MISSION COMMUNE D'INFORMATION SUR LE FONCTIONNEMENT DES DISPOSITIFS DE FORMATION PROFESSIONNELLE

Mercredi 9 mai 2007

- Présidence de M. Jean-Claude Carle, président. -

Audition de MM. René Bagorski, conseiller confédéral, Paul Desaiges, conseiller fédéral chargé de la formation initiale et continue, Michel Cardin, chargé de la formation initiale et continue au Comité régional Poitou-Charentes, de la Confédération générale du travail (CGT)

Au cours d'une première réunion tenu dans la matinée, la mission d'information a procédé à l'audition de MM. René Bagorski, conseiller confédéral, Paul Desaiges, conseiller fédéral chargé de la formation initiale et continue, Michel Cardin, chargé de la formation initiale et continue au Comité régional Poitou-Charentes, de la Confédération générale du travail (CGT).

M. René Bagorski a estimé que la formation professionnelle ne doit constituer ni une fin en soi, ni une niche économique pour certains acteurs, ni un marché concurrentiel, mais une réponse à des besoins sociaux. La multiplicité des acteurs (Etat, régions, partenaires sociaux) suggère que des systèmes s'opposent, alors qu'ils devraient être complémentaires. A partir de l'analyse des besoins, les partenaires sociaux, lors de la négociation de l'accord national interprofessionnel du 5 décembre 2003 sur l'accès à la formation tout au long de la vie (ANI), ont reconnu, d'une part, le principe du « développement des compétences collectives » des entreprises et, d'autre part, celui du développement des compétences et qualifications des salariés pour assurer leur employabilité tout au long de leur carrière professionnelle.

Pour atteindre ces objectifs, les partenaires sociaux ont promu la notion de salarié « acteur » de son parcours professionnel et élaboré des financements, des dispositifs et des moyens tels que l'entretien professionnel, le bilan de compétences, la validation des acquis de l'expérience (VAE), la période de professionnalisation, permettant de renforcer le pouvoir d'initiative des salariés. Ils ont même créé un droit attaché à la personne : le droit individuel à la formation (Dif). Le cadre d'un contrat de travail, où perdure le lien de subordination, a cependant été maintenu, ainsi par conséquent que les obligations des employeurs, la responsabilité de l'« employabilité », n'incombant donc pas au seul salarié.

M. René Bagorski a relevé que la CGT avait signé l'ANI, car les deux principes précités permettent de répondre à des besoins sociaux et s'inscrivent dans sa revendication d'un nouveau statut du travail salarié comportant une sécurité sociale professionnelle. Le « développement des compétences collectives » de l'entreprise a pour objet, selon la CGT, d'assurer sa pérennité, de développer l'emploi et de renforcer l'attractivité du territoire. Les caractéristiques de la sécurité sociale professionnelle que la CGT appelle de ses voeux sont les suivants : le bénéfice de droits attachés à la personne garantis collectivement, transférables et opposables à n'importe quel employeur, le bénéfice de 10 % du temps travaillé pour la formation professionnelle, l'obtention, en fin de carrière, d'une certification d'un niveau supérieur à celle à l'entrée sur le marché du travail et, enfin, le doublement de la rémunération sur la durée de la carrière.

Puis M. René Bagorski a souligné le rôle majeur des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) en tant qu'interfaces chargées de mettre en oeuvre les politiques décidées par les partenaires sociaux, aussi bien au niveau interprofessionnel que professionnel. Or, les règles qui régissent les OPCA ne résultent pas de l'accord de 2003, mais du plan quinquennal de 1993. Les entreprises et leurs salariés ont pourtant besoin d'OPCA capables d'assurer un véritable service de proximité, de les aider dans la réalisation de leurs projets et d'être le point de rencontre de différents financeurs, notamment les pouvoirs publics, Etat et conseils régionaux. Hormis les fonds de gestion du congé individuel de formation (Fongecif) qui, au travers de leurs services d'information, de conseil et d'accompagnement, apportent une valeur ajoutée certaine aux salariés, le rôle et la place des autres OPCA doivent être revus. En effet, est-il raisonnable que certains OPCA n'atteignent pas le seuil minimal de collecte, soient dépourvus de délégation territoriale, aient pour objectif principal d'assurer leur pérennité ou ne vivent que grâce aux fonds de péréquation ? En outre, certains OPCA ont pour uniques interlocuteurs les employeurs et deux OPCA interprofessionnels ont pour seule légitimité d'être l'émanation d'une organisation patronale...

M. René Bagorski a indiqué que, pour la CGT, il conviendrait certainement de réduire le nombre d'OPCA -avec notamment un seul OPCA interprofessionnel- et de revoir leurs moyens et les missions à l'aune de l'ANI de 2003. Mais il serait plutôt préférable, compte tenu de la multiplicité des financeurs (Etat, conseil régionaux, Europe, entreprises), que les fonds soient gérés de façon tripartite dans le cadre d'un pôle public financier régional composé de représentants de l'Etat, des conseils régionaux et des partenaires sociaux. Par ailleurs, la multiplicité des organismes de formation constitue un frein à la mise en oeuvre des décisions politiques.

M. René Bagorski a alors déploré que, trois ans après la réforme, malgré l'objectif de personnalisation des parcours, des fédérations d'organismes de formation souhaitent encore revenir aux anciens contrats de qualification, oublieux de l'objectif d'accompagner les plus exclus vers l'emploi et d'y maintenir les plus fragiles. La CGT est favorable à un grand service public de l'information, de l'orientation, de l'emploi, de la formation et de la certification pour répondre à l'ensemble des besoins sociaux et au sein duquel des structures telles que l'Association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) et les Groupements d'établissements publics locaux d'enseignement (Greta) assumeraient pleinement leurs missions de service public.

Un débat s'est alors engagé.

M. Jean-Claude Carle, président, s'est interrogé sur la nature du service de proximité qui devrait être désormais rendu par l'ensemble des organismes paritaires agréés. En réponse, M. René Bagorski a indiqué que cette problématique concerne surtout, parmi la cinquantaine d'OPCA de branche, ceux qui ne sont pas en capacité, du fait de leur petite dimension, d'avoir d'autres fonctions que celle de « collecteur répartiteur ». En effet, les OPCA devraient systématiquement endosser un rôle de conseil pour le développement des compétences individuelles et collectives et, ainsi, aider à la construction du plan de formation. L'accord national interprofessionnel (ANI) a prévu des actions d'information aussi bien en direction des employeurs que des salariés, mais ces derniers sont souvent « oubliés » et les OPCA « patronaux » considèrent volontiers que les chefs d'entreprises sont leurs seuls interlocuteurs. Une question se pose néanmoins : jusqu'où peut aller un OPCA dans le domaine du conseil sans entrer dans le champ concurrentiel ? En définitive, si les OPCA devaient perdurer, leurs obligations de service aux entreprises devraient être renforcées.

