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Mardi 25 février 2003

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

Audition de M. Martin Béthenod, délégué aux arts plastiques au ministère de la culture et de la communication

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Martin Béthenod, délégué aux arts plastiques au ministère de la culture et de la communication.

Après avoir rappelé le grand intérêt que les membres de la commission portaient à l'art contemporain, tant à titre personnel qu'en leur qualité d'élus locaux, M. Jacques Valade, président, a indiqué que la commission souhaitait entendre M. Martin Béthenod sur les moyens et les objectifs de la délégation aux arts plastiques, dont la responsabilité lui a été récemment confiée.

M. Martin Béthenod a présenté en premier lieu les missions de la délégation aux arts plastiques au sein du ministère de la culture et de la communication. Il a relevé qu'en dépit de sa création récente, il y a vingt ans, et de la relative modestie de ses effectifs, limités à 120 personnes, cette délégation se distinguait par la qualité de l'engagement de ses agents.

La délégation aux arts plastiques exerce une mission de conservation et de mise en valeur du patrimoine, par le biais du Fonds national d'art contemporain, du Mobilier national et des manufactures, principalement de Sèvres et des Gobelins. A ce titre, elle participe à de nombreuses manifestations, à l'image de la biennale du design de Saint-Étienne. Par ailleurs, elle conduit une politique d'enrichissement du patrimoine : le FNAC acquiert ainsi en moyenne 1.500 oeuvres par an. La délégation dispose, à cet effet, d'un budget de 3,5 millions d'euros par an ; à cette enveloppe, il convient d'ajouter les crédits affectés à la commande publique, d'un montant équivalent.

Le soutien à la création s'exerce à travers divers dispositifs d'aides qui s'adressent soit directement aux créateurs afin d'accompagner leur projet artistique ou d'améliorer leurs conditions de création, soit aux diffuseurs, galeries ou éditeurs. M. Martin Béthenod a indiqué que les crédits consacrés à ces aides bénéficiaient en 2002 pour 3 millions d'euros aux artistes, pour 1,5 million d'euros aux galeries et pour 250.000 euros environ aux éditeurs. A ces aides s'ajoutent des dispositifs plus ciblés destinés à soutenir des disciplines spécifiques, telles que la mode, le graphisme ou le design, qui entrent également dans le champ d'action de la délégation.

La délégation aux arts plastiques assume une mission de diffusion de la création contemporaine par le soutien apporté, d'une part, au réseau des fonds régionaux d'art contemporain (FRAC) et des centres d'art et, d'autre part, à des événements tels que, par exemple, les rencontres de la photographie d'Arles.

M. Martin Béthenod a souligné les responsabilités exercées par la délégation en matière d'enseignement des arts plastiques, notamment par le biais de la tutelle exercée sur les écoles nationales d'art, dont le statut a été récemment modifié pour les ériger en établissements publics, et par l'aide accordée aux écoles territoriales. La préoccupation actuelle du ministère en ce domaine est double : réaffirmer le rang supérieur de cet enseignement et développer un tronc commun à l'ensemble des établissements d'enseignement.

Enfin, la délégation joue un rôle d'interlocuteur et de conseil auprès de l'ensemble des professions artistiques.

M. Martin Béthenod a indiqué que, dans l'exercice de l'ensemble de ses missions, les modalités d'action de la délégation aux arts plastiques reposaient sur la collégialité, qui permet d'associer à l'élaboration des décisions de l'administration des personnalités extérieures, la déconcentration, grâce à des relations permanentes avec les directions régionales des affaires régionales des affaires culturelles et, enfin, le partenariat avec les collectivités territoriales.

Les objectifs fixés à la délégation par le ministre visent d'abord à établir une cartographie de la création contemporaine en France, afin d'identifier les lieux ou événements pour lesquels le soutien du ministère aura le plus d'impact. La délégation devra également jouer un rôle de conseil auprès des structures qui fonctionnent pour beaucoup sous la forme associative, afin qu'elles se dotent des statuts les plus pertinents, éventuellement à travers la création d'établissements publics de coopération culturelle. Par ailleurs, il conviendra de veiller à la cohérence de l'action des diverses institutions parisiennes afin que chacune d'elles, y compris la nouvelle entité consacrée aux arts décoratifs et au design, puisse exercer pleinement ses missions. Enfin, l'accent sera mis sur la diffusion internationale de la création française et la réaffirmation de la France comme terre d'expression des créateurs. Le partenariat avec le ministère des affaires étrangères, à travers l'Association française d'action artistique, sera développé. Dans cette perspective, la délégation aux arts plastiques doit notamment redéfinir ses missions à l'égard de disciplines, parfois présentées comme connexes, tel le design, mais où la France est souvent en pointe.

