Travaux de la commission des affaires économiques



Mercredi 5 octobre 2005

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président. -

Loi de règlement - Règlement définitif du budget de 2004 - Demande de renvoi pour avis et nomination d'un rapporteur pour avis

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a décidé de se saisir pour avis du projet de loi n° 1 (2005-2006) portant règlement définitif du budget de 2004 et a nommé, à cet effet, M. Gérard César comme rapporteur pour avis.

Organismes extraparlementaires - Désignation de candidats

La commission a ensuite décidé de proposer :

M. Georges Gruillot, comme candidat titulaire, et M. François Gerbaud, comme candidat suppléant, à la nomination du Sénat, pour siéger au sein du Conseil national des transports ;

M. Charles Revet comme candidat pour siéger au sein du Conseil supérieur de l'établissement national des invalides de la marine ;

- M. Marcel Deneux, comme candidat titulaire, et M. Gérard Le Cam, comme candidat suppléant, pour siéger au sein du Conseil d'orientation de l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et territoires d'outre-mer ;

M. Georges Gruillot, comme candidat pour siéger au sein du Conseil d'administration du fonds pour le développement de l'intermodalité dans les transports.

Puis après un bref débat et des interventions de MM. Jean-Marc Pastor et Thierry Repentin, ce dernier, qui avait présenté sa candidature, l'a retirée et M. Dominique Braye a été proposé par la commission comme candidat pour siéger au sein du Conseil national de l'habitat.

Agriculture - Loi d'orientation agricole - Audition de M. Luc Guyau, Président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA)

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Luc Guyau, Président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) sur le projet de loi d'orientation agricole.

Après avoir observé que ce texte était le troisième de cette nature à être examiné par le Parlement en une dizaine d'années, M. Jean-Paul Emorine, Président, l'a invité à exposer la position de l'APCA.

M. Luc Guyau a d'abord souligné la difficulté de l'exercice, du fait d'un calendrier parlementaire l'obligeant à commenter un texte n'ayant pas encore été discuté à l'Assemblée nationale, mais ayant tout de même fait l'objet d'amendements de la part de sa commission des affaires économiques. Rapportant avoir oeuvré pour que le projet de loi soit intitulé « d'orientation » et non « de modernisation » agricole, il a souligné que le contexte actuel de l'agriculture nécessitait un texte de cette importance, faisant référence successivement à la démographie agricole, dont il a indiqué qu'elle serait affectée dans les cinq prochaines années par un départ massif d'exploitants à la retraite, aux exigences sociales dans les domaines de l'alimentation et de la sécurité alimentaire, ainsi qu'à l'évolution de la politique agricole commune (PAC). Rappelant qu'elle avait permis à notre pays de connaître une stabilité des marchés, des prix et des revenus pendant une soixantaine d'années et de devenir ainsi le premier producteur mondial de produits agricoles transformés et le deuxième de produits agricoles bruts, il s'est néanmoins inquiété de ce que la réforme de 2003, succédant à celles de 1999 et 1992, ne découple le bénéfice des aides de l'activité de production et engage le démantèlement des organisations communes de marché.

Se félicitant de l'important travail de concertation mené depuis un an entre le ministère et les différents acteurs concernés par le projet de loi, il a toutefois fait état de ses craintes quant à une diminution des ambitions du texte, estimant qu'il devrait être enrichi :

- sur le volet « organisation économique » : déplorant que des éléments y ayant trait aient été retirés du projet de loi du fait que les organisations professionnelles agricoles n'étaient pas parvenues à s'entendre, il a souhaité qu'un parlementaire en mission soit désigné pour travailler sur les conditions d'application à l'agriculture du droit européen de la concurrence, observant à cet égard que les distributeurs -contrairement aux producteurs - n'étaient jamais condamnés pour entente ;

- sur le volet « foncier » : regrettant l'absence de dispositions sur ce thème, et plus spécifiquement en ce qui concerne le changement d'affectation des sols, il a insisté sur les difficultés d'installation, mais également de construction de bâtiments à usage d'habitation, que provoquaient pour les agriculteurs l'augmentation substantielle et continue du prix des terres agricoles. En vue de maîtriser les changements d'affectation des sols, il a préconisé la création d'une taxe similaire à celle existant pour la préservation des espaces naturels sensibles, dont le produit serait affecté au soutien à l'installation des jeunes agriculteurs et à la construction de logements sociaux.

Souhaitant ensuite aborder différents thèmes figurant au sein du projet de loi, il a évoqué le fonds agricole et le bail cessible, dont il a souligné qu'ils ne devaient pas entraîner un renchérissement du prix du fermage, lequel constituerait un obstacle supplémentaire à l'installation. S'agissant du métayage, il a mis en garde contre la volonté du Gouvernement de supprimer la disposition légale permettant de contraindre le propriétaire à passer au fermage, estimant que cela priverait le métayer de la possibilité de s'affranchir. Jugeant positivement les éléments intégrés dans le projet de loi sur l'emploi et les débouchés non alimentaires du secteur agricole, il s'est en revanche alarmé de l'éventuelle suppression par l'Assemblée nationale de la disposition autorisant l'attribution d'aides à des associations d'organisations de producteurs.

Remarquant que parmi les douze articles d'habilitation que compte le projet de loi, plusieurs donneraient finalement lieu à une réintégration partielle dans le texte de loi des dispositions se rapportant à l'élevage, il a souhaité en développer leur contenu. Il a indiqué à cet égard que les mesures traitées par ordonnance seraient assez limitées du fait de l'important travail effectué en amont. Soulignant la richesse du patrimoine génétique français, il a mis en garde contre une libéralisation excessive du secteur, estimant qu'elle en réduirait la diversité. Jugeant toutefois que les dispositions contenues dans le projet de loi garantissaient le maintien d'un service universel en ce domaine, il a proposé l'ouverture des exploitations d'élevage durant les journées du patrimoine en vue d'exposer au public la richesse du patrimoine génétique national.

