différente, n'a pas de sens. Néanmoins, il faut souligner que l'alignement du nombre d'annuités nécessaires au bénéfice d'une pension, soit quarante et un ans, sera effectif en 2012. Le mode de calcul des pensions n'est pas comparable dans la mesure où, dans le secteur public, les primes, qui peuvent représenter une part non négligeable du salaire de base, ne sont prises en compte pour le calcul de la pension qu'à hauteur de 20 %. Un fonctionnaire ne part pas en retraite avec 75 % de son salaire mais seulement à peine 60 % de celui-ci dès lors que l'on y inclut les primes. En outre, contrairement au secteur privé, il n'y a pas d'indemnité de départ à la retraite dans la fonction publique.

La CFTC estime que le débat sur les retraites ne doit pas être l'occasion de créer des tensions entre les assurés des différents régimes mais plutôt d'instaurer un véritable dialogue sur la solidarité nationale et la répartition des richesses. Les propositions de la CFTC s'appliquent d'ailleurs sans distinction à tous les régimes. Un sondage par Internet les a validées : 67 % des adhérents de la CFTC sont favorables à une augmentation de la CSG dès lors que celle-ci est destinée à la branche retraite ; 71 % souhaitent conserver les deux âges pivots de soixante et soixante-cinq ans.

Ayant constaté que la CFTC écarte l'idée d'une réforme systémique, M. Dominique Leclerc, rapporteur, a souhaité savoir pourquoi, dans le cadre d'une réforme paramétrique, celle-ci ne retient qu'un seul paramètre : celui de l'assiette et du taux de cotisation. Or, la perspective du vieillissement de la population laisse entrevoir une augmentation des dépenses sociales notamment au titre de la maladie, du logement, de la dépendance ou du handicap ; est-il légitime de laisser peser le poids de ces dépenses sur les jeunes générations ? De même, la CFTC ne souhaite pas que la question de la pénibilité soit traitée dans le cadre de la réforme du système des retraites ; mais n'y a-t-il pas une contradiction avec la volonté de maintenir les régimes spéciaux ? Le FRR a été créé pour permettre un lissage des besoins des régimes de retraite à partir de 2020 mais il devait, à cette échéance, détenir 150 milliards d'euros de réserve, alors qu'il n'en compte que 30 milliards aujourd'hui ; par rapport aux enjeux, il ne pourra donc qu'apporter une solution très limitée. Si l'on se contente de faire évoluer quelques paramètres dans un premier temps, il parait indispensable de ne pas s'affranchir d'une réflexion plus large pour la suite ; en particulier, ne faut-il pas, d'ores et déjà, envisager certains rapprochements entre les régimes afin de développer plus de transparence et d'équité dans le système ?

Mme Pascale Coton a déploré la désinformation des citoyens par la presse de même que l'opposition entretenue entre les salariés du secteur public et ceux du secteur privé. En effet, même dans les régimes spéciaux, les avantages ne sont pas ceux que l'on croit. Ainsi, à titre d'exemple, les salariés d'EDF cotisant à un taux supérieur à ceux des régimes de base ou de la fonction publique. Si l'on veut comparer les régimes, il faut effectuer une comparaison complète. Certes, les métiers pour lesquels les régimes spéciaux ont été créés ont évolué ; l'enquête menée par la CFTC auprès de ses adhérents montre que, dans ce cas précis, les salariés concernés sont prêts à travailler plus longtemps.

M. Dominique Leclerc, rapporteur, est convenu du caractère absurde de certaines comparaisons. Toutefois, il existe de réelles différences, par exemple en matière d'avantages familiaux ou de la possibilité de partir en retraite après quinze ans de service dans la fonction publique sans décote, qui mériteraient d'être revues au nom de la transparence et de l'équité. La différence de taux de cotisation constatée entre l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (Ircantec) et l'Agirc-Arrco fait actuellement l'objet de réactions très vives que l'on peut comprendre.

M. Patrick Poizat, secrétaire confédéral en charge des retraites, a estimé que beaucoup de désinformation entoure cette dernière question. L'article 8 de la récente loi sur la Poste a prévu une négociation qui est en cours entre, d'un côté, l'Ircantec, de l'autre, l'Agirc-Arrco, et qui devra aboutir avant le mois de juin. Les sommes en jeu sont naturellement impressionnantes mais elles seront mises en jeu sur une durée très longue. Le FRR n'est pas aujourd'hui dans la situation imaginée au moment de sa mise en place et c'est bien ce que la CFTC critique car ce fonds devait permettre de lisser les besoins des régimes de retraite à partir de 2020 et assurer un équilibre intergénérationnel dont tout le monde souligne l'importance aujourd'hui. Un système en comptes notionnels introduirait d'ailleurs aussi une différence non souhaitable entre les générations. Une étude détaillée de l'Insee sur les évolutions démographiques, attendue pour la fin de l'année, permettra d'approfondir cette question.

La CFTC est également très attachée à la question de l'équité intragénérationnelle afin de prendre en compte les différences d'espérance de vie constatées entre les salariés d'une même génération selon les métiers exercés. Cette question devra faire partie de la concertation qui sera engagée à partir de la fin du mois d'avril et des moyens financiers devront y être consacrés. Face à la crise, les régimes sociaux ont fait preuve de leur efficacité et de leur rôle d'amortisseur. Il est donc impératif de trouver les solutions pour maintenir ces régimes et un socle de garantie sociale, parties intégrantes du pacte de la Nation. Il est dommage que les négociations sur la pénibilité et le dialogue entre les entreprises et les organisations syndicales n'aient pas abouti. Il s'agit, au-delà même de la question du financement, de faire face à des situations sociales parfois lourdes en matière de handicap, de maladie ou même de dépendance.

Mme Christiane Demontès, rapporteure, a fait valoir que le principal objectif de la prise en compte de la pénibilité est d'apporter une solution aux inégalités constatées à l'arrivée de l'âge de la retraite. L'existence de nombreux régimes contribue à entretenir une réelle illisibilité du fonctionnement des régimes de retraite : ne doit-on pas envisager, à terme, un rapprochement entre ces régimes et la manière d'y procéder ? Enfin, elle a souhaité savoir ce que recouvre la proposition d'élargissement de l'assiette des cotisations.

M. Patrick Poizat a fait observer qu'une rationalisation des différents régimes est déjà intervenue avec la fermeture de plus de six cent quarante régimes et le regroupement de vingt et un régimes de base dans le Gip Info Retraite. Ce mécanisme d'information sur les droits accumulés, mis en place par la réforme de 2003, est important et utile ; il est complété par le relevé annuel de points que fournissent l'Agirc et l'Arrco sur Internet.

Mme Pascale Coton a indiqué que l'élargissement proposé de l'assiette des cotisations vise les plans d'option d'achat d'actions, les retraites chapeau ou encore l'intéressement. Le sondage effectué par la CFTC a montré qu'une majorité de ses adhérents est favorable à une cotisation sociale sur les sommes versées au titre de l'intéressement. Il en est de même pour l'augmentation de la CSG dès lors que celle-ci est affectée à la retraite. Ces propositions ont le mérite de ne pas faire de différence entre les secteurs public et privé.

M. Patrick Poizat a précisé que l'appréciation favorable donnée à une augmentation de la CSG est liée à la condition que cette hausse soit utilisée pour garantir l'équilibre et le niveau des retraites ; en revanche, les adhérents ont montré leur hostilité à la création d'une taxe nouvelle et spécifique.

Mme Pascale Coton a ajouté qu'une grande majorité des sondés sait à quel âge elle pourra partir en retraite. La faculté de prendre sa retraite après quinze ans de service dans la fonction publique n'est pas générale, elle est limitée aux femmes qui ont élevé trois enfants et dont l'un au moins a moins de neuf ans. En outre, dans le secteur public, seuls les trimestres effectivement cotisés sont pris en compte.

M. Patrick Poizat a estimé que le mécanisme de la surcote se met en place progressivement ; actuellement, 13 % des salariés prennent leur retraite avec le bénéfice d'une surcote, ce qui correspond à une évolution librement consentie. Cependant, on note aussi que seuls 38 % des personnes qui partent en retraite sont effectivement en emploi à cette date.

M. Jacky Le Menn a souhaité savoir en quoi la fusion des régimes de base et complémentaires, par exemple dans le cadre d'un système par points, constitue un risque pour le paritarisme.

M. Patrick Poizat a rappelé la volonté de la CFTC du maintien d'une organisation duale des systèmes de retraite. Son inquiétude provient des déclarations de certains partenaires sociaux qui voudraient mettre en place un grand système unifié des retraites. L'expérience de la gestion paritaire de l'Agirc-Arrco a montré que, depuis 1947, chaque fois que cela a été nécessaire et encore récemment pour faire face à la crise économique, les paramètres ont été modifiés par la négociation pour maintenir l'équilibre du système. La gestion paritaire a du sens et le passé de la CFTC en a fait la preuve.

M. Alain Vasselle, président, a demandé si les simulations éventuellement faites pour mesurer l'impact des propositions avancées permettaient d'espérer un équilibre financier à terme du système de retraite afin de garantir sa pérennité.

M. Patrick Poizat a souligné que le rapport du Cor, qui sera rendu public le 14 avril, devrait permettre ces évaluations grâce à une actualisation des différents paramètres en jeu. Les partenaires sociaux sont d'accord pour mettre un terme à la baisse du rendement des pensions, notamment pour sauvegarder la crédibilité des régimes. Ce seront donc les autres critères, parmi lesquels la hausse des cotisations, qui seront mis à l'étude. La légitimité des travaux du Cor, effectués en lien avec la Cnav, l'Insee ou encore l'Agirc-Arrco, est reconnue par tous. En effet, il est essentiel que les bases de calcul et les critères retenus soient identiques pour permettre de mesurer les évolutions et de faire les choix qui s'imposent.

Rendez-vous 2010 pour les retraites - Audition de MM. Bernard Devy, secrétaire confédéral en charge du secteur Retraites, et Mathias Riboh, conseiller technique de Force ouvrière

Puis la mission a procédé à l'audition de MM. Bernard Devy, secrétaire confédéral en charge du secteur Retraites, et Mathias Riboh, conseiller technique de Force ouvrière (FO), dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.

M. Bernard Devy, secrétaire confédéral en charge du secteur Retraites, a tout d'abord relevé que les réformes se succèdent depuis 1993. Les régimes de retraite sont soumis à la conjoncture économique et aux évolutions démographiques et ont besoin d'être pilotés. Le nombre de retraites versées a considérablement augmenté au cours des dernières décennies et les pensions, servies à des personnes qui ont eu des carrières pleines, se situent souvent à un niveau assez élevé. Dans le même temps, les retraités sont remplacés par des salariés dont les revenus sont plus faibles. Il en résulte une forte baisse du niveau des cotisations, sans même prendre en considération la récente crise économique. L'essentiel pour l'avenir du système de retraite est de savoir sur quelle masse salariale il sera possible de compter. A cet égard, il convient de rappeler que 1 % d'augmentation de la masse salariale dans le secteur privé entraîne 660 millions d'euros de cotisations supplémentaires.

FO, qui a été à l'origine de l'édifice construit à partir des années 1950 en matière de retraite, est attachée au système par répartition composé d'un régime de base et de régimes complémentaires, qui a permis d'élever le niveau de vie des retraités.

Depuis quelques mois, on tente de dresser les salariés les uns contre les autres en mettant en avant les inégalités qui résultent des différents régimes. Mais le système de retraite reflète la réalité de la vie professionnelle et n'est pas là pour remédier à des inégalités qui ne lui sont pas dues. Une telle logique de réduction des inégalités par le biais des retraites conduirait à la limite à vouloir faire travailler les femmes plus longtemps, au motif que leur espérance de vie est plus élevée que celle des hommes... En ce qui concerne les différences public-privé, l'application à un postier des règles de prise en compte des vingt-cinq meilleures années pour le calcul de la pension conduirait à une diminution de 25 % du montant de sa retraite.

Le système de retraite permet déjà de corriger certaines inégalités de la vie professionnelle. Ainsi, les majorations de durée d'assurance pour les femmes ayant élevé des enfants sont parfaitement justifiées au regard des inégalités entre hommes et femmes en termes de carrière. Le fonds de solidarité vieillesse (FSV), qui doit permettre de financer une grande partie de ces avantages non contributifs et qui joue en conséquence un rôle d'amortisseur en cas de crise, a vu ses ressources provenant de la contribution sociale généralisée (CSG) amputées au cours des dernières années et enregistre en conséquence un déficit de plus de 4,5 milliards d'euros.

L'objectif essentiel d'un système de retraite est d'assurer à chacun, au moment du départ, un revenu de substitution permettant de disposer d'une autonomie financière. Aujourd'hui, un million de retraités vivent en dessous du seuil de pauvreté. FO est favorable à une augmentation du minimum vieillesse et à une révision des conditions d'attribution du minimum contributif.

En ce qui concerne la mise en oeuvre d'un régime universel de retraite, celle-ci apparaît largement utopique, surtout au regard du calendrier des négociations prévu pour la réforme de 2010. La France compte aujourd'hui trente-huit régimes, mais beaucoup de progrès ont été effectués dans la voie de l'harmonisation. Le seul paramètre qui n'a pas donné lieu à un rapprochement est celui du rendement des différents régimes. En 2003, FO a fait des propositions destinées à simplifier la situation des polypensionnés et de telles mesures restent d'actualité. Ainsi, lorsqu'une personne passe du régime général au régime agricole, il serait plus simple de faire liquider la pension par la dernière caisse plutôt que de procéder à une double liquidation dans chaque caisse. Le système des comptes notionnels, mis en place en Suède, revêt un caractère fortement contributif et individuel qui remet en cause les solidarités. La mise en place d'un tel régime impliquerait un changement complet du financement des mécanismes non contributifs, qui sont particulièrement importants alors que les carrières sont désormais accidentées et que les salariés ne sont souvent plus en activité lorsqu'ils atteignent l'âge de la retraite.

La comparaison entre secteur privé et secteur public en matière de retraite est dénuée de fondement. En effet, dans le secteur privé, l'amélioration de l'équilibre financier du système implique l'existence du plus grand nombre d'actifs possible. Dans le secteur public, au contraire, il vaut mieux avoir le moins de fonctionnaires possible pour limiter les coûts.

Aujourd'hui, la question qui se pose est celle du financement du système. Le Gouvernement veut montrer aux institutions européennes qu'il se préoccupe de l'équilibre de ses comptes publics. Ce problème de financement serait moins aigu s'il avait été possible de transférer des cotisations de l'assurance chômage vers l'assurance vieillesse, comme cela avait été prévu en 2003. Ces difficultés de financement justifient que certains sujets soient examinés attentivement. Actuellement, la Cnav verse 4,9 milliards d'euros au titre de la compensation entre régimes, dont 2,2 milliards au bénéfice du régime agricole. Cette compensation est-elle entièrement justifiée ? Les exonérations de charges sociales représentent environ 33 milliards d'euros, dont 10 % ne sont pas compensées. Le FSV a été privé d'une partie des ressources qui lui étaient affectées. La taxation des bénéfices non réinvestis pourrait apporter des sommes importantes. Enfin, l'équilibre du système dépend évidemment de la capacité de la France à retrouver le chemin de la croissance et de l'emploi.