Un débat s'est ensuite engagé.

M. Philippe Nachbar s'est interrogé sur les moyens de développer la place de l'histoire de l'art dans l'enseignement des arts plastiques. Par ailleurs, il a souhaité avoir des précisions sur le dispositif d'aide à l'édition d'art.

M. Ivan Renar, après avoir souligné le bilan très positif de l'action de la délégation aux arts plastiques, a regretté la diminution relative de la participation de l'Etat dans le fonctionnement des FRAC, qui risque de compromettre leur activité. En effet, si leur politique d'achat reste très active, ces institutions sont souvent confrontées à des difficultés de fonctionnement pour assurer dans de bonnes conditions leur mission de diffusion et de conservation.

Rappelant l'intérêt de disposer sur l'ensemble du territoire d'un réseau d'institutions de rayonnement national, il a souligné la nécessité d'actualiser les subventions versées par l'Etat à certaines structures initiées par les collectivités territoriales. Il s'est ensuite interrogé sur l'état d'avancement des textes relatifs au statut des professeurs d'enseignement artistique. Enfin, il a évoqué les difficultés auxquelles se heurtait de la part de la Commission supérieure des monuments historiques le projet de rénovation de l'église de Bourbourg pour laquelle a été élaboré, avec l'accord de l'ensemble des partenaires, un projet prévoyant l'installation d'une oeuvre d'art contemporain.

M. Daniel Eckenspieller s'est inquiété des conséquences du programme de récolement sur la politique de dépôt d'oeuvres du FNAC dans des collectivités locales.

M. Michel Thiollière, se félicitant de l'intérêt de la collaboration entre la délégation aux arts plastiques et les élus locaux, a souligné l'importance des actions conduites au niveau international par l'Association française d'action artistique. Il a évoqué la nécessité de constituer en France un pôle fort dans le domaine du design en imaginant de nouveaux liens entre industrie et création. Il a souhaité savoir quelle appréciation pouvait être portée sur la position internationale de la France en matière d'art contemporain. Enfin, il s'est interrogé sur le rôle qu'étaient susceptibles de jouer les fondations et sur le risque de voir se constituer des collections sans enracinement local.

M. Jacques Valade, président, s'est demandé où se situait désormais sur le plan mondial le centre de gravité de la création contemporaine.

En réponse aux intervenants, M. Martin Béthenod a apporté les éléments d'information suivants :

- le dispositif de soutien à l'édition d'art s'adresse à des éditeurs privés. Les aides, qui peuvent atteindre 200.000 euros, sont accordées par une commission qui se réunit deux fois par an et attribuées en fonction de la qualité artistique et scientifique des contenus, mais également de la faisabilité financière du projet. Par ailleurs, la délégation a lancé un appel d'offres destiné à des éditeurs, afin de traduire en français des ouvrages étrangers essentiels à l'enseignement des arts plastiques ;

- la célébration des vingt ans des FRAC sera l'occasion de prendre conscience du caractère exceptionnel de leurs collections. Le principe de parité des financements des FRAC n'est pas remis en cause ; les contributions de l'Etat et des régions s'élèvent respectivement à 4,26 millions d'euros et 4,9 millions d'euros. Ce léger décalage est compensé par la participation de l'Etat à des actions qui bénéficient à l'ensemble de ces institutions, à l'image des manifestations organisées en 2003 pour leur anniversaire, comme à des projets d'investissement destinés à créer des FRAC de « nouvelle génération » dotés d'espaces leur permettant à la fois d'organiser des expositions et de mener des actions pédagogiques ;

- le processus de récolement des oeuvres d'art constituant les collections du FNAC ne remet en cause ni les dépôts déjà opérés par cette institution ni la possibilité pour les collectivités territoriales de formuler de nouvelles demandes de dépôt ;

- depuis une dizaine d'années, a émergé en France une génération d'artistes et de critiques d'art reconnus au niveau international. La France dispose d'un bon potentiel ;

- parmi les mécènes français désireux de créer des fondations, nombreux sont ceux à avoir d'ores et déjà acquis en France des lieux pour présenter leurs collections ;

- la création contemporaine est active à Paris et à New York mais également à Berlin, Los Angeles et Miami ou encore en Asie, que ce soit en Thaïlande ou en Chine.