En ce qui concerne la réforme des organismes consulaires agricoles, il a indiqué que les ordonnances permettraient d'adapter l'organisation des chambres et de moderniser leurs relations avec l'administration. Faisant état d'un travail d'audit actuellement mené au sein des chambres d'agriculture et devant se terminer à la fin de l'année, il a estimé que des ajustements seraient de ce fait nécessaires, justifiant ainsi le maintien de l'article d'habilitation sur ce sujet. Rappelant que les chambres d'agriculture, au nombre de 115, étaient des établissements publics indépendants, il a souligné les difficultés à mettre en place un régime uniforme, ce que devrait toutefois commencer à mettre en oeuvre ce texte.

M. Gérard César, rapporteur, a souhaité connaître ses positions :

- sur les relations entre les chambres d'agriculture et les services d'utilité agricole, et le contrôle qu'en faisait les chambres régionales des comptes (CRC) ;

- sur le dispositif de développement agricole ;

- sur l'évolution des charges sociales agricoles ;

- sur la gestion des ristournes et des parts sociales dans les structures de coopération ;

- et sur le dispositif d'amélioration génétique du cheptel.

M. Dominique Mortemousque a attiré l'attention sur les craintes et les attentes du monde agricole. Il a fait état de ses inquiétudes quant à la fixation du prix des produits ou à la généralisation des systèmes d'aide découplées, mais aussi de la nécessité de tracer des perspectives claires pour l'avenir. Evoquant également les problèmes liés à la chasse, aux contrôles administratifs ou à l'aménagement du territoire, il a appelé à une plus grande concertation entre les professionnels, l'Etat et les élus, mais aussi à davantage d'investissement de la part des chambres d'agriculture.

Constatant que le degré de concentration dans le secteur agricole était largement inférieur à celui de la grande distribution, il a préconisé un renforcement des interprofessions. Evoquant la volonté des pouvoirs publics d'accélérer le développement des biocarburants, il a prôné une communication plus poussée sur le sujet. Observant que la pression foncière à laquelle sont soumises les communes ne cessait de s'accroître, il a appelé à un développement des relations entre professionnels et collectivités territoriales, indiquant que cela constituerait un défi nouveau pour les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER). Enfin, il a évoqué les problèmes de financement du Fonds de financement des prestations sociales agricoles (FFIPSA) et des pensions agricoles.

M. Gérard Bailly a successivement abordé les problèmes du foncier agricole et de l'installation des jeunes exploitants, du prix des produits agricoles, de leur mise sur le marché, de la simplification administrative et de l'énergie d'origine agricole.

Répondant aux différents intervenants, M. Luc Guyau a apporté les éléments de précision suivants :

- en ce qui concerne l'organisation économique du secteur agricole, dont il a jugé qu'elle devait permettre d'assurer la stabilité, voire la croissance du prix des produits, il a estimé insuffisantes les dispositions contenues dans le projet de loi ;

- s'agissant de la distribution, il a réaffirmé son souhait de la désignation d'un parlementaire en mission sur les conditions d'application du droit de la concurrence ;

- concernant la situation actuelle du monde agricole, il a souligné que les chambres d'agriculture bénéficiaient, contrairement aux organisations professionnelles, du temps et du recul nécessaires pour en dresser un état des lieux détaillé. Rappelant qu'une étude publiée par l'APCA au mois de novembre 2004 sur l'évolution du prix des produits agricoles depuis 1972 faisait état d'une augmentation de ceux-ci de 12 % à la consommation, contrastant avec leur diminution de 56 % à la production, en valeur constante, il a déploré que les efforts de productivité et de différenciation qualitative réalisés par les exploitants aient majoritairement bénéficié à l'aval de la filière ;

- sur le développement agricole, il a indiqué que les démarches actuellement menées pour accompagner l'évolution des agriculteurs de façon sectorielle se trouvaient compliquées par la multitude des situations individuelles à prendre en compte ;

- par rapport aux attentes de la société vis-à-vis de l'agriculture, il est convenu qu'il fallait communiquer de façon plus efficace. Préconisant de s'inspirer en ce domaine des actions récentes de l'artisanat, il a appelé à une utilisation efficiente de l'agence de communication agricole récemment créée par la loi et budgétisée par l'Etat, reconnaissant que la mise à contribution financière des professionnels était délicate ;

- sur les débouchés non alimentaires de l'agriculture, il a approuvé leur développement sous de multiples formes, ajoutant néanmoins que la question de leur rentabilité, s'agissant des biocarburants, se posait différemment selon que le prix du pétrole était plus ou moins élevé ;

- pour ce qui est du foncier agricole, il a soutenu la pérennisation de l'existence des SAFER, jugeant que leur suppression porterait grandement préjudice aux collectivités territoriales ;

- s'agissant du FFIPSA, il a renvoyé à l'examen prochain du projet de loi de finances ;

- enfin, concernant la coopération agricole, il a appelé à davantage de cohérence et de concertation de la part du mouvement coopératif au niveau de la mise sur le marché des productions, préconisant de s'inspirer de l'exemple du Danemark. Estimant indispensable de donner au Haut conseil de la coopération les moyens nécessaires à un fonctionnement efficace, il a exhorté les professionnels à s'engager clairement, s'agissant de la mesure relative à la gestion des ristournes et parts sociales, et à conserver, sous réserve des aménagements nécessaires, le principe « un homme - une voix ».

