Table des matières

  • Mercredi 20 janvier 1999
    • Nomination de rapporteurs
    • Programme de travail
    • Traités et conventions - Approbation de la Charte sociale européenne et du protocole additionnel prévoyant un système de réclamations collectives - Examen du rapport
    • Traités et conventions - Ratification de la convention entre les Etats parties au Traité de l'Atlantique Nord et les autres Etats participant au partenariat pour la paix sur le statut de leurs forces - Examen du rapport
    • Traités et conventions - Conventions France-Confédération suisse portant rectification de frontières - Examen du rapport
    • Affaires étrangères - Voyage du ministre des affaires étrangères en Russie - Communication
    • Mission d'information - Politique de sécurité et de défense du Japon - Communication
    • Audition de M. Alain Richard, ministre de la défense

Mercredi 20 janvier 1999

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -

Nomination de rapporteurs

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord procédé à lanomination de rapporteurs. Ont été désignés :

- M. Pierre Biarnès pour le projet de loi n° 148 (1998-1999) autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la création de l'Université franco-allemande ;

- M. Daniel Goulet pour les projets de loi n° 149 (1998-1999) autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud pour la prévention, la recherche, la constatation et la répression des infractions douanières, et n° 150 (1998-1999) autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République slovaque pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières.

Programme de travail

La commission a ensuite décidé, sur la suggestion de M. Xavier de Villepin, président, d'organiser, au cours des prochains mois, deux séries d'auditions portant, les unes, sur le thème "diplomatie, défense et justice pénale internationale", et les autres sur les réserves militaires.

Traités et conventions - Approbation de la Charte sociale européenne et du protocole additionnel prévoyant un système de réclamations collectives - Examen du rapport

Puis la commission a examiné le rapport de M. André Boyer sur les projets de loi, adoptés par l'Assemblée nationale, n° 140 (1998-1999) autorisant l'approbation de la charte sociale européenne (révisée) et n° 141 (1998-1999) autorisant l'approbation du protocole additionnel à la charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives.

M. André Boyer
a d'abord souligné que les deux accords proposés étaient le fruit de la volonté manifestée par le Conseil de l'Europe de relancer son action dans le domaine social ; à cette fin, l'institution avait procédé, d'une part, à une révision complète de la charte sociale européenne signée en 1961 et élaboré en conséquence un nouveau texte qui tenait compte des évolutions du droit du travail et des conceptions des politiques sociales depuis 1961, et avait négocié d'autre part, un protocole additionnel instaurant un système de réclamations collectives ouvert aux partenaires sociaux et à certaines organisations non gouvernementales.

Le rapporteur a ensuite dressé un bilan de la charte sociale de 1961, en soulignant quatre faiblesses de cet instrument : la présence de certaines lacunes dans l'énoncé des droits, l'absence de caractère contraignant, l'obligation des Etats de souscrire seulement à un nombre minimal des dispositions contenues dans la charte, et enfin l'insuffisance du mécanisme de contrôle. Il a toutefois relevé que la charte représentait un complément utile par rapport aux instruments adoptés dans le cadre de l'Union européenne et qu'elle pouvait surtout servir de référence pour les pays d'Europe centrale et orientale, ainsi que pour la Russie.

M. André Boyer a alors évoqué les modifications apportées dans le cadre de la charte sociale révisée : renforcement des droits existants, introduction de nouveaux droits (protection en cas de licenciement, droit à la dignité au travail...) et enfin augmentation du nombre des engagements auxquels les Etats sont tenus de souscrire.

Le rapporteur a ensuite souligné que la France avait accepté la totalité des dispositions de la charte rénovée et que notre législation apparaissait, dans son ensemble, conforme aux dispositions de la charte ; quelques difficultés demeuraient toutefois sur certains points (pratique d'un monopole syndical dans le secteur du livre, retenue sur salaire appliquée aux fonctionnaires de l'Etat en grève, inégalité en matière de droits successoraux à l'encontre des enfants adultérins).

M. André Boyer a enfin abordé les modalités de contrôle de la charte sociale, en soulignant qu'elles ne présentaient pas de caractère juridictionnel, à l'opposé du contrôle qui prévaut pour l'application de la convention européenne des droits de l'homme ; en effet, ce contrôle repose sur des rapports préparés par les Etats et soumis à un comité d'experts indépendants qui formulent des conclusions sur l'application des principes fixés par la charte. Il revient ensuite au comité des ministres, comme l'a indiqué le rapporteur, d'adresser à la majorité des deux tiers des recommandations -qui n'ont d'autre sanction que la publicité qui leur est donnée- aux Etats qui ne respectent pas leurs obligations au regard de la charte. Le protocole additionnel complète ce dispositif, a souligné M. André Boyer, en ouvrant un droit de réclamation collective à plusieurs grandes catégories d'organisations -le droit de recours individuel demeurant exclu.