Audition de M. Michel Clément, directeur de l'architecture et du patrimoine au ministère de la culture et de la communication

Puis la commission a procédé à l'audition de M. Michel Clément, directeur de l'architecture et du patrimoine au ministère de la culture et de la communication.

M. Jacques Valade, président
, après avoir rappelé la récente nomination de M. Michel Clément à ses fonctions, a indiqué que son audition devait notamment porter sur les projets de réforme de la loi du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive. Tout en indiquant que les dispositions n'en semblaient pas encore arrêtées, il a relevé que le Sénat souhaitait que soit élaboré un texte permettant de sortir d'une situation préjudiciable au bon déroulement des opérations de fouille et des projets d'aménagement.

A titre liminaire, M. Michel Clément a fait observer que la politique du patrimoine, dont l'importance culturelle et économique est unanimement reconnue, était devenue d'une extrême sophistication.

Cette situation exige un effort de simplification, mais également une mise en cohérence de l'action des différents services de l'Etat. Par ailleurs, l'utilisation des crédits budgétaires doit être améliorée : alors que les besoins sont grands, le taux de consommation des enveloppes ouvertes en loi de finances s'avère insuffisant. Il a indiqué qu'un délégué à l'architecture serait prochainement nommé afin de conférer une plus grande lisibilité à l'action du ministère en ce domaine.

M. Michel Clément a relevé que les difficultés d'application de la loi du 17 janvier 2001 résidaient principalement dans la situation budgétaire délicate de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) en raison de la réduction du montant de ses ressources et dans la remise en cause de nombreux projets d'aménagement, notamment en zone rurale, du fait du coût excessif des redevances d'archéologie préventive.

Il a présenté les orientations fixées par le ministre de la culture et de la communication pour opérer une réforme de son dispositif. Sans réhabiliter le mécanisme conventionnel en vigueur avant la mise en oeuvre de la loi de 2001, il convient en premier lieu de restaurer le dialogue entre les services de l'Etat, les aménageurs et l'opérateur de fouilles. Par ailleurs, le rôle des collectivités locales doit être accru. Actuellement, leurs services ne participent à des opérations d'archéologie préventive que sous l'égide de l'établissement public, ce qui n'est pas satisfaisant. Il convient de prévoir que la participation des collectivités est de droit dès lors que leurs services sont agréés. Par ailleurs, une simplification des paramètres utilisés pour le calcul des redevances archéologiques s'impose afin que leur établissement soit le moins arbitraire possible. En outre, l'objectif de mutualisation impose de réduire le coût des fouilles. Enfin, l'articulation entre l'INRAP et les différents organismes de recherche doit être assurée afin de renforcer le caractère scientifique de l'archéologie préventive.

M. Michel Clément a souligné que la question la plus délicate résidait dans la définition d'une nouvelle assiette des redevances archéologiques. Deux hypothèses sont envisageables. Pourrait être créé un droit forfaitaire acquitté par l'ensemble des aménageurs, que leur projet exige, ou non, la réalisation d'opérations archéologiques ; ce droit, d'un faible montant, qui s'ajouterait aux redevances actuelles, permettrait de mettre en place des mécanismes d'aide en faveur des aménageurs pour lesquels le coût de ces redevances serait excessif. Il est également envisageable d'instaurer un droit forfaitaire d'un montant plus élevé et, parallèlement, de supprimer la redevance pour sondages et d'abaisser le coût de la redevance pour fouilles.

En conclusion de son propos, M. Michel Clément a noté le souci du Sénat de voir ses positions entendues.

Un débat s'est alors engagé.

M. Jacques Legendre a regretté qu'un malentendu se soit établi entre les élus locaux et les archéologues, les seconds estimant que les premiers les méprisaient. Lors des débats sur la loi du 17 janvier 2001, le Sénat a montré son intérêt pour l'archéologie. Cette loi achoppe sur des difficultés que le Sénat avait clairement identifiées. Ces difficultés nécessitent un débat approfondi qui ne peut pas être conduit à l'occasion de l'examen d'amendements. M. Jacques Legendre s'est déclaré en accord avec les orientations générales présentées par le ministère pour réformer la loi. Il a estimé que le nouveau texte devait être fondé sur le principe simple selon lequel l'aménageur supporte les coûts des opérations archéologiques tout en ménageant la possibilité pour ce dernier de bénéficier de concours publics lorsqu'il assume une mission d'intérêt général. Il a en outre souhaité que des formules simples et compréhensibles soient élaborées dans le domaine financier.