Parmi les modifications paramétriques envisagées à l'occasion du rendez-vous 2010 figurent l'allongement de la durée de cotisation et le recul de l'âge minimal de départ. La durée de cotisation a déjà été fortement étendue alors que, dans le même temps, l'entrée dans la vie active n'a cessé d'être retardée. Ainsi, la génération née en 1970 compte sept trimestres de cotisations en moins à trente ans que la génération née en 1950 alors qu'on lui demande de cotiser onze trimestres de plus. La durée moyenne d'activité est actuellement de trente-huit ans. L'augmentation de la durée de cotisation n'est donc pas sans limites. Quant à l'âge minimal de départ, fixé à soixante ans, il s'agit d'un droit qu'il convient de ne pas remettre en cause, l'âge légal de départ avec le bénéfice du taux plein demeurant fixé à soixante-cinq ans.

Dans le système allemand, souvent mis en avant pour justifier l'augmentation de l'âge minimal de départ, les paramètres se combinent différemment. Les salariés peuvent partir à n'importe quel âge à condition d'avoir cotisé pendant quarante-cinq ans. Ils peuvent bénéficier d'une retraite à taux plein à soixante-cinq ans s'ils ont cotisé pendant trente-cinq ans.

Le recul de l'âge minimal de départ en France est d'autant moins justifié qu'avec la baisse du chômage, il est probable que de nombreux salariés vont finir leur carrière en incapacité de travail ou en retraite anticipée.

M. Dominique Leclerc, rapporteur, a observé que la remise en cause des compensations entre régimes, la compensation des exonérations de charges ou un hypothétique retour de la croissance ne seront sans doute pas suffisants pour équilibrer de manière pérenne le système de retraite. Il s'est interrogé sur l'intérêt de mettre en place un système universel par points.

M. Bernard Devy a estimé que le problème de financement des retraites n'est pas aussi catastrophique qu'on le dit parfois. En 1960, les retraites représentaient 5,4 % du Pib, qui s'élevait alors à 372 milliards d'euros. Aujourd'hui, les retraites représentent 13,1 % du Pib mais celui-ci atteint 1 650 milliards d'euros. Le régime par points est déjà connu dans les régimes complémentaires qui ont permis aux partenaires sociaux de créer un deuxième pilier de retraite par répartition. Ces régimes sont sans doute le dernier lieu où est pratiqué un véritable paritarisme dans le cadre d'une autonomie de négociation et de gestion. Les partenaires sociaux ont géré ces régimes de manière responsable en trouvant les solutions pour faire face aux difficultés financières : augmentation des cotisations, appel de cotisations non créatrices de droits, diminution des taux de rendement... Toutes les mesures prises depuis 1993 ont contribué à faire baisser le niveau des retraites et la France est le seul pays en Europe où est pratiquée une revalorisation des pensions indexée sur les prix. Le passage à un régime par points généralisé et appliqué à la retraite de base ferait disparaître les mécanismes non contributifs puisque le nombre de points est exclusivement lié aux cotisations payées. Ceci dit, un système par points pourrait sans doute davantage faire l'objet de mesures de pilotage qu'un régime de comptes notionnels. Il existe cependant un risque de fragilisation de la répartition dans un contexte où l'on sent monter un ressentiment des jeunes générations à l'encontre des retraités.

Mme Christiane Demontès, rapporteure, a demandé si une augmentation des cotisations ou de la CSG constituerait une piste envisageable pour faire face au problème de financement actuel. La création d'un régime universel, utopique à brève échéance, présenterait-elle une utilité et serait-elle possible à long terme afin d'améliorer la lisibilité du système pour éviter de dresser les citoyens les uns contre les autres ? Par ailleurs, comment prendre en compte la pénibilité, c'est-à-dire l'inégalité pendant l'activité professionnelle ? Les solutions en ce domaine relèvent-elles de la responsabilité individuelle ou de la responsabilité collective ?

M. Bernard Devy a indiqué que FO n'est pas opposée à l'augmentation des cotisations. Dès lors que l'assurance maladie a un caractère universel plus affirmé que la retraite, il conviendrait peut-être de transférer un point de cotisation de la branche maladie vers la branche vieillesse, soit 4,1 milliards d'euros, tout en augmentant d'un point la CSG, ce qui représente environ 11 milliards d'euros. Cette hausse de CSG, qui devrait s'accompagner d'une nouvelle architecture de cette contribution pour qu'elle repose plus qu'actuellement sur les revenus du capital, pourrait permettre à la fois de compenser la perte de cotisations subie par l'assurance maladie, de restituer au FSV ses recettes perdues et de consacrer 3 milliards d'euros à la dépendance.

La mise en place d'un régime universel supposerait de remettre en cause les mécanismes non contributifs existant aujourd'hui. Ainsi, les majorations de durées d'assurance accordées aux femmes ne sont pas destinées à augmenter leur pension mais à leur permettre de partir plus tôt. Dans un système de comptes notionnels, cette majoration serait transformée en cotisations et ne permettrait pas forcément aux femmes de partir plus tôt, le niveau de la pension étant lié à l'espérance de vie de chaque génération. En voulant simplifier le système actuel, on risque de recréer d'autres inégalités et complexités. Le système suédois, très souple dans ses paramètres, a montré ses limites lorsqu'est apparue la crise économique.

La pénibilité ne doit pas être traitée en même temps que la réforme des retraites, le risque étant d'aboutir à un recul de l'âge légal de départ à la retraite, le départ à soixante ans ne demeurant possible que pour les salariés ayant exercé des métiers pénibles.

Le traitement de la pénibilité passe d'abord par une amélioration des conditions de travail et de l'organisation de celui-ci, prenant en compte non seulement la pénibilité physique mais aussi le stress et les risques psychosociaux. La prise en compte de la pénibilité doit se faire à la fois au niveau des métiers et des postes de travail. Elle passe par un renforcement des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), l'intervention de médecins et d'ergonomes, l'amélioration des conditions d'exercice des fins de carrière, notamment par un développement des temps partiels. En ce qui concerne la réparation de la pénibilité qui n'aura pu être évitée, une cotisation d'un montant très faible, par exemple 0,1 %, pourrait être prélevée sur l'ensemble des activités, afin de permettre le départ anticipé des personnes ayant exercé dans certains postes ou métiers. Le traitement purement individuel de cette question aboutirait en fait à diriger les personnes ayant exercé des métiers pénibles vers un régime d'invalidité financé par l'assurance maladie dans l'attente de l'arrivée à l'âge de la retraite. Il serait souhaitable que les partenaires sociaux puissent de nouveau négocier pendant une courte période sur ce sujet. De nombreux points d'accord ont en effet été dégagés, les négociations achoppant sur le financement des mesures de compensation de la pénibilité. En tout état de cause, cette question ne peut être traitée exclusivement en lien avec les retraites.

M. Dominique Leclerc, rapporteur, a souhaité savoir si un régime par points permettrait de préserver les mécanismes non contributifs actuellement en vigueur. A propos d'un éventuel transfert des cotisations de la branche maladie à la branche vieillesse, il a observé que, dans les années 1950, 95 % des prestations de maladie étaient financées par des cotisations sociales et que ce taux n'est plus que de 60 %.

M. Bernard Devy a souligné qu'il est possible de prendre en compte des mécanismes non contributifs dans un régime par points. Les régimes Agirc-Arrco retiennent ainsi les compléments familiaux dans la valeur d'achat et la valeur de service du point. Néanmoins, si le régime par points devait être généralisé, il conviendrait de prévoir explicitement les modalités de financement des dispositifs de solidarité.

M. Alain Vasselle, président, a souhaité savoir quelles ressources permettraient de financer les régimes en déficit démographique dans l'hypothèse d'une remise en cause des compensations entre régimes. Il a demandé à connaître le taux de croissance à atteindre pour assurer l'équilibre financier du système.

M. Bernard Devy a rappelé qu'un taux de croissance supérieur à 1,5 % permet de créer de l'emploi. Le Cor actualisera prochainement ses projections, sur la base des prévisions du ministère de l'économie et des finances auxquelles il apporte des correctifs entendant éviter à la fois d'être trop optimiste ou de désespérer la population. A cet égard, le Medef a récemment proposé que l'hypothèse fondant les prévisions du Cor soit celle d'un taux de progression de la productivité de seulement 1,2 %, alors qu'était envisagé un taux de 1,5 %, pourtant déjà faible. Un tel niveau de croissance de la productivité signifierait la fin de l'industrialisation de la France et sa transformation en une société de services. En tout état de cause, les projections du Cor seront forcément inquiétantes, même en faisant la part des éléments structurels et des facteurs conjoncturels.

En ce qui concerne la compensation entre régimes, il devient difficile de ne pas la mettre en avant. Le soutien à l'agriculture, qui compte aujourd'hui 600 000 exploitants contre trois millions autrefois, est justifié mais l'Etat doit nécessairement assumer une responsabilité face à une telle situation.

Rendez-vous 2010 pour les retraites - Audition de Mme Danièle Karniewicz, secrétaire nationale en charge de la protection sociale de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE - CGC)

La mission a enfin procédé à l'audition de Mme Danièle Karniewicz, secrétaire nationale en charge de la protection sociale de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC), dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.

Mme Danièle Karniewicz a rappelé tout d'abord l'attachement des Français à leur système de protection sociale, qui est particulièrement développé par rapport aux autres pays. De ce point de vue, si une réforme systémique permettait éventuellement de répondre aux questions de l'égalité de traitement, notamment en termes d'effort, et de la répartition entre la solidarité et la contributivité, elle ne résoudrait pas le problème majeur : celui du financement. Reporter les décisions sur ce sujet serait néfaste. Qui plus est, un changement de système serait difficile et long, alors même que la population, notamment les classes moyennes, ont des attentes fortes en termes de charge d'impôts et de contributions sociales.

La complexité des régimes actuels correspond à des situations et à une histoire elles-mêmes complexes et il est possible d'en améliorer la lisibilité par des moyens simples, dans le cadre existant. Surtout, les Français sont d'abord attachés au niveau de leur retraite ; outre qu'un système en comptes notionnels ou par points se révèle en fait moins protecteur et moins transparent, une telle réforme reviendrait au fond à baisser le niveau des pensions. De plus, ce changement est porteur de risques, quant au pilotage ou à la gouvernance, notamment pour y définir les places respectives des partenaires sociaux et de l'Etat.

En fait, l'urgence réside dans la nécessité de faire face au déséquilibre financier et au déficit démographique. La connaissance par chacun de son niveau de vie à la retraite et du rapport entre sa pension et son dernier salaire d'activité est devenue faible, voire inexistante ; de plus, l'affichage d'un taux moyen de remplacement n'a plus de réalité concrète tant les écarts sont importants. C'est pourquoi il faudrait aller vers la fixation d'un niveau minimum de prestations, notamment dans le secteur privé.

Par ailleurs, trois paramètres entrent en ligne de compte pour toute évolution du système : le niveau des retraites, celui des cotisations et la durée d'activité. Il ne serait ni juste ni légitime d'utiliser le premier de ces leviers, qu'il est au contraire nécessaire de préserver. En ce qui concerne les cotisations, il était envisagé un transfert entre celles destinées à l'assurance chômage et celles pour la vieillesse, ce qui n'est plus possible aujourd'hui en raison du contexte économique. De plus, les salaires ne peuvent plus être utilisés comme seule source de financement de la protection sociale car ils sont progressivement dépréciés et nivelés par le bas, ce qui réduit l'assiette d'autant. Enfin, on ne peut pas exclure a priori une augmentation, légère, du taux de cotisation. En ce qui concerne la durée d'activité, on constate qu'elle a plutôt tendance à diminuer, tant à l'entrée dans la vie active qu'à sa sortie, alors même que le temps passé en retraite augmente. De plus, l'amélioration de la productivité ne peut plus être suffisante pour améliorer seule le financement du système.

Parmi les deux moyens d'action liés à la durée d'activité, à savoir le nombre des annuités de cotisation et l'âge de départ à la retraite, Mme Danièle Karniewicz a privilégié celui de l'âge, qui permet de ne pas opposer les parcours professionnels des assurés et qui produit l'action la plus forte sur les équilibres financiers. Pour autant, le système doit mieux prendre en compte les périodes d'études dans le calcul de la retraite ; à cet égard, le dispositif actuel de rachat d'années n'est pas une solution judicieuse, car il coûte trop cher aux personnes qui le choisissent. Enfin, on constate aujourd'hui des différences importantes et non justifiées dans la prise en compte de certaines périodes d'activité, par exemple entre l'apprentissage chez un artisan et celui en lycée professionnel.

En conclusion, l'évolution du système des retraites demandera un effort colossal de pédagogie, prenant en compte, d'une part, le fait que sa remise en cause nécessiterait de toute façon l'intervention des pouvoirs publics sous forme de minima sociaux financés par des impôts, d'autre part, le fait qu'il ne faut pas opposer les générations entre elles, ce qui serait destructeur pour la société.

M. Dominique Leclerc, rapporteur, a souhaité connaître la position de la CFE-CGC sur l'introduction d'une dose d'épargne retraite dans le socle obligatoire des régimes et sur les retraites « chapeau ».

Mme Danièle Karniewicz a estimé que les réformes tendant à une individualisation du système des retraites sont souvent présentées de manière tronquée, car on laisse entendre que les systèmes par répartition ne savent pas faire face aux évolutions démographiques. Or, la capitalisation ne fait pas mieux ; elle ajoute même des risques supplémentaires en termes de taux de rendement, en raison des incertitudes sur les placements financiers. De plus, la puissance publique abdiquerait dans ce cas ses responsabilités, ce qui ne serait pas acceptable pour les jeunes. L'introduction de la capitalisation dans le régime obligatoire de base ne répondrait pas non plus aux besoins ; elle répondrait éventuellement à des objectifs économiques, par exemple de développement des marchés des actions, mais les citoyens sont mieux protégés dans un système par répartition. En outre, les frais de gestion d'un régime par capitalisation sont, dans les faits, plus élevés. Si des compléments de retraite sont fréquemment apportés individuellement, par exemple par l'investissement immobilier lors de la vie active, il est important de définir collectivement un socle de répartition à un niveau élevé. En ce qui concerne les retraites « chapeau », qui sont en réalité en train de disparaître en raison de leur coût pour les entreprises, elles posent simplement le problème de la différence entre les systèmes à prestations et à cotisations définies.

Mme Christiane Demontès, rapporteure, a interrogé Danièle Karniewicz sur les modalités d'évolution de l'âge de départ en retraite et sur l'idée d'uniformiser les régimes. En outre, elle s'est demandé si la pénibilité du travail devait être intégrée à la réforme des retraites ou traitée à part.

Mme Danièle Karniewicz a considéré que l'âge auquel on peut partir avec un taux plein de liquidation est d'ores et déjà supérieur à soixante ans, ce qui rend cette référence virtuelle. En conséquence, il faut agir sur l'âge de départ et stabiliser le nombre d'annuités nécessaires, d'autant plus que ce dernier moyen d'action pénaliserait à la fois les femmes et les personnes qui ont étudié. D'ailleurs, l'idée d'une « retraite à la carte » est bien inscrite dans la réforme de 2003.

