MISSION COMMUNE D'INFORMATION SUR LE FONCTIONNEMENT DES DISPOSITIFS DE FORMATION PROFESSIONNELLE

Mercredi 16 mai 2007

- Présidence de M. Jean-Claude Carle, président. -

Audition de M. Jean-François Bernardin, président de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI)

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la mission d'information a tout d'abord procédé à l'audition de M. Jean-François Bernardin, président de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI).

M. Jean-François Bernardin a tout d'abord rappelé que les chambres de commerce et d'industrie (CCI) gèrent un ensemble d'établissements de formation professionnelle qui rassemblent chaque année :

- un peu plus de 100 000 étudiants, dans des écoles professionnelles très diverses, qui ne se limitent pas aux écoles de commerce les plus prestigieuses ;

- environ 100 000 apprentis accueillis au sein d'un appareil de formation tout particulièrement présent dans « l'interbranche », avec des spécialités comme la comptabilité ou la vente, et qui est caractérisé par le souci de développer l'accès à des diplômes de niveau supérieur ;

- et 500 000 stagiaires de la formation professionnelle continue.

La prise de conscience des transformations du marché de l'emploi, aujourd'hui extraordinairement diversifié et mobile, est largement insuffisante. Ce phénomène s'accompagne d'une difficulté croissante à identifier clairement les formations conduisant à l'emploi, car la détermination des fonctions précises requises par un emploi est de plus en plus malaisée.

Soulignant ainsi la nécessité de formations préparant à la mobilité professionnelle, il s'est félicité d'un consensus acquis depuis plusieurs années pour estimer que la formation initiale doit préparer à un emploi.

Puis il a indiqué que le chômage des jeunes issus de l'enseignement supérieur provenait assez largement de l'insuffisante professionnalisation de leurs études, tout particulièrement dans certaines filières de sciences humaines ; il a précisé que le taux de chômage de ces jeunes issus de l'université variait de 1 à 3 (de 8 % à 25 %), selon qu'ils ont abandonné ou réussi leur cursus de formation. Il a également souligné que l'on constate un temps de latence important entre la fin des études universitaires et l'entrée dans l'emploi, qui témoigne de cette insuffisante professionnalisation.

Rappelant que sur 2 millions d'étudiants, 800 000 sont dans des filières « professionnalisantes », il a fait observer que les chambres de commerce et d'industrie s'étaient efforcées de développer des filières d'apprentissage qui conduisent à des diplômes d'enseignement supérieur et estimé que toute formation devrait comporter une phase de professionnalisation dans sa dernière année. Il a cependant insisté sur l'erreur qui consisterait à penser que la formation générale est moins utile qu'auparavant, et souligné que nul ne devrait entrer en apprentissage sans disposer du socle minimal de connaissances afin, notamment, de ne pas limiter ses possibilités d'évolution professionnelle.

Il a ensuite estimé que l'apprentissage est l'une des voies de formation les plus efficaces, à condition d'éviter, d'une part, de diriger les apprentis vers des « impasses » professionnelles, d'autre part, de procéder à des orientations trop prématurées ou définitives : à ce titre, il a jugé essentiel de ménager des possibilités de retour à l'enseignement général au moins jusqu'à seize ans et de multiplier les passerelles.

M. Jean-François Bernardin a ensuite rappelé les conditions de la création du Fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage (FNDMA), géré par l'Etat, qui répartit entre les régions des sommes ayant pour but de financer la formation des apprentis dans des secteurs d'avenir et avec le souci de ne pas transformer les apprentis en main d'oeuvre précaire. Il a précisé que ce fonds est alimenté par une augmentation de la taxe d'apprentissage et souhaité que le fonctionnement de ce dispositif s'accompagne, au moins, du maintien de la contribution nette des régions, faisant observer que, compte tenu de ce financement nouveau et des mécanismes de péréquation, l'affichage d'une légère augmentation de l'effort régional correspond, en réalité, à une stabilisation ou à une légère régression du total des sommes consacrées à l'apprentissage. Il a plaidé, en conséquence, pour la reprise en mains de ce fonds de modernisation par l'Etat afin de garantir la réalisation des objectifs en termes d'effectifs d'apprentis et d'ouverture de centres d'apprentissage ciblés dans des métiers d'avenir.

Interrogé par M. Jean-Claude Carle, président, M. Jean-François Bernardin a signalé les risques de transformer une « obligation de faire », ou de former, à la charge des entreprises, en une taxe. Il a cependant indiqué qu'il n'était pas partisan d'un bouleversement de la taxe d'apprentissage, qui constitue un des seuls mécanismes de financement de la formation, dont on peut aujourd'hui « tout savoir » grâce à la traçabilité assurée par l'intermédiaire des centres de collecte consulaires. Se déclarant opposé à un système de collecte rigide, il a fait valoir que la capacité d'initiative et d'innovation est financée grâce aux fonds libres collectés par les chambres de commerce et d'industrie. Il a évoqué, en revanche, les difficultés de gestion prévisionnelle de la collecte de la taxe professionnelle, qui pénalisent les initiatives d'ouverture de nouvelles filières, justifiant ainsi sa préférence pour une stabilité des règles.

Puis il a souligné la nécessité de mécanismes flexibles d'adaptation des formations, en notant que celles qui dépendent de la chambre de commerce placée sous sa présidence connaissent un taux annuel de fermeture et d'ouvertures d'environ 15 % et évoqué, par comparaison, la rigidité relative de l'éducation nationale. Illustrant l'importance de la souplesse dans l'utilisation de la taxe professionnelle, il a indiqué que « toutes les formations ne peuvent pas être assurées dans chaque région », en précisant, par exemple, qu'il n'existe que cinq centres de plasturgie en France. Il s'est par ailleurs dit très favorable à la collaboration avec les branches, mais opposé à leur monopole, compte tenu de la nécessité de développer les formations interbranches.