M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis de la commission des finances, s'est félicité de sa convergence de vue avec M. Gérard César. Concernant l'érosion progressive du foncier agricole, il a rappelé que les agriculteurs, ou anciens agriculteurs, étaient eux-mêmes souvent à l'origine des demandes de changement de destination, M. Thierry Repentin abondant en son sens. Quant à l'évolution de la taxe sur le foncier non bâti (TFNB), s'il a reconnu la nécessité de son aménagement, il n'en a pas souhaité la suppression. Il a indiqué que la philosophie générale de la commission des finances interdisait d'adhérer à la proposition de M. Luc Guyau quant à l'institution d'une taxe sur les changements de destination, à plus forte raison si le produit de celle-ci devait être affecté.

M. Jean-Marc Pastor a estimé que la transformation progressive des exploitations familiales en entités non personnelles constituait un sujet fondamental. Il s'est interrogé quant au degré de prise en compte par le projet de loi de la multifonctionnalité de l'agriculture ou des zones de handicaps naturels. Il a souhaité savoir combien d'agriculteurs étaient concernés par les dispositifs du fonds agricole et du bail cessible, estimant que, si ces innovations pouvaient être bénéfiques à certains agriculteurs, elles n'étaient sans doute pas adaptées à la situation de tous. Il a enfin fait part de sa préoccupation devant le rapprochement des exploitations agricoles de la situation classique des PME, dans la mesure où cette évolution pourrait conduire à terme à remettre en cause les spécificités de la fiscalité agricole. Il s'est également interrogé sur la portée des dispositions du projet de loi relatives à l'organisation économique du monde agricole, à un moment où le contexte international et européen conduisait à l'affaiblissement du soutien public à la régulation du marché. Il a enfin souhaité savoir dans quelle mesure le projet de loi favorisait le développement des débouchés non alimentaires de la production agricole.

M. Jean Desessard a déclaré que son attention avait été particulièrement retenue par la déception de M. Luc Guyau dans le domaine des prix agricoles, des relations avec la grande distribution et dans celui de la gestion du foncier. Affirmant partager cette déception, il en a conclu que le projet de loi ne méritait pas, dans ces conditions, l'appellation de loi d'orientation. Enfin, il a souhaité savoir quelles améliorations le texte pouvait apporter en matière de gestion de l'eau.

M. Benoît Huré s'est félicité de ce que le texte se présente comme une loi d'orientation et non simplement une loi de modernisation, dans la mesure où l'agriculture française se trouvait à la croisée des chemins. Il a estimé qu'il convenait tout à la fois d'encourager la vocation alimentaire de l'agriculture, mais aussi d'en valoriser les débouchés non alimentaires et les autres missions, en particulier celle d'aménagement du territoire qui bénéficiait à l'ensemble de la collectivité nationale. Il a insisté sur l'importance de la question de l'installation, à un moment où l'équipement de production représentait une part toujours plus importante du coût d'installation, la part du foncier connaissant par conséquent une diminution relative, malgré la hausse des prix. Enfin, il a rejoint l'analyse de M. Jean-Marc Pastor sur les risques, en particulier fiscaux, que pouvait comporter la transposition à l'agriculture du modèle social de l'entreprise.

M. Claude Biwer a estimé que l'assouplissement du contrôle des structures était souhaitable. Concernant la hausse du prix du foncier, il a rappelé que les agriculteurs eux-mêmes pourraient avoir des intérêts divergents selon qu'ils étaient acheteurs ou vendeurs. Il a souhaité également que les impératifs de la production agricole ne conduisent pas à méconnaître les autres activités rurales, qui jouent un rôle très important dans certains territoires. Il a souligné la difficulté qu'avaient certaines collectivités territoriales à louer des terres dont elles étaient propriétaires. Il a enfin estimé que la suppression de la TFNB apporterait plus de problèmes que de solutions.

M. Thierry Repentin, après avoir souligné la diversité croissante des agricultures, s'est interrogé sur la possibilité de répondre à toutes leurs attentes par une loi d'orientation. Il a estimé que les agriculteurs de montagne avaient ainsi des craintes immédiates quant aux évolutions de la prime herbagère agro-environnementale (PHAE) et à celles des indemnités compensatrices de handicap naturel (ICHN). Il a fait part de ses réserves quant à l'éventuelle suppression de la TNFB, dans la mesure où d'une part celle-ci rendait plus difficile la reconnaissance du rôle économique de l'agriculture et, d'autre part, ne bénéficierait pas aux preneurs, mais aux propriétaires. Il a estimé qu'il convenait plutôt de réformer les bases de la TFNB afin d'obtenir des taux comparables à ceux des autres taxes locales et de réfléchir à l'opportunité de la mise en place de TNFB uniques, à l'image des taxes professionnelles uniques (TPU).

M. Rémy Pointereau a souligné la demande des agriculteurs de réelles simplifications administratives. Evoquant les conclusions du rapport de l'APCA qui présentait la hausse du prix du foncier comme la conséquence de la demande de terrains à bâtir, il a estimé, quant à lui, que celle-ci résultait, d'une part, de la concurrence entre agriculteurs et, d'autre part, de l'action des SAFER qui tendaient à devenir de véritables marchands de biens. Il a souhaité savoir si le projet de loi pouvait être l'occasion de modifier les modalités des droits de paiement unique (DPU). Il a rappelé l'érosion des prix à la production et souhaité que ce texte soit l'occasion d'encourager les agriculteurs à produire leur propre biocarburant, y compris dans le cadre des coopératives d'utilisation de matériel agricole (CUMA).

M. Jean Boyer a souhaité savoir comment le découplage des aides était pris en compte dans le projet de loi. Concernant la politique des structures, il a estimé qu'elle était assez largement aux mains des agriculteurs, en particulier dans le cadre des commissions départementales d'orientation de l'agriculture (CDOA). Il a enfin souhaité que les territoires de montagne fassent l'objet d'un traitement équitable prenant en compte la compensation des handicaps naturels.