Ensuite, aucun pays n'a intégré la pénibilité dans son système de retraite et cette question relève des conditions de travail et de la santé au travail, donc de l'entreprise, et non des régimes vieillesse. Pour autant, l'augmentation de l'âge auquel il est possible d'obtenir une liquidation des pensions à taux plein a une conséquence sur le débat relatif à la pénibilité et il serait, par exemple, nécessaire de renforcer la qualité des visites médicales pour permettre des changements de poste ou des classements en invalidité, mais la question relève alors soit de la gestion des ressources humaines au sein de l'entreprise, soit des régimes d'invalidité. En outre, il n'existe pas aujourd'hui de suivi, tout au long de la vie, du parcours professionnel, un curriculum laboris n'étant pas encore disponible. Enfin, la question du financement reste pendante, notamment la répartition entre ce qui est à la charge de la collectivité et ce qui est à la charge des entreprises.

L'uniformisation des régimes semble difficile à réaliser. Autant l'amélioration de la lisibilité du système, la garantie du niveau des pensions et la convergence entre les taux d'effort et de rendement sont importantes, autant cette uniformisation est peu utile dans les faits.

M. Alain Gournac a rappelé que le marché du travail français est caractérisé par des difficultés importantes à l'entrée et à la sortie de la vie active. Le faible taux d'emploi des seniors révèle une divergence entre la date officielle et la date réelle de la cessation d'activité. A cet égard, quelle est la position des autres organisations syndicales sur l'idée de repousser l'âge de départ à la retraite ?

Mme Danièle Karniewicz a relevé que les modèles développés par le Conseil d'orientation des retraites (Cor) montrent que le paramètre de l'âge est le plus efficace. D'ailleurs, tous les autres pays ont utilisé ce levier : par exemple, alors que leur système est à l'équilibre avec un âge de départ à soixante-cinq ans, les Allemands ont choisi de le porter progressivement à soixante-sept pour mieux préparer l'avenir. En décalant l'âge de départ à la retraite, on repousse aussi naturellement l'âge de cessation effective de l'activité. D'ailleurs, dans les comparaisons européennes, la France est mal placée pour le travail des seniors car la classe d'âge utilisée par les statistiques est celle des cinquante-cinq à soixante-quatre ans.

M. Dominique Leclerc, rapporteur, a alors cité l'exemple de la Finlande qui a connu ce mouvement naturel de décalage de la cessation d'activité à la suite de la décision d'augmenter l'âge du départ à la retraite.

Mme Danièle Karniewicz a cependant estimé que ce changement de comportements doit être accompagné de mesures sur le mal-être au travail, car se pose un véritable problème de valorisation du travail des seniors.

M. Jacky Le Menn a évoqué les études longues, qui pourraient être prises en compte par les régimes d'assurance vieillesse. Un dispositif de bonification, pris en charge par l'entreprise et par l'Etat au titre du bénéfice que tire la collectivité de la présence d'actifs formés, pourrait être envisagé et les employés pourraient éventuellement y contribuer. Une telle mesure permettrait à la fois d'augmenter dès à présent les cotisations au bénéfice des régimes et d'accorder aux personnes concernées la possibilité d'atteindre en fin de carrière le nombre d'annuités nécessaires.

Mme Danièle Karniewicz a considéré que la solidarité nationale peut, dans certaines conditions, prendre en compte cet élément, mais l'augmentation de l'âge de départ à la retraite est plus juste. Par ailleurs, alors que les stages sont de plus en plus importants dans les cursus universitaires, ils restent mal rémunérés et ne sont pas pris en compte comme trimestres de cotisation ; cette injustice devrait être corrigée. De plus, la possibilité pourrait être offerte aux étudiants de commencer à cotiser pour leur retraite, ce qui serait moins douloureux financièrement pour eux que le rachat d'années d'études.

M. Alain Vasselle, président, a souhaité obtenir des précisions sur l'âge exact auquel il faudrait fixer le départ à la retraite pour assurer le financement du système. En Allemagne, une réforme comprenant un système de retraite complémentaire par capitalisation a été adoptée pour compenser la baisse prévisible du taux de remplacement dans le régime de base : que penser de cette mesure ? Par ailleurs, si le régime par répartition est plus protecteur que celui par capitalisation, quel est le niveau de prélèvements obligatoires compatible avec une économie mondialisée ? Enfin, les positions de certains syndicats sur les calendriers respectifs des travaux relatifs à la pénibilité et à la réforme des retraites semblent parfois différentes entre ce qui paraît dans la presse et ce qui ressort des auditions, conduisant à s'interroger sur ce que souhaitent au fond les organisations syndicales.

Mme Danièle Karniewicz a estimé difficile, avant même le début des négociations, de dévoiler d'ores et déjà des objectifs en termes d'âge de départ à la retraite. L'abaque du Cor fournit des données chiffrées assez précises : par exemple, reculer l'âge d'un an permet tout de suite de dégager deux milliards d'euros. De plus, dans un système comme celui des retraites, une mesure produit d'autant plus d'effets qu'elle s'applique rapidement. Pour autant, la démographie n'est jamais linéaire ; elle évolue, si bien que les réformes doivent avoir un objectif très progressif et sur le long terme, c'est-à-dire une période de vingt ou trente ans. Cet affichage de longue durée permettrait en outre de rassurer les Français.

La réforme allemande présente, certes, une belle façade, mais le système mis en place revient à tenter de compenser par la capitalisation un abandon partiel de la répartition, alors même que cette dernière est un système plus juste et plus efficace. Cette réforme, comme d'autres, aboutit finalement à diminuer le taux de remplacement et le niveau des pensions, ce que la CFE-CGC refuse. Les paramètres employés dans certains systèmes s'ajustent de manière automatique, ce qui peut avoir de sérieuses conséquences pour certaines catégories de la population.

Si le niveau des prélèvements obligatoires ne présente, en effet, guère de marges de manoeuvre aujourd'hui, la question du choix entre la solidarité collective et la prise en charge individuelle reste entière. De ce point de vue, la lisibilité du système actuel est insuffisante : la compensation entre régimes ne ressort pas toujours de la solidarité et la politique familiale s'appuie sur des modèles anciens, qui posent clairement des difficultés en s'appliquant dans des enveloppes constantes.

Enfin, Mme Danièle Karniewicz a estimé que la pénibilité et les retraites sont deux sujets distincts.

Alors que Mme Christiane Demontès, rapporteure, soulignait que cette position se retrouve dans de nombreuses auditions, Mme Danièle Karniewicz a mis en garde contre les mécanismes liés à tort aux retraites, par exemple celui des carrières longues.

Mercredi 10 mars 2010

- Présidence de M. Alain Vasselle, président -

Rendez-vous 2010 pour les retraites - Audition de M. Eric Aubin, membre de la commission exécutive, en charge des retraites, Mme Mijo Isabey et M. Gérard Rodriguez, conseillers confédéraux de la confédération générale du travail (CGT)

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la mission a procédé à l'audition de M. Eric Aubin, membre de la commission exécutive, en charge des retraites, Mme Mijo Isabey et M. Gérard Rodriguez, conseillers confédéraux de la confédération générale du travail (CGT), dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.

M. Eric Aubin a d'abord indiqué que la CGT aurait souhaité qu'un bilan soit fait des précédentes réformes : en effet, la réforme Balladur de 1993 a eu un impact important et néfaste avec une baisse du niveau des pensions d'environ 20 % ; la réforme Fillon de 2003 l'a encore amplifiée et il aurait été utile d'en tirer les conséquences. En outre, comme l'avait indiqué en son temps la CGT, ces deux réformes n'ont pas permis de régler le problème du financement des régimes de retraite pour lesquels on prévoit un déficit de dix milliards d'euros en 2010. Dans son discours du mois de juin 2009, le Président de la République a annoncé le rendez-vous de 2010 en mentionnant trois éléments, l'âge légal de la retraite, la durée de cotisation et la pénibilité du travail, mais en oubliant la question du financement ; or, celle-ci est le point clé de la réforme. La loi de 2003 avait prévu un rendez-vous sur les retraites en 2012 : la CGT ne souhaitait pas l'avancer contrairement aux autres partenaires sociaux qui ont demandé son anticipation à la suite de la réforme des régimes complémentaires de 2009.

Selon la CGT, trois défis doivent aujourd'hui être relevés. Le premier est celui de la paupérisation programmée des retraités. En calculant les pensions par référence aux vingt-cinq et non plus aux dix meilleures années et en les indexant sur la hausse des prix au lieu de celle des salaires, on a provoqué une baisse de leur niveau de 20 %. Certes, aujourd'hui, il est affirmé que l'on ne touchera pas à ce niveau mais la question est en fait de redresser celui-ci, surtout si l'on tient compte du fait que 15 % des retraités font actuellement appel à l'aide alimentaire.

Le deuxième défi est celui de la perte de confiance des jeunes, comme en témoigne un certain nombre de sondages. La pérennité du régime de retraite par répartition est donc posée et pourtant, là encore, son principe a été clairement défendu par le Président de la République. Pour les jeunes, la question essentielle est de connaître l'âge auquel ils pourront partir à la retraite et avec quel niveau de pension.

Le troisième défi est celui du « chacun pour soi ». La CGT est très attachée au système solidaire ; le recours à d'autres mécanismes reviendrait à mettre en péril le système actuel.

Dans le cadre du rendez-vous de 2010, conformément aux annonces, deux éléments devraient être au centre du débat : l'âge légal de soixante ans et la durée de cotisation. Le dernier congrès de la CGT a clairement réaffirmé son attachement au maintien de l'âge légal de soixante ans. En effet, de moins en moins de salariés arrivent à l'âge de la retraite avec une carrière pleine et l'âge de cessation d'activité moyen de cinquante-huit ans et neuf mois n'a pas évolué depuis la loi Fillon. Par ailleurs, trois mesures récentes prises en direction des seniors rendraient la situation plus difficile si l'on reculait l'âge de soixante ans : la suppression progressive, avant 2012, de la dispense de recherche d'emploi (DRE) qui posera un problème pour 400 000 demandeurs d'emploi ; l'obligation d'accepter une offre raisonnable d'emploi (ORE) qui pourra contraindre des seniors à reprendre un travail dans des conditions inférieures à leur dernier emploi dans un contexte de marché du travail très difficile ; la suppression de l'allocation équivalent retraite (AER) laquelle, si elle a été exceptionnellement maintenue en 2009 et 2010, sera problématique pour les salariés qui ont le nombre d'annuités nécessaires à la liquidation d'une pension mais n'ont pas encore atteint l'âge légal de départ en retraite. Ces questions sont à mettre en lien avec le débat actuel sur les personnes en fin de droits ; celles-ci sont estimées à un million dont 400 000 ne devraient bénéficier d'aucune allocation. Au total, la CGT est favorable à ce que le salarié ait le choix de pouvoir faire valoir ses droits à soixante ans ou après.

L'augmentation de la durée de cotisation aurait aussi pour effet de reculer l'âge de départ en retraite. En effet, la situation du marché de l'emploi est compliquée : les jeunes entrent plus tardivement sur le marché du travail, vers vingt-trois/vingt-quatre ans, et ont un emploi véritablement stable entre vingt-sept et trente ans ; s'y ajoutent les carrières saccadées et les sorties prématurées du marché du travail. Aussi, l'augmentation de la durée de cotisation aboutirait inévitablement à une diminution du niveau des pensions, ce qui est contradictoire avec l'objectif annoncé de ne pas les baisser.

La question de la reconnaissance de la pénibilité figurait dans l'article 12 de la loi de 2003. Elle a fait l'objet de négociations pendant trois années et demie, entre février 2005 et juillet 2008. Ces négociations ont permis de réelles avancées, notamment sur la définition des critères de la pénibilité ayant un impact sur l'espérance de vie, tels que les efforts physiques ou psychiques, l'environnement agressif ou les rythmes de travail. Toutefois, deux éléments de blocage sont intervenus :

- le premier sur le fait que le dispositif devait reposer sur un avis médical, ce qui est contraire à l'esprit de la loi de 2003 qui définissait, dans un souci d'équité, un droit pour tous à prendre une retraite en pleine santé ;

- le second sur la question du financement, le Medef ne souhaitant pas participer financièrement à un dispositif qui, inévitablement, a un coût ; or, reporter celui-ci sur les pouvoirs publics n'est ni justifié ni raisonnable. Pour la CGT, le financement doit d'abord être assuré par l'employeur et, si nécessaire, un complément peut être prévu, par exemple en utilisant les fonds devenus disponibles du fait de la suppression de la douzaine de mécanismes de départs anticipés en retraite qui concernaient 850 000 salariés et coûtaient 9 milliards d'euros par an.

La CGT a écrit à trois reprises aux ministres du travail qui se sont succédé dans l'espoir que les négociations avancent mais celles-ci n'ont pu aboutir ; une mission de l'Igas n'a pas non plus permis de débloquer la situation. Le dossier de la pénibilité est néanmoins urgent, à la fois vis-à-vis du « stock » de salariés qui ne sont plus en capacité de travailler et pour lesquels on utilise de façon abusive les dispositifs d'invalidité, de maladie ou de chômage, et à l'égard des nouvelles populations pour lesquelles il convient de définir un juste rapport entre prévention et réparation, de façon à garantir l'objectif de finir une carrière en pleine santé.

La solution au problème de l'équilibre financier des retraites est, selon la CGT, avant tout liée à l'emploi. En effet, un million d'emplois créés représente 5 milliards d'euros supplémentaires pour les caisses de retraite. La priorité est de développer l'emploi des dix-huit/soixante ans, de limiter le temps partiel subi, d'accueillir les salariés exclus du marché du travail, et non d'augmenter le taux d'activité des plus de soixante ans. Le problème de l'emploi des seniors reste entièrement posé car les accords signés sont dans l'ensemble peu contraignants, sans compter le nombre d'accords conclus dans le seul but d'échapper à la pénalité de 1 % prévue par la loi.

La CGT propose quatre pistes pour assurer le financement des systèmes de retraite :

- la première vise à élargir l'assiette des cotisations, comme le préconisait la Cour des comptes dans son rapport de septembre 2009 ; il s'agit de soumettre à cotisations l'ensemble des revenus aujourd'hui exonérés, en particulier l'intéressement, la participation, les plans d'options d'achat d'actions ou les bonus, ce qui représenterait 3 milliards d'euros supplémentaires pour les seuls régimes de retraite et 9 milliards pour l'ensemble de la protection sociale ;

- la deuxième consiste à mettre en place une modulation des cotisations en fonction du rapport de la masse salariale à la valeur ajoutée, c'est-à-dire à traiter différemment les secteurs d'activité en favorisant ceux qui sont à forte main-d'oeuvre. Les deux secteurs extrêmes sont, de ce point de vue, la construction, dont 81 % de la valeur ajoutée représentent de la masse salariale, et l'immobilier, où ce ratio n'est que de 31 %. Une telle modulation ne rapporterait pas forcément des montants importants mais, en favorisant l'emploi, elle est porteuse d'avenir ;

- la troisième tend à modifier les règles applicables aux exonérations de charges qui représentent plus de 30 milliards d'euros, l'idée étant d'y mettre un terme et, en tout état de cause, de ne plus les accorder sans conditions ni contreparties ; or, cette politique se poursuit, comme en témoignent encore certaines récentes revendications du Medef relatives aux possibilités d'embauche de personnes en fin de droits ;

- la dernière piste est celle de l'augmentation des cotisations, principalement des employeurs, mais aussi, si nécessaire, des salariés. Les derniers sondages montrent en effet que les salariés, notamment les plus jeunes, préfèrent envisager un taux de cotisation plus élevé, dès lors qu'un niveau de pension correct leur est garanti, plutôt qu'une durée plus longue du travail. En outre, les taux de cotisations employeurs n'ont pas évolué depuis plus de vingt ans.