Interrogé par M. Jean-Claude Carle, président, il a noté la réduction du nombre d'organismes de collecte et observé que la taxe d'apprentissage finance des actions permettant de « connecter » les lycées professionnels aux entreprises, M. Jean-Claude Carle, président, évoquant des cas concrets d'utilisation des fonds collectés au titre de cette taxe comme variable d'ajustement affectée aux lycées.

M. Jean-François Bernardin a ensuite souligné la nécessité de déterminer avec plus de précision les coûts de formation et l'évaluation de leur efficacité. Il a cité, à ce titre, des études réalisées sous l'égide des CCI, destinées à mesurer l'insertion des jeunes et leur devenir professionnel, jusqu'à trois ans après leur sortie de formation.

En matière de financement de la formation continue, il a manifesté des réserves à l'égard de la centralisation des fonds par les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), qui tend à aggraver les inégalités de formation entre les grandes et les petites entreprises. Evoquant les difficultés de gestion de ces dernières en matière de formation continue, il s'est dit favorable à un système de taxe mutualisée bénéficiant prioritairement aux petites et moyennes entreprises (PME). Il a rappelé, en revanche, que plus l'entreprise est grande, plus elle a les moyens de gérer la formation ou les carrières et signalé que la discussion du plan de formation constitue un espace privilégié de négociation dans les grandes entreprises.

Faisant observer que la formation ne se limite pas aux formes pédagogiques traditionnelles, sur la question essentielle du financement de la formation professionnelle, il a préconisé de consacrer des sommes plus importantes à la formation de ceux qui en ont le plus besoin et, notamment, aux salariés qui doivent faire face à une reconversion.

M. Jean-Claude Carle, président, s'est dit convaincu que l'inflation budgétaire ne suffirait pas à résoudre les difficultés de la formation professionnelle. Puis il s'est interrogé sur l'insuffisante mobilisation des régions pour le plan régional de développement des formations (PRDF), évoquant la nécessité de renforcer le caractère obligatoire des engagements qui en découlent, tout en créant un cadre incitatif et en adaptant la formation aux évolutions possibles de l'emploi qui peuvent être discernées.

M. Jean-François Bernardin a souligné la nécessité de la participation des entreprises, des organismes formateurs et des organismes consulaires au PRDF, en faisant toutefois observer que « la vie économique ne s'arrête pas aux frontières administratives ».

M. Bernard Seillier, rapporteur, a alors interrogé l'intervenant sur ses éventuelles propositions de nature à améliorer la gouvernance du système de formation professionnelle, sur les secteurs d'avenir pour l'emploi et la formation, et enfin sur l'opportunité d'améliorer le statut de formateur.

M. Jean-François Bernardin a prôné, tout d'abord, un plan à cinq ans sur les perspectives d'emploi afin de financer la formation aux métiers de demain, plutôt qu'à ceux d'hier.

Puis il a estimé parfaitement légitime la réflexion sur la qualité et le statut des formateurs, et sur la nécessité d'un appui, notamment social, plus constant des jeunes en formation professionnelle : ils ont besoin d'une présence continue des adultes.

Il a également indiqué que les préoccupations de branches devaient être conciliées avec celles de l'ensemble de l'économie, en rappelant l'importance de « l'interbranches » et les inconvénients du cloisonnement : il a illustré son propos en se demandant « Qui finance aujourd'hui les formations dans le secteur des services à la personne ? ».

Il a enfin souligné que la formation des jeunes est une grande cause d'intérêt national, nécessitant une démarche qui fixe les priorités avant de définir les moyens de les atteindre.

Audition de M. Alain Griset, président de l'assemblée permanente des chambres de métiers (APCM)

La mission d'information a ensuite procédé à l'audition de M. Alain Griset, président de l'assemblée permanente des chambres de métiers (APCM).

M. Alain Griset a d'abord indiqué que la formation professionnelle est un sujet essentiel pour l'artisanat, qui compte 900 000 entreprises, chiffre en augmentation de 10 % par an depuis 2000, et est à l'origine de 75 000 créations d'emplois chaque année. Les chambres de métiers exercent une mission de formation initiale conformément à une loi de 1925, qui a largement consolidé l'apprentissage dans notre pays, alors qu'il n'est redevenu un mode de formation reconnu que depuis trois ans. L'apprentissage est un mode de formation important, efficace et capable de s'intégrer dans le monde du travail.

M. Alain Griset a considéré comme essentielle la recherche d'efficacité afin de permettre de développer des compétences adaptées aux entreprises, seule réelle finalité pour les sections d'apprentissage, car « on ne forme pas pour former ».

S'agissant de la politique menée en matière d'apprentissage, M. Alain Griset a jugé satisfaisantes les mesures relatives au crédit d'impôt et au statut de l'apprenti, mais a critiqué le système actuel de financement sur deux points :

- d'une part, le système actuel ne fixe pas aux régions des critères de prise en charge de l'apprentissage, d'où un financement extrêmement variable d'une collectivité à l'autre ; aussi bien l'assemblée permanente des chambres de métiers (APCM) préconise-t-elle un budget minimum, par région, de 3 500 euros par an et par apprenti ;

- d'autre part, il n'y a pas d'obligation concernant les dépenses relatives aux locaux et au matériel, ce qui conduit à des investissements très inégaux d'une région à l'autre.