M. Bernard Sellier, rapporteur, a souhaité que la nature du « grand service public », dont M. Bagorski appelle la mise en place de ses voeux, lui soit précisée. M. René Bagorski a indiqué que cette structure devrait d'abord répondre aux besoins sociaux, veillant non seulement à « l'employabilité » des salariés, mais aussi à celle des entreprises et des territoires. Dans cette perspective, la CGT travaille à une proposition formalisée. Par ailleurs, concernant le rôle de l'association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), M. René Bagorski a insisté sur le fait qu'elle demeure inscrite au Livre I du code du travail en tant qu'acteur du service public de l'emploi. En particulier, la CGT s'estime « gênée » par les procédures d'appel d'offres, qui donnent souvent la préférence au prestataire de formation « moins disant », plutôt qu'au « mieux disant ».

M. Bernard Sellier a demandé un premier bilan sur l'application de l'ANI. M. René Bagorski, après avoir rappelé que le Comité national pour la formation professionnelle tout au long de la vie (CNFPTLV) y travaille, a relevé que si la relance de la négociation collective sur la formation professionnelle est effective, le problème de l'adéquation des OPCA à leurs missions demeure. Par ailleurs, les organismes de formation ne semblent pas encore en adéquation avec l'individualisation des parcours.

Puis M. Bernard Sellier, rapporteur, a abordé le problème de l'articulation de la branche avec la région, posant la question du territoire pertinent. M. René Bagorski a estimé que cette pertinence doit être évaluée à l'aune du périmètre du pouvoir de chacun des acteurs, l'entreprise se situant dans un cadre à la fois normatif (législatif et conventionnel) et contractuel avec l'Europe, l'Etat et les régions. Selon lui, il est ainsi nécessaire que le maillage entre la branche et le territoire s'effectue à tous les niveaux : départemental, régional et national. Par ailleurs, il importe que le « lien de subordination » du salarié à l'employeur ne s'étende pas au champ de la négociation et de la gestion de la formation professionnelle continue...

Enfin, M. Bernard Sellier, rapporteur, a interrogé M. Bagorski sur la réalité du constat d'une formation continue qui s'adresserait, d'une façon générale, aux personnes les plus formées, et sur la façon de remédier, le cas échéant, à cette iniquité. En réponse, M. René Bagorski a estimé que, depuis l'accord national interprofessionnel de 2003, le système demeure globalement favorable à l'accès des cadres à la formation, alors que la logique de l'ANI est, au contraire, de permettre l'accès de la formation à tous, ce décalage soulignant l'importance de la diffusion de l'information aux salariés et de leur accompagnement. Il existe, en particulier, de nombreux salariés d'une certaine ancienneté qui, bien qu'ayant acquis d'indéniables compétences, se trouveraient en danger sur le marché de l'emploi dans l'hypothèse où leur entreprise viendrait à fermer, faute de certification. Le bilan de compétences présente, à leur égard, une utilité certaine.

M. Jean-Claude Carle, président, a demandé dans quelle mesure il convient de renforcer la validation des acquis de l'expérience (VAE). M. René Bagorski a jugé primordial que la VAE conduise systématiquement à un titre reconnu dans le répertoire national des qualifications professionnelles (RNQP), mais en aucun cas à une certification qui ne serait reconnue qu'au sein de l'entreprise.

Mme Isabelle Debré s'est alors interrogée sur l'intérêt d'un avenant, susceptible d'être signé par la CGT, qui permettrait la reconnaissance des certifications au niveau de la branche, estimant, par ailleurs, que la VAE doit évoluer, car elle ne fonctionne pas suffisamment bien. M. René Bagorski a estimé que cette démarche serait pertinente à condition que la certification soit inscrite au RNQP, sans ignorer les éventuels problèmes d'imputabilité et tout en redoutant que le « RNQP » ne devienne l'« auberge espagnole » des certifications.

M. Paul Desaiges a précisé que l'objectif de la formation professionnelle continue est incontestablement d'outiller le salarié pour l'emploi tout au long de sa vie. Le diplôme apporte une plus-value considérable à la formation en permettant sa transférabilité. L'accompagnement doit donc évoluer dans ce sens, et le rôle des OPCA est d'y contribuer. A titre d'exemple, la métallurgie développe opportunément des certificats de qualification interprofessionnelle.

M. Michel Cardin a indiqué que les outils de la certification fonctionnent mal en raison d'une insuffisance de l'accompagnement dans les parcours de validation et du coût de cette dernière. En réalité, si les demandes sont nombreuses, les quelques parcours mis en oeuvre débouchent sur un faible nombre de validation.

Enfin, M. René Bagorski a confirmé que la CGT était favorable à une fusion des organismes paritaires collecteurs agréés régionaux (OPCAREG) et de l'association pour la gestion du fonds d'assurance des salariés des petites et moyennes entreprises (Agefos-PME), dans une perspective de synergie des moyens.

Audition de MM. Jean-Paul Denanot, président du conseil régional du Limousin et président de la commission de la formation professionnelle de l'Association des régions de France (ARF), et Yves Aubert, président du conseil général du Val d'Oise, secrétaire général adjoint de l'Assemblée des départements de France (ADF)

Puis la mission a auditionné MM. Jean-Paul Denanot, président du conseil régional du Limousin et président de la commission de la formation professionnelle de l'Association des régions de France (ARF), et Yves Aubert, président du conseil général du Val d'Oise, secrétaire général adjoint de l'Assemblée des départements de France.

M. Jean-Paul Denanot a d'abord rappelé que la formation professionnelle était une compétence des régions importante, mais aussi complexe, car elle s'insère dans un ensemble comprenant la formation, l'orientation, l'emploi ainsi que l'insertion, dont les départements ont la charge. L'orientation au niveau du collège, en particulier, est une question fondamentale, a-t-il souligné. Il a regretté la multiplicité des acteurs et a souligné la nécessité de passerelles du côté des financements, de l'organisation et de l'orientation.

Par ailleurs, il a estimé que les dispositifs existants, tels que la VAE et la gestion professionnelle des emplois et des compétences par les entreprises, pourraient être mieux utilisés. En effet, les dispositifs actuels ne sont pas toujours efficaces, compte tenu de cette multiplicité d'acteurs et de financeurs, compte tenu aussi des passerelles insuffisantes entre les entreprises, qui jouent un rôle très important, les branches et les territoires.