M. André Boyer a conclu que, si la portée des dispositions contenues dans la charte sociale européenne révisée ainsi que dans le protocole additionnel demeurait peu étendue, ces deux textes avaient vocation à servir de point de référence pour les pays d'Europe centrale et orientale dans la perspective de leur intégration à l'Union européenne. Il a en conséquence invité la commission à donner un avis favorable aux deux présents projets de loi.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin, président, a souhaité savoir si la charte sociale se bornait à constater l'état du droit existant en matière sociale entre les pays signataires, ou si elle avait pour mission de favoriser une coordination des législations nationales. Il s'est interrogé ensuite sur certaines difficultés soulevées par la législation française au regard de la charte, notamment les questions liées au monopole syndical.

M. André Boyer a d'abord relevé que la charte énonçait des objectifs ambitieux destinés à moyen terme à relever le niveau des droits sociaux en Europe. Il a en outre observé que le monopole syndical, après avoir été éliminé pour les dockers, était aussi battu en brèche, comme l'a également rappelé M. Pierre Biarnès, dans le secteur du livre.

La commission a alors approuvé les deux présents projets de loi qui lui étaient soumis.

Traités et conventions - Ratification de la convention entre les Etats parties au Traité de l'Atlantique Nord et les autres Etats participant au partenariat pour la paix sur le statut de leurs forces - Examen du rapport

Puis la commission a examiné le rapport de M. Serge Vinçon sur le projet de loi n° 5 (1998-1999) autorisant la ratification de la convention entre les Etats parties au Traité de l'Atlantique-Nord et les autres Etats participant au partenariat pour la paix sur le statut de leurs forces.

M. Serge Vinçon a indiqué que la convention a pour objet d'étendre à l'échange de personnel militaire entre pays parties au partenariat pour la paix (PPP) les dispositions de la convention de Londres de 1951, conclue entre les membres de l'OTAN, sur le statut de leurs forces (SOFA OTAN). Le rapporteur a en effet rappelé que le partenariat pour la paix comprend, parmi ses activités, des exercices militaires réalisés sur le territoire d'Etats non parties à l'OTAN. Il a fait observer que le régime juridique de stationnement provisoire de forces militaires étrangères sur le territoire d'un Etat partie à la convention permettra d'assurer à leurs personnels et à leurs états-majors une sécurité juridique et un cadre financier indispensables, notamment pour ce qui relève des compétences juridictionnelles ou du règlement des dommages éventuellement causés à l'occasion de ce stationnement. Le rapporteur a précisé que le régime juridique élaboré pour les pays de l'OTAN en 1951 est apparu suffisamment clair et éprouvé pour qu'il soit décidé d'en étendre les dispositions aux échanges de personnels intervenant dans le cadre du partenariat pour la paix. Tel est précisément, a indiqué le rapporteur, l'objet de la convention soumise à l'examen de la commission.

M. Serge Vinçon a alors rappelé que c'est au sommet de Bruxelles de janvier 1994 que les pays membres du Traité de l'Atlantique-Nord avaient lancé l'initiative du partenariat pour la paix. Celui-ci a désormais pour objectif majeur de promouvoir la coopération militaire entre les pays de l'OTAN, d'une part, et les pays non membres de l'OTAN, d'autre part. Depuis 1995, le partenariat pour la paix a permis d'établir des relations pratiques entre l'OTAN et chacun de ses 28 partenaires, en les associant à des programmes militaires concrets et à la préparation d'opérations de maintien de la paix. Le partenariat pour la paix est fondé sur une relation directe entre les pays de l'Alliance atlantique et chacun des partenaires. Le rapporteur a indiqué que les activités proposées à chaque pays partenaire revêtent un caractère soit multilatéral soit bilatéral. Les activités militaires et non militaires sont regroupées dans un "programme de travail de partenariat" ainsi que dans un "programme de travail personnalisé", permettant des aménagements adaptés aux besoins spécifiques de chaque pays.