Répondant à ces différents intervenants, M. Luc Guyau a reconnu que les agriculteurs souhaitaient à la fois une régulation du marché foncier et la valorisation des terrains dont ils pouvaient être propriétaires. Il a rappelé que les agriculteurs ne possédaient que la moitié des terres qu'ils exploitaient. Il a souligné l'importance du problème du changement de destination des terres.

En réponse à M. Joël Bourdin, il a déclaré qu'il ne verrait pas d'objection à ce que l'Etat gère directement le problème du changement de destination des terrains. Il a par ailleurs rappelé que l'APCA était favorable à un allègement de la politique des structures. Il a estimé à ce titre que s'il était vrai que les agriculteurs contrôlaient les CDOA, ces commissions se contentaient d'exprimer une priorité entre les dossiers, la décision finale revenant au préfet. Quant à la TFNB, l'APCA était elle aussi partisane de sa révision et non de sa suppression, qui ne serait pas sans coût, en tout état de cause, pour les agriculteurs. Concernant la prise en compte des zones défavorisées, il a jugé qu'une loi d'orientation s'adressait par définition à l'ensemble de l'agriculture et déclaré que l'APCA restait très attentive aux politiques européennes du second pilier de la PAC. En réponse à M. Jean Desessard, il a estimé que la politique de l'eau était distincte de la politique agricole, ce qui n'empêchait pas que les chambres d'agriculture se battent pour promouvoir une meilleure interaction entre l'agriculture et l'environnement. Il s'est félicité de la prise en compte toujours accrue de l'environnement par les agriculteurs. Il a souligné que la satisfaction des préoccupations environnementales ne pouvait passer par le seul soutien à l'agriculture biologique, d'une part parce que l'expérience montrait que le consommateur était réticent à payer à son juste prix ce type de production, et d'autre part parce que l'environnement gagnerait plus à ce que l'ensemble des agriculteurs y soit attentif plutôt qu'à son respect parfait par une petite minorité d'agriculteurs. Rappelant que l'APCA soutenait l'agriculture raisonnée, il a estimé qu'il convenait à ce titre d'analyser les débouchés de cette filière.

Se félicitant du plaidoyer de M. Benoît Huré quant au rôle social de l'agriculture, il a souhaité que la discussion du projet de loi soit l'occasion de mettre en valeur l'ensemble des enjeux agricoles, à savoir non seulement la production, mais aussi la dimension territoriale et industrielle. Il a souligné à cette occasion que, si la PAC représentait 40 % du budget de l'Union européenne, cette somme n'équivalait elle-même qu'à 1 % du produit intérieur brut (PIB) de la France, ce qui était peu au regard de toutes les fonctions remplies par l'agriculture.

En réponse aux nombreuses interventions soulignant l'importance des simplifications administratives, M. Luc Guyau a estimé que, tout comme les déclarations fiscales, les déclarations relatives aux aides communautaires devraient pouvoir ne faire l'objet que d'un contrôle a posteriori. Concernant la préoccupation de M. Jean Boyer relative aux zones de montagne, il a estimé que celle-ci débordait du cadre de ce seul texte. Quant à l'interrogation de M. Jean-Marc Pastor, il a reconnu que les exploitations avaient un caractère de moins en moins familial, ce qui ne voulait pas dire qu'elles ne restaient pas à échelle humaine. Concernant enfin la question du statut des conjoints, il a estimé qu'après avoir longtemps été plus favorable que le régime des artisans, le régime agricole était aujourd'hui en retard et qu'il conviendrait d'obliger les conjoints à prendre un statut social.

M. Bruno Sido s'est déclaré défavorable à la suppression de la TFNB. Il a également souhaité que l'APCA entreprenne une réflexion sur l'harmonisation fiscale des entreprises agricoles et des PME, afin que les premières ne versent des cotisations sociales que sur les salaires et non sur les bénéfices. En réponse, M. Luc Guyau a reconnu qu'il s'agissait là d'une suggestion intéressante, quoique d'application complexe. Il a rappelé les avancées obtenues dans le domaine des déductions pour investissement (DPI). Il a enfin estimé qu'une refonte de la fiscalité agricole aurait vraisemblablement des effets très différents selon les départements.

Tourisme - Codification - Ratification de l'ordonnance n° 2004-1391 du 20 décembre 2004 relative à la partie législative du code du tourisme - Examen des amendements

La commission a ensuite examiné les amendements déposés sur le projet de loi n° 415 (2004-2005) ratifiant l'ordonnance n° 2004-1391 du 20 décembre 2004 relative à la partie législative du code du tourisme.

Après l'article 1er, elle a donné un avis favorable à l'amendement n° 16 du gouvernement tendant à insérer un article additionnel.

Après l'article 2 :

- après une intervention de M. Gérard Bailly soulignant l'intérêt de groupements de communes dans le développement de l'économie du tourisme, la commission a adopté quatre sous-amendements rédactionnels à l'amendement n° 23 présenté par M. Didier Borotra et plusieurs de ses collègues tendant à insérer un article additionnel, présentés par Mme Bariza Khiari, rapporteur, ainsi qu'un cinquième sous-amendement de Mme Khiari tendant à s'opposer à la suppression, proposée par l'amendement, de la faculté aujourd'hui reconnue aux groupements de communes de bénéficier du statut de stations classées, avant de donner un avis favorable audit amendement n° 23 ;

- elle a émis un avis favorable aux amendements n°s 17, 18, 19, 20 et 21 présentés par le gouvernement et tendant à insérer des articles additionnels, le groupe communiste républicain et citoyen ayant voté contre l'amendement n° 21 ;

- elle a adopté un amendement présenté par Mme Bariza Khiari, rapporteur, tendant à insérer un article additionnel visant à faire référence, de manière pertinente, dans le code du tourisme, aux dispositions législatives relatives au commerce électronique issues de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ;

- elle a adopté, sur proposition de Mme Bariza Khiari, rapporteur, une rectification de l'amendement n° 5 de la commission afin de préciser dans le code du tourisme les catégories de personnes qui composeront la commission d'attribution de l'Agence nationale pour les chèques vacances (ANCV) créée par ledit amendement, et d'interdire le cumul des fonctions de membre de la commission et de membre du conseil d'administration de l'ANCV et/ou de gestionnaire d'un organisme susceptible de bénéficier des aides attribuées par son directeur général.