Il a estimé que la région devrait jouer un rôle de coordinateur des différentes politiques menées par les acteurs publics et privés. Il a cité l'exemple du Limousin, région où a été créé un groupement d'intérêt public (Gip) fondé sur la parité État-région et associant les partenaires sociaux pour aborder les questions fondamentales, notamment l'orientation. Il a déploré que l'Assedic soit restée en dehors de ce Gip.

Mais il a souligné qu'il existait de grandes variations des politiques de formation selon les régions. Aussi a-t-il souhaité une clarification du rôle des différents partenaires, l'existence de passerelles entre les branches, et une meilleure sécurisation des parcours professionnels, avec les entreprises, le principe essentiel étant à ses yeux que l'argent de la formation professionnelle soit utilisé tout au long de la vie pendant le temps travaillé, les périodes d'insertion, de professionnalisation etc.

Après avoir souligné l'importance des structures d'orientation, telles que les missions locales et les permanences d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO), il a insisté sur deux problèmes principaux :

- d'une part l'apprentissage, qui est marqué par un financement complexe et une trop grande multiplicité d'acteurs (les régions ont une compétence de droit commun mais ce sont les chambres consulaires qui enregistrent désormais les contrats, succédant à l'Etat dans cette tâche), ce qui engendre une concurrence parfois conflictuelle avec les lycées professionnels ;

- d'autre part la loi du 13 août 2004, qui a confié aux régions la compétence en matière de formations sanitaires et sociales. Les effectifs à renouveler vont être très importants, ce qui suppose un travail en commun avec l'éducation nationale sur le contenu des diplômes d'aides-soignants et les besoins à satisfaire en matière d'aides à la personne.

Puis M. Yves Aubert est intervenu au nom de l'ADF pour insister également sur la complexité du dispositif de formation professionnelle, situation qui a conduit à la mise en place de commissions communes ARF-ADF avec des résultats variables selon les départements. Il a précisé que ces derniers ont deux défis majeurs à relever :

- d'une part la qualification, du fait de l'évolution des compétences vers de nouveaux métiers nécessitant un service de plus en plus personnalisé et l'organisation d'un travail en réseau ;

- d'autre part les publics en insertion, qui ont des besoins spécifiques, comme l'ont montré des études sur les bénéficiaires du RMI dans le Val d'Oise. Ces études mettent en évidence le fait que deux tiers des bénéficiaires n'ont pas ou peu de qualification, et que le niveau de formation aide à la sortie du RMI.

M. Yves Aubert a souligné que l'objectif est alors d'articuler les formations à l'accès à l'emploi et d'améliorer la souplesse et la réactivité du système, afin de « sortir du virtuel ». Aussi bien les départements cherchent-ils à redéfinir les parcours en faveur des Rmistes, afin de les rendre plus personnalisés et plus axés sur l'emploi (cas des formations de boulanger, à titre expérimental dans le Val d'Oise).

Puis M. Jean-Claude Carle, président, a interrogé les intervenants sur l'apprentissage, le rôle de chef de file de la région, le rôle du bassin d'emploi comme cadre de l'action territorialisée.

M. Jean-Paul Denanot a réaffirmé l'importance de l'apprentissage, tout en soulignant des réticences de la part de certains personnels des lycées professionnels. Il a suggéré, afin de bénéficier d'une meilleure vision et de réaliser des économies d'échelle, le regroupement, à proximité ou au sein des lycées professionnels, des usagers de la formation initiale, de l'apprentissage, de la formation continue et de la formation tout au long de la vie.

Il a également insisté sur le suivi des diplômés au cours de la première année de sortie du système éducatif, avec notamment des aides et des parcours cohérents à proposer.

M. Jean-Paul Carle, président, s'est interrogé sur l'avenir des brevets d'études professionnelles (BEP).

M. Jean-Paul Denanot a estimé que le maintien de BEP ne débouchant sur aucun emploi résultait principalement d'un conflit de compétences entre ministères et qu'il serait préférable de pousser les formations jusqu'au CAP, en donnant l'exemple de la formation des aides-soignants.

M. Bernard Seillier, rapporteur, l'a alors interrogé sur l'intérêt de la formule du GIP et ses possibilités d'extension.

M. Jean-Paul Denanot a constaté la généralisation dans les régions des formules de coordination, notamment sous la forme de conférences de financeurs, et de l'existence de quelques cas de Gip (quatre ou cinq).

Répondant à une question de M. Bernard Seillier, rapporteur, sur les maisons de l'emploi, il a estimé que celles-ci avaient du mal à trouver leur place, sauf lorsqu'elles existent depuis longtemps, et a insisté sur l'importance du triptyque : orientations financières / élaboration de parcours de formation/réponses du système de formation.

M. Yves Aubert a abondé en ce sens, en précisant que les quatre maisons de l'emploi labellisées dans le Val d'Oise étaient loin d'être opérationnelles.

M. Jean-Paul Denanot a indiqué, en ce qui concerne le service public de l'emploi au niveau local, qu'il avait proposé un co-pilotage Etat-région et que cette proposition n'a pas été suivie. Quant au Conseil national de la formation tout au long de la vie, il a admis qu'il s'agissait d'un lieu utile de concertation et a rendu hommage à l'action de son président.

M. Yves Aubert a rappelé que l'ANPE et l'ADF ont défini un cadre commun, qui, dans le Val d'Oise, a permis de conclure une convention de partenariat avec la mise à disposition de conseillers ANPE auprès du Conseil général.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a ensuite posé des questions sur les expériences innovantes conduites dans leur collectivité et dont pourrait s'inspirer la mission.

M. Jean-Paul Denanot a évoqué les ateliers de pédagogie, les centres permanents professionnels et de nouvelles plates-formes spécialisées, axées notamment sur les métiers d'aide à la personne, existant dans le Limousin. Par ailleurs, il a rappelé que les régions sont en attente d'une jurisprudence claire concernant le service public de la formation : pourront-elles passer directement des commandes publiques de stages ou devront-elles passer par des appels d'offres systématiques, y compris pour les prestations dispensées par l'Afpa ?

M. Yves Aubert a rappelé que l'ADF avait été favorable à une refondation de la politique d'insertion des Rmistes, d'où la création de nouveaux parcours d'emplois, et la désignation d'opérateurs recrutés par appels d'offres pour l'application de parcours professionnels, chargés de définir les objectifs de ces parcours. Il a mentionné des résultats très encourageants concernant les formations d'aide à domicile.

Puis M. Bernard Seillier, rapporteur, a questionné les représentants de l'ARF et de l'ADF sur le bilan des PRDF et sur les modalités d'évaluation des formations.