Puis le rapporteur a rappelé les principales dispositions contenues dans la convention de Londres de 1951, dite SOFA OTAN. Il a ainsi décrit les dispositions relatives aux compétences juridictionnelles, les modalités de règlement des dommages causés à l'occasion du stationnement des forces, ainsi que les formalités douanières et fiscales applicables aux forces militaires stationnées.

M. Serge Vinçon a ensuite précisé les dispositions spécifiques apportées par la convention de 1995 : la possibilité de conclure les accords bilatéraux de stationnement entre un pays membre de l'OTAN, d'une part et un pays participant au partenariat pour la paix non membre, d'autre part ; le protocole additionnel annexé à la convention excluant l'applicabilité de la peine capitale à l'égard d'un membre d'une force et de l'élément civil d'une force d'un des Etats parties au présent protocole, dans le cadre de l'exercice des compétences juridictionnelles prévues par la convention de 1951.

Concluant son propos, M. Serge Vinçon, rapporteur, a souligné que la convention soumise à l'examen de la commission, en faisant application d'un système juridique, éprouvé depuis plus de quarante ans, aux hypothèses d'échanges de personnels dans le cadre du partenariat pour la paix permettra de faciliter son fonctionnement. En créant progressivement des opportunités d'échanges et de coopération avec des pays qui n'ont pas tous vocation à entrer dans l'OTAN, le partenariat participe à l'établissement d'un cadre de dialogue entre nations allant de l'Atlantique jusqu'au-delà de l'Oural. Le rapporteur a ainsi invité la commission à adopter le projet de loi qui est soumis.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Christian de La Malène a fait observer que cette convention était intéressante dans la mesure où elle permettait de s'interroger sur l'utilité et sur les ambitions du partenariat pour la paix. A cet égard, il s'est interrogé sur ce que la France pouvait espérer du développement de ce partenariat.

M. Xavier de Villepin, président, s'est demandé dans quelle mesure le partenariat pour la paix constituait, pour les Etats parties, une antichambre à l'adhésion à l'OTAN. Il a relevé la multiplicité des organismes de consultation et de dialogue impliqués dans un conflit comme celui du Kosovo : groupe de contact, Conseil de l'Europe, OSCE, OTAN, etc.

M. Robert Del Picchia a relevé la situation particulière des pays neutres comme l'Autriche qui, tout en faisant partie du partenariat pour la paix, ne participent pas à des opérations militaires conjointes, notamment pour le maintien de la paix.

M. Serge Vinçon, rapporteur, a précisé que l'un des intérêts du partenariat pour la paix était d'instaurer, par des mécanismes de concertation, de transparence et d'exercices militaires conjoints, une plus grande confiance entre l'OTAN, d'une part, et les pays d'Europe centrale et orientale et ceux de la CEI, d'autre part. Le partenariat pour la paix constituait également un cadre de négociations régionales qui pourrait se révéler propice à l'apaisement de conflits régionaux. Il a enfin rappelé que chaque pays, compte tenu de ses ambitions politiques, de ses capacités ou de ses besoins militaires, définissait avec l'OTAN, dans le cadre du partenariat pour la paix, un programme de travail individualisé prenant en compte ces particularités. Tous les pays partenaires n'avaient pas, par ailleurs, vocation à adhérer à l'OTAN.

La commission, suivant l'avis de son rapporteur, a alors approuvé le projet de loi qui lui était soumis.

Traités et conventions - Conventions France-Confédération suisse portant rectification de frontières - Examen du rapport

La commission a ensuite examiné le rapport de M. Hubert Durand-Chastel sur les projets de loi :

- n° 72 (1998-1999) autorisant la ratification de la convention entre la République française et la Confédération suisse portant rectification de la frontière franco-suisse suite au raccordement des autoroutes entre Saint-Julien-en-Genevois (département de la Haute-Savoie) et Bardonnex (canton de Genève) ;

- et n° 73 (1998-1999) autorisant la ratification de la convention entre la République française et la Confédération suisse portant rectification de la frontière franco-suisse entre le département du Doubs et le canton de Vaud.

M. Hubert Durand-Chastel a tout d'abord mentionné les différentes rectifications de frontières déjà effectuées entre la France et la Suisse, dans la plupart des cas pour tirer les conséquences de travaux d'infrastructures (aménagement d'un barrage ou correction du cours de certains cours d'eau).