A l'article 5 (extension à Mayotte du code du tourisme avec aménagements), la commission a adopté quatre sous-amendements rédactionnels, proposées par Mme Bariza Khiari, rapporteur, à l'amendement n° 22 présenté par le gouvernement, avant de donner un avis favorable à cet amendement.

Après l'article 6, après un débat relatif à la formation des restaurateurs et à l'éventuelle exigence d'une qualification préalable à l'installation, au cours duquel sont intervenus MM. Gérard Bailly, Claude Biwer, Mmes Michelle Demessine et Bariza Khiari, rapporteur, la commission a demandé le retrait de l'amendement n° 24 présenté par M. Jean-Marc Pastor et plusieurs de ses collègues tendant à insérer un article additionnel.

Après l'article 8, elle a demandé l'avis du gouvernement sur l'amendement n° 26 rectifié bis de M. Jean Faure et plusieurs de ses collègues tendant à insérer un article additionnel et émis un avis favorable à l'amendement n° 27 de M. Thierry Repentin tendant à insérer un article additionnel.

A l'article 9 (articles L. 342-20, L. 342-21 et L. 342-24 du code du tourisme) (régime d'établissement des servitudes destinées à permettre le passage et l'aménagement des pistes de ski), elle a donné un avis favorable à l'amendement n° 28 de M. Thierry Repentin.

A l'article 11 (article L. 421-3 du code du tourisme) (réductions d'impôt sur le revenu au titre des investissements dans l'immobilier de tourisme), la commission a adopté une rectification rédactionnelle à l'amendement n° 12 de la commission proposée par Mme Bariza Khiari, rapporteur.

Après l'article 11, elle a apporté une rectification rédactionnelle, présentée par Mme Bariza Khiari, à l'amendement n° 13 de la commission tendant à insérer un article additionnel.

Après l'article 13, après que M. Gérard Bailly se fut interrogé sur le mode de calcul des prélèvements opérés par les communes sur le produit brut des jeux dans les casinos, la commission a demandé le retrait des amendements n°s 29 et 30 rectifié tendant à insérer des articles additionnels présentés par M. Thierry Repentin et donné un avis favorable à l'amendement n° 31 tendant à insérer un article additionnel proposé par le même auteur.

Enfin, elle a adopté un amendement modifiant l'intitulé du projet de loi présenté par Mme Bariza Khiari, rapporteur, pour tenir compte de l'ampleur prise par le texte, qui ne se limite plus à la simple ratification de l'ordonnance portant création du code du tourisme.

Union européenne - Mission d'information en Lituanie et en Estonie - Communication

La commission a ensuite entendu la communication de M. Jean-Paul Emorine, président, sur la mission d'information s'étant rendue en Lituanie et en Estonie du 4 au 7 juillet dernier. Après avoir rappelé qu'une délégation s'était rendue, du 4 au 7 juillet dernier en Lituanie, puis en Estonie, dans le contexte de l'élargissement de l'Union européenne et dans le prolongement de la mission effectuée en 2004 par la commission des affaires économiques en Roumanie et Bulgarie, M. Jean-Paul Emorine, président, a précisé que cette délégation était composée de MM. Gérard César, Gérard Le Cam, Paul Raoult, Daniel Soulage et lui-même. L'objectif de cette mission, a-t-il expliqué, était de mieux appréhender les conditions et les conséquences de l'intégration économique de ces pays dans l'Union européenne, et les potentialités offertes par celle-ci aux entreprises françaises. Indiquant que la délégation avait rencontré, au cours de son séjour à Vilnius puis à Tallinn, de nombreux parlementaires, de toutes sensibilités politiques, ainsi que des représentants ministériels, notamment le ministre estonien des finances, il a ajouté qu'elle avait également effectué des déplacements afin de mieux cerner, sur le terrain, la réalité économique de ces pays, notamment en matière énergétique et agricole, avec la visite, en Lituanie, d'une filiale de l'entreprise française Dalkia, spécialisée dans le chauffage urbain, et d'une des plus grosses exploitations laitières d'Estonie.

Estimant que les contacts pris au cours de ce séjour avaient largement justifié cette démarche et confirmé le fait que, malheureusement, la Lituanie et l'Estonie demeurent encore relativement méconnus, il a souligné que cette méconnaissance était le fait des citoyens français, mais aussi des entreprises, alors même que ces pays présentent de nombreux atouts pour les investisseurs. M. Jean-Paul Emorine, président, a donc souhaité rappeler, en introduction, quelques traits marquants de ces pays. Contrairement à une idée reçue, a-t-il indiqué, il existe de fortes différences entre la Lituanie et l'Estonie : une langue d'origine différente, des traditions religieuses divergentes, puisque l'Estonie, à l'extrême nord, est plutôt protestante, tandis que la Lituanie, davantage tournée vers la Pologne, est plutôt catholique. Il a ajouté que ces différences étaient perceptibles aujourd'hui, puisque l'Estonie se veut ultra-libérale, quand la Lituanie apparaît plus agricole et pragmatique, l'Estonie étant plus riche, mais marquée par des disparités sociales plus fortes.

M. Jean-Paul Emorine, président, a ensuite nuancé ce propos, en soulignant qu'au-delà de ces différences, ces pays avaient évidemment des points communs, dont le principal est sans doute leur petitesse : 3,5 millions d'habitants pour la Lituanie, 1,4 pour l'Estonie, soit à peine plus que la population de la ville de Lyon. Il a ensuite insisté sur le fait que les deux pays avaient connu un décollage économique rapide après leur indépendance, avec une population animée d'un sentiment national fort.