M. Jean-Paul Denanot a affirmé que le PRDF était un outil intéressant car il confronte les différents acteurs du système, mais qu'il reste assez théorique. Or sa mise en oeuvre est difficile, d'une part parce que les branches professionnelles ne sont pas toujours en capacité d'exprimer leurs besoins et de signer des contrats d'objectifs, donc « de former juste », d'autre part en raison de la résistance de l'appareil de formation, notamment de l'éducation nationale, avec des rectorats qui ont leurs contraintes propres. Il s'est demandé si le PRDF ne devrait pas devenir prescriptif.

Pour conclure, M. Jean-Paul Carle s'est dit convaincu que le PRDF était un outil passionnant qui avait pu faire avancer les choses dans la région Rhône-Alpes.

M. Jean-Paul Denanot a insisté sur le fait qu'alors qu'il existe une évaluation faite régulièrement sur les prestations de formation, celle-ci est défaillante en ce qui concerne les politiques de formation. Il faudrait aller plus loin et prendre en compte l'impact des formations sur la situation économique.

Audition de M. Jean Wemaere, président de la Fédération de la formation professionnelle (FFP)

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la mission d'information a procédé à l'audition de M. Jean Wemaere, président de la Fédération de la formation professionnelle (FFP), accompagné de Mme Christine Soroko, déléguée régionale.

M. Jean Wemaere a indiqué que la fédération de la formation professionnelle (FFP) regroupait plus de 350 organismes de formation qui réalisent un chiffre d'affaires de plus d'un milliard d'euros et forment chaque année 1,5 million de stagiaires. Il a précisé que, globalement, plus des deux tiers des actions de formation étaient aujourd'hui assurés par le secteur privé, la part de marché du secteur public étant donc minoritaire.

Constatant que la France se caractérisait, en Europe, par l'extrême complexité de son système de formation professionnelle, qui ne favorise pas son efficacité, il a estimé avant tout nécessaire de lui donner plus de lisibilité.

Il a ensuite présenté quatre suggestions.

S'agissant de la motivation de l'individu en formation, il a tout d'abord observé que le système actuel comportait une dimension excessive d'assistance et des mécanismes de financement qui s'apparentent au tiers payant, l'individu étant trop peu « moteur » de son processus de formation. Rappelant que la motivation constitue le facteur fondamental de l'apprentissage, il a plaidé, sur la base des expériences conduites chez nos voisins européens, pour une responsabilisation financière des stagiaires au moyen de politiques incitatives de déduction fiscale dans le prolongement de la logique du droit individuel à la formation (Dif), qui vise à rendre le stagiaire « acteur » de sa formation et de son « employabilité ». Observant que le Dif est aujourd'hui lié au contrat de travail, il a suggéré de réfléchir à un basculement vers un droit lié à la personne et assorti d'une solvabilité sous forme de chèques-formation et d'avantages fiscaux.

Puis il a estimé souhaitable de décloisonner les trop nombreux dispositifs, gérés par différents acteurs - branches professionnelles, partenaires sociaux, opérateurs publics et privés, territoires - qui « préemptent la façon de former ». Il a fait observer que la lenteur du développement de la formation à distance en France, qui recèle un fantastique potentiel démultiplicateur, était imputable aux délais d'adaptation de la réglementation. Il a également signalé que les organismes de formation doivent gérer, pour des publics assez homogènes mais relevant de statuts distincts, une palette de régimes de financement très différents.

Au titre de l'amélioration de la lisibilité du système de formation professionnelle, et au-delà du souhait de réduire le nombre des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), il a insisté sur la nécessité de stabiliser les règles d'éligibilité financière des stages de formation appliquées par les organismes collecteurs, en précisant que ces règles peuvent parfois varier au gré du volume de collecte ou des niveaux de fréquentation des opérateurs de branche.

En matière d'amélioration de la concurrence, il a souligné le caractère bicéphale de l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), qui intervient tantôt dans le cadre du service public de l'emploi et tantôt comme opérateur de formation professionnelle, et mis l'accent sur le respect, par cet organisme, du principe de vérité des coûts dans le cadre des appels d'offre. Il a précisé qu'il en allait de même pour les groupements d'établissements publics locaux d'enseignement (Greta) et les universités.

Estimant que l'abondance financière que connaît le système de formation professionnelle devrait faciliter son amélioration, il a enfin suggéré de se doter d'un observatoire pouvant évaluer et mesurer l'efficacité collective et la performance des dispositifs de formation professionnelle.

M. Jean-Claude Carle, président, s'est interrogé sur la mise en place d'un éventuel agrément pour l'ouverture des organismes de formation et sur la définition de garanties minimales, notamment financières tant en formation initiale que continue.

M. Jean Wemaere a rappelé l'esprit de la loi dite « Delors », qui a permis à toute personne susceptible de mettre ses compétences à la disposition des stagiaires de devenir opérateur de formation ; il a précisé que la régulation résultait de la performance des organismes et de l'appréciation des acheteurs. Il a observé que si l'on peut recenser au total 45 000 organismes déclarés seuls 4 000, voire 1 000 opérateurs, ont une véritable réalité économique et un chiffre d'affaires important. Il s'est déclaré défavorable, en conséquence, à la mise en place d'un numerus clausus de nature à limiter la liberté d'accès.

Puis il a signalé qu'un fonds de garantie, mis en place au sein de la fédération, prend en charge certaines défaillances financières et a estimé que la transposition d'un tel mécanisme à l'ensemble de la profession constituerait une garantie financière pour les acheteurs de formation.

M. Bernard Seillier, rapporteur, s'est interrogé sur l'articulation entre les diverses formes de labellisation et de certification délivrées par les organismes de formation.

M. Jean Wemaere a observé que de nombreuses labellisations et de certifications existaient en France et rappelé que la FFP a jugé utile de réfléchir à une méthodologie d'évaluation et a mis en place un système spécifique destiné aux organismes de formation adhérents, pour la validation des connaissances et des compétences acquises par leurs stagiaires.

Mme Christine Soroko, déléguée régionale, a précisé que les référentiels élaborés par la FFP s'adaptent à toute forme de stage et peuvent s'articuler avec le droit individuel de formation et la validation des acquis professionnels.

M. Bernard Seillier, rapporteur, s'est interrogé sur l'évaluation de l'efficacité des organismes de formation et sur l'opportunité de créer une autorité indépendante chargée d'évaluer et de réguler l'offre de formation.

M. Jean Wemaere a répondu que, dans le système actuel, le meilleur critère d'évaluation des organismes est la fidélité de ses clients, qui se traduit par la reconduite des actions de formation.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a alors demandé comment les relations des organismes de formation avec les organismes collecteurs ont évolué ces dernières années, en particulier depuis le rapport Brunhes, qui signalait une certaine tendance à un formalisme excessif.