La part du Pib consacrée aux retraites devrait pouvoir augmenter de six à huit points et atteindre 18 % du Pib ; c'est un choix de société qui parait financièrement possible, surtout s'il est mis au regard de l'évolution de la part du Pib consacrée aux dividendes, passée en quelques années de 3,2 % à 8,5 %.

La CGT propose que soit mise en place une « maison commune des régimes de retraite », non pas dans un but d'unification des régimes mais afin de garantir un socle commun de droits à toute la population s'appuyant sur trois éléments : un départ à la retraite à soixante ans, un taux de remplacement de 75 % du revenu d'activité, calculé à partir du dernier salaire dans le secteur public et des dix meilleurs années dans le secteur privé, enfin la reconnaissance des métiers pénibles. Cette maison commune devrait être gérée par des représentants élus des assurés.

M. Dominique Leclerc, rapporteur, a souhaité savoir comment pourrait être mise en application et évaluée la reconnaissance de la pénibilité. Les Français sont aujourd'hui désireux de plus de transparence et d'équité et soucieux d'un rapprochement des principaux paramètres des différents régimes tels que le taux de cotisation ou les droits accordés ; ils ont des doutes sur le principe de la solidarité intergénérationnelle. Est-il pertinent de vouloir favoriser le rapprochement des régimes dans un souci de meilleure gestion, les gains attendus d'une telle évolution étant estimés par certains à plusieurs milliards d'euros par an ?

M. Eric Aubin a fait valoir que, pour la pénibilité, deux dispositifs devront être mis en oeuvre. Le premier concernera le « stock » des salariés ayant exercé des métiers pénibles. De nombreux travaux et études ont été réalisés et les priorités sont connues ; il ne devrait donc pas être compliqué de déterminer des critères objectifs et des moyens de financement adaptés. Pour les nouveaux salariés, les travaux du Cor ont mis en évidence la possibilité d'établir une traçabilité des métiers exercés et de mise en place de bonifications. Ce dossier est urgent car il existe des salariés qui ne peuvent achever leur carrière et pour lesquels aucun dispositif de prise en charge n'est accessible, sauf à passer par une phase de minima sociaux. Tous les éléments d'une solution sont désormais connus ; il est possible de trouver les moyens de reconnaître la pénibilité sans pour autant mettre en difficulté les entreprises.

M. Gérard Rodriguez, conseiller confédéral de la CGT, a rappelé l'hostilité de la CGT au calendrier de l'agenda social annoncé le 15 février 2010 car celui-ci ne permettra pas de vrai débat public ni de partage des connaissances sur le dossier des retraites. Des comparaisons entre les systèmes de retraite du secteur privé et de la fonction publique peuvent certes être effectuées mais il ne faut pas oublier, si l'on souhaite raisonner en terme d'équité, d'y inclure les régimes particuliers des députés et des sénateurs. Chacun des régimes a sa cohérence propre liée notamment aux différences de profil de carrière entre les secteurs public et privé. Par exemple, si l'on calculait la pension à partir du dernier revenu d'activité dans le privé, on pourrait aboutir à une baisse de celle-ci par rapport au mécanisme actuel ; de la même façon, dans le secteur public, une prise en compte des revenus des dix ou vingt-cinq meilleures années aboutirait aussi à une baisse des pensions. Une autre différence est liée à la possibilité de valider un trimestre de cotisations à partir d'un travail équivalent à deux cents heures rémunérées au Smic dans le privé alors que, dans le secteur public, la validation s'appuie sur les services effectifs. Il est donc impératif de bien expliquer les mécanismes applicables aux deux secteurs et de ne pas opposer les salariés entre eux. Si, dans le secteur privé, on avait une véritable sécurité sociale professionnelle empêchant les pertes de salaires ou d'ancienneté, on pourrait envisager un rapprochement avec les règles du secteur public.

La vraie question est en réalité celle du revenu de la retraite à soixante ans. De ce point de vue, un système comme celui des comptes notionnels est très pénalisant car il ne s'intéresse pas au revenu des retraités mais seulement à l'équilibre du régime. Pourrait-on imaginer dans quelques années que, en dehors même de l'impact économique très substantiel que cela aurait, 22 millions de retraités vivent avec le même revenu que les 14 millions de retraités actuels ?

Il n'est donc pas souhaitable de chercher à unifier les régimes mais plutôt de les solidariser car il y a encore beaucoup de marges de progrès pour permettre aux salariés de disposer d'une retraite complète à soixante ans, par exemple en prenant mieux en compte des années d'études ou des périodes de précarité. La maison commune proposée par la CGT doit permettre de travailler sur ces questions et d'inverser la logique de dégradation des droits que l'on constate, comme c'est le cas pour les avantages familiaux. L'idée est donc de solidariser les régimes et les salariés.

Mme Mijo Isabey, conseillère confédérale de la CGT, a insisté sur les difficultés rencontrées par les polypensionnés : la mise en place de la maison commune pourrait faciliter la reconnaissance de leurs droits, de même qu'un retour au calcul des pensions à partir des dix meilleures années. On a, en effet, sous-estimé les conséquences de la réforme Balladur de 1993 sur ce point ; le bilan de cette décision reste donc à faire en mesurant à la fois les conséquences pénalisantes pour les salariés ayant connu des problèmes de carrière ou disposant de bas salaires et, en contrepartie, le coût représenté par le versement du minimum contributif à certains de ces salariés. En revenant aux dix meilleures années, beaucoup de salariés pourraient constituer leurs droits propres à la retraite, en particulier de nombreuses femmes. Des études plus claires, notamment du Cor, seraient utiles sur cette question.

Mme Christiane Demontès, rapporteure, a souhaité connaître les critiques précises opposées par la CGT à un changement de système. La maison commune permettra-t-elle d'envisager un rapprochement des régimes et une meilleure lisibilité, le manque de transparence actuel étant source de débats et d'affrontements entre les salariés ? Peut-on même envisager une réflexion sur l'évolution des régimes spéciaux, dont la justification est parfois moins nette aujourd'hui qu'il y a quelques années ?

M. Eric Aubin a fait observer que le rapport du Cor montre clairement la difficulté de la mise en place d'une réforme systémique. Le système suédois, en particulier, ne répond pas à deux questions fondamentales, à savoir l'âge et le niveau de pension au moment du départ à la retraite. Il ne s'agit pas d'un système à prestations définies car c'est l'espérance de vie qui sert à mesurer le niveau des pensions. Un tel mécanisme est à la fois complexe et incertain ; la crise a d'ailleurs entraîné une baisse des pensions en Suède de 3 %, malgré l'intervention des pouvoirs publics. La priorité est plutôt de redonner confiance au système français actuel qui est viable. Il ne s'agit pas tant de faire une réforme paramétrique que de régler la question du financement des régimes. Il est évident que les choses doivent évoluer si l'on considère qu'il y a de plus en plus de retraités qui vivent plus longtemps mais la question qui se pose aujourd'hui est celle des ressources.

Mme Mijo Isabey a rappelé que la retraite assure le reflet de la vie active. Dans le secteur privé, les salariés disposent d'un contrat de travail qui est rompu au moment de la retraite ; dans le secteur public, les agents sont régis par un statut lié aux missions de service public qui ne s'éteint pas avec la pension. Dans les deux secteurs, on observe aujourd'hui une dégradation de la qualité de l'emploi, par exemple avec le non remplacement des fonctionnaires qui partent à la retraite. Cela justifie donc que soit défini un socle commun de droits autour d'un départ à la retraite à soixante ans et d'un taux de remplacement de 75 %. Les moyens d'y parvenir peuvent ensuite être différents selon les secteurs. La maison commune aurait aussi pour mission de gérer la compensation financière entre les régimes et de travailler sur des questions comme la reconnaissance des années d'études.

M. Jacky Le Menn a demandé des précisions sur la proposition d'une modulation des cotisations en fonction de la masse salariale, solution qui apparait comme particulièrement novatrice en matière de financement de la protection sociale.

M. Guy Fischer est revenu sur le constat de paupérisation programmée des retraités lié à la politique actuelle d'écrasement des salaires et des retraites. Cette question est liée à celle du million de personnes bientôt en fin de droits dont 400 000 ne bénéficieront d'aucune allocation. Est-il possible de pousser un peu plus loin l'analyse sur la notion de « retraités pauvres » dont on estime qu'ils pourraient représenter 15 % des retraités ? Le dossier de la pénibilité doit-il être dissocié ou réglé en préalable à la réforme des retraites ? Pourrait-il entraîner une réforme des retraites « par le bas » ?

M. Alain Vasselle, président, a souhaité savoir si la reconnaissance de la pénibilité pouvait recevoir une solution à travers le système des retraites. Les exonérations de charges sociales sont apparues au moment de la mise en place des trente-cinq heures ; elles étaient donc conditionnées par ce dispositif ; si on les supprime aujourd'hui, comment mettre en place une conditionnalité ? Les salariés disent être prêts à une augmentation des cotisations au titre de la retraite : dans quelles limites une telle hausse pourrait-elle être acceptable ? Les propositions de financement présentées par la CGT sont-elles compatibles avec la viabilité de l'économie ? Enfin, les travaux du Cor ne permettent-ils pas déjà une connaissance partagée du dossier des retraites que la CGT appelle de ses voeux ?

M. Eric Aubin a fait valoir que, pour la CGT, le règlement du dossier de la pénibilité est un préalable à la réforme des retraites. Dans beaucoup de secteurs, on observe un décrochage des salariés à partir de cinquante ans ; dès lors, la possibilité de reculer l'âge légal de la retraite, sauf pour les salariés ayant exercé un métier pénible, n'est pas acceptable. Le Président de la République a proposé la mise en place d'une commission ad hoc sur ce sujet mais on ne connaît ni ses objectifs, ni sa lettre de mission, ni son calendrier. Une telle concertation parallèle n'est pas souhaitable ; en effet, toutes les options ont déjà été présentées et l'heure est à la décision. L'article 12 de la loi Fillon liait implicitement la reconnaissance de la pénibilité à la question des retraites. De fait, la prévention et la réparation ne s'opposent pas ; il faut qu'un dispositif de réparation soit mis en place et financé en s'appuyant sur les politiques de prévention des entreprises. La CGT est hostile aux primes de pénibilité mises en place dans certains secteurs car « la pénibilité ne s'achète pas » mais doit recevoir une reconnaissance collective.

Le bénéfice des exonérations de charges sociales doit impérativement être conditionné à la politique salariale et de l'emploi des entreprises. La demande du Medef de pouvoir bénéficier de nouvelles exonérations pour l'embauche de salariés en fin de droits n'est pas recevable car elle conduira inévitablement à des licenciements pour pouvoir procéder aux embauches exonérées.

Les propositions avancées par la CGT sont compatibles avec l'économie mais il faut reconnaître que certains paramètres sont mal maîtrisés. Par exemple, une hausse de 0,1 point du taux de fécondité permettrait de résoudre la moitié du problème de financement des retraites à l'horizon 2050. Ces propositions sont en tout cas supportables par les entreprises surtout si elles sont mises en regard des bénéfices des entreprises du Cac 40 qui, bien qu'en baisse, restent très confortables, ou des résultats plutôt bons des PME. L'argent disponible doit aller au plus grand nombre, c'est-à-dire les salariés et les retraités, et non à quelques uns. Le scandale est qu'aujourd'hui le salariat ne protège plus de la pauvreté.

M. Gérard Rodriguez a estimé que les salariés n'attendent pas aujourd'hui une meilleure lisibilité, par exemple sur les régimes spéciaux, mais une assurance sur l'âge et le niveau de la retraite. Ils sont, en outre, très attachés au repère de soixante ans, qui n'est pas seulement symbolique car plus de 70 % des nouveaux retraités de 2008 avaient au plus soixante ans à la date de leur départ ; les sondages confortent ce constat : l'âge de soixante ans est le plus souvent mentionné comme celui souhaité pour un départ en retraite. C'est face à ces attentes sur le revenu et l'âge que se fonde l'opposition de la CGT au régime par comptes notionnels car celui-ci ne répond pas à ces deux exigences. Si l'on se situe dans une dynamique positive en matière de retraite, il sera possible de gagner en lisibilité ; en revanche, dans le cadre d'une logique régressive, il sera difficile de faire évoluer les régimes spéciaux. Quoi qu'il en soit, la CGT estime nécessaire que le plus grand nombre de citoyens ait une maîtrise partagée du dossier des retraites.

La proposition de moduler les cotisations des entreprises s'appuie sur le constat que certaines entreprises ont de réelles difficultés tandis que d'autres engrangent des bénéfices exorbitants. Il n'est donc pas absurde d'imaginer une différence de traitement entre ces entreprises, idée qui fait d'ailleurs son chemin y compris parmi les entrepreneurs. Il faut, en outre, souligner que la compensation des exonérations de cotisations est à la charge du budget et donc financée par l'impôt ; il paraît légitime de s'interroger sur une utilisation plus productive de ces sommes, par exemple au profit de l'éducation ou de certains services publics. L'une des raisons de l'attractivité de la France auprès des étrangers est la qualité de ses services publics, il est par conséquent pleinement justifié de vouloir les maintenir et les développer. Cet exemple montre la viabilité économique des propositions de la CGT, à bien des égards plus pragmatiques et plus intéressantes que celles du Gouvernement.

Mme Mijo Isabey est revenue sur la question de la paupérisation des retraités. Il est indispensable qu'existe un minimum de pension dans l'ensemble des régimes, revendication d'ailleurs portée depuis des années par la CGT auprès de l'Arrco. Actuellement, environ 50 % des salariés sont au minimum contributif, du fait de la politique salariale des entreprises qui, par exemple dans le commerce, développent les parts aléatoires de rémunération largement exonérées de cotisations au détriment des salaires. De même, l'arrivée à la retraite de cohortes ayant connu des périodes de chômage et davantage de temps partiel laisse entrevoir une amplification de la tendance à la baisse des pensions, déjà largement entamée à la suite de la réforme de 1993. En matière de pénibilité, il serait préférable de recourir à des mécanismes de retraite anticipée car les régimes de retraite en porteront le coût financier ; si l'on organise des dispositifs de préretraite, il faudrait prévoir un encadrement rigoureux car on pourrait voir apparaître des inégalités de traitement en fonction des branches.

Rendez-vous 2010 pour les retraites - Audition de MM. Jean-Louis Malys, secrétaire national en charge des retraites, et Yves Canévet, secrétaire confédéral de la confédération française démocratique du travail (CFDT)

Puis la mission a procédé à l'audition de MM. Jean-Louis Malys, secrétaire national en charge des retraites, et Yves Canévet, secrétaire confédéral de la confédération française démocratique du travail (CFDT), dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.

