C. UNE PERFORMANCE BUDGÉTAIRE À MIEUX GARANTIR

À la hausse des crédits doit correspondre une nécessaire amélioration de la qualité et de l'efficacité de la dépense associée. Alors que les pouvoirs publics consentent un conséquent mais nécessaire effort budgétaire au profit de la justice judiciaire, il convient de s'assurer que celui-ci porte les fruits attendus. Or force est de reconnaître qu'en la matière la Chancellerie est confrontée à plusieurs difficultés, qui doivent la conduire à se doter d'une capacité budgétaire et statistique renforcée.

En premier lieu, la performance sur certains indicateurs apparaît insuffisante. Comme le relève la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire pour 20222(*), le délai moyen de traitement des procédures civiles hors procédures courtes se dégrade tendanciellement, au niveau des cours d'appel comme des tribunaux judiciaires. Il n'est au demeurant pas possible d'analyser la progression prévisionnelle de cet indicateur, celui-ci n'ayant pas été retenu dans le projet annuel de performances, au profit de la proportion d'affaires civiles - et pénales - terminées en moins de douze mois en première instance. Les rapporteures s'interrogent sur la pertinence d'un tel changement, qui nuit très sérieusement au suivi par le Parlement et nos concitoyens de la performance du ministère de la justice en la matière.

En deuxième lieu et de façon plus générale, les indicateurs de performance ou de contexte choisis par la Chancellerie paraissent largement perfectibles. Il en va ainsi, en matière pénale, du nombre d'affaires traitées au niveau des cours d'appel, pour lesquelles « dans un contexte de déploiement du logiciel Cassiopée au niveau des cours d'appel il n'a pas été possible de consolider une donnée fiable pour les chambres des appels correctionnels pour 2022 », ce qui ne permet pas de connaître le taux de cassation des décisions pénales rendues en appel, indicateur pourtant essentiel pour juger de la qualité de la justice rendue. Au surplus, les rapporteures s'associent à l'appréciation, formulée par la Cour des comptes, d'un indicateur de contexte relatif à la récidive3(*) très imparfait sur le plan méthodologique et s'étonnent que malgré les recommandations formulées par la Cour cet indicateur n'ait connu aucune modification dans le PAP 2024.4(*)

En dernier lieu, la performance de la dépense paraît insuffisante au regard de la sous-exécution chronique des crédits ouverts, tant en AE qu'en CP. Si le taux d'exécution en 2022, de 99,37 %, est satisfaisant, il était particulièrement médiocre en 2021, atteignant seulement 84,5 %5(*). Cette sous-exécution est notamment la difficulté de la Chancellerie d'atteindre son plafond d'emplois.

Plafond d'emplois et exécution
en ETPT pour la mission

Source : Cour des comptes

Comme le relève la Cour dans la note d'exécution précitée, « alors que le ministère a bénéficié d'un effort important en termes de créations de postes depuis 2018, il n'est pas parvenu à réaliser les recrutements correspondants, de sorte qu'il présente de manière persistante une sous-exécution de son plafond d'emplois ». Une telle incapacité chronique est d'autant plus inquiétante que la bonne réalisation des recrutements programmés dans le cadre de la LOPJ pour 2023-2027 constitue la clé de voûte de cette programmation.


* 2 Cour des comptes, « Analyse de l'exécution budgétaire pour 2022, mission "Justice" », avril 2023.

* 3 À l'exemple de l'indicateur du délai moyen de traitement des procédures civiles hors procédures courtes, celui-ci avait été introduit dans le PAP 2021, supprimé du PAP 2022, puis réintroduit dans le PAP 2023 à la demande de la Cour des comptes.

* 4 Note d'exécution budgétaire précitée, p. 40 : « Les choix méthodologiques opérés (notamment le cantonnement à la seule récidive légale et non à la réitération, et la période d'examen de deux ans au lieu de la période usuelle de cinq ans) conduisent cependant à produire des résultats [de l'ordre de 10 %] très différents de ceux de la direction de l'administration pénitentiaire et du service statistique ministériel, généralement de l'ordre de 40 %. »

* 5 Voir la note d'exécution budgétaire précitée.

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