M. Jean Wemaere a évoqué la tension naturelle qui existe entre les organismes collecteurs et les organismes de formation, avant de préciser que le rapport Brunhes avait créé un « choc salutaire » et que la FFP avait, par la suite, signé des protocoles d'accord avec les principaux organismes collecteurs de façon, notamment, à gérer la dématérialisation de leurs relations pour réduire le volume de papier.

Mme Christine Soroko a souligné l'importance non seulement de la simplification des formalités administratives, mais encore de la sécurisation des délais de paiement, celle-ci étant parfois essentielle à la survie financière des organismes de formation. Elle a rappelé la diversité et la variabilité des conditions de prise en charge des dépenses par les organismes collecteurs.

M. Jean Wemaere a précisé que ces délais de paiement faisaient supporter un aux organismes de formation un coût qui constitue un manque à gagner en termes d'innovation et d'efficacité.

M. Jean-Claude Carle, président, s'est interrogé sur les moyens de réduire ces délais de paiement.

Mme Christine Soroko a indiqué qu'un décret donne la faculté - et non l'obligation - aux OPCA d'accorder des avances aux organismes de formation.

En réponse à une interrogation de M. Bernard Seillier, rapporteur, M. Jean Wemaere a évoqué la variété de l'origine des formateurs et l'existence d'une convention collective définissant le statut des intervenants. Il a ensuite jugé nécessaire de réfléchir à des cursus de formation pour « normer » le statut de formateur et le faire évoluer. Il a signalé que le premier certificat de qualification professionnelle (CQP) de « formateur consultant » venait d'être mis en place. Il a ensuite analysé l'évolution du métier de formateur, qui ne se limite plus à la transmission des savoirs et s'est élargi à des actions d'évaluation ou de suivi individuel : le formateur est ainsi devenu un peu moins « professeur » et plus  « assembleur ». Puis il a signalé un mouvement général en Europe d'externalisation de la formation de la part des entreprises.

M. Jean-Claude Carle, président, a demandé des clarifications sur le rôle des commissions paritaires nationales de l'emploi, dont les décisions semblent être prises sans consultation des régions.

Mme Christine Soroko a précisé que les décisions des CPNE sont prises par les partenaires sociaux et a évoqué le cloisonnement entre la logique de branche et celle des territoires, ainsi que l'insuffisance transparence de ces décisions.

M. Jean-Claude Carle, président, évoquant les freins que constituent l'insuffisance des mesures d'accompagnement des jeunes et les difficultés de logement, s'est demandé quels acteurs pouvaient en assurer le financement.

M. Jean Wemaere a rappelé le rôle d'accueil de l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) en indiquant que subsiste une insuffisance globale des financements dans ce domaine.

Mme Christine Soroko a précisé que les actions de préqualification relèvent d'entités implantées dans des bassins d'emploi, ce qui limite les besoins d'hébergement, avant de rappeler que l'Unedic dispose de fonds spécialement dédiés au logement et aux frais de transport de certains demandeurs d'emplois.

M. Bernard Seillier, rapporteur, évoquant la concurrence sur le marché de la formation, s'est demandé s'il conviendrait de placer un certain nombre d'organismes impliqués dans l'insertion hors du champ des appels d'offre.

M. Jean Wemaere a estimé souhaitable de placer tous les organismes à égalité pour stimuler la compétition.

Mme Valérie Létard s'est interrogée sur la partie non consommée de la collecte des fonds de la formation professionnelle au niveau des branches.

M. Jean Wemaere a rappelé que la règle de fongibilité des financements permet d'allouer les excédents à d'autres actions de formation et, à défaut, le reversement de ces sommes au fonds unique de péréquation (Fup).

Mme Christine Soroko a indiqué que les excès de collecte expliquent les changements de priorité décidés par les CPME dans des conditions de transparence insuffisantes.

M. Jean Wemaere a souhaité la création d'un contrat unique d'insertion professionnelle, en remplacement des vingt-cinq dispositifs de contrats aidés existants.

M. Jean-Claude Carle, président, s'est enfin interrogé sur les solutions à apporter à ces cas de gestion des ressources peu cohérente.

M. Jean Wemaere a rappelé que ces dispositifs sont gérés de façon paritaire.

Audition de M. Gabriel Mignot, président du Centre INFFO - Centre pour le développement de l'information sur la formation permanente

La mission d'information a procédé, ensuite, à l'audition de M. Gabriel Mignot, président du Centre INFFO - Centre pour le développement de l'information sur la formation permanente, accompagné de M. Patrick Kessel, directeur.

M. Gabriel Mignot a rappelé, au préalable, que le Centre INFFO avait été créé en 1976, succédant au Centre national d'information sur la productivité (Cnip), avec pour mission de capitaliser et de diffuser l'information sur la formation continue. Il s'agit d'une association constituée par décret et placée sous la tutelle du ministère en charge du travail, qui emploie une centaine de personnes et dispose d'un budget annuel de 8,5 millions d'euros, provenant de subventions de l'Etat et, pour moitié, de ressources propres. Son conseil d'administration réunit notamment des représentants des ministères concernés, des personnalités qualifiées et des représentants des régions. L'information diffusée concerne en premier lieu la connaissance du droit de la formation professionnelle. Le Centre INFFO élabore des fiches sur la formation professionnelle, diffuse un quotidien ainsi qu'un bimensuel d'information, et publie une revue destinée aux professionnels et aux chercheurs. Il organise, par ailleurs, des sessions de formation et fournit des prestations de service à la demande des organismes du secteur.

Rappelant les grands axes du contrat d'objectif pour 2007-2010 signé avec l'Etat, M. Gabriel Mignot a indiqué que le gouvernement avait confié au Centre INFFO, depuis trois ans, la mission de s'adresser au grand public, alors que celui-ci ne visait jusqu'à présent que les professionnels de la formation continue.

Il a insisté, à cet égard, sur la mise en place d'un portail d'information et d'orientation, destiné au grand public, dont le pilotage et le financement sont assurés par l'Etat, les partenaires sociaux et l'Association des régions de France (ARF). Ce site fournit des descriptions des métiers ainsi que leurs pré-requis professionnels, et indique les lieux où trouver une formation correspondante, dans les treize régions qui ont accepté, pour le moment, de coopérer. M. Gabriel Mignot a regretté, toutefois, qu'aucune campagne d'information n'ait encore été lancée pour faire connaître ce portail, et que, de façon générale, le Centre INFFO ne soit pas un outil suffisamment valorisé par l'Etat.