En ce qui concerne la taxe d'apprentissage, il a regretté la faiblesse des fonds allant aux chambres de métiers, qui représentent 3 % des sommes collectées, alors qu'elles assurent la formation de 30 % des apprentis. Il a fait observer qu'une part des fonds qui devrait être affectée à l'apprentissage est utilisée pour les grandes écoles. La création du fonds de modernisation, dont 200 millions d'euros devaient être contractualisés avec les régions, n'a pas donné les effets attendus, à quelques exceptions près comme le Nord-Pas-de-Calais. Il a recommandé un « circuit plus court » de financement de l'apprentissage, permettant en particulier le versement direct aux centres d'apprentis.

Sur la méthode de réforme, M. Alain Griset a préconisé une modification législative, tout en mettant en garde contre les risques de contournement. Il a cité l'exemple de l'exonération de la taxe sur les salaires des enseignants des centres de formation d'apprentis (CFA) destinée à augmenter les ressources de ces établissements, mais qui a conduit certains conseils régionaux à réduire leurs subventions d'équilibre.

Parmi les enjeux majeurs de la formation, M. Alain Griset a mis en avant le problème de l'information et de l'orientation des jeunes. Il a suggéré que les chambres de métiers soient davantage associées à l'information au niveau des collèges afin de permettre aux jeunes, dès quatorze ou quinze ans, d'être mieux éclairés sur les métiers offrant des perspectives d'emploi et sur leurs besoins de recrutement.

Il a également déploré que l'application de certaines réformes soit entravée, ainsi celle de l'apprentissage junior, en raison de l'opposition des régions, compétentes en matière d'apprentissage ; il a regretté que l'Etat n'en ait pas tiré les conséquences et versé les 20 millions prévus à ce titre, directement du fonds de modernisation aux centres de formation.

S'agissant des diplômes, M. Alain Griset a précisé qu'il existe une filière complète d'accès à l'artisanat, du niveau V au niveau II, par l'apprentissage, mais que les passerelles vers la filière académique sont malaisées, car l'éducation nationale ne reconnaît pas les diplômes de la filière artisanale. En effet, les critères des commissions paritaires consultatives (CPC) de l'éducation nationale ne correspondent pas à ceux de l'artisanat, qui mettent l'accent sur les savoir-faire. Sur ce point, il a considéré qu'il y avait un « problème de représentation » au sein des CPC et qu'il serait préférable d'instituer un système spécifique à l'artisanat, géré par le ministère compétent, avec des professionnels de ce secteur et des diplômes correspondant aux besoins réels.

Répondant à une question de M. Jean-Claude Carle, président, M. Alain Griset a distingué deux problématiques différentes concernant la formation continue :

- celle des chefs d'entreprise, qui a été prise en compte par la récente réforme de la formation continue des artisans, engagée avec l'Union professionnelle artisanale (UPA), et dont un décret d'application est en voie de publication ;

- et celle des salariés, qui est beaucoup plus difficile à mettre en oeuvre. Après avoir rappelé que les accords nationaux sont mieux adaptés aux grands groupes qu'aux 98 % des entreprises qui ont moins de vingt salariés, M. Alain Griset a estimé, en particulier, que la mise en application du droit individuel à la formation (DIF) est une « véritable bombe à retardement ». En effet, peu de droits ont été utilisés depuis trois ans et l'utilisation de ces droits cumulés va soulever beaucoup de difficultés. Par ailleurs, les conseils régionaux exigent des entreprises artisanales des plans de formation, ce qui constitue une lourde tâche pour des entreprises n'ayant qu'un ou deux salariés.

Répondant à une question de M. Jean-Claude Carle, président, sur les organismes formateurs capables de répondre correctement aux besoins des salariés du secteur, M. Alain Griset a rappelé qu'il était favorable à la concurrence, mais qu'il faudrait aussi plus de rigueur dans ce domaine, notamment par le biais d'agréments.

Puis M. Bernard Sellier l'a interrogé sur la présence des chambres de métiers dans les maisons de l'emploi. M. Alain Griset a affirmé qu'il s'agit d'une réforme utile aux chômeurs, mais dont la mise en place avait tenu du parcours du combattant, cependant résolu grâce au soutien de Jean-Louis Borloo.

S'agissant de l'insertion des jeunes en difficulté, M. Alain Griset a rappelé que l'apprentissage accueille actuellement ceux que l'éducation nationale considère un peu comme ayant échoué. Il a souligné que les chambres de métier ne souhaitent pas se limiter à ce public, car on peut toujours se former à un diplôme professionnel après le bac, en notant d'ailleurs qu'un quart des jeunes accueillis dans leurs filières de formation avaient le niveau du bac.

Audition de Mme Marie-Thérèse Geffroy, directrice, et M. Hervé Fernandez, secrétaire général de l'agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI)

Puis la mission d'information a procédé à l'audition de Mme Marie-Thérèse Geffroy, directrice, et M. Hervé Fernandez, secrétaire général de l'agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI).

Mme Marie-Thérèse Geffroy a d'abord souligné que la lutte contre l'illettrisme constitue un élément essentiel de la politique de formation tout au long de la vie. Elle a clarifié la distinction entre illettrisme, analphabétisme et politique linguistique en faveur des migrants : tandis que la lutte contre l'illettrisme s'adresse aux adultes qui ont été scolarisés, et pour qui il s'agit de réapprendre les savoirs de base utiles à la vie courante et professionnelle, l'alphabétisation concerne ceux qui n'ont jamais été scolarisés. Elle a affirmé que la confusion entre la situation des nouveaux arrivants en France et l'illettrisme est un obstacle majeur à la définition et à la mise en oeuvre de politiques adéquates.