Il a ainsi précisé que la convention portant rectification de la frontière entre le département du Doubs et le canton de Vaud, qui induit l'échange de parcelles de superficie très réduites (30 m²), a été motivée par les travaux de canalisation du cours d'eau la Jougnenaz. Commentant cette convention, M. Hubert Durand-Chastel a fait observer qu'un accord franco-suisse de 1965 relatif à l'abornement et à l'entretien de la frontière avait défini les modalités pratiques de modification des frontières, en confiant notamment aux délégués à l'abornement des deux parties les travaux consécutifs à de telles rectifications.

M. Hubert Durand-Chastel a alors relevé la modestie des travaux matériels induits par la convention franco-suisse portant rectification de la frontière entre le département du Doubs et le canton de Vaud, ces travaux se limitant, a-t-il poursuivi, au déplacement d'une borne.

M. Hubert Durand-Chastel a ensuite présenté la convention portant rectification de la frontière entre le département de la Haute-Savoie et le canton de Genève, liée au raccordement des autoroutes française A 401 et suisse NIA. Le rapporteur a indiqué que le pont autoroutier, long de 377 mètres, que cette convention visait à intégrer au territoire français, induisait le transfert de la France à la Suisse de trois parcelles de 81.400 m², soit exactement l'équivalent de la surface cédée à la France.

Le rapporteur a alors précisé les missions confiées par cette convention aux délégués français et suisses à l'abornement, s'agissant de la mise en oeuvre et des travaux induits par les rectifications de frontières. Le rapporteur a également commenté le coût des travaux liés à la modification de l'abornement entre la France et la Suisse, supporté pour moitié par les deux parties.

Puis M. Hubert Durand-Chastel, constatant que les deux conventions ne présentaient pas de difficultés pour les deux départements français, a conclu à l'adoption des deux projets de loi proposés.

La commission a alors, suivant l'avis du rapporteur, approuvé les deux projets de loi qui lui étaient soumis.

Affaires étrangères - Voyage du ministre des affaires étrangères en Russie - Communication

La commission a ensuite entendu une communication de M. Claude Estier sur la situation en Russie, à la suite d'un voyage effectué à Moscou, les 11 et 12 janvier 1999, en tant que membre de la délégation parlementaire accompagnant M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

M. Claude Estier a fait état des difficultés évoquées par les investisseurs français en Russie, rencontrés à Moscou, le marché russe évoluant de façon encore plus incertaine que par le passé depuis la crise d'août 1998. A cet égard, M. Claude Estier a relevé les conséquences de la politique économique libérale conduite en Russie, de manière excessivement rapide, après la disparition de l'Union Soviétique. Il a commenté le développement de la corruption et des réseaux mafieux en Russie, le détournement des crédits occidentaux, l'effondrement du système bancaire et de la production industrielle, avant de rappeler dans quelles circonstances le Gouvernement avait, en août 1998, procédé à la dévaluation du rouble. M. Claude Estier a également souligné le caractère, selon lui gravissime, de la crise économique et sociale à laquelle est aujourd'hui confrontée la Russie.

De ses entretiens avec les personnalités politiques rencontrées à Moscou (MM. Ziouganov, président de la fraction communiste de la Douma, Seleznev, président de la Douma, Iavlinsky, chef du parti centriste "Iabloko", et Semago, président du groupe d'amitié Russie-France de la Douma et de la fraction "Régions de Russie"), M. Claude Estier a retiré les impressions suivantes, s'agissant des prochaines échéances électorales en Russie (élections législatives en décembre 1999, et élections présidentielles à une date subordonnée à l'état de santé du président Eltsine) :

- le communiste Guennadi Ziouganov, président du groupe de la Douma le plus important, est incontestablement une figure majeure du paysage politique russe ;

- la popularité de Iouri Loujkov, maire de Moscou, ne fait aucun doute dans la capitale, mais paraît encore faible dans les régions russes ;

- la fraction Iabloko, présidée par Grigori Iavlinsky, ne représente que 10 % environ des députés à la Douma, ce qui permet de relativiser l'influence susceptible d'être exercée par ce leader politique dans les prochaines élections présidentielles ;

- la situation du Premier ministre constitue une donnée encore incertaine des prochaines élections présidentielles, M. Primakov ayant expressément exclu de briguer le mandat de Chef de l'Etat russe, mais bénéficiant incontestablement d'un consensus dans la classe politique.