Il a souligné, en outre, les difficultés à travailler avec les régions, soulignant notamment la nécessité d'améliorer la coordination avec les Centres d'animation, de ressources et d'information sur les formations (Carif), cofinancés par l'Etat et les régions, qui constituent les correspondants locaux du Centre INFFO. Il a précisé, ensuite, que ce dernier n'avait pas une mission d'orientation, mais que l'information diffusée permettait notamment d'orienter les personnes vers les organismes compétents. Enfin, après avoir souhaité mieux faire connaître les actions menées par nos partenaires européens ainsi que les actions de formation transfrontalières, il s'est interrogé sur l'évolution des ressources propres du Centre INFFO, certains services au grand public ayant vocation à être gratuits.

A l'issue de cette intervention, M. Jean-Claude Carle, président, a noté que le Centre INFFO avait contribué à faire connaître les travaux de la mission commune d'information en publiant une synthèse des contributions déposées par les internautes sur le forum de la mission. Puis il a insisté sur la nécessité de rendre le système de formation plus lisible, alors que les personnes les moins formées sont également, en général, les moins bien informées.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a souhaité savoir, d'une part, si le Centre INFFO avait tenté d'établir, compte tenu des informations dont il dispose, un rapprochement entre l'offre et la demande de formation, afin de mesurer le degré d'adéquation entre les deux, et s'il avait, d'autre part, les moyens de contribuer à l'évaluation du système de formation. S'interrogeant sur les moyens de simplifier ce système complexe, il s'est demandé si les formules de guichet unique, telles que les Maisons de l'emploi, constituaient une avancée positive.

En réponse, M. Gabriel Mignot a indiqué qu'une réflexion est en cours sur les moyens d'exploiter les informations capitalisées en vue de développer une certaine capacité d'expertise et de mettre en valeur les « bonnes pratiques ». Si le Centre INFFO n'a pas les moyens de mettre en relation l'offre et la demande de formation, le service public de l'emploi a mis en place un outil en ce sens.

Complétant ces propos, M. Patrick Kessel a rappelé qu'un très grand nombre d'organismes diffusaient de l'information sur la formation professionnelle, puisqu'il existe 515 missions locales ou permanences d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO), 227 maisons de l'emploi labellisées, une dizaine de Cités des métiers, plus de cinquante maisons de l'information sur la formation et l'emploi (Mife) et vingt-cinq Carif.

Dans un contexte de régionalisation de la formation professionnelle, il a estimé que le Centre INFFO, organisme national, permettait d'assurer un égal accès à l'information sur l'ensemble du territoire, l'objectif étant que chaque personne se rendant sur le portail y trouve une solution concrète. Il a regretté, à cet égard, que certaines régions soient réticentes à faire partager leurs propres dispositifs d'information.

Audition de MM. Francis Da Costa, président de la commission formation, Bernard Falck, directeur de la commission formation, Alain Druelles, chef du service formation professionnelle, et Guillaume Ressot, directeur-adjoint affaires publiques, du Mouvement des entreprises de France (Medef)

La mission d'information a enfin procédé à l'audition de MM. Francis Da Costa, président de la commission formation, Bernard Falck, directeur de la commission formation, Alain Druelles, chef du service formation professionnelle, et Guillaume Ressot, directeur-adjoint affaires publiques, du Mouvement des entreprises de France (Medef).

M. Francis Da Costa a tout d'abord exposé la philosophie de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 5 décembre 2003, pris en compte par la loi du 4 mai 2004, étendu à la fin de l'année 2004 et décliné en 2004 et 2005 par 450 accords traitant de la formation professionnelle dans 250 branches professionnelles et au niveau interprofessionnel.

L'ANI de décembre 2003 a entrepris de permettre à chaque salarié d'être acteur de son évolution professionnelle grâce aux entretiens professionnels, aux bilans de compétences, à la validation des acquis de l'expérience (VAE). Un projet professionnel peut être aussi élaboré, a-t-il précisé, à l'aide du passeport formation, en tenant compte des travaux des observatoires prospectifs des métiers et des qualifications.

L'ANI a, par ailleurs, entendu favoriser l'acquisition d'une qualification tout au long de la vie professionnelle dans le cadre du contrat de professionnalisation et de la période de professionnalisation.

Il a enfin visé l'amélioration de l'accès des salariés à des actions de formation dans le cadre du plan de formation, du droit individuel à la formation (Dif) et du congé individuel de formation (Cif). M. Francis Da Costa a précisé à cet égard que, les premiers niveaux de qualification n'étant pas spontanément demandeurs de formation, un dispositif uniquement axé sur l'initiative individuelle ne saurait réduire les inégalités d'accès à la formation.

Il a poursuivi en indiquant que l'ANI de décembre 2003 consacre le passage d'une logique de stage à une logique de parcours de formation personnalisé.

Les huit organisations d'employeurs et de salariés représentatives au plan national et au plan interprofessionnel ont confié au comité paritaire national pour la formation professionnelle (CPNFP) la « maintenance » des accords interprofessionnels sur la formation, le soin d'en préciser les modalités d'application et celui d'assurer la liaison avec les pouvoirs publics. Les commissions paritaires nationales pour l'emploi (CPNE) au niveau des branches professionnelles et les commissions paritaires interprofessionnelles régionales de l'emploi (Copire) au niveau régional, exercent de leur côté des compétences définies.

Par ailleurs, les quatre-vingt-dix-huit organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) ont un rôle essentiel à jouer dans la collecte des contributions des entreprises et le financement des actions en faveur des salariés et des autres publics prioritaires, en fonction des décisions et des orientations des organisations signataires des accords qui les ont créés. En effet, les OPCA sont des outils de mise en oeuvre des politiques de formation décidées par les branches professionnelles et au niveau interprofessionnel.

Par ailleurs, le fonds unique de péréquation (Fup) met en oeuvre les décisions prises par le CPNFP et assure la péréquation entre les différents OPCA en matière de professionnalisation.

Après avoir estimé que ce dispositif permettait une véritable gouvernance paritaire de la formation professionnelle, ainsi que des échanges entre l'ensemble des parties prenantes dans le cadre du conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, M. Francis Da Costa a estimé que la mise en oeuvre de l'ANI du 5 décembre 2003 et de la loi du 4 mai 2004 avait connu une montée en puissance régulière et qu'il était prématuré, et même déplacé, de proposer une nouvelle réforme du dispositif de formation professionnelle sans disposer d'une première évaluation objective de la réforme précédente.

A cet égard, les partenaires sociaux ont décidé, au début de 2007, dans le cadre du CPNFP d'avancer d'un an l'exercice d'évaluation prévue par l'ANI.