Elle a ensuite indiqué que, selon une enquête menée par l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI) en partenariat avec l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) en 1991, 3 100 000 personnes, soit 9 % de la population âgée de dix-huit à soixante-cinq ans ayant été scolarisée en France, sont en situation d'illettrisme. En outre, selon les données collectées lors de la journée d'appel de préparation à la défense par le ministère de la défense, 4,5 % des jeunes de dix-sept ans sont en situation d'illettrisme. Ces chiffres, nécessaires à la mise en place de politiques adaptées, vont à l'encontre des idées reçues : en effet, l'illettrisme n'est pas le problème exclusif des jeunes, mais concerne toutes les classes d'âge, notamment les personnes âgées de plus de quarante-cinq ans, qui représentent 53 % des illettrés. L'illettrisme n'est pas non plus cantonné aux populations des quartiers urbains : 49 % des personnes en situation d'illettrisme vivent dans des zones rurales et 10 % dans des zones urbaines sensibles. Par ailleurs, l'illettrisme ne touche pas que les exclus : 57 % des personnes en situation d'illettrisme ont un emploi, ce qui signifie qu'elles ont acquis des compétences professionnelles qu'il faut prendre en compte dans les actions de formation aux savoirs de base. Enfin, l'illettrisme est distinct de l'immigration : 74 % des personnes en situation d'illettrisme parlent uniquement le français à la maison à l'âge de cinq ans.

Se référant à une enquête sur les secteurs professionnels touchés par l'illettrisme en Ile-de-France, Mme Marie-Thérèse Geffroy a précisé que, dans tous, de nombreuses personnes sont en difficulté face à l'écrit.

M. Hervé Fernandez a ensuite estimé que la lutte contre l'illettrisme dans les entreprises repose sur les entretiens annuels, les plans de formation et les contrats de professionnalisation, en précisant que les collectivités territoriales sont concernées depuis la loi du 19 février 2007. Il a ajouté que douze accords de branche font référence à la maîtrise des savoirs de base et que quinze organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), avec le concours du fonds unique de péréquation (FUP), ont déployé 14 millions d'euros pour la lutte contre l'illettrisme. Une partie du programme d'insertion et de lutte contre l'illettrisme (IRILL) mis en place par le ministère de l'emploi est par ailleurs consacrée à la lutte contre l'illettrisme dans les entreprises. Les actions à venir seront centrées sur le salarié qui pourra bénéficier du DIF et d'un accompagnement à la validation des acquis de l'expérience (VAE).

Mme Marie-Thérèse Geffroy a ensuite développé l'action de l'ANLCI dans la prévention et la lutte contre l'illettrisme dans le monde du travail. L'agence a ainsi signé des accords-cadres avec les AGEFOS-PME de douze régions, Habitat formation et le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), pour résoudre notamment le problème du reclassement des fonctionnaires territoriaux de catégorie D en catégorie C. Elle appuie aussi les OPCA par des extensions de l'enquête Information et vie quotidienne (IVQ) aux branches professionnelles, la mise en oeuvre des projets soutenus par le FUP et la participation aux comités de pilotage. La sensibilisation des décideurs est une autre priorité de l'ANLCI, qui a diffusé 30 000 plaquettes d'information « La Formation de base, l'atout gagnant de votre entreprise ». L'ANLCI a également développé des plans régionaux de lutte contre l'illettrisme, reposant sur un engagement de trois ans des services déconcentrés de l'Etat et des collectivités. Elle participe enfin à la valorisation des bonnes pratiques en organisant dans vingt-quatre régions, avec l'appui du forum social européen, le forum permanent des pratiques.

En définitive, Mme Marie-Thérèse Geffroy a regretté que la ligne budgétaire intégrant les crédits alloués à l'ANLCI soit désormais celle de l'immigration, ce qui risque de renforcer la confusion entre la politique linguistique en faveur des migrants et la lutte contre l'illettrisme. Or cette dernière est une composante essentielle de la politique de formation tout au long de la vie et favorise la performance économique de l'entreprise ainsi que l'évolution professionnelle et personnelle des salariés. La formation de base permet en effet de prévoir les changements et de prévenir les ruptures professionnelles : en fortifiant les plus fragiles, elle prévient les risques d'exclusion. Cette lutte qui doit mobiliser tous les responsables de la formation professionnelle, nécessite en outre de dépasser les seules considérations académiques afin de prendre en compte les différents modes d'acquisition des compétences.

M. Jean-Claude Carle, président, a confirmé la nécessité de sortir de la confusion entre illettrisme et immigration et de mettre en place des politiques territoriales adaptées. Il s'est ensuite interrogé sur la position de l'ANLCI à l'égard des défaillances de la transmission des savoirs par le système scolaire.

Mme Marie-Thérèse Geffroy a précisé qu'une composante primordiale de la lutte contre l'illettrisme se situait dès l'enfance. Elle a souligné l'importance du travail de familiarisation des jeunes enfants avec l'écrit par des associations telles qu'Emmaüs et ATD-Quart Monde et a cité l'initiative d'une association martiniquaise qui met en oeuvre un programme en créole et en français visant à faciliter le lien entre l'écrit et l'oral. Le rapport à l'écrit étant culturel, il nécessite un accompagnement à l'école et en dehors de l'école. En cas d'échec académique, elle a aussi prôné l'introduction de cours de sensibilisation aux activités professionnelles dans les cursus scolaires.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a souhaité savoir si la lutte contre l'illettrisme était une priorité suffisamment prise en compte par les administrations et s'est interrogé sur l'articulation entre les missions de l'ANLCI et de l'Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ANCSEC).