M. Claude Estier a ensuite commenté l'écart croissant entre Moscou et les sujets de la Fédération de Russie, les républiques et régions constituant la Fédération russe étant désormais soucieuses de développer leur autonomie économique. Cette évolution, liée notamment, a souligné M. Claude Estier, au caractère très modeste du budget fédéral russe, se traduit, entre autres manifestations, par la volonté des régions de Russie d'instaurer des relations directes avec des régions étrangères. M. Claude Estier a, à cet égard, espéré que les projets de jumelage entre des régions russes et certaines collectivités locales françaises connaîtraient prochainement une issue favorable.

Dans le même esprit, M. Claude Estier a relevé qu'un nombre croissant d'entreprises françaises présentes en Russie cherchaient à diversifier leurs implantations sur ce marché, au profit des régions offrant les meilleures opportunités économiques.

A la suite de cet exposé, M. Claude Estier est revenu, à la demande de M. Robert Del Picchia, sur les chances respectives de MM. Loujkov et Primakov en cas d'élections présidentielles anticipées. Il a également commenté, avec M. Robert Del Picchia, la stratégie des investisseurs français en Russie, entre la tentation de retrait du marché russe, et la volonté de trouver des implantations économiques plus rentables que la capitale russe.

M. Pierre Biarnès a commenté les défaillances liées à l'absence d'appareil d'Etat en Russie dont les difficultés posées par la perception de l'impôt constituent, a-t-il souligné, une manifestation. Il a estimé que le poids croissant des gouverneurs dans la Russie actuelle -qu'il a caractérisée de "nouveau temps de troubles"- évoquait, à certains égards, certaines pages de l'histoire de la Russie prérévolutionnaire. M. Pierre Biarnès a également relevé le décalage entre la popularité de Iouri Loujkov à Moscou, et la faible audience du maire de Moscou dans les provinces.

M. Claude Estier a alors rappelé la difficulté considérable que constituent, pour une part croissante de la population russe, les arriérés de salaire, qui renforcent le développement d'une économie parallèle non monétaire.

Mme Josette Durrieu a commenté le soutien attribué par Guennadi Ziouganov au mouvement extrémiste "libéral-démocrate" de Jirinovski, à l'origine d'un potentiel de voix qu'elle a jugé déterminant. Elle a estimé que si le maire de Moscou paraissait, à court terme, constituer un candidat sérieux dans l'hypothèse d'une élection présidentielle anticipée, en revanche une personnalité comme le général Lebed pouvait, selon elle, à plus long terme, en raison du poids politique conféré par son élection au poste de gouverneur de Krasnoïarsk, disposer de chances importantes. Mme Josette Durrieu a également évoqué l'ampleur de la corruption et l'importance des réseaux mafieux en Russie.

M. Claude Estier ayant relativisé le poids politique actuel du général Lebed, M. Xavier de Villepin, président, a rappelé la popularité du Premier ministre russe, et a estimé que le besoin persistant d'une aide occidentale substantielle par la Russie imposait le choix d'un Chef de l'Etat intègre, sous peine de lasser la bonne volonté des occidentaux. M. Claude Estier a, à cet égard, jugé que l'élection de Evguéni Primakov à la tête de l'Etat russe pourrait conforter la générosité des bailleurs de fonds occidentaux.

Mission d'information - Politique de sécurité et de défense du Japon - Communication

La commission a enfin entendu une communication de M. Xavier de Villepin, président, sur la politique de sécurité et de défense du Japon.

Après avoir indiqué qu'à l'occasion d'un récent voyage en Asie, il avait coprésidé un colloque organisé à Tokyo sur les questions de sécurité et de défense, M. Xavier de Villepin, président, a rappelé que, malgré un budget de défense qui demeurait inférieur à 1 % du PIB national (230 milliards de francs en 1998), l'armée japonaise pouvait néanmoins être considérée comme la troisième au monde et la première armée conventionnelle en Asie, en rassemblant 240.000 hommes (152.000 pour l'armée de terre, 45.000 pour la marine, et 47.000 pour l'armée de l'air).

Evoquant les contraintes pesant sur le Japon en matière de défense, M. Xavier de Villepin, président, a souligné le traumatisme durable qui avait résulté des bombardements nucléaires à Hiroshima et Nagasaki et des années d'occupation américaine jusqu'en 1954, et même jusqu'en 1972 à Okinawa. Il a également rappelé les termes du traité de sécurité signé avec les Etats-Unis en 1951 et prévoyant le maintien de troupes armées importantes sur le territoire nippon, tandis que la création en 1954 des "forces d'auto-défense" (FAD) avait constitué une première étape vers une autonomie minimale.