M. Jean-Paul Emorine, président, a ensuite indiqué que, près de quinze ans après leur retour à l'indépendance, les pays baltes faisaient l'admiration des économistes au vu de leur évolution, et ce, en dépit de leurs ressources naturelles très limitées, essentiellement axées sur le bois. Précisant qu'ils avaient réussi à se doter d'un appareil d'Etat très vite, il a indiqué qu'ils avaient mené des politiques libérales fondées sur le choix de l'orthodoxie budgétaire, de la rigueur monétaire et de la recherche de la compétitivité.

Relevant que ces réformes avaient été menées tambour battant, notamment du fait de l'adhésion très rapide de ces pays à l'Union européenne et de l'objectif d'entrée dans la zone euro en 2007, il a cité le cas de la Lituanie, qui a dû faire des efforts très importants, dans la mesure où les négociations d'adhésion ont démarré dans ce pays deux ans plus tard que les autres. Il a jugé qu'aux termes de cette évolution, ces pays faisaient, d'une certaine façon, figures d'élèves « modèles » en Europe, notamment en matière de politique budgétaire : l'Estonie a, pour sa part, interdit les déficits, et connaît actuellement un excédent de l'ordre de 1,7% du PIB, les taux de croissance étant supérieurs à 5 % depuis plusieurs années, atteignant, en 2004, 6,2 % en Estonie, et 6,7 % en Lituanie, après une croissance record de 9,7 % en 2003.

Rappelant que hormis quelques secteurs stratégiques, comme l'énergie ou les ports, la quasi-totalité de leur produit intérieur brut relevait aujourd'hui du secteur privé, M. Jean-Paul Emorine, président, a expliqué que cette croissance reposait sur une forte attractivité de ces pays, liée à l'existence d'une main-d'oeuvre à la fois qualifiée et peu chère ainsi qu'à un système fiscal particulièrement incitatif. Ainsi en Estonie, a-t-il précisé, il existe un taux d'imposition unique de 24 % sur le revenu des particuliers et sur les bénéfices des entreprises, ce taux devant être ramené, sur trois ans, à 20 %, et les bénéfices réinvestis étant totalement exemptés. Il a conclu que la stabilité économique de ces pays reposait donc sur de bons fondamentaux : des finances publiques saines, une monnaie stable, un très faible endettement public, une inflation maîtrisée et un secteur bancaire fiable et solide.

S'agissant des facteurs de fragilité, il a tout d'abord relevé que, malgré les forts taux de croissance enregistrés, le différentiel de niveau de vie restait important, puisque le produit intérieur brut par habitant en Estonie n'atteignait encore que 50 % de la richesse moyenne de l'Union européenne, et celui de la Lituanie 40 %, le salaire moyen en Estonie s'élevant à environ 500 euros et à 335 en Lituanie. Soulignant que, malgré une baisse régulière, le chômage demeurait assez élevé, atteignant 10,7 % en Lituanie, et 8,4 % en Estonie, il a insisté sur l'existence de forts déséquilibres régionaux en Estonie, avec une fracture entre la capitale, moderne, qui concentre la richesse, et des régions agricoles isolées ou désindustrialisées, où le taux de chômage avoisine les 20 %. Il a ajouté qu'un débat entre accompagnement social de la croissance et poursuite de la libéralisation s'était d'ailleurs engagé, entre ceux qui veulent poursuivre, comme prévu, la réduction du taux d'imposition à 20 % en 2007, et les promoteurs d'une politique plus sociale.

Abordant la question de l'intégration dans l'Union européenne, M. Jean-Paul Emorine, président, a jugé que, de ce modèle économique, d'inspiration libérale, découlaient assez largement les positions baltes concernant l'Union européenne. Il a estimé que ces pays étaient pro-européens tout en étant relativement jaloux de leur identité nationale fraîchement recouvrée, et qu'ils voyaient notamment dans leur adhésion un moyen d'échapper à la sphère d'influence de la Russie. Il a précisé que la Lituanie était le premier Etat à avoir ratifié la Constitution européenne, et ce par la voie parlementaire, l'Estonie devant le faire à l'automne.

Jugeant que les contacts noués sur place devaient conduire à remettre en cause une vision un peu caricaturale de ces pays, qui seraient tournés exclusivement vers le modèle britannique, il a expliqué que le récent échec sur les perspectives financières avait été très mal vécu, dans la mesure où ces pays ont foncièrement besoin des fonds structurels, et qu'il avait été assez largement imputé à l'attitude britannique. Il a estimé qu'il existait donc actuellement une « fenêtre de tir » pour les positions soutenues par la France.

Ces réserves faites, M. Jean-Paul Emorine, président, a souligné que ces pays avaient une approche teintée de libéralisme, marquée par un soutien fort au processus de Lisbonne et aux politiques en faveur de la recherche ainsi que par une grande importance attachée aux fonds structurels, et qu'ils souhaitaient également que la directive sur les services puisse aboutir. S'agissant de la politique agricole commune, il a relevé qu'elle était suivie avec plus d'attention en Lituanie, où l'agriculture représente encore 17 % de la population active, qu'en Estonie, où elle a dû s'adapter sans soutien de l'Etat et où elle ne représente plus que 5 % des emplois. L'agriculture lituanienne, a-t-il poursuivi, caractérisée par des exploitations de faible dimension, n'a pas encore achevé ses réformes structurelles, puisqu'il reste encore 10 à 15 % des terres à restituer. Il a indiqué que, dans ce contexte, une évolution de la PAC était souhaitée, vers une réduction des aides directes et des subventions à l'exportation mais sans précipitation, la préférence étant donnée aux réformes structurelles plus qu'à la PAC-marché. Au sujet des fonds structurels, M. Jean-Paul Emorine, président, a expliqué que ces Etats souhaitaient obtenir un accord rapide pour 2007-2013, en raison de leur très grande importance, le ministère des finances lituanien ayant estimé l'effet des fonds structurels sur l'économie nationale à environ 1 point de croissance du PIB, près de 40 % des fonds européens étant consacrés aux infrastructures.