Mme Marie-Thérèse Geffroy a estimé que la lutte contre l'illettrisme ne devait pas être guidée par une approche structurelle et budgétaire favorisant une structure unique. Elle a marqué sa préférence pour une approche participative dans laquelle une structure thématique légère peut proposer des outils aux différents acteurs - collectivités territoriales, rectorat, associations - qui mettent en place des actions tenant compte de la diversité des personnes et des territoires. Refusant la vision cloisonnée et administrative de la lutte contre l'illettrisme, elle a rappelé la nécessité de mieux informer les décideurs et de « déstigmatiser » l'illettrisme afin de mettre en oeuvre la stratégie de l'ANLCI, qui est de « Réunir pour mieux agir ».

Audition de M. André Cottenceau, chef de file formation, et Mme Marie-Dominique Pinson, responsable formation, de la confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB)

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la mission d'information a procédé à l'audition de M. André Cottenceau, chef de file formation, et Mme Marie-Dominique Pinson, responsable formation, de la confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB).

M. André Cottenceau a rappelé, au préalable, que les entreprises artisanales du bâtiment, qui représentent 98 % des entreprises du secteur, 68 % des actifs, 85 % des apprentis et 61 % de l'activité, ont une longue tradition de formation professionnelle sur les chantiers.

Il a considéré que la formation a une double vocation, à la fois professionnelle, par l'acquisition de compétences et d'une qualification, et sociale, par son objectif d'insertion et l'ambition de faire accéder 100 % des jeunes à un emploi.

Il a ajouté que la CAPEB apporte sa contribution à la mise en oeuvre de la réforme issue de la loi de 2004, notamment à travers le développement de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC).

Concernant le DIF, ayant déjà concerné 1 271 personnes dans les entreprises de moins de dix salariés, il a estimé qu'il permet d'approfondir le dialogue entre le salarié et le chef d'entreprise, existant déjà naturellement dans les petites entreprises. Alors que l'accord de branche a prévu la transférabilité du DIF au sein des entreprises du bâtiment, afin de « fidéliser » les salariés du secteur, il n'a pas jugé utile de rendre ce droit transférable dans l'ensemble des branches d'activité.

M. André Cottenceau a regretté, ensuite, que les frais de gestion des OPCA, calculés sur une base forfaitaire, augmentent mécaniquement avec le relèvement des taux de cotisation, sans inciter suffisamment ces organismes à développer leur activité de formation en direction des entreprises.

Relevant l'augmentation du nombre de contrats de professionnalisation, il a souligné l'intérêt de ce dispositif, permettant d'accéder à une qualification en situation d'emploi. Puis il a souhaité le développement de la VAE dans le cadre de la gestion prévisionnelle des emplois et compétences, en vue d'accéder, notamment, au titre de « gestionnaire des entreprises artisanales du bâtiment ».

Il a suggéré, par ailleurs, que les fonctions d'orientation ne soient pas exercées par des organismes dispensant des formations, avant de souligner les actions d'information des élèves sur les métiers et les progressions de carrière mises en place par la CAPEB, notamment dans le cadre de l'opération « artisans messagers ». Soulignant la volonté d'amplifier ces démarches, il a insisté sur les difficultés rencontrées pour financer ces actions ainsi que pour être autorisé à intervenir dans certains établissements scolaires, le plus souvent en raison d'un manque de moyens matériels et humains d'accompagnement.

Il a rappelé que la formation des 95 000 apprentis du secteur du bâtiment, dont 84 % sont recrutés par des entreprises artisanales, est assurée par les centres d'apprentissage de la branche et, pour moitié, par l'éducation nationale. Il a exprimé, en revanche, ses réserves à l'égard du dispositif d'apprentissage « junior », soulignant la nécessité de maîtriser les savoirs de base avant d'entrer en formation. Ce dispositif se substitue notamment aux classes préparatoires à l'apprentissage, qui fonctionnaient bien pour un petit nombre de jeunes.

Rappelant que la formation constitue un élément indispensable au développement des entreprises artisanales, il a souligné l'intérêt de la mutualisation au niveau de la branche, tout en insistant sur la nécessité de décliner cette action au niveau régional, afin de gagner en efficacité et de se rapprocher des financements. Ainsi, des correspondants locaux de la formation se mettent en place régionalement, et la décision a été prise de déconcentrer le fonds d'assurance de la formation des salariés de l'artisanat du bâtiment (FAF-SAB), ce qui se heurte à quelques difficultés en raison d'un manque de moyens.

En outre, M. André Cottenceau a souligné la nécessité d'attirer vers le secteur du bâtiment des personnes ayant un niveau élevé de formation en leur proposant des parcours adaptés, afin de pallier le déficit d'actifs « senior ». Puis il a souhaité qu'une réflexion soit engagée sur la façon de financer le remplacement des salariés en formation, dont l'absence a un impact lourd sur la production des très petites entreprises. Relevant que le décret relatif à la mise en place du futur fonds d'assurance formation (FAF) de l'artisanat pour la formation des chefs d'entreprise était attendu depuis 2003, il a suggéré, par ailleurs, que les cofinancements des régions soient mieux ciblés et que les aides aux entreprises artisanales soient renforcées, en vue de construire des plans collectifs de formation, avec l'appui des structures territoriales de la CAPEB en termes d'ingénierie.