M. Jean-Louis Malys a indiqué que les deux rapports du conseil d'orientation des retraites (Cor) prévus pour cette année constituent une base de réflexion très utile, sur laquelle la CFDT compte s'appuyer pour faire valoir sa position. Le premier rapport, présenté en janvier 2010, porte sur les modalités techniques de remplacement du calcul actuel des pensions par les régimes de base d'assurance vieillesse soit par un régime par points, soit par un régime en comptes notionnels. Non seulement le conseil rappelle les caractéristiques du système actuel, mais il analyse aussi la faisabilité d'une transition vers un nouveau système. Le second rapport, qui sera publié à la mi-avril, entend actualiser les projections financières réalisées par le Cor en 2007 afin de tenir compte des conséquences de la crise économique sur les régimes de retraite. Il devrait permettre de distinguer la part conjoncturelle des déficits - directement liée à la dégradation du contexte économique - de la part structurelle - relative aux tendances de fond que sont le vieillissement de la population et l'augmentation de l'espérance de vie.

L'originalité de la CFDT par rapport aux autres organisations syndicales tient à son investissement fort dans la réforme de 2003, ainsi que dans sa participation active aux bilans d'étape quadriennaux prévus par la loi Fillon. Le rendez-vous de 2008 est un semi-échec, dans la mesure où les véritables problèmes n'ont pas été abordés. La CFDT considère que le rendez-vous de 2010 est utile mais craint que la question d'une réforme en profondeur du système ne soit éludée. Elle plaide donc pour un grand débat démocratique, sous la forme d'un « Grenelle des retraites », qui permettrait non seulement de traiter le sujet des retraites, mais aussi de thèmes plus globaux comme le vieillissement, la dépendance ou la santé. Le système de retraite français, mis en place après la Seconde Guerre mondiale, nécessite de profonds changements car il n'est plus adapté à la société actuelle.

Pour le rendez-vous de cette année, la CFDT poursuit quatre objectifs :

- trouver des solutions pérennes au problème du financement du système de retraite. Le choix d'une simple réforme comptable, qui consisterait seulement à modifier les paramètres actuels, risquerait d'aboutir à un nouveau rafistolage ;

- lier la question des retraites à celle de l'emploi, en particulier des jeunes et des seniors ;

- redonner confiance aux Français dans leur système de retraite, surtout aux jeunes générations qui s'attendent à bénéficier d'un niveau de pension moindre que celui de leurs parents et grands-parents ;

- mettre en oeuvre une réforme juste qui remédie aux nombreuses inégalités du système actuel : inégalités d'espérance de vie, inégalités hommes-femmes, inégalités de parcours professionnel, etc. Leur résorption est une priorité ; la réforme ne sera efficace que si elle est juste.

La CFDT s'oppose au report de l'âge de la retraite car cette mesure ne ferait qu'accroître les injustices existantes, en sanctionnant ceux qui ont commencé à travailler jeunes. Le système de retraite ne doit plus être figé sur le critère de l'âge ; il doit, au contraire, permettre le libre choix du départ à la retraite. Les salariés ont, en effet, des aspirations différentes concernant leur âge de départ, dont il faut tenir compte. S'agissant de l'équilibre financier du système, il est évident qu'il faudra travailler plus longtemps. L'augmentation de la durée de cotisation est l'un des moyens d'y parvenir, mais encore faut-il que les carrières professionnelles permettent de cotiser plus longtemps ; ce qui pose la question de l'entrée des jeunes sur le marché du travail et du maintien dans l'emploi des seniors. Par ailleurs, de nouveaux financements ne sont pas à exclure, comme l'utilisation du fonds de réserves pour les retraites (FRR).

M. Dominique Leclerc, rapporteur, a fait remarquer que la crise économique a au moins le mérite de révéler les faiblesses du système de retraite. Certes, une évolution des paramètres s'impose, mais celle-ci ne réglera pas le problème du financement à long terme. Afin de pérenniser les régimes de retraite et redonner confiance dans le système, il est indispensable de rapprocher progressivement les différents paramètres pour l'ensemble des assurés. Par quels moyens peut-on évoluer vers plus de justice, de transparence et de lisibilité ? Le mécanisme des comptes notionnels permet-il de parvenir à ces objectifs ?

M. Jean-Louis Malys a signalé que la position de la CFDT sur la possibilité d'une réforme systémique n'est pas complètement arrêtée ; elle le sera sans doute à l'occasion du congrès qui doit se tenir à Tours en juin 2010. En revanche, il n'est pas question d'écarter cette hypothèse a priori comme certains le font. Le système actuel étant à bout de souffle, il est logique de s'interroger sur la pertinence du passage à un nouveau système. Les règles actuelles pénalisent en effet un trop grand nombre d'assurés, par exemple les fonctionnaires ayant moins de quinze ans de services, les polypensionnés, les salariés touchant des revenus modestes. La question d'une réforme systémique intéresse particulièrement les jeunes générations pour qui le système actuel est illisible et injuste.

Toute la difficulté consiste, en fait, à trouver un système qui maintienne le principe de répartition, tout en étant financièrement attractif. La technique des comptes notionnels permet d'y parvenir :

- non seulement elle garantit que les retraites seront gérées par répartition, mais elle assure aussi l'équilibre financier du système à long terme ;

- elle rend plus transparents et plus équitables les mécanismes de solidarité. Force est de constater qu'en France, les avantages non contributifs liés à la retraite sont profondément injustes. Ainsi, les majorations de durée d'assurance (MDA) ne sont d'aucun apport pour les femmes ayant eu des carrières complètes, les majorations pour trois enfants et plus profitent avant tout aux hommes et aux assurés les plus aisés, l'allocation volontaire des parents au foyer (AVPF) a pour effet pervers d'éloigner les femmes du marché du travail. La redistribution s'effectue donc à l'envers ;

- elle offre la possibilité de redéfinir le financement de la protection sociale, en réorganisant le fléchage des solidarités. Par exemple, il pourrait être envisagé que les caisses responsables de l'indemnisation du chômage alimentent les caisses de retraite.

Toutefois, il faut avoir conscience qu'un système en comptes notionnels comporte aussi des inconvénients. Il pourrait donc être imaginé un modèle hybride, adapté à notre société. Par ailleurs, sachant que le taux de remplacement va inéluctablement baisser dans les décennies à venir, le développement d'un système d'épargne collectif et sécurisé pour l'ensemble des salariés ne doit pas être négligé. Quelle que soit la voie choisie, toute réforme en profondeur du système demande du temps et du courage politique. En aucun cas, elle ne doit être l'occasion de dresser les assurés les uns contre les autres. Ce risque existe actuellement, les fonctionnaires ayant le sentiment de passer pour des boucs émissaires. Avec la révision générale des politiques publiques, ils font déjà face à une situation difficile ; ce n'est pas le moment de remettre en cause leurs retraites. Enfin, si l'on décide d'autoriser les fonctionnaires à cotiser sur leurs primes, cela risque de coûter très cher à leurs employeurs que sont l'Etat, les collectivités territoriales et les hôpitaux.

Après avoir insisté sur le caractère complexe et illisible du système actuel, Mme Christiane Demontès, rapporteure, a demandé sur quels points la CFDT souhaite qu'il y ait des avancées à l'occasion du rendez-vous de 2010.

M. Jean-Louis Malys a insisté sur trois priorités :

- la première est la prise en compte de la pénibilité. Alors que la CFDT a pris l'initiative en 2007 de relancer les négociations, celles-ci se sont soldées par un échec en juillet 2008. Pourtant, les partenaires sociaux étaient parvenus à un accord s'agissant, d'une part, du volet prévention, d'autre part, de la définition des critères de pénibilité. Il est aujourd'hui indispensable de reprendre les négociations là où elles se sont arrêtées ;

- la deuxième est le règlement de la question des polypensionnés. Ce statut est en effet en train de se banaliser du fait de la plus grande diversité des parcours professionnels - beaucoup de fonctionnaires sont d'abord passés par le privé ; le système de retraite doit dorénavant prendre en compte cette évolution ;

- la troisième est la résorption des nombreuses injustices du système, précédemment évoquées.

La question de l'épargne salariale ne doit pas non plus être oubliée. Il est hypocrite d'affirmer que le pilier assurantiel ne doit pas exister ; le choix d'épargne est une décision personnelle respectable. Certes, beaucoup de dispositifs ont déjà été mis en place pour développer l'épargne retraite, mais ils profitent avant tout aux plus favorisés. L'objectif est donc de les rendre accessibles au plus grand nombre et de les sécuriser.

M. Guy Fischer a déploré que le débat actuel sur les retraites soit l'occasion d'une attaque sans précédent contre les fonctionnaires, alors que ceux-ci sont garants de la solidarité et de l'intérêt général.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe a demandé des précisions sur les nouvelles sources de financement du système de retraite envisagées par la CFDT.

Mme Muguette Dini a souhaité savoir quel pourrait être le calendrier d'une réforme systémique.

M. Alain Vasselle, président, a demandé si le diagnostic de la CFDT sur l'opportunité d'une réforme systémique est partagé par les autres partenaires sociaux. La CFDT ne se sent-elle pas isolée ?

M. Jean-Louis Malys a insisté sur le fait que la CFDT n'est pas, sur le principe, opposée à la mise en oeuvre d'une réforme de la fonction publique. Ce qu'elle déplore, c'est la méthode utilisée par l'exécutif qui consiste à ne pas renouveler un fonctionnaire sur deux, à réorganiser les services sans concertation et souvent pour un résultat peu pertinent. Autrement dit, une sorte de machine infernale contre les fonctionnaires est à l'oeuvre. Sur la question du financement, il faut rappeler l'importance du principe de contributivité : les retraites doivent avant tout être le reflet des cotisations versées par les assurés au cours de leur vie professionnelle. Les aléas de carrière (maladie, chômage) doivent, quant à eux, être financés via des transferts entre caisses. Etant donné l'aggravation du déséquilibre démographique, une augmentation des cotisations retraite, comme le prévoyait la loi de 2003, ne doit pas non plus être écartée. Il pourrait également être envisagé d'élargir l'assiette des cotisations à d'autres revenus, à condition que les cotisations continuent à reposer prioritairement sur les salaires.

M. Yves Canévet a indiqué que, avec la crise économique, le rendement d'un point de contribution sociale généralisée (CSG) sur les revenus de capitaux a diminué de 18 %, passant de 1,35 milliard à 1,11 milliard d'euros.

M. Jean-Louis Malys a insisté sur la nécessité de maintenir le lien entre salaire et retraite, le salaire étant le revenu intrinsèquement le plus stable. Cela n'empêche toutefois pas que les cotisations retraite reposent pour partie sur d'autres types de revenus. S'agissant du calendrier de la réforme, il est évident qu'une réforme systémique suppose une temporalité assez longue ainsi qu'un effort de pédagogie. La plupart des pays qui ont choisi cette voie, comme la Suède, ont tous pris un peu de hauteur de vue. La CFDT avait donc souhaité que la réforme des retraites donne lieu à un très large débat, étalé dans le temps. Chacun sait que les résultats des mesures prises en matière de retraite sont, de toute façon, longs à se faire sentir et qu'il n'y a donc pas d'inconvénient à préparer sereinement la réforme pour tenter de parvenir à un consensus national. Dès lors qu'on semble s'orienter vers une réforme purement paramétrique sans aucune réflexion sur les questions de justice sociale, la CFDT s'y opposera. Elle ne s'estime pas isolée dans la mesure où elle ressent une attente profonde de changement de système, notamment chez les jeunes. Il est intéressant d'observer que les décideurs en matière de retraite sont pour la plupart proches de l'âge de la retraite et restent encore marqués par un mode de fonctionnement du système, qui était celui de la période dite « des trente glorieuses », caractérisé notamment par des carrières linéaires. Il est particulièrement inquiétant de constater, dans les sondages d'opinion, que les jeunes ont perdu confiance dans la répartition et considèrent la capitalisation comme plus efficace. Par ailleurs, l'objectif pour la CFDT ne consiste pas simplement à se positionner par rapport au rendez-vous de 2010, mais aussi à réfléchir à horizon plus lointain. Enfin, les possibilités de rapprochement avec les autres partenaires sociaux sont plus ouvertes qu'on ne le dit parfois.

Rendez-vous 2010 pour les retraites - Audition de MM. Julien Guez, chef du service Retraites et prévoyance de la direction de la protection sociale, et Guilllaume Ressot, directeur des affaires publiques du mouvement des entreprises de France

La mission a enfin procédé à l'audition de MM. Julien Guez, chef du service Retraites et prévoyance de la direction de la protection sociale, et Guillaume Ressot, directeur des affaires publiques du mouvement des entreprises de France (Medef), dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.

M. Julien Guez, chef du service Retraites et prévoyance de la direction de la protection sociale du Medef, a estimé que la situation actuelle du système de retraite est particulièrement préoccupante : actuellement, 10 % des retraites ne sont pas financées ; le déficit de la branche vieillesse du régime général devrait atteindre 10 milliards d'euros en 2010. Dans ses dernières prévisions, le conseil d'orientation des retraites (Cor) évaluait ce déficit annuel à 25 milliards en 2020 et à 70 milliards en 2050. Compte tenu de la crise économique, le déséquilibre pourrait même atteindre 100 milliards en 2050. La situation de court terme s'est donc dégradée, tandis que les perspectives à plus longue échéance sont plus sombres encore, sous l'effet de l'arrivée à l'âge de la retraite des générations du baby-boom et de l'allongement de l'espérance de vie, qui a augmenté de dix ans depuis les années 1960 et va continuer à croître. Dans ce contexte, le nombre de cotisants pour un retraité est passé de quatre, dans les années 1960, à 1,8 aujourd'hui et devrait chuter à 1,5 en 2020 puis 1,2 en 2050.

Face à cette situation, le Medef souhaite la mise en oeuvre d'une réforme durable et non un simple ajustement. Le nombre de leviers d'action est limité : soit on demande davantage aux actifs pour assurer le paiement des pensions, soit on donne moins aux retraités, soit on modifie le rapport entre le nombre d'actifs et le nombre de retraités.

Il n'existe pas de marges de manoeuvre substantielles pour augmenter le niveau des prélèvements ou les cotisations, dès lors que la France se situe au quatrième rang des pays de l'OCDE pour le niveau de ses prélèvements et de ses cotisations et au deuxième rang pour le niveau des cotisations employeurs. La diminution des pensions n'est pas non plus une solution acceptable si l'on aspire à sauver le régime de retraite par répartition. Dans ces conditions, la solution la plus juste du point de vue de l'équité intergénérationnelle consisterait à allonger la durée d'activité, l'augmentation de l'espérance de vie permettant de travailler plus longtemps.

L'accroissement de la durée d'activité peut passer par l'allongement de la durée de cotisation ou le recul de l'âge minimal de départ. Le recul de l'âge minimal a un effet plus important sur l'équilibre des comptes à court terme et est moins défavorable que l'allongement de la durée de cotisations pour les femmes et pour les jeunes générations qui entrent tardivement sur le marché du travail. Au contraire, l'accroissement de la durée de cotisation nécessaire pour avoir une retraite à taux plein est plus efficace à long terme et ne pénalise pas ceux qui sont près de la retraite et ceux qui entrent tôt sur le marché du travail.