Certains éléments chiffrés sont d'ores et déjà disponibles :

- 143 000 contrats de professionnalisation ont été enregistrés en 2006, ce qui représente une progression de 50 % par rapport à 2005. Simultanément, le nombre d'apprentis en formation a augmenté de 10 %, passant ainsi à 405 000 ;

- 374 000 périodes de professionnalisation ont été conclues, ce qui représente une progression de 55 % ;

- 41 000 Cif ont été conclus en 2006, ce qui représente une montée en puissance significative ;

- 130 000 salariés ont mobilisé leur Dif en 2005. Le dispositif devrait progresser de manière importante en 2006 et plus encore en 2007, année au cours de laquelle les salariés auront capitalisé soixante heures de Dif, soit plus de huit jours de formation ;

- la VAE devrait concerner 60 000 bénéficiaires en 2007, contre 20 000 il y a deux ans.

M. Francis Da Costa a rappelé ensuite que le dispositif de financement de la formation professionnelle avait été sensiblement rationalisé depuis le début des années quatre-vingt-dix avec la réduction draconienne du nombre des organismes agréés. L'ensemble de ceux-ci gère actuellement 5,1 milliards d'euros et assure un service aux entreprises de toute taille, notamment en réalisant les formalités administratives et financières de la formation pour leur compte.

Ces évolutions traduisent une mise en oeuvre de l'ANI d'autant plus efficace qu'il a été nécessaire d'attendre l'extension des accords de branches négociés en 2004 et en 2005 pour permettre à des dispositifs tels que la professionnalisation ou le Dif de se déployer.

Par ailleurs, les partenaires sociaux ont décidé de relever les contributions des entreprises, ce qui a provoqué des excédents de trésorerie temporaire dans la plupart des OPCA. Ces excédents ont été versés au Fup, qui a décidé d'encadrer les possibilités de péréquation intéressant le contrat de professionnalisation afin de respecter la spécificité de ce nouveau dispositif. La montée en puissance de la professionnalisation et du Dif devrait supprimer les versements au Fup dès 2007, et au plus tard en 2008. Dans l'intervalle, les fonds disponibles au Fup ont fait l'objet d'un accord entre l'Etat et le CPNFP sur des priorités telles que la VAE, les bilans de compétences, l'illettrisme, le contrat de professionnalisation en faveur des demandeurs d'emploi, les périodes de professionnalisation en faveur des seniors, la préparation aux contrats en alternance par l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa). A côté de cela, le Fup a été ponctionné par la loi de finances pour 2007 à hauteur de 175 millions d'euros en faveur de l'Afpa, en dépit des vives réserves des partenaires sociaux.

M. Francis Da Costa a ensuite rappelé la répartition entre les différentes catégories de financeurs des 24 milliards d'euros qui irriguent l'ensemble de la formation professionnelle, et l'extension progressive depuis 1983 des compétences des conseils régionaux. Il a noté que ces compétences s'inscrivent dans le cadre du plan régional de développement des formations professionnelles (PRDF), dont l'objectif est de définir des orientations à moyen terme en matière de formation professionnelle des jeunes et des adultes, et à l'élaboration duquel les organisations interprofessionnelles et professionnelles doivent être étroitement associées. Il a aussi noté que le principal champ de coopération des organisations professionnelles et interprofessionnelles avec les conseils régionaux est l'apprentissage, la taxe d'apprentissage représentant la moitié du coût de cette formation, compte non tenu des salaires des apprentis et des allégements de charges consentis par l'Etat. Cette coopération est contrastée selon les régions, certaines d'entre elles n'ayant pas suffisamment pris en compte les besoins des entreprises, les possibilités d'insertion professionnelle ou le rôle des centres de formation d'apprentis de branches (CFA) ou interprofessionnels.

M. Francis Da Costa a déploré à cet égard la croissance régulière de la taxation pesant sur les entreprises et la diminution corrélative de la libre affectation des fonds collectés. Il a conclu sur ce point en indiquant qu'il ne serait pas admissible que la collecte de la taxe d'apprentissage ne soit pas gérée par les organisations professionnelles ou interprofessionnelles.

Il a enfin présenté un certain nombre de prises de position sur plusieurs points évoqués au cours des précédentes auditions de la commission :

- en matière d'orientation, une suite doit être donnée au rapport récent de M. Pierre Lunel afin de limiter les sorties du système scolaire sans diplôme ni qualification ou la sortie de l'université sans diplôme ou avec un diplôme ne permettant pas une insertion professionnelle ;

- l'articulation entre la formation initiale et la formation continue devient une réalité dans le cadre de la formation tout au long de la vie professionnelle, comme le montre la mise en place du passeport formation, l'entretien biennal, le développement de la VAE, le fait que les contrats en alternance assurent une excellente transition entre la formation initiale et la formation continue. Dans le cadre de ce mouvement, les organismes de formation doivent s'adapter à la nouvelle donne que constituent l'individualisation et la personnalisation ;

- les partenaires sociaux ont tenu à distinguer nettement le contrat d'apprentissage, voie de formation initiale à part entière permettant de préparer un diplôme ou un titre, et le contrat de professionnalisation, dont le format est plus ramassé et qui s'adresse aux jeunes sans qualification professionnelle ou souhaitant compléter leur formation initiale ainsi qu'aux demandeurs d'emplois dont la professionnalisation est nécessaire ;

- en ce qui concerne le passage du contrat de qualification au contrat de professionnalisation, il convient de noter que de nombreux contrats de qualification, qui permettaient la poursuite d'études, devraient dorénavant donner lieu à la conclusion de contrats d'apprentissage, que l'approche restrictive de certaines branches concernant la possibilité de poursuivre à travers un contrat de professionnalisation des certifications n'étant pas au coeur du métier de la branche a été élargie à l'initiative des CPNE, et que le CPNFP a mis en place en septembre 2005 une procédure d'examen de 410 « contrats orphelins » qui a permis de demander, si nécessaire, aux OPCA de reconsidérer leurs décisions ;

- l'ANI de décembre 2003 est fondé à la fois sur le rôle des branches professionnelles et sur la dimension territoriale, celle-ci étant assurée par les commissions paritaires interprofessionnelles régionales (Copire) ainsi que par le service de proximité fourni par les branches, par les OPCA de branches et les deux réseaux interprofessionnels de collecte ;

- ces deux réseaux interprofessionnels ont chacun leurs spécificités et sont coordonnés par une instance paritaire nationale de coordination (IPNC). Le Medef et la confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) ne sont pas favorables à leur fusion ;

- le Medef n'est pas favorable à un système de prélèvement national des contributions des entreprises à la formation, car le lien entre l'entreprise et son OPCA doit être maintenu ;