A l'issue de cette intervention, M. Jean-Claude Carle, président, a souhaité recueillir l'avis de l'intervenant sur le DIF, alors que certains expriment des craintes à l'égard de sa montée en puissance, et sur l'adéquation des vingt heures annuelles de formation au secteur artisanal du bâtiment. Il a demandé, enfin, si les OPCA apportaient des réponses adaptées aux besoins de formation des entreprises, et si la formation professionnelle n'était pas utilisée, dans une certaine mesure, comme un outil de préservation du consensus social au sein des entreprises.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a demandé s'il apparaissait nécessaire de réformer le financement de l'apprentissage, certains intervenants ayant souhaité redonner son plein potentiel à la taxe d'apprentissage, parfois dévoyée de sa finalité première. Il s'est interrogé, enfin, sur les améliorations à apporter au dispositif de la VAE.

En réponse, M. André Cottenceau a apporté les éléments de précision suivants :

- la mise en oeuvre du DIF se fait dans le cadre d'une négociation entre l'employeur et le salarié ; si l'on peut s'interroger sur l'éventuel frein à l'embauche que peut constituer sa transférabilité d'une entreprise à une autre, il est préférable de mettre en avant ses aspects positifs, en tant que réponse aux besoins de formation des salariés, et de développer, pour les petites entreprises, la possibilité d'exercer ce droit en dehors du temps de travail ;

- les deux OPCA du bâtiment ne répondent encore que partiellement aux besoins de formation des entreprises, mais la situation évolue dans un sens positif ; à cet égard, il serait contre-productif de regrouper ces organismes au sein de grandes structures interprofessionnelles, qui seraient éloignées des besoins et préoccupations des entreprises du secteur ;

- la VAE renvoie à des difficultés d'évaluation des acquis professionnels ; il conviendrait de renforcer l'efficacité de ce dispositif, tout en veillant à maîtriser son coût ; dans le secteur de l'artisanat, le fait de devenir chef d'entreprise constitue une validation informelle des acquis de l'expérience ; par ailleurs, les formations collectives fournissent l'occasion aux salariés, de rencontrer des collègues du secteur et de partager leurs expériences ;

- la taxe d'apprentissage pourrait en effet être mieux ciblée, mais cela ne constitue pas une préoccupation centrale, la priorité étant de renforcer la qualité du contenu des formations.

Mme Marie-Dominique Pinson a ajouté les précisions suivantes :

- la mise en oeuvre du DIF doit conduire à une véritable « coresponsabilisation » de l'employeur et du salarié, qui reste encore insuffisamment développée ;

- le système de formation professionnelle n'est pas aussi performant qu'il devrait l'être, en raison de lourdeurs administratives et de rigidités ; il lui faut gagner en réactivité, afin de mieux répondre aux besoins d'adaptation des salariés, tout au long de leur parcours et notamment en cas d'« accidents » professionnels ;

- la formation professionnelle ne saurait être un moyen d'« acheter » une forme de consensus social au sein des entreprises ; à cet égard, la mutualisation doit être renforcée en vue de mieux accompagner les petites entreprises dans leurs démarches de formation.

Audition de M. Rémi Bailhache, président de la chambre d'agriculture de la Manche, membre du bureau de l'assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), et M. Marc Jeanlin, chargé de la formation et du développement des compétences à l'APCA

La mission d'information a procédé ensuite à l'audition de M. Rémi Bailhache, président de la chambre d'agriculture de la Manche, membre du bureau de l'assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), et M. Marc Jeanlin, chargé de la formation et du développement des compétences à l'APCA.

M. Rémi Bailhache a tout d'abord rappelé que les chambres d'agriculture sont peu impliquées dans la formation initiale, à l'exception de quatre ou cinq chambres organisant des formations dans le champ de l'apprentissage ainsi que, sur le plan national, de l'école d'ingénieurs des chambres d'agriculture, installée à Rouen, qui compte actuellement quatre cent cinquante élèves ingénieurs.

La plupart des chambres d'agriculture s'investissent en revanche dans la formation continue en contribuant à la construction des actions des centre de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA), des lycées agricoles, des maisons familiales et en mettant en oeuvre des stages de formation. Les chambres d'agriculture sont aussi impliquées dans la formation par le biais du fonds de formation des exploitants, Vivéa, au comité national duquel l'APCA participe activement, tout comme elle est impliquée dans le fonctionnement des comités départementaux ou régionaux du fonds. En ce qui concerne la formation des salariés d'exploitations, les chambres d'agriculture réalisent des formations pour le Fonds national d'assurance formation des salariés des exploitations et entreprises agricoles (FAFSEA), où la représentation des employeurs est assurée par la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA). Il a précisé que les services de formation d'environ vingt-cinq chambres d'agriculture ont reçu une certification « formation ».

Au plan financier, il a signalé que les chefs d'exploitation paient une cotisation de 19 euros par an à Vivéa, ce qui représente une recette de 21 millions d'euros au plan national. Les formations délivrées par ce fonds sont souvent cofinancées dans un cadre régional ou européen. Une baisse relativement importante du nombre des exploitants cotisants est constatée à l'heure actuelle, ce qui va rendre nécessaire la recherche de recettes nouvelles et une meilleure utilisation de l'outil.