Abordant alors l'image du Japon dans son environnement régional, M. Xavier de Villepin, président, a d'abord relevé que, tout en étant le premier partenaire économique et le second partenaire culturel de la Chine, le Japon restait considéré, par l'opinion chinoise, comme militariste et agressif, Pékin s'employant depuis des décennies à effacer les traces de l'humiliation nationale. L'image du Japon en Corée est par ailleurs marquée par une animosité héritée de l'histoire, malgré la décrispation entre les deux pays amorcée par le président sud-coréen Kim Dae-Jung. S'agissant enfin des relations russo-japonaises, M. Xavier de Villepin, président, a rappelé que le problème des îles Kouriles n'était toujours pas réglé, la Russie ne paraissant pas en état d'engager une véritable négociation sur l'avenir de ces îles qu'elle occupe.

M. Xavier de Villepin, président, a alors estimé que deux menaces potentielles pesaient principalement aujourd'hui sur le Japon. Le sentiment d'une menace nord-coréenne immédiate a été récemment renforcé par l'épisode du missile nord-coréen qui a survolé, le 31 août dernier, le territoire japonais. Mais c'est la Chine qui représente -a-t-il souligné-, aux yeux de Tokyo, le principal risque extérieur à long terme.

Concluant son exposé, M. Xavier de Villepin, président, a évoqué les principales orientations actuelles de la politique de défense japonaise. Il a en particulier mentionné l'approfondissement des relations militaires nippo-américaines et relevé plusieurs domaines potentiels de développement de capacités nouvelles pour le Japon, en matière notamment de défense anti-missiles, de capacité balistique, et de moyens d'observation par satellites.

M. Pierre Biarnès est alors revenu avec M. Xavier de Villepin, président, sur la question des îles Kouriles, qui n'est toujours pas en voie de règlement malgré l'intérêt que présenterait un rapprochement russo-japonais. M. Xavier de Villepin, président, a enfin souligné que, de façon générale, la crise actuelle en Asie faisait apparaître deux inconnues essentielles pour l'avenir : l'inconnue japonaise et l'inconnue chinoise.

Audition de M. Alain Richard, ministre de la défense

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Alain Richard, ministre de la défense.

M. Alain Richard
a tout d'abord rappelé que le groupe de contact sur le Kosovo, à l'initiative des Européens, avait élaboré un cadre politique en vue d'aboutir à un accord sur un futur statut d'autonomie substantielle du Kosovo dans le cadre de la Fédération yougoslave. L'Alliance atlantique avait décidé d'exercer une pression militaire en préparant des frappes aériennes sur des infrastructures militaires. Ce dispositif et les menaces de frappes avaient été repris par la résolution 1203 du Conseil de sécurité des Nations unies.

Le ministre de la défense a rappelé que, dans un premier temps, les termes de l'accord conclu entre M. Milosevic et l'Ambassadeur Holbrooke en vue d'ouvrir une négociation entre l'ensemble des parties ont été relativement respectés : le Gouvernement yougoslave a ramené au-dessous d'un certain seuil son dispositif militaire au Kosovo alors que l'UCK a respecté le cessez-le-feu ; parallèlement s'était effectuée, à un rythme cependant assez lent, la mise en place des vérificateurs du cessez-le-feu relevant de l'OSCE, dont l'effectif dépasse aujourd'hui à peine le tiers du niveau prévu.

M. Alain Richard a souligné qu'à partir du mois de décembre dernier, les entorses au cessez-le-feu se sont multipliées, avec des attaques, par l'UCK, de policiers ou de militaires serbes, entraînant de brutales réactions des forces serbes. Depuis lors, l'importance des moyens militaires serbes au Kosovo a été nettement renforcée et n'est plus conforme aux engagements pris initialement. Dans ces conditions, la capacité des vérificateurs de l'OSCE à accomplir leur mission apparaît incertaine.

Pour le ministre de la défense, le retour au premier plan des facteurs militaires, qui prennent désormais le pas sur les facteurs politiques au Kosovo, a pour conséquence de priver une éventuelle négociation sur le statut de la province de tout partenaire albanophone crédible, l'influence de M. Rugova se trouvant amoindrie par rapport à celle des forces les plus intransigeantes. A ce propos, M. Alain Richard a souligné la cohérence de la communauté internationale qui, comme en Bosnie, a écarté la solution de la partition et de l'indépendance pour privilégier une coexistence des différentes communautés, dans le cadre d'un statut d'autonomie.

Un débat s'est alors instauré avec les commissaires.