M. Jean-Paul Emorine, président, a ensuite évoqué la question, sensible en Lituanie, de l'indépendance énergétique du pays : celui-ci a procédé en 2005, comme convenu, à la mise à l'arrêt du premier des deux réacteurs de la centrale nucléaire d'Ignalina, considérée par l'Union européenne comme dangereuse et non modernisable. Il a indiqué que, s'agissant du second réacteur, qui doit être arrêté en principe en 2009, le coût de la fermeture s'annonçait extrêmement important, puisque la centrale fournit plus de la moitié de l'électricité du pays et constitue le premier employeur. Précisant que les parlementaires rencontrés souhaitaient que des experts internationaux viennent sur place, afin de déterminer la durée de vie possible du réacteur, il a estimé que la France, qui a une longue expérience en matière de nucléaire, pourrait utilement participer à ce processus, et surtout apporter son expertise pour soutenir la volonté du Gouvernement de construire un nouveau site moderne répondant aux normes actuellement en vigueur.

Evoquant enfin la présence économique française dans les pays baltes, M. Jean-Paul Emorine, président, a déploré son insuffisance, d'autant plus regrettable que le commerce extérieur représente un pourcentage massif de leur produit intérieur brut, qui va jusqu'à 130 % en Estonie, économie la plus ouverte d'Europe de l'Est. Après avoir précisé que les réformes entreprises avaient entraîné une réorientation des flux commerciaux vers l'Union européenne, ceux-ci représentant 50 % du commerce extérieur en Lituanie, et 75 % en Estonie, il a jugé que le marché balte, qui compte, en tout, huit millions d'habitants, offrait des avantages incontestables pour les entreprises françaises, d'autant plus qu'il constitue également un tremplin vers les immenses marchés ukrainien et russe.

Après avoir indiqué que les principaux clients de ces pays étaient actuellement la Finlande, l'Allemagne et la Suède, la Suède et la Finlande détenant à elles seules 70 % du stock d'investissements directs étrangers en Estonie, il a relevé que la France ne représentait que 0,4 % de ces investissements. Il a ensuite estimé que la position de la France en Lituanie n'était pas tellement meilleure, même si elle devrait s'améliorer, notamment du fait du développement des activités de Dalkia et a indiqué que, s'agissant des échanges commerciaux, les relations avec ce pays s'étaient intensifiées, puisque la France est passée de la 15e à la 5e place.

Relevant que les interlocuteurs estoniens avaient regretté à la fois la faiblesse des exportations de biens d'équipement français, qui viennent majoritairement de petites et moyennes entreprises, et l'absence des grandes entreprises françaises sur des grands projets d'infrastructures de transports, qui vont connaître un développement important dans les années à venir, avec les fonds structurels, il a estimé que d'autres secteurs étaient également porteurs pour les entreprises françaises, à l'instar du traitement de l'eau et des déchets, ou du secteur agroalimentaire, qui représente 34 % de la production industrielle estonienne. Il a ajouté que les interlocuteurs de la mission avaient vivement souhaité que les échanges avec les entreprises françaises s'intensifient, notamment dans les secteurs de haute technologie, afin de leur permettre de diversifier leurs fournisseurs.

En conclusion, M. Jean-Paul Emorine, président, a indiqué qu'un rapport plus détaillé serait soumis ultérieurement à la commission, et a informé celle-ci d'une visite prochaine de parlementaires estoniens au Sénat. Enfin, il a souhaité que les parlementaires puissent relayer, auprès des acteurs économiques, l'intérêt d'investir dans ces pays, qui sont à présent partie intégrante de l'Union européenne.

Aménagement du territoire - Collectivités territoriales - Internet - Communication de M. Claude Belot, rapporteur pour la Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire

Au cours d'une seconde séance qui s'est tenue dans l'après-midi, la commission a entendu une communication de M. Claude Belot, rapporteur pour la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire, auteur du rapport "Haut débit et territoires".

M. Claude Belot, rapporteur, a tout d'abord indiqué que ce rapport lui avait donné l'occasion d'entendre de nombreux interlocuteurs impliqués dans le développement de l'internet haut débit. Il a souligné la rapidité des évolutions dans ce domaine, tant sur le plan technologique qu'en ce qui concerne les acteurs économiques et l'état du marché. Observant que la concurrence était en France stimulée par l'aiguillon de l'innovation technologique, il a fait valoir le rôle positif joué en la matière par les opérateurs alternatifs, ajoutant que les Français bénéficiaient aujourd'hui de tarifs très compétitifs. Il a estimé qu'internet tendait à devenir indispensable, pour les entreprises comme pour les particuliers, et que la demande en haut débit portait sur des vitesses de transmission toujours plus élevées, à mesure du développement de nouveaux usages. Ayant rappelé que près du tiers des foyers français était aujourd'hui abonné à l'internet haut débit, il a indiqué que cette pénétration devrait s'accélérer. Il a salué les efforts de l'opérateur historique pour déployer l'Asymetric digital subscriber line (ADSL) sur le territoire, notamment dans le cadre des chartes « Départements innovants » signées avec de nombreux conseils généraux. Il a toutefois relevé que la diffusion du haut débit faisait apparaître de nouvelles disparités territoriales, non seulement en termes de couverture, mais aussi en termes d'accès à une diversité d'offres et de tarifs puisque seules, a-t-il expliqué, les zones « dégroupées », où plusieurs réseaux de télécommunication sont en concurrence, bénéficient d'offres innovantes et compétitives. Il a souligné, à cet égard, l'intérêt des consommateurs pour les offres dites « triple play », combinant l'internet illimité, la téléphonie fixe illimitée et l'accès à un bouquet de chaînes numériques et commercialisées à des prix forfaitaires permettant la réalisation d'économies substantielles. Il s'est inquiété, a contrario, du sort des territoires situés dans les zones « non dégroupées », où les entreprises doivent acheter leurs prestations de haut débit à des tarifs sensiblement plus élevés, estimant qu'une telle situation ne pouvait que contribuer à accentuer les inégalités entre les territoires.