M. Rémi Bailhache a conclu son exposé introductif en indiquant que, depuis 1972, la volonté de former les chefs d'exploitation, au niveau minimum de technicien, en relation avec la problématique du développement et celle de la recherche, constitue un axe essentiel de l'action des chambres d'agriculture. La formation initiale permet la plupart du temps d'acquérir ce niveau, qui peut aussi être atteint par le biais de la formation continue.

Il a enfin précisé que les exploitations agricoles, sauf dans le secteur de la viticulture ou celui des fruits et légumes, appartiennent à la catégorie des très petites entreprises. L'agriculture recourt aussi beaucoup aux contrats à durée déterminée.

Interrogé par M. Jean-Claude Carle, président, M. Rémi Bailhache a ensuite indiqué, en ce qui concerne le remplacement des chefs d'exploitation, que certaines exploitations pouvaient servir à conforter des jeunes agriculteurs installés à proximité, ou à renforcer d'autres exploitations dans le cadre d'une agriculture sociétaire ou d'un groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC). Il a fait observer que les exploitations qui se libèrent aujourd'hui, souvent plus « professionnelles » que par le passé, sont dotées d'une meilleure rentabilité économique. Il a également évoqué l'objectif qui consiste à apporter aux jeunes agriculteurs souhaitant s'installer une équivalence de qualité de vie avec les autres catégories socioprofessionnelles, ce qui intéresse des jeunes issus de plus en plus fréquemment de milieux non agricoles et souhaitant s'installer. Soulignant la nécessité de leur faire découvrir le métier réel, il a signalé qu'une caractéristique du secteur agricole réside dans l'accompagnement tout au long du parcours d'installation et au-delà, ce qui débouche sur des réussites plus nombreuses que dans d'autres secteurs.

M. Marc Jeanlin a ensuite précisé à M. Jean-Claude Carle, président, que les salariés du secteur agricole bénéficient du DIF, mais que celui-ci était peu utilisé, d'une part en raison de la faible demande de salariés que leur niveau initial de qualification n'incite pas à entrer en formation, selon le schéma éprouvé en fonction duquel « la formation va à la formation », d'autre part, en raison du grand nombre de contrats à durée déterminée, une telle situation n'incitant pas les intéressés à mobiliser leurs droits. Des mécanismes permettent le redéploiement des crédits correspondant vers la formation des salariés à durée indéterminée. Pour autant, les conditions actuelles de la production agricole - les salariés ont par exemple à utiliser à bon escient les produits phytosanitaires - et les impératifs administratifs et réglementaires, qui pèsent sur les exploitations, rendent indispensable la formation de l'ensemble des salariés. Il faut donc proposer des modules de formation intéressants et attractifs.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a souhaité savoir si l'APCA avait été associée à la négociation de l'accord national du 2 juin 2004 sur la formation professionnelle en agriculture.

M. Marc Jeanlin a indiqué que ces négociations n'impliquaient que les organisations d'employeurs, la FNSEA, les fédérations professionnelles et les syndicats de salariés.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a alors demandé quels organismes définissent les orientations de la formation dans le secteur agricole et comment sont opérés les arbitrages entre filières.

M. Rémi Bailhache a répondu que l'APCA, la FNSEA et les autres syndicats représentatifs participent au niveau national à l'élaboration des priorités. Les programmes concrets sont fixés dans les départements, et les chambres d'agriculture sont souvent sollicitées pour construire ceux-ci et les mettre en oeuvre. En ce qui concerne les arbitrages entre filières, des formations sont souvent mises en place pour répondre à une demande particulière, sans que les inscriptions aux stages suivent nécessairement en raison des contraintes spécifiques, pas nécessairement prévisibles, des activités d'exploitation. Les taux d'annulation oscillent d'ailleurs autour de 35 %. Les formations proposées ont souvent une durée de deux jours non consécutifs afin de faciliter la participation des exploitants.

A une demande de M. Bernard Seillier, rapporteur, sur les opérateurs de formation, M. Marc Jeanlin a ensuite répondu que quelque 2 000 opérateurs de formation sont recensés dans le secteur agricole, que les chambres d'agriculture réalisent 55 % des actions de formation, et que les CFPPA représentent à peine 10 % de l'offre de formation de courte durée.

A M. Jean-Claude Carle, président, M. Rémi Bailhache a indiqué de son côté que la participation des lycées agricoles à la formation continue était complexe, car les lycées sont peu adaptés aux formations de courte durée, alors que celles-ci demandent beaucoup de souplesse. Cependant, les chambres d'agriculture utilisent beaucoup, pour leurs propres formations, non seulement les locaux des lycées agricoles, mais encore des centres privés et parfois, des mairies. Seules, une dizaine de chambres ont créé des installations « en dur ».

A M. Bernard Seillier, rapporteur, il a indiqué que la Mutualité sociale agricole, à l'instar de tous les organismes d'assurance, organisait des formations consacrées à la prévention.

Il a enfin indiqué à M. Jean-Claude Carle, président, que les chambres d'agriculture sont toujours associées, « avec plus ou moins de bonheur », à l'élaboration des plans régionaux de développement des formations professionnelles (PRDF), mais aussi au schéma national de l'enseignement agricole, décliné ensuite au plan régional sous l'égide des directions régionales de l'agriculture et de la forêt (DRAF). Ces deux éléments de programmation doivent être articulés, ce qui peut être parfois compliqué.

Audition de Mme Monique Benaily, présidente du groupement des acteurs et responsables de formation (GARF)

La mission d'information a procédé à l'audition de Mme Monique Benaily, présidente du groupement des acteurs et responsables de formation (GARF).