L'allongement de la durée d'activité, qui devrait être opéré de manière progressive comme l'ont été les réformes conduites à l'étranger, aura un impact sur le taux d'emploi des seniors. Ce taux n'est aujourd'hui que de 38 % pour les cinquante-cinq/soixante-quatre ans, mais ce chiffre global masque d'importantes différences entre les catégories d'âge puisque la France a un excellent taux d'emploi des cinquante/cinquante-quatre ans. Ce niveau d'emploi diminue pour les cinquante-cinq/cinquante-neuf ans et s'effondre pour les soixante/soixante-quatre ans. L'âge légal de départ joue évidemment un rôle dans ce phénomène. Le faible taux d'emploi des seniors est également dû au développement massif des préretraites à partir des années 1980 pour lutter contre le chômage.

En ce qui concerne l'éventualité d'une réforme systématique consistant à passer d'un régime par annuités à un régime par points ou en comptes notionnels, le dernier rapport du Cor a montré qu'une telle réforme est possible, qu'elle nécessite un délai de transition assez long, d'une dizaine d'années environ, et enfin, qu'elle ne règle pas à elle seule le problème de financement du système. Un régime par points ou en comptes notionnels serait sans doute plus lisible pour les assurés et plus facile à piloter par les gestionnaires. Il serait cependant nécessaire de le paramétrer, tout comme le régime par annuités. Ainsi, il faudrait débattre de la conservation des mécanismes non contributifs actuels et de leur financement ainsi que du champ de ce nouveau régime. Faudrait-il unifier tous les régimes de base, publics et privés, ou l'ensemble des régimes du privé, de base et complémentaires ? Il faudrait enfin statuer sur l'organisation de la gouvernance du nouveau système. Dans ces conditions, une réforme systémique peut être envisagée, mais l'objectif immédiat doit être d'assurer la soutenabilité du système de retraite.

Le rendez-vous 2010 devrait aborder la question de la constitution d'un supplément de retraite par capitalisation. Les projections du Cor montrent que les règles actuelles de calcul des pensions vont conduire à une diminution des taux de remplacement. Le développement de la capitalisation pourrait permettre de stabiliser le taux de remplacement.

La pénibilité du travail doit être prise en compte en fonction de critères objectifs et individualisés. La définition de catégories larges susceptibles d'être concernées par la pénibilité reviendrait à recréer des systèmes de préretraite ou des régimes spéciaux. Il convient qu'une commission médicale ad hoc apprécie l'impact de la vie professionnelle sur la situation de santé objective du salarié pour déterminer si la pénibilité doit être compensée.

M. Dominique Leclerc, rapporteur, a demandé si les mesures prises en faveur de l'emploi des seniors produisent les effets attendus. Il s'est aussi interrogé sur les moyens de favoriser une insertion plus rapide des jeunes sur le marché du travail.

Mme Christiane Demontès, rapporteure, a fait valoir que la France se caractérise encore par une entrée tardive des jeunes sur le marché du travail et une sortie précoce des seniors, par le biais notamment des ruptures conventionnelles. S'il est manifeste qu'une réforme paramétrique est nécessaire en 2010, peut-on considérer qu'un changement de système pourrait être utile et envisageable à plus long terme ?

M. Julien Guez a estimé que la priorité doit être d'assurer la soutenabilité à court, moyen et long termes du système. Un éventuel changement de régime ne pourrait quant à lui s'inscrire que dans une perspective de moyen ou de long terme.

En ce qui concerne la politique de l'emploi, il convient d'abord de constater que la situation est actuellement difficile pour l'ensemble des salariés et pas seulement pour les seniors. Une politique volontariste d'emploi des seniors doit être conduite simultanément avec un allongement de la durée d'activité. Quant à l'insertion professionnelle des jeunes, la priorité est de limiter le délai entre la fin des études et le premier emploi stable, dès lors que l'allongement de la durée des études est un facteur d'évolution positif. En définitive, l'amélioration de l'emploi est un élément essentiel de la soutenabilité du système de retraites mais ne saurait suffire à rétablir l'équilibre des comptes. En 2007, en prenant pour hypothèse un taux de chômage de 4,5 % entre 2015 et 2050, le Cor prévoyait néanmoins un déficit annuel de 70 milliards d'euros en 2050.

M. Jacky Le Menn a demandé si la modulation des cotisations en fonction du rapport entre masse salariale et valeur ajoutée constituerait une piste de réforme possible pour améliorer le financement des retraites. Il a noté que plusieurs des organisations entendues par la mission ont critiqué la multiplication des exonérations de charges ne s'accompagnant pas de créations nettes d'emploi.

M. Guy Fischer a souhaité savoir si le développement de la capitalisation ne risque pas d'aggraver les inégalités qui pèsent déjà sur les plus modestes.

M. Alain Vasselle, président, revenant sur la question d'un éventuel développement de la capitalisation, s'est interrogé sur la pertinence de la réforme conduite en Allemagne sous l'impulsion de Walter Riester. Il a souhaité connaître le sentiment du Medef sur le lien entre pénibilité et retraite et sur les possibilités d'élargir l'assiette de financement du système de retraite.

M. Julien Guez a tout d'abord noté que l'assiette de financement de la protection sociale a donné lieu à des travaux importants en 2006 sous l'égide du Centre d'analyse stratégique. Ces études ont montré qu'aucune formule de financement de la protection sociale ne cumule l'ensemble des avantages qui peuvent en être attendus. Modifier l'assiette de financement revient, en fait, à mettre en oeuvre un mode de prélèvement différent sur le Pib sans nécessairement résoudre les déséquilibres financiers existants. En ce qui concerne les exonérations de charges, une étude du conseil d'orientation pour l'emploi (COE) a montré que leur disparition conduirait à la suppression de 800 000 emplois.

Le développement de la capitalisation ne creuserait pas nécessairement les inégalités si cette possibilité était ouverte au plus grand nombre. En l'absence de toute évolution, les projections du Cor montrent que le taux de remplacement baissera de 10 % entre 2006 et 2050. La réforme allemande des retraites est très intéressante, dans la mesure où elle a consisté à modifier de manière limitée le taux de cotisations, à prévoir une diminution, elle aussi mesurée, du taux de remplacement et à accroître la durée d'activité en portant de manière très progressive l'âge de départ à la retraite de soixante-cinq à soixante-sept ans. L'incitation à la capitalisation réalisée parallèlement doit permettre à ceux qui le souhaitent de stabiliser le taux de remplacement. 13 millions d'Allemands recourent aujourd'hui à ce système.

La question de la pénibilité, selon l'agenda présenté par le Président de la République, doit être traitée parallèlement à la question des retraites, et non dans le même cadre de négociation. Si l'on s'en tient à l'aspect financier, qui n'est pas le seul à devoir être pris en compte, il convient de garder à l'esprit ce qui s'est produit à l'occasion de la réforme des retraites de 2003. L'allongement de la durée de cotisation s'est accompagné d'une mesure spécifique pour les carrières longues qui a conduit à 100 000 départs par an et a coûté 10 milliards d'euros. Dans le même temps, l'allongement de la durée de cotisation n'a qu'un effet modéré à court terme, de sorte que cette réforme n'a pas été suffisante pour équilibrer les comptes.

L'âge légal de départ en retraite à soixante ans empêche aujourd'hui l'augmentation de la durée d'assurance de produire ses pleins effets, dès lors qu'un grand nombre de salariés disposent de la durée d'assurance nécessaire lorsqu'ils atteignent l'âge de soixante ans. En 2007, le Cor a estimé que l'augmentation de la durée d'assurance prévue par la loi de 2003 conduira à un report de 0,2 an seulement de l'âge effectif de départ à la retraite. A court terme, le report de l'âge légal de départ à la retraite est un levier plus puissant que la durée d'assurance pour parvenir à l'équilibre des comptes.

Rendez-vous 2010 pour les retraites - Audition de M. Dominique Libault, membre du conseil d'orientation des retraites (Cor), directeur de la sécurité sociale

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la mission a procédé à l'audition de M. Dominique Libault, membre du conseil d'orientation des retraites (Cor), directeur de la sécurité sociale, dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.

M. Dominique Libault a rappelé que la situation financière des régimes de retraite est particulièrement difficile et que, s'il n'existe pas de consensus sur la réforme à conduire, chacun peut s'accorder au moins sur le constat selon lequel un régime de retraite par répartition ne peut pas durablement être en déséquilibre, dans la mesure où cela revient à répartir de l'argent qu'on n'a pas. La sauvegarde du système de répartition implique de trouver les moyens d'équilibrer les comptes à moyen terme. La situation actuelle conduit un grand nombre d'assurés, notamment parmi les jeunes, à douter de la protection que leur apporte le régime de retraite.

Les déficits constatés aujourd'hui sont pour partie structurels mais ont été aggravés par la crise économique qui a privé les régimes de recettes immédiates. Alors qu'il était prévu d'affecter des cotisations chômage à la branche vieillesse, ce transfert n'a pas pu être réalisé compte tenu de la dégradation de la situation de l'emploi. Le Cor va prochainement publier de nouvelles prévisions, qui ne pourront qu'être plus dégradées que celles réalisées en 2007. Cela dit, le système dispose de capacités d'adaptation. Il faut rappeler que les pensions représentent chaque année 195 milliards d'euros pour les régimes de base et 80 milliards pour les régimes complémentaires, soit au total 280 milliards.

L'objectif prioritaire du rendez-vous 2010 doit être le rétablissement durable de l'équilibre financier des régimes. Les moyens pour y parvenir sont l'accroissement des recettes, la diminution des dépenses et la modification du rapport entre durée de vie active et durée de vie inactive. Il est légitime d'examiner toutes les solutions possibles. Mais ce rendez-vous intervient après d'autres réformes conduites en 1993, 2003 et 2007, ce qui suscite des interrogations sur l'avenir du système. Ces craintes méritent d'être relativisées, dans la mesure où, au cours des vingt dernières années, le niveau de vie des retraités est resté proche de celui des actifs en moyenne, malgré les modifications des paramètres de calcul des pensions. Si l'on prend en compte le patrimoine, ce qui n'est pas illégitime dès lors qu'un grand nombre d'actifs éprouvent aujourd'hui d'importantes difficultés pour se loger, le niveau de vie des retraités est légèrement supérieur à celui des actifs. Cette situation moyenne masque cependant de grandes disparités et de nombreux retraités ont des pensions très faibles.

En ce qui concerne les comparaisons internationales, la France offre des taux de remplacement plutôt de bon niveau comparés à ceux de l'ensemble des pays de l'OCDE, ainsi que des conditions de départ parmi les plus généreuses. Tous les systèmes étant complexes, les comparaisons globales ne sont cependant pas aisées.

Le rendez-vous 2010 devra prendre en compte les effets et insuffisances des précédentes étapes. L'une des limites de la réforme de 2003 est qu'elle n'a que peu fait évoluer la situation de l'emploi des seniors. Dans ces conditions, des mesures plus contraignantes ont été prévues à l'occasion du rendez-vous 2008, les entreprises se voyant contraintes de mettre en oeuvre des plans pour l'emploi des seniors sous peine de taxation. Un grand nombre d'accords sont actuellement passés et les choses semblent évoluer lentement. Le nombre des surcotes tend à augmenter lors des liquidations de pensions. Une modification des curseurs relatifs à la durée d'activité a forcément des conséquences sur les comportements des employeurs. Néanmoins, des progrès ne seront véritablement possibles en matière d'emploi des seniors que si les conditions de travail s'améliorent dans les entreprises pour prévenir les situations de pénibilité.

M. Alain Vasselle, président, s'est interrogé sur la pertinence des propositions formulées par certaines organisations professionnelles pour rééquilibrer le système de retraite : augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) et transfert de cotisations de la branche maladie vers la branche vieillesse, modulation des cotisations en fonction du rapport entre masse salariale et valeur ajoutée, remise en cause des exonérations de cotisations... Par ailleurs, il s'est demandé si des solutions sont prévues pour combler le déficit du fonds de solidarité vieillesse (FSV), qui a été privé d'une partie de ses recettes de CSG, et si le fonds de réserve des retraites (FRR) peut présenter une utilité quelconque pour rééquilibrer les régimes de retraites s'il ne fait l'objet d'aucun abondement.

M. Dominique Leclerc, rapporteur, a tout d'abord rappelé que le FRR devait recevoir les excédents de la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) et une partie des produits des privatisations. Il a demandé s'il ne serait pas opportun, face à la multiplicité des caisses et des régimes, d'opérer des rapprochements et de faire converger les paramètres.

Mme Christiane Demontès, rapporteure, a souhaité obtenir des précisions sur les paramètres qui seront les plus pertinents à utiliser pour rétablir l'équilibre des comptes des régimes de retraite. Par ailleurs, même si les salariés sont plus intéressés par le niveau de leur retraite que par la lisibilité du système, n'est-il pas souhaitable d'en simplifier et d'en clarifier l'architecture ? Enfin, les questions de santé au travail et de pénibilité devraient-elles être traitées dans le cadre de la réforme des retraites ou de manière séparée ?

M. Dominique Libault a tout d'abord observé qu'il est possible de rechercher une répartition différente des sources de financement de la protection sociale, mais qu'il devient difficile de trouver des domaines où les besoins de financement sont moins prégnants que dans d'autres secteurs. Certes, il serait possible de fiscaliser davantage les recettes de la branche maladie pour augmenter le financement contributif de la branche vieillesse, mais il pourrait aussi bien être envisagé d'affecter des recettes fiscales à la vieillesse pour faire en sorte que les avantages non contributifs encore financés par la Cnav ne le soient plus. Cependant, toute décision d'augmentation des prélèvements obligatoires devra prendre en compte son impact éventuel sur la croissance. La modulation des cotisations en fonction du rapport entre masse salariale et valeur ajoutée est une idée intéressante, mais qui serait source de complexité de calcul pour les entreprises et ne serait pas porteuse de recettes supplémentaires, n'étant qu'une modalité différente de calcul des cotisations. Quant aux exonérations de charges, quelques évolutions sont sans doute possibles, mais les recettes qui peuvent en être attendues ne sont pas à la hauteur des enjeux. Les niches sociales ont fait l'objet de nombreuses mesures d'encadrement ou de limitation, notamment par la mise en place du forfait social. En réalité, au cours des vingt dernières années, les niches fiscales se sont multipliées dans des proportions beaucoup plus importantes que les niches sociales. La direction de la sécurité sociale est, par ailleurs, tout comme le Sénat, vigilante sur la compensation par l'Etat des exonérations. Certaines évolutions, comme la soumission pleine et entière aux cotisations de l'intéressement ou de la participation, rapporteraient des sommes importantes, mais constitueraient une rupture par rapport aux politiques conduites jusqu'à présent.

Pour la convergence entre régimes, beaucoup reste à faire, mais l'idée d'une fusion totale laisse sceptique. L'enjeu essentiel est d'assurer la pérennité d'un système dans lequel les assurés ont leurs repères, même s'il est souhaitable de leur délivrer des informations plus complètes, comme on a commencé à le faire avec la constitution du groupement d'intérêt public (Gip) Info-retraite. A titre d'exemple, le système de retraite progressive, très peu connu et utilisé, est un semi-échec.

Enfin, si pénibilité et retraite sont deux sujets distincts, néanmoins ils s'influencent. Il est indispensable d'améliorer la prévention de la pénibilité.

M. Dominique Leclerc, rapporteur, revenant sur la question de la convergence des régimes, a souhaité obtenir des informations sur le bilan de la création du régime social des indépendants (RSI).