Abordant alors les solutions examinées par le rapport pour compléter les maillons manquants des réseaux de télécommunications dans les zones insuffisamment rentables, M. Claude Belot a notamment évoqué la possible inclusion du haut débit dans le périmètre du service universel et la construction par les collectivités territoriales de réseaux de fibre optique. Il a relevé, à ce sujet, une implication particulièrement forte des départements, les régions apparaissant plus en retrait, à l'exception de la région Limousin. Il a en outre indiqué que son rapport plaidait pour l'accélération du dégroupage total qui, en permettant aux clients d'opérateurs alternatifs de ne plus souscrire d'abonnement auprès de France Télécom, améliore les conditions concurrentielles sur le marché des télécommunications. Enfin, il a constaté que certaines des préconisations du rapport étaient en train d'être mises en oeuvre, citant l'exemple de la baisse récente par France Télécom, à l'initiative de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), des tarifs de certaines prestations connexes au dégroupage.

M. Daniel Dubois a constaté qu'étaient à l'oeuvre, dans le domaine du haut débit, des évolutions technologiques et économiques imposant d'adapter en permanence les règles juridiques applicables. Il a relevé que l'opérateur historique ne manifestait pas plus de zèle à déployer le haut débit dans les départements ayant signé avec lui une charte « Département innovant » que dans ceux qui s'en sont abstenus. Considérant comme essentiel que les collectivités territoriales investissent dans le déploiement de fibre optique, il s'est en revanche interrogé sur l'opportunité pour celles-ci d'installer elles-mêmes des équipements destinés à activer les réseaux. Il s'est inquiété, à cet égard, de l'inégale capacité financière des collectivités territoriales à faire face à ce type d'investissement et a posé la question de la péréquation de leurs ressources. Enfin, il a regretté que le manque d'information disponible concernant le tracé des infrastructures existantes et a plaidé en faveur d'une meilleure mutualisation des réseaux.

M. Bruno Retailleau a considéré que, par leurs décisions, le législateur et le régulateur faisaient porter aux collectivités territoriales la charge de créer des réseaux ouverts et mutualisés, regrettant que cette mutualisation n'ait pas été imposée par la loi. Concernant les montages juridiques utilisés pour les projets de réseaux, il a souhaité que soit laissée aux collectivités territoriales la possibilité de choisir librement entre la délégation de service public et le marché public de service, soulignant pour sa part la souplesse de cette dernière formule. Enfin, il a critiqué la lourdeur des procédures à respecter pour la mise en oeuvre du dégroupage.

M. Daniel Raoul s'est étonné que l'intégration du haut débit dans le service universel soit aujourd'hui évoquée, alors que cette solution avait été écartée lors de l'examen de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. Il a souligné le caractère relatif de la notion de haut débit selon qu'elle concerne le marché résidentiel ou le marché professionnel, relevant que les besoins des particuliers et des entreprises étaient très différents. Il a pris position contre les marchés de service qui, a-t-il expliqué, dans ce domaine, coûtaient cher aux collectivités territoriales sans leur assurer à terme la propriété des infrastructures subventionnées. Il a par ailleurs considéré que les investissements des collectivités territoriales devaient se limiter aux infrastructures passives (génie civil, fourreaux et fibre noire), à l'exclusion des équipements actifs. Soulignant la modicité du coût de telles infrastructures, il a fait valoir la rapidité de leur retour sur investissement. Enfin, invoquant les difficultés rencontrées par les collectivités territoriales, du fait de l'absence de normes techniques, pour l'établissement des réseaux et notamment la mise en place des fourreaux, il a souhaité que l'ARCEP intervienne davantage en la matière.

M. Michel Teston a rappelé que la question du haut débit était au coeur des préoccupations des collectivités territoriales et s'est félicité des débats qu'elle occasionnait. Après avoir fait état des progrès enregistrés dans le déploiement de l'ADSL sur le territoire, il a mis l'accent sur l'intérêt des technologies alternatives hertziennes du type World interoperability for microwave access (Wimax) pour desservir les populations éloignées des répartiteurs, tout en soulignant la dépense qu'elles sont susceptibles de représenter pour les collectivités territoriales. Il a estimé que la construction par celles-ci de réseaux alternatifs et, sous réserve d'une clarification du régime de propriété des fourreaux, la mutualisation des infrastructures de collecte de l'opérateur historique étaient deux solutions qu'il serait sans doute nécessaire de mettre en oeuvre de manière complémentaire pour réduire la fracture numérique.

Revenant sur les montages juridiques utilisés pour les projets des collectivités territoriales, M. Claude Belot a admis que chaque formule comportait des avantages et des inconvénients, le marché de services étant certes plus souple et plus simple à mettre en oeuvre, mais ne permettant pas d'obtenir des biens de retour. Enfin, tout espérant que la baisse de certains tarifs de location des répartiteurs favorise le dégroupage dans les zones rurales, il a rappelé que les opérateurs alternatifs cherchaient souvent à dégrouper sur des périmètres englobant à la fois zones urbaines et zones rurales, afin de s'assurer un minimum de rentabilité.