Mme Monique Benaily a précisé que le groupement des acteurs et responsables de formation (GARF) est une association créée il y a près de cinquante ans pour promouvoir la professionnalisation de la formation. Il regroupe 800 adhérents - à 80 % directeurs ou responsables de formation - et représente 600 entreprises. Elle a abordé la question du sens de la réforme, opérée en 2004, de la formation professionnelle, qui doit désormais participer simultanément au renforcement des compétences des salariés et à l'amélioration des performances des entreprises. Elle a observé que les finalités nouvelles de la formation professionnelle, qu'il s'agisse du maintien dans l'activité ou de l'anticipation des ruptures, ne sont pas toujours parfaitement perçues par les responsables de formation dans les entreprises.

Puis Mme Monique Benaily a énuméré les conditions qui, selon elle, doivent être réunies pour tirer le meilleur parti de la réforme. En premier lieu, au niveau de l'entreprise, les responsables de la formation professionnelle doivent mobiliser les outils à leur disposition en communiquant sur l'esprit de la réforme, axée sur la notion de codécision, et en recourant à l'entretien professionnel. En second lieu, ces responsables doivent avoir une connaissance parfaite du cadre normatif. En troisième lieu, il importe que des relations partenariales avantageuses pour tous les protagonistes s'instaurent entre les entreprises et les OPCA d'une part, entre partenaires sociaux d'autre part et, enfin, entre « managers » et collaborateurs. Par ailleurs, la reconnaissance des parcours individualisés dans la circulaire du 14 novembre 2006 publiée par la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) relance les pratiques d'ingénierie de formation, mais il est regrettable que la notion d'action de formation y soit définie de façon trop restrictive.

Abordant l'impact de la réforme sur la politique de l'entreprise, Mme Monique Benaily a estimé qu'elle a été l'occasion de réexaminer l'offre de formation et a constitué une opportunité pour le repositionnement stratégique des responsables de formation au sein de l'entreprise, lorsqu'elle n'a pas tout simplement abouti à une réorganisation de la direction des ressources humaines.

Elle a précisé que les attentes des entreprises auprès des OPCA concernent principalement les fonctions de conseil et d'appui, ainsi que de soutien juridique : ces besoins ne sont pas toujours satisfaits et de nombreuses entreprises déplorent certaines lourdeurs administratives. Par ailleurs, l'importance accordée aux branches d'activité dans la réforme de la formation professionnelle plaide en faveur du choix d'un OPCA rattaché à la branche, les entreprises s'interrogeant, en tout état de cause, sur les enjeux de l'alternative entre ces derniers et les OPCA interprofessionnels régionaux. Pour permettre au salarié d'être véritablement « acteur de sa formation », elle a souligné le besoin d'une aide à l'orientation ou d'une perspective de promotion sociale pour éviter qu'il ne rentre dans une pure logique de consommation en décidant, par exemple, de mobiliser un DIF dans la simple perspective de « tester » un nouveau produit...

Finalement, Mme Monique Benaily a estimé que les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de la réforme sont principalement liées à sa complexité et aux fortes contraintes administratives qu'elle entraîne, en précisant notamment que les « zone d'ombre » du DIF embarrassent les entreprises. En particulier, l'impossibilité de provisionner financièrement le DIF encourage certaines d'entre elles à prescrire des formations afin que les crédits d'heures ne s'accumulent pas. Par ailleurs, l'obligation fiscale de contribution à la formation professionnelle paraît dénuée d'effet notable sur l'effort réel de formation de la plupart des entreprises, ce qui permet de s'interroger sur l'opportunité de son maintien. Enfin, Mme Monique Benaily a énuméré les principales attentes des entreprises en insistant sur le besoin d'information renforcé en matière de VAE, la simplification des règles d'imputabilité des dépenses de formation - avec un élargissement à certaines dépenses telles que le tutorat et les formations utilisant les technologies de l'information et de la communication (TIC) - et, pour les multinationales, l'expression de l'effort de formation en heures, et non pas en euros, ni en pourcentage de la masse salariale afin de pouvoir procéder à une consolidation au niveau européen.

Un débat s'est alors engagé.

Après que Mme Monique Benaily eut précisé à M. Jean-Claude Carle, président, que les responsables de formation étaient généralement adjoints aux directeurs des ressources humaines, elle a indiqué à M. Bernard Sellier que le rattachement de la responsabilité de la formation auprès de la direction de la production ne se rencontre, le cas échéant, qu'au sein des grands groupes. Elle lui a confirmé qu'un premier bilan de la réforme de 2004 aboutit à constater une forte attente de simplification administrative, et précisé que le GARF permet de créer des réseaux entre acteurs de la formation professionnelle qui se trouvent généralement, au sein de leurs entreprises respectives, relativement isolés dans leurs pratiques professionnelles. Elle a également rappelé qu'au début de son activité, le groupement avait eu pour objet de favoriser la recherche en lien avec l'apprentissage et la pédagogie. Puis, à la demande de M. Bernard Sellier, Mme Monique Benaily a précisé la notion d'« apprenance », qui aboutit à mobiliser l'ensemble des leviers propres à améliorer les conditions de l'apprentissage de chacun. Elle a par ailleurs indiqué qu'aucune dominante de branche n'était perceptible parmi les adhérents du GARF. Enfin, elle a réitéré sa préconisation d'un élargissement de la définition de l'action de formation, afin de favoriser la mise en place de pratiques à la fois plus créatives et mieux adaptées.