M. Dominique Libault a rappelé que cette réforme a consisté à fusionner trois caisses, la caisse autonome nationale de compensation des assurances vieillesse artisanale (Cancava), l'organisation autonome nationale de l'industrie et du commerce (Organic) et la caisse nationale d'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles (Canam) au sein d'un régime unique. Cette évolution réussie s'est accompagnée de la création de l'interlocuteur social unique (Isu), destiné à faire assurer par les Urssaf le recouvrement de l'ensemble des cotisations. Cette dernière réforme s'est heurtée à de nombreuses difficultés, liées notamment à l'incompatibilité des systèmes informatiques, qui ont conduit à une dégradation de la qualité du service public. De nombreux efforts sont encore nécessaires pour mettre fin à ces anomalies qui n'ont aucun lien avec la création du RSI.

M. Alain Gournac a souhaité savoir si d'autres fusions de régimes sont possibles et envisagées.

M. Dominique Libault a indiqué que les évolutions les plus courantes consistent à adosser certains régimes à d'autres sans pour autant modifier les critères de service des pensions.

M. Guy Fischer s'est interrogé sur les moyens de financer, dans de bonnes conditions, les dépenses liées à la maladie, à la retraite et à la dépendance.

M. Dominique Libault a alors estimé que des marges existent encore pour améliorer le financement des régimes de retraites. En ce qui concerne la maladie, l'enjeu essentiel est celui de l'amélioration de l'efficience. Autant le système de retraite n'est qu'un mécanisme constitué de prélèvements et de droits qu'il faut tenter de faire coïncider, autant dans le domaine de la maladie l'efficience de la dépense joue un rôle considérable et peut être substantiellement améliorée. Quant à la dépendance, il s'agit naturellement d'un sujet inéluctable. D'ores et déjà, des efforts importants sont réalisés, qui se manifestent à travers le rythme d'augmentation de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) médico-social. La difficulté est d'anticiper les arbitrages que feront dans l'avenir les personnes dépendantes. Il est difficile de savoir combien de places seront nécessaires en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) à l'avenir, dès lors qu'un nombre important de personnes pourraient préférer le maintien à domicile avec les aides nécessaires.

M. Alain Vasselle, président, s'est demandé si les nouvelles projections du Cor apporteront des éléments fondamentalement nouveaux permettant d'orienter les décisions à venir. En ce qui concerne les mesures destinées à maintenir les seniors dans l'emploi, n'y a-t-il pas lieu d'aller plus loin que ce qui a été fait jusqu'à présent ?

M. Dominique Libault a fait valoir qu'il est encore trop tôt pour mesurer l'efficacité des mesures prises pour l'emploi des seniors. Il a constaté la persistance de nombreux départs à la retraite négociés avant l'âge légal de départ, qui laissent à penser que des progrès sont encore possibles.

M. Alain Gournac a relevé qu'un grand nombre de personnes prennent leur retraite de manière précipitée parce qu'elles redoutent les effets des réformes sur leur propre situation.

M. Dominique Libault a alors noté que les réformes sont toujours progressives et ne portent guère sur les générations les plus proches de la retraite.

Les nouvelles projections du Cor n'apporteront certainement pas des révélations extraordinaires et inattendues, mais elles éclaireront les pouvoirs publics sur le niveau d'effort à accomplir pour assurer la pérennité du système de retraite par répartition.

Rendez-vous 2010 pour les retraites - Audition de MM. Gérard Pelhate, président, et Denis Nunez, directeur de la protection sociale,et de Mme Marie-Christine Bille-Merieau, responsable des relations parlementaires de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole

Puis la mission a procédé à l'audition de MM. Gérard Pelhate, président, et Denis Nunez, directeur de la protection sociale, et de Mme Marie-Christine Bille-Merieau, responsable des relations parlementaires de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.

M. Gérard Pelhate a tout d'abord rappelé l'histoire du régime de retraite des non salariés agricoles, marquée par la volonté politique de diminuer le nombre des exploitations en France. Cette décision a très vite créé un déséquilibre démographique entre actifs et inactifs, contrairement aux autres régimes qui ne sont confrontés à cette évolution que depuis quelques années. En outre, les personnes qui sont ainsi sorties de l'activité, soit environ 1,3 million, avaient peu d'ancienneté de cotisation et connaissaient des carrières inégales et incomplètes, ce qui explique les plans successifs de revalorisation des petites pensions.

Aujourd'hui, le fonds de financement des prestations sociales des non salariés agricoles (Ffipsa) a été supprimé dans des conditions satisfaisantes, sauf en ce qui concerne le risque vieillesse pour lequel un besoin de financement de 1,4 milliard d'euros reste à la charge de la trésorerie de la MSA chaque année. La bonne gestion de la caisse devrait en revanche permettre cette année une compensation vers les autres caisses au titre du risque maladie.

Les retraites des non salariés agricoles sont composées de deux parts :

- l'une, forfaitaire et d'un montant maximum de 3 153 euros par an, représente une somme commune à tous les bénéficiaires qui remplissent la condition de durée de cotisation correspondant à leur génération. Cette part joue un rôle de solidarité à l'intérieur du régime ;

- l'autre, proportionnelle et par points, varie en fonction des revenus et correspond donc à la contributivité propre de chacun au régime.

Cette architecture générale pourrait servir d'exemple pour une réforme des autres régimes. Plus généralement, des régimes par points ou en comptes notionnels permettraient de résoudre un certain nombre de situations auxquelles les dispositifs actuels n'apportent pas de réponse satisfaisante, notamment pour les polypensionnés et les salariés connaissant des petites périodes d'activité, inférieures aux deux cents Smic nécessaires pour valider un trimestre. Il serait important de tenir compte des particularités du monde agricole en la matière, avec la saisonnalité du travail ou la phase de démarrage d'une exploitation. En outre, le régime agricole prend en considération toute la carrière pour la liquidation de la pension et la fixation de cette référence unique pour l'ensemble des régimes résoudrait un certain nombre d'inégalités.

Par ailleurs, le basculement vers un nouveau système devrait être rapide, sans période de transition excessive, en convertissant les éléments de carrière déjà effectués.

Enfin, la lisibilité de la contributivité est inexistante dans le monde agricole, les assurés étant focalisés sur le taux de cotisation de 43 %, qui correspond à l'ensemble des risques mais qui est souvent considéré comme confiscatoire. De ce fait, les agriculteurs, souvent aidés de conseillers en gestion, ont tendance à optimiser l'assiette fiscale : cette réduction a une conséquence directe sur le niveau des pensions au moment de la liquidation. En outre, les dispositifs de défiscalisation entraînent des phénomènes de surinvestissement, parfois déconnectés des besoins réels de l'exploitant.

M. Dominique Leclerc, rapporteur, a rappelé l'existence de solidarités internes au régime des non salariés agricoles, qui connaît par ailleurs d'importantes spécificités. Dans ce contexte, il est essentiel d'apurer et de stabiliser son financement, à la suite de la suppression du Ffipsa. En outre, le niveau de certaines retraites agricoles reste indigne et il sera nécessaire d'assurer un minimum viable pour les pensionnés. Enfin, les revenus du secteur ont dramatiquement chuté ces deux dernières années, phénomène qu'aucun autre corps social n'aurait pu supporter ; quelles sont ses répercussions sur les équilibres financiers de la MSA ?

Mme Christiane Demontès, rapporteure, a souhaité avoir des précisions sur les particularismes du régime des non salariés agricoles, notamment sur le dispositif de la retraite complémentaire obligatoire (RCO).

M. Gérard Pelhate a estimé que la phase transitoire actuelle, dans laquelle la MSA finance, par une ligne de trésorerie, le besoin de financement de 1,4 milliard d'euros du risque vieillesse, hérité de la suppression du Ffipsa, ne peut pas durer. De manière générale, la situation du secteur agricole, avec ses crises et sa démographie, nécessite de compléter les cotisations par la solidarité nationale. Par ailleurs, les agriculteurs hésitent souvent à demander l'octroi des minima sociaux, qui restent assez étrangers à la culture traditionnelle du secteur. Enfin, pour les salariés agricoles, l'appel à cotisations est le même que dans le régime général.

M. Denis Nunez, directeur de la protection sociale, a ensuite apporté des précisions techniques sur les différentes parts de la retraite agricole, en notant qu'une différence avec le régime général réside dans la prise en compte de l'ensemble de la carrière. Par ailleurs, la retraite complémentaire obligatoire, créée en 2003 et bénéficiant uniquement aux chefs d'exploitation et à leurs conjoints, est financée par les actifs et par une dotation de l'Etat. Globalement, un exploitant ayant une carrière « normale » obtient un niveau de pension comparable à celui d'un salarié, agricole ou du régime général.

M. Jacky Le Menn a souhaité connaître la valeur prise en compte pour l'assiette de la cotisation et l'âge moyen de départ à la retraite dans le régime agricole. Il a demandé des précisions sur la position de la MSA, qui semble favorable à une réforme systémique, allant vers un régime par points, susceptible d'améliorer notamment la situation des polypensionnés.

M. Guy Fischer s'est interrogé sur la nature du déficit de 1,4 milliard d'euros du risque vieillesse : correspond-il à la compensation démographique entre régimes ?

M. Alain Gournac a évoqué la situation des personnes qui cumulent plusieurs activités, pour s'interroger sur la manière dont ces carrières atypiques, fréquentes dans le monde agricole, sont prises en compte.

Mme Muguette Dini a également souhaité avoir des informations sur la manière de concilier plusieurs métiers, notamment en zone de montagne ou touristique.

M. Alain Vasselle, président, a noté les évolutions, très contrastées au fil des années, des revenus des agriculteurs, qui sont en chute importante depuis deux ans. Quel est l'impact de ces mouvements sur les recettes du régime et ses équilibres financiers ?

M. Denis Nunez a précisé que l'assiette des cotisations est passée, en 1990, du revenu cadastral au revenu fiscal, avec un abandon progressif de l'imposition au forfait qui était alors pratiquée. Les assurés peuvent opter pour une imposition assise soit sur les revenus de l'année précédente, soit sur la moyenne des trois années n-2 à n-4. Du fait de ce décalage, les dernières statistiques montrent un maintien de l'assiette en 2009, mais les conséquences de la crise se feront sentir à partir de 2010.

Le régime agricole est caractérisé par un nombre très important des polypensionnés (38 % des retraités) ; par exemple, 97 % des salariés agricoles de la production ont cotisé à au moins deux régimes au cours de leur vie. Or, les règles de calcul de la pension sont loin d'être harmonisées et les polypensionnés subissent des effets de seuil néfastes pour le niveau des prestations, notamment en raison de la nécessité d'avoir perçu deux cents Smic pour valider un trimestre. Un régime par points permettrait de résoudre bon nombre de ces difficultés.

L'âge moyen du départ en retraite des agriculteurs est de soixante ans, mais beaucoup d'assurés ont commencé à travailler très jeunes, souvent autour de quatorze ans.

En ce qui concerne le déficit du régime vieillesse, il faut noter que, contrairement aux autres régimes, le rapport entre actifs et inactifs va s'améliorer dans le secteur agricole : le nombre de retraités passerait, selon les prévisions, de 1,9 million en 2004 à 1,4 million en 2020. Cette évolution spécifique devrait permettre de stabiliser le niveau des cotisations et de baisser la compensation inter-régimes.

Enfin, la double activité, qu'elle soit permanente ou saisonnière, est une autre spécificité du régime : aujourd'hui, les personnes sont assujetties différemment selon le lien du second emploi avec la qualité d'exploitant agricole ou selon le statut juridique qu'elles choisissent. Or, il serait nécessaire de conserver une plus grande unité autour du statut d'exploitant ; le prochain examen du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche sera l'occasion d'améliorer cette situation.

A ce sujet, M. Gérard Pelhate a déploré l'absence de vision précise sur la question des polypensionnés et de la pluriactivité ; il serait nécessaire de reconnaître ces situations spécifiques à leur juste valeur : alors qu'une personne travaille en réalité à temps plein et sans interruption, elle ne se voit pas toujours attribuer des droits entiers en raison de la fragmentation de ses affiliations.

Rendez-vous 2010 pour les retraites - Audition de MM. Gérard Quevillon, président national, Dominique Liger, directeur général, et Patrick Roy, directeur de cabinet du directeur général du régime social des indépendants

La mission a ensuite procédé à l'audition de MM. Gérard Quevillon, président national, Dominique Liger, directeur général, et Patrick Roy, directeur de cabinet du directeur général du régime social des indépendants (RSI), dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.

M. Dominique Liger a apporté tout d'abord quelques éléments d'information sur le régime social des indépendants, qui est composé de :

- deux régimes de base créés en 1948 et alignés sur le régime général en 1972. Ils fonctionnent en annuités et connaissent des problèmes structurels puisque les besoins de financement ont triplé. Celui des commerçants sert environ 3,5 milliards d'euros de prestations chaque année et celui des artisans environ 3 milliards. Il est envisagé de les fusionner dans un avenir proche ;

- deux régimes complémentaires, obligatoires depuis 1979 pour les artisans (0,9 milliard de prestations en 2009) et depuis 2004 seulement pour les commerçants (0,5 milliard). En raison du caractère récent de la montée en puissance du dispositif, le régime complémentaire des commerçants ne compte quasiment que des cotisants. De son côté, le régime des artisans est un système par répartition, dont une partie, alimentée par une surcotisation, est placée sur les marchés financiers et est utilisée comme une provision pour l'avenir. En conséquence, ce régime dispose de réserves apparentes, mais avec un passif important.

Globalement, le régime a été moins exposé à la crise économique et financière que d'autres, y compris pour sa partie capitalisée, mais l'évolution démographique, conjuguée à cette crise, amènera obligatoirement à prendre des mesures d'équilibre.

Au regard des projections financières, le régime a déjà entériné des réformes importantes. Ainsi, malgré ses réserves, le régime des artisans a anticipé les impasses de financement, en diminuant les prestations et en augmentant les cotisations. Les retraités ont également été mis à contribution et des mesures d'équité ont été prises, par exemple par la non-revalorisation des points gratuits que les assurés avaient acquis dans les années 1980.

M. Gérard Quevillon, président national, a ensuite présenté les positions des élus du RSI sur le rendez-vous 2010 pour les retraites. Pour les régimes de base, le statu quo n'est pas possible et il convient de réfléchir aux différents paramètres du calcul des systèmes en annuités, sans se polariser sur le report de l'âge du départ à la retraite. L'élargissement de l'assiette des cotisations et contributions sociales, notamment par la prise en compte des dividendes, doit également être envisagé, afin de diversifier les sources de financement. En outre, les dirigeants de sociétés anonymes pourraient être affiliés au RSI de manière obligatoire, dans la mesure où le caractère majoritaire du mandat social est clairement établi. Par ailleurs, la solidarité entre les générations doit être prise en compte, à l'instar de la réforme courageuse décidée en 2007 par les artisans, qui a amené à partager les efforts entre cotisants et retraités en différenciant les taux de revalorisation selon les modes et les périodes d'acquisition des points de retraite. Pour certaines activités artisanales notamment, la notion de pénibilité doit également être intégrée comme critère d'admission au droit à une retraite anticipée.

Enfin, le RSI est dans l'attente de la mise en oeuvre d'une disposition de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 facilitant la validation des trimestres. Interrogé par M. Alain Gournac sur le coût de cette mesure, M. Gérard Quevillon a précisé qu'aucun financement externe n'est au départ nécessaire et que le supplément reste très faible par rapport à l'ensemble des prestations du régime : environ 150 millions d'euros en 2050, soit 1,5 % de majoration.