M. Michel Caldaguès a demandé au ministre s'il disposait d'informations concernant le massacre de Kosovars albanais perpétré dans la ville de Racak, certains commentateurs ayant évoqué l'hypothèse d'une mise en scène.

Mme Josette Durrieu a déploré que le temps qui passe joue contre la perspective d'autonomie du Kosovo longtemps préconisée par les plus modérés et favorise au contraire l'objectif de l'indépendance. Elle s'est interrogée sur la capacité des vérificateurs de l'OSCE à agir efficacement contre les décisions du président Milosevic.

M. André Rouvière a demandé au ministre si les puissances occidentales s'accordaient sur l'avenir de la province : la majorité albanaise avait-elle le droit de choisir son destin ? Puis le sénateur s'est interrogé sur l'attitude de l'Albanie à l'égard de la crise kosovare.

M. André Boyer s'est également inquiété des réactions de l'Albanie à l'égard de la crise du Kosovo et de celle de la communauté albanaise de Macédoine.

M. Robert del Picchia a demandé au ministre quel était le rôle réel de la force d'extraction basée en Macédoine et si ses moyens étaient adaptés à sa mission.

M. Christian de La Malène a relevé l'absence d'issue à la situation actuelle. Il a estimé que la mission de l'OSCE pouvait être considérée comme un alibi à l'inaction et s'est déclaré gravement préoccupé par l'évolution de la crise.

M. Bertrand Delanoë a souhaité savoir si à la complexité politique révélée par la crise du Kosovo ne s'ajoutait pas une complexité technique et militaire dans l'hypothèse d'un éventuel recours à la force.

Enfin, M. Xavier de Villepin, président, a interrogé le ministre sur la chaîne de commandement applicable à la force d'extraction. Il s'est par ailleurs enquis de l'éventuelle nécessité d'une nouvelle résolution du Conseil de sécurité de l'ONU dans l'hypothèse de frappes aériennes contre les forces serbes. Il s'est enfin déclaré très préoccupé par les risques encourus par les observateurs de l'OSCE.

M. Alain Richard, ministre de la défense, a alors apporté, en réponse aux commissaires, les précisions suivantes :

- le ministre a déclaré disposer de très peu d'éléments pour se prononcer sur les circonstances du massacre de Racak ;

- M. Milosevic n'est pas le seul interlocuteur de la communauté internationale ; l'armée de libération du Kosovo a démontré depuis quelques semaines qu'elle est capable de modifier la réalité sur le terrain ;

- lorsque le cadre politique a été fixé par la communauté internationale au mois d'octobre dernier, elle a sans doute sous-estimé la capacité de prise de contrôle territorial de l'armée de libération du Kosovo ; si la communauté internationale devait aujourd'hui réagir par la force à une situation qui a évolué, cela nécessiterait l'accord politique de plusieurs pays et un cadre de légitimité internationale, autant d'éléments qui ne peuvent être réunis rapidement ;

- la mission de la force d'extraction est de porter secours, le cas échéant, à des vérificateurs de l'OSCE placés dans des situations d'engagement et de conflit local. La chaîne de commandement de cette force d'extraction relève, s'agissant d'un dispositif de l'OTAN, du commandement suprême allié en Europe (SACEUR) ou de ses délégués en cas d'urgence. L'Alliance planifie la mise en place d'une éventuelle force d'évacuation aux capacités plus importantes qui, en cas de dégradation de la situation, pourrait, après regroupement des vérificateurs, organiser une évacuation généralisée ;

- la population albanaise est de plus en plus solidaire de la communauté albanophone du Kosovo ; s'agissant de la Macédoine, la situation est quelque peu différente, même si une sympathie analogue est perceptible à l'égard de la population du Kosovo ;

- enfin, tout recours à la force poserait à nouveau la question de la nécessité d'une nouvelle résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, ce qui constituerait une difficulté supplémentaire.

M. Michel Caldaguès a alors interrogé le ministre pour savoir quelle autorité politique pourrait éventuellement décider d'engager des soldats français contre un pays souverain. Le ministre de la défense a indiqué au sénateur qu'une telle décision relèverait naturellement du Président de la République et du Gouvernement français. Il a rappelé que des précédents existaient où des forces de l'ONU étaient présentes pour régler un conflit armé interne à un pays souverain. Pour le ministre, la question se posait de savoir si l'Europe laisserait se réaliser sur son sol un équilibre politique contraire à ses principes et à ses intérêts. Le ministre a reconnu que la situation au Kosovo démontrait, à ce jour, que les Européens ne disposent pas encore, à eux seuls, de la capacité de résoudre une crise de cette ampleur. La France ne saurait enfin se désintéresser ni du risque d'éclatement de la Fédération yougoslave, ni du maintien par cette même Fédération d'une logique d'oppression.