- il est peut-être possible de réduire encore le nombre des OPCA en relevant le seuil minimal de collecte, actuellement fixé à 15 millions d'euros, à condition de tenir compte de la complémentarité et de la cohérence des politiques de branches menées au sein des OPCA. Par ailleurs, les comptes des OPCA sont visés par un commissaire aux comptes et placés sous le contrôle de la délégation générale à l'emploi et à la formation permanente (DGEFP) et de la Cour des comptes ;

- les conseils régionaux, se considérant de plus en plus comme chefs de file en matière de formation, sont tentés de mettre en place leur propre dispositif. Cependant, la formation sous contrat de travail relève des entreprises et la contractualisation avec un conseil régional ne peut avoir lieu que dans le cadre défini par les stipulations conventionnelles ou les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur, notamment les contrats d'objectifs et de moyens et les contrats d'objectifs territoriaux. Toute initiative relative à la sécurisation des parcours professionnels doit être appréhendée dans un cadre national. Le Medef n'est donc pas favorable à l'institutionnalisation de conférences de financeurs ;

- il est prématuré de modifier le Dif dont la transférabilité, prévue selon des modalités variées dans un tiers des accords de branches et par différents accords d'entreprises, avait été écartée par la partie patronale lors de la négociation de l'ANI de 2003 afin de ne pas financiariser ce droit et dans la mesure où une transférabilité généralisée nécessiterait le provisionnement du Dif, et grevant ainsi les comptes des entreprises.

En conclusion, M. Francis Da Costa a estimé que les stipulations de l'ANI du 5 décembre 2003 portant sur la formation qualifiante différée méritent une grande attention et précisé que l'ouverture d'une concertation avec les pouvoirs publics sur un abondement financier de ce dispositif est mentionnée dans l'accord.

Il a confirmé que les réflexions en cours sur la sécurisation des parcours professionnels dans le cadre de la délibération sociale lancée par le Medef ou au sein du conseil national pour la formation professionnelle tout au long de la vie pourront avoir une incidence sur la formation professionnelle.

Il a estimé que l'ensemble des OPCA doit fournir un service de proximité selon les modalités les plus appropriées.

Il a souhaité une évaluation attentive des passerelles établies entre le régime d'assurance chômage et la formation professionnelle, et de celles réalisées dans le cadre de l'accord CPNFP-Unedic-ANPE sur le contrat de professionnalisation en faveur des demandeurs d'emplois.

M. Jean-Claude Carle, président, s'est déclaré en accord avec l'idée de laisser au Dif le temps de prendre sa vitesse de croisière, tout en notant que des améliorations pouvaient être envisagées, telles qu'une mutualisation des financements facilitant la transférabilité sans contraindre les entreprises à constituer des provisions. Il a évoqué la possibilité d'associer les partenaires sociaux à l'élaboration du PRDF et de donner à celui-ci une valeur d'engagement. Il a enfin noté que la politique des CPNE semblait susceptible de connaître des à-coups.

M. Francis Da Costa a indiqué que les partenaires sociaux travaillent au sein des CPNE sur les métiers et les qualifications, et que les branches avaient montré une grande réactivité à l'égard des demandes des entreprises en matière de qualifications et de compétences professionnelles, la contrepartie de cette souplesse étant la difficulté des organismes de formation à suivre les évolutions de la politique des CPNE.

Il a estimé que le PRDF était un instrument très important et que les représentants de la production ne sont pas toujours invités à participer à son élaboration.

Il a confirmé que la budgétisation par les entreprises d'un Dif transférable poserait problème et a estimé que la transférabilité créerait en outre une distorsion de concurrence entre un salarié se présentant à l'embauche avec un compte Dif à solder et un salarié ne disposant pas de droits accumulés dans un précédent emploi. Les branches qui ont négocié la transférabilité ont un intérêt à la réaliser, à l'exemple du bâtiment, doté de caisses habituées aux opérations de mutualisation.

Par ailleurs, utiliser le Fup pour mutualiser le Dif équivaudrait à créer une nouvelle contribution à la charge des entreprises, dans la mesure où les excédents versés au Fup par les OPCA disparaîtront en 2008. Le Medef s'opposera à la création d'une nouvelle contribution.

En ce qui concerne la valeur du PRDF, M. Francis Da Costa a indiqué que les branches étaient d'ores et déjà en mesure de prendre des engagements contractuels au plan régional, dans le cadre des contrats d'objectifs.

Aux questions de M. Bernard Seillier, rapporteur, sur le rôle de la branche dans la conduite de la politique de formation continue des salariés, sur l'incidence institutionnelle de l'affectation aux partenaires sociaux d'une partie de la collecte des OPCA, sur la notion d'entreprise formatrice, il a répondu que l'ANI de décembre 2003 reconnaît le caractère formateur du travail en entreprise et que la branche est un niveau pertinent d'approche de la formation professionnelle. Les réticences initiales des branches à l'égard du financement de formations transversales par le prélèvement de 0,5% destiné à la professionnalisation ont été justifiées par le fait que les besoins en compétences intéressant le coeur des métiers de branche ne sont pas satisfaits. Certaines branches ont, depuis lors, élargi leurs critères de prise en charge de la professionnalisation, à l'instar de la métallurgie, qui finance des qualifications de transporteurs, dans la mesure où elle utilise ce type de compétence. D'autres branches ont décidé en revanche de cesser de financer certains contrats de professionnalisation relevant plus du régime de l'apprentissage, dans le respect de l'esprit de l'ANI. Il a observé qu'une entreprise à qui l'on refusait le financement d'un contrat de professionnalisation conserve la possibilité de recourir au plan de formation en faveur du salarié concerné.

A M. Paul Girod, qui demandait si les partenaires sociaux disposent d'un système dévaluation des formateurs, il a répondu que tel n'était pas le cas, dans la mesure où les fonds gérés paritairement représentent les excédents des entreprises, celles-ci sont libres du choix de leurs formateurs et sont responsables de leur évaluation. Il a noté aussi que certains OPCA avaient créé un catalogue de formateurs, et que la qualité de la couverture régionale des organismes de formation est un critère utile d'accès aux catalogues, dans la mesure où les déplacements des personnes en formation apparaissent souvent comme un obstacle.

M. Bernard Falck a indiqué de son côté que le financement du paritarisme par les OPCA permet aux partenaires sociaux de se déployer en région : c'est ainsi que le Medef a eu l'opportunité de recruter vingt-deux coordinateurs régionaux chargés de développer la concertation avec les conseils régionaux.

A une dernière question de M. Paul Girod sur le rapport entre le financement des structures et celui de la formation elle-même, M. Alain Druelles a enfin répondu que les critiques parfois adressées aux OPCA dépassent notablement les gains de rationalisation réellement envisageables dans la gestion de la collecte.