M. Dominique Leclerc, rapporteur, a salué les réformes du RSI, qui, d'une certaine manière, a pris les devants des pistes de travail avancées par le Cor. Au sujet du rapprochement du régime des artisans et de celui des commerçants, il s'est interrogé sur les économies de gestion et sur les modalités de convergence des paramètres et des rendements. Il s'est demandé quelles étaient en outre les conséquences des réformes engagées en termes de gouvernance. Enfin, il a soulevé la question du recouvrement des cotisations des assurés du RSI par les Urssaf, qui continue de poser d'énormes problèmes pour nombre d'entre eux, notamment en raison d'une incompatibilité des systèmes informatiques.

M. Gérard Quevillon a rappelé les différentes étapes du choix des Urssaf comme prestataire du RSI pour le recouvrement des cotisations, en regrettant que la direction de la sécurité sociale ait imposé ce choix pour des motivations parfois fort éloignées des réalités des artisans, commerçants et professions libérales. Au total, 85 % des adhérents ne rencontrent pas de difficultés et les problèmes se concentrent sur 15 % d'entre eux. Des améliorations sont cependant attendues dans les prochaines années, mais il faut bien avoir conscience qu'un certain nombre de procédures sont encore effectuées à la main, notamment la liquidation de certaines pensions, en raison des divergences de systèmes informatiques ou du fait que les deux dernières années de la carrière ne sont pas comprises dans le système. Outre les erreurs potentielles, ce choix cause des délais de gestion et des lourdeurs administratives peu satisfaisants.

Aujourd'hui, les régimes complémentaires des artisans et des commerçants sont assez différents, en termes de prestations et de cotisations. Malgré les problématiques diverses, il existe des possibilités de rapprochement, permettant à chacun de « gagner » quelque chose.

Le RSI a montré qu'il est capable de se réformer, d'écouter les pouvoirs publics, voire de servir de laboratoire pour les autres régimes. Cela est dû à sa taille « humaine » et au public qu'il sert : les artisans et commerçants sont une population qui va de l'avant et qui sait prendre des décisions douloureuses pour préparer l'avenir. De ce point de vue, le taux de rendement et le lien explicite entre la cotisation et la prestation sont essentiels, car ils permettent d'expliquer et de donner une vision à la fois prospective et concrète des choses.

M. Dominique Liger a évoqué les importants efforts de gestion qui ont accompagné les réformes paramétriques : le nombre de caisses locales a été divisé par trois, les budgets de fonctionnement ont été réduits, les départs en retraite non renouvelés. Pour l'avenir, la fusion des différents systèmes informatiques pourrait encore apporter des gains substantiels. En ce qui concerne le recouvrement des cotisations, les Urssaf ne sont clairement pas adaptées au public des indépendants et, en raison des délais d'appels d'offres et de développement des nouveaux systèmes, il faudra attendre 2014 pour espérer voir les choses s'améliorer.

Au sujet de la gouvernance, M. Gérard Quevillon a rappelé que le RSI a souhaité apparaître comme le régime global de protection sociale des indépendants ; il organise la cohabitation de plusieurs risques et caisses et s'appuie sur une grande souplesse de gestion, permettant de rendre le service le plus efficace aux adhérents. Qui plus est, l'adaptation du système doit être permanente pour répondre aux enjeux sociaux et financiers ; c'est ainsi que le RSI a créé, non sans difficultés, des indemnités journalières pour les commerçants ou a amélioré la période du congé maternité pour les chefs d'entreprise. Cependant, la composition du conseil d'administration pourrait utilement être revue pour intégrer des personnalités qualifiées, qui apporteraient un éclairage extérieur et une expertise nouvelle.

En réponse à une question de M.  Alain Gournac, il a précisé que la gestion de la caisse n'est pas paritaire, puisque ce sont des élus des adhérents qui siègent au conseil d'administration.

M. Alain Gournac a ensuite soulevé les difficultés à fusionner deux régimes, lorsque les cotisations et les prestations sont différentes.

M. Patrick Roy, directeur de cabinet du directeur général, a noté que, si les taux de cotisation et de rendement sont bien différents entre les artisans et les commerçants, le taux de remplacement est en fait relativement proche, si bien que les systèmes ne sont pas si éloignés que cela. De la même manière que les professionnels ont accepté de revaloriser différemment la valeur du point selon la date de son acquisition, il est nécessaire de leur expliquer que le déséquilibre persistant entre le niveau de cotisation et le niveau de prestations n'est pas tenable très longtemps, sauf à peser sur les générations futures. De ce point de vue, la fusion des régimes bute également sur la difficulté d'intégrer les éléments passés des carrières, étape pourtant nécessaire pour créer une solidarité de destin et éviter que quiconque y perde un acquis.

M. Gérard Quevillon a rappelé que le régime complémentaire de retraite obligatoire a pris la succession d'un régime précédent, dit du conjoint. Ce dernier a été fermé en raison de ses déséquilibres structurels et des injustices qu'il entraînait, notamment du fait que seulement environ 25 % des cotisants pouvaient en obtenir in fine une prestation.

Pour répondre à la perplexité de M. Jacky Le Menn sur l'absence relative d'appréhensions sur les déséquilibres financiers à venir du RSI, M. Dominique Liger a précisé que, malgré les réserves et les réformes, les projections montrent tout de même un besoin de financement non négligeable pour 2050.

M. Jacky Le Menn a souhaité obtenir des précisions sur la partie dite provisionnée du régime complémentaire : se rapproche-t-elle d'une épargne collective ?

M. Dominique Liger a précisé que, dès 2012, les cotisations ne permettront plus de faire face seules aux prestations et que les réserves seront appelées à combler ce besoin de financement.

Par ailleurs, M. Jacky Le Menn s'est fait l'écho des inquiétudes de certains professionnels quant aux modalités d'inscription au RSI et aux difficultés de gestion que le régime connaît du fait du recouvrement des cotisations par les Urssaf qui reste insatisfaisant.

M. Gérard Quevillon a rappelé que la direction de la sécurité sociale avait décidé, à une certaine époque, que les Urssaf devaient être les seuls collecteurs de cotisations. Il serait aujourd'hui absurde de revenir en arrière sur cette question ; cela pourrait même être risqué pour ceux des assurés qui ne sont pas confrontés à des difficultés. Des outils ont déjà été mis en place pour permettre aux deux partenaires de travailler ensemble et de se communiquer mutuellement leurs informations. Pour autant, il est nécessaire d'améliorer encore les choses pour rendre un meilleur service aux adhérents ; c'est ce que prévoit le futur outil « Isu 2 » (interlocuteur social unique).

Par ailleurs, le développement du statut de l'auto-entrepreneur impose des frais de gestion pour le régime et crée des droits pour l'avenir, sans cotisation à due concurrence.

A ce sujet, alors que le RSI a fait preuve de dynamisme et de courage en réformant ses paramètres de calcul, M. Dominique Leclerc, rapporteur, a soulevé le problème des conséquences de ce nouveau statut sur la compensation entre les régimes qui, en tout état de cause, ne correspond malheureusement plus guère à une véritable solidarité.

M. Gérard Quevillon a déclaré partager cette analyse : l'augmentation du nombre d'assurés, consécutive à la création du statut de l'auto-entrepreneur, a une conséquence directe sur le niveau de la compensation inter-régimes, alors même qu'elle ne se traduit pas par un relèvement des recettes pour le RSI.

Rendez-vous 2010 pour les retraites - Audition de M. Jean-François Veysset, président de la commission des mandats, Mme Geneviève Roy, vice-présidente chargée des affaires sociales, et M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales de la confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME)

La mission a enfin procédé à l'audition de M. Jean-François Veysset, président de la commission des mandats, Mme Geneviève Roy, vice-présidente chargée des affaires sociales, et M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales de la confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.

Mme Geneviève Roy a indiqué que la CGPME est favorable à la poursuite des réformes en matière de retraite. Pour le rendez-vous de 2010, six objectifs lui semblent prioritaires :

- poursuivre l'allongement de la durée de cotisation qui sera de quarante et une annuités en 2012 ; celle-ci pourrait passer à quarante-deux annuités dès 2016 ;

- envisager d'autres mesures structurelles comme le report de l'âge minimum légal de départ en retraite, à condition que l'âge d'obtention du taux plein - actuellement de soixante-cinq ans - demeure inchangé ;

- aligner progressivement les règles de la fonction publique sur celles du privé, en particulier la règle concernant le calcul du salaire de référence (passage des six derniers mois aux vingt-cinq meilleures années) ;

- maintenir, parallèlement à l'augmentation de la durée de cotisation, un système de rachat des annuités manquantes ;

- préserver l'autonomie et la gestion paritaire des régimes complémentaires Agirc et Arrco, la CGPME étant fermement opposée à la fusion du régime général et de ces deux régimes complémentaires dans un régime unique ;

- encourager le développement des outils assurantiels.

M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales de la CGPME, a insisté sur les faiblesses du troisième pilier du système de retraite en France. Les plans d'épargne retraite existants sont souvent lourds et complexes à mettre en oeuvre pour les PME. L'objectif consisterait à créer un système d'épargne volontaire, géré nationalement, par exemple par les partenaires sociaux.

Mme Geneviève Roy a rappelé la nécessité d'abonder davantage le fonds de réserve des retraites (FRR), dont le montant des actifs s'élevait à 33 milliards d'euros au 31 décembre 2009, ce qui est loin des 150 milliards d'euros prévus pour 2020, lors de la création du fonds en 1999. Par ailleurs, la CGPME est sceptique quant au redéploiement des cotisations chômage vers les cotisations vieillesse prévu par la loi du 21 août 2003. La situation déficitaire de l'Unedic et la montée du chômage rendent sa réalisation peu probable. En tout état de cause, il existe une gamme d'outils qu'il faut absolument utiliser.

M. Jean-François Veysset, président de la commission des mandats de la CGPME, a indiqué que le rapport du conseil d'orientation des retraites (Cor) sur la réactualisation des projections financières, attendu pour la mi-avril, permettra d'élaborer un constat commun. C'est sur cette base que s'engageront ensuite les négociations entre l'exécutif et les partenaires sociaux, avant qu'un projet de loi ne soit débattu au Parlement.

M. Dominique Leclerc, rapporteur, a d'abord souhaité savoir si la CGPME est favorable à une augmentation des cotisations et/ou à un élargissement de l'assiette des cotisations. Puis, il a souhaité connaître les moyens propres à développer le pilier assurantiel, sachant que certains outils comme le plan d'épargne pour la retraite collectif (Perco) existent déjà.

Mme Geneviève Roy a rappelé que le Perco, bien qu'étant un dispositif d'épargne retraite volontaire, est difficile à mettre en oeuvre pour les PME. C'est pourquoi, la CGPME défend l'idée d'un système d'épargne retraite plus simple, non obligatoire et géré au niveau national. Par ailleurs, elle est réticente à toute augmentation des cotisations, dans la mesure où le coût du travail est déjà élevé en France. Ce serait un frein supplémentaire à l'embauche et au maintien dans l'emploi des salariés. En outre, une telle mesure risquerait de nuire à la compétitivité des PME, qui représentent plus de 90 % du tissu entrepreneurial français.

M. Jean-François Veysset a ajouté que la CGPME continue de plaider pour un rapprochement public-privé, que ce soit en matière de calcul des pensions, d'avantages conjugaux et familiaux ou de taux de remplacement. Il faut s'orienter sur la voie d'une plus grande équité entre les assurés.

M. Jacky Le Menn a d'abord demandé si la CGPME s'est intéressée à la question d'une réforme systémique, puis si la pénibilité doit être prise en compte ou non par le système de retraite. Enfin, il a souhaité obtenir des précisions sur l'alignement public-privé.

M. Alain Vasselle, président, a noté que certains partenaires sociaux ont formulé plusieurs propositions pour financer le système de retraite : un élargissement de l'assiette des cotisations, une augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) qui permettrait de financer directement les retraites, un transfert de cotisations de la maladie vers la vieillesse accompagnée d'une augmentation de la CSG pour financer la maladie, une modulation des cotisations en fonction du rapport masse salariales/valeur ajoutée. Quel est le point de vue de la CGPME sur ces sujets ?

Mme Geneviève Roy a indiqué que, sur la pénibilité, la CGPME reste sur sa position de juillet 2008, date à laquelle les négociations ont échoué. Elle défend un modèle de prise en charge individualisé. En aucun cas, le dossier de la pénibilité ne doit interférer avec celui des retraites ; il doit être traité séparément. L'alignement public-privé suppose que progressivement, le salaire de référence des fonctionnaires soit identique à celui des salariés du privé, c'est-à-dire les vingt-cinq meilleures années. Peut-être faut-il aussi réfléchir à la question de l'intégration des primes dans le calcul du salaire de référence des fonctionnaires ? Toute augmentation des prélèvements obligatoires, que ce soit une hausse des cotisations retraite ou un relèvement de la CSG, pourrait avoir des conséquences néfastes sur l'emploi et la compétitivité des entreprises ; la CGPME y est donc opposée.

M. Georges Tissié a rappelé que la crise a entraîné la destruction de 413 000 emplois nets en France : un chiffre jamais atteint, même lors de la récession de 1993. Ce n'est donc pas le moment d'acculer les entreprises avec une augmentation des prélèvements obligatoires ; les salariés en seraient les premières victimes.

Puis, M. Dominique Leclerc, rapporteur, a demandé pourquoi la CGPME écarte l'idée d'une fusion entre le régime de base et les régimes complémentaires.

Mme Geneviève Roy a répondu que non seulement cette proposition pose un problème de gouvernance mais qu'elle est aussi techniquement difficile à mettre en oeuvre.

M. Georges Tissié a alors insisté sur le caractère conventionnel de la création des régimes complémentaires Agirc (accord de 1947) et Arrco (accord de 1961). Jamais l'Etat ne s'est immiscé dans le pilotage de ces régimes.

M. Guy Fischer a demandé les raisons pour lesquelles la CGPME tient absolument à développer le pilier assurantiel.

Mme Geneviève Roy a réaffirmé que la CGPME, bien qu'étant très attachée à un système par répartition fonctionnant en annuités, estime utile de promouvoir une épargne retraite généralisée et volontaire.

Sur l'éventualité d'une réforme systémique, M. Georges Tissié a précisé que la CGPME y est opposée car cela aboutirait à la création d'un seul régime. Or, l'autonomie des régimes complémentaires doit être maintenue. Par ailleurs, un système en comptes notionnels, même s'il garantit l'équilibre financier à long terme, comporte le risque d'une diminution du niveau des pensions en cas de dérapage financier à court terme.

M. Dominique Leclerc, rapporteur, a souhaité savoir comment lutter contre le déséquilibre actuel du système de retraite.

M. Georges Tissié a répondu qu'il est indispensable de jouer sur l'ensemble des paramètres : l'âge minimum de départ, la durée de cotisation, le FRR...

M. Dominique Leclerc, rapporteur, a estimé que les réserves actuelles du FRR ne constituent pas une solution pérenne au problème du financement.

Après avoir précisé que le FRR n'est pas un fonds souverain, M. Georges Tissié a rappelé que celui-ci a été créé en 1999 afin de lisser dans le temps les effets du papy-boom.