Un débat s'est ensuite engagé avec le ministre de la défense sur d'autres sujets d'actualité évoqués par les commissaires.

M. Bertrand Delanoë a évoqué les conséquences de la fusion qui vient d'être annoncée entre British Aerospace et G.E.C. sur la restructuration de l'industrie européenne de défense. Il s'est demandé dans quelle mesure, après les engagements pris au sommet de Saint-Malo, le Gouvernement britannique pouvait traduire au plan industriel sa volonté de contribuer à l'édification de l'Europe de la défense. Il a souhaité savoir si l'accélération des restructurations entre industriels français ne permettrait pas de mieux saisir les opportunités de rapprochement avec d'autres industriels européens, tels que DASA.

M. André Rouvière a demandé des précisions sur les récentes décisions gouvernementales relatives au redéploiement des forces de sécurité. S'agissant des critères retenus pour décider du maintien des brigades de gendarmerie en zone rurale, il a relativisé la pertinence des indications fournies par le nombre des délits, celui-ci étant souvent faible là où les brigades sont les plus efficaces.

M. André Dulait a interrogé le ministre sur les risques de prolifération nucléaire et balistique imputables à la Corée du Nord.

M. Xavier de Villepin, président, a souhaité connaître la situation de la consommation des crédits d'équipement du ministère de la défense au cours de l'exercice 1998. Il a par ailleurs interrogé le ministre sur les enseignements qu'il tirait de la décision du Gouvernement américain d'augmenter le niveau de ses dépenses militaires.

En réponse à ces différentes questions, M. Alain Richard, ministre de la défense, a apporté les précisions suivantes :

- la nature des relations entre industriels de défense et autorités politiques est sensiblement différente en Grande-Bretagne et en France, ce qui peut expliquer le décalage entre les orientations définies au sommet franco-britannique de Saint-Malo et les décisions prises par les industriels anglais ;

- compte tenu des différents métiers exercés par les deux groupes, la fusion British Aerospace/GEC ne sera pas caractérisée par de fortes synergies industrielles, à la différence des regroupements en cours entre industriels français ;

- le calendrier des opérations de fusion entre Matra hautes technologies et Aérospatiale devrait permettre d'envisager la privatisation de cette dernière au premier semestre ;

- en ce qui concerne le redéploiement des forces de sécurité, le Gouvernement n'imposera aucune réforme contre l'avis de la représentation nationale et des élus locaux ; pour autant, il faut -a souligné le ministre- être conscient que le statu quo ne pourrait entraîner qu'une aggravation des difficultés dans les zones péri-urbaines où la délinquance est la plus forte ;

- la politique des autorités nord-coréennes constitue un obstacle sérieux pour l'instauration d'un climat de confiance et de stabilité en Asie ; il est à cet égard significatif que, face aux craintes d'une implication de la Corée du Nord dans la prolifération nucléaire et balistique, plusieurs pays asiatiques songent à se doter de moyens d'observation spatiale autonomes ; la France, pour sa part, ne saurait se désintéresser des tensions qui apparaissent dans une zone où elle dispose d'intérêts importants ;

- après les difficultés engendrées, au cours des quatre premiers mois de l'année, par la réforme de la nomenclature budgétaire et des procédures comptables, le rythme de consommation des crédits d'équipement du ministère de la défense en 1998 s'est notablement amélioré ; au total, sur un montant de crédits disponibles s'élevant au cours de l'année à 81,7 milliards de francs, compte tenu des reports, des fonds de concours et des annulations de crédits, le niveau des crédits effectivement consommés devrait se situer entre 74,5 et 75 milliards de francs ;

- la décision du Gouvernement américain d'augmenter le niveau de ses dépenses militaires répond à la fois au souci de préserver la supériorité militaire des Etats-Unis, au moment où ceux-ci veulent pleinement assumer les charges de plus en plus lourdes liées à leur statut de superpuissance, et à celui de renforcer leur suprématie économique, par un haut niveau d'investissements scientifiques et techniques ; quant à la France, son effort d'investissement de défense demeure très supérieur à celui de la plupart de ses partenaires européens.