Il a par ailleurs déploré les difficultés auxquelles se heurtait la conduite des opérations de restauration du patrimoine, qui souffrent notamment des retards pris dans l'engagement des crédits d'Etat.

M. Philippe Richert a souhaité avoir des précisions sur les orientations et le calendrier retenus par le Gouvernement pour opérer la décentralisation des compétences en matière de protection du patrimoine pour laquelle le rapport Bady, remis au ministre de la culture et de la communication en novembre dernier, avait formulé des propositions. De même, il s'est interrogé sur les moyens d'améliorer les conditions d'intervention des architectes en chef des monuments historiques et le fonctionnement des Conseils pour l'architecture, l'urbanisme et l'environnement (CAUE).

En outre, il a souhaité connaître le montant des enveloppes susceptible d'être inscrit dans le projet de loi de programme dont le dépôt avait été annoncé.

Enfin, après avoir observé que les propositions de réforme de la loi sur l'archéologie préventive formulées par le ministère laissaient trop de place à l'INRAP, il a souligné la nécessité de mettre en place un dispositif qui permette l'intervention d'une plus large gamme de partenaires.

Mme Monique Papon s'est demandé si un transfert aux départements des compétences en matière de protection du patrimoine rural non protégé était prévu. Elle a également souhaité savoir s'il était envisagé d'élargir le champ d'intervention de la Fondation du patrimoine.

M. Ivan Renar, après avoir à son tour souligné l'intérêt de renouer le dialogue entre les aménageurs et les archéologues, a estimé intéressantes les voies de réforme envisagées par le Gouvernement. Le monopole ne constitue pas la solution. Les propositions faites par le Sénat lors de l'examen de la loi pour associer d'autres opérateurs étaient raisonnables.

Enfin, évoquant l'avis défavorable émis par la commission supérieure des monuments historiques à l'installation d'une oeuvre contemporaine dans l'église classée de Bourbourg, il a regretté que soit manquée une occasion de réconcilier l'art contemporain et le patrimoine, alors que le projet faisait l'unanimité des partenaires concernés.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe a estimé que pour améliorer le déroulement des opérations relatives aux monuments historiques, des solutions devaient être trouvées, d'une part, pour remédier à l'insuffisance des effectifs des architectes en chef des monuments historiques et, d'autre part, pour faire correspondre l'avancement des projets et les décisions budgétaires.

Il a souligné que le coût souvent très lourd des opérations d'archéologie préventive exigeait des mécanismes destinés à aider les aménageurs incapables d'en assumer seuls le coût.

En réponse aux intervenants, M. Michel Clément a indiqué que :

- si la politique du patrimoine fait l'objet d'un consensus, on constate parallèlement une perte de confiance dans l'administration chargée de la conduire. Les services de l'Etat doivent s'attacher à restaurer la confiance de leurs partenaires ;

- le ministre souhaite présenter un projet de loi d'orientation sur le patrimoine qui devrait comporter à la fois des mesures législatives et des dispositions financières ;

- les effectifs des architectes en chef des monuments historiques pourraient être accrus afin de permettre aux propriétaires, sur des circonscriptions plus larges, de choisir leur architecte ;

- plusieurs possibilités de transferts de compétences aux collectivités locales sont étudiées concernant l'inventaire mais également la propriété de monuments qui actuellement appartiennent à l'Etat. Des ensembles cohérents de monuments seraient susceptibles d'être transférés aux régions, ce qui n'interdirait pas à une collectivité de demander la propriété d'un monument spécifique. La mise en oeuvre d'une telle réforme, simple dans son principe, s'avère toutefois compliquée. En ce qui concerne l'entretien et la restauration du patrimoine n'appartenant pas à l'Etat, le débat est ouvert car l'échelon territorial le mieux à même d'assumer cette charge n'est pas encore arrêté. Les solutions retenues dépendront des arbitrages qui seront prochainement rendus par le Premier ministre ;

- les services archéologiques des collectivités territoriales ont un rôle essentiel à jouer pour participer aux opérations de fouilles auxquelles ils peuvent apporter un complément utile, mais également pour assurer la diffusion du résultat des recherches. L'INRAP va continuer à exister ;

- les CAUE ont un rôle essentiel d'accompagnement des projets d'aménagement.