B. FINANCEMENT DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES : UN CHANTIER À ENGAGER POUR SURMONTER LE « MUR » D'INVESTISSEMENTS

À l'origine de 70 % de l'investissement public (hors recherche et investissements militaires), les collectivités territoriales sont amenées à jouer un rôle essentiel dans la hausse des dépenses publiques et privées nécessaires pour atteindre nos objectifs énergétiques et climatiques d'ici 2030 (+ 66 milliards d'euros selon le rapport Pisani-Ferry & Mahfouz5(*)) : selon I4CE (Institute for climate economics), au moins 12 milliards d'euros d'investissements dédiés au climat devraient être réalisés par les collectivités chaque année, soit presque 20 % de leur budget d'investissement. C'est deux fois plus que les montants actuellement mobilisés (5,5 milliards)6(*).

Il est donc urgent de mieux outiller et de mieux accompagner les collectivités territoriales pour faire face au « mur » d'investissements verts qui se présente devant elles.

1. « Budget vert » des collectivités territoriales : un outil pertinent, une généralisation prématurée

Outil de diagnostic et de pilotage des finances publiques locales par l'identification des dépenses ayant un impact environnemental significatif, positif ou négatif, le « budget vert » est de plus en plus plébiscité par les élus locaux : selon I4CE, la quasi-totalité des conseils régionaux de France métropolitaine et un tiers des communes ou intercommunalités de plus de 100 000 habitants ont développé cette méthode d'évaluation de leurs dépenses.

Face au « mur » d'investissements auquel font face les collectivités territoriales, la mise en place d'un « budget vert » doit être encouragée, notamment par l'élaboration d'une méthodologie harmonisée de cotation des dépenses qui soit simple, utile et réplicable dans le temps, reposant sur un niveau de granularité adapté. Cette méthode doit être construite en concertation avec les associations de collectivités territoriales. C'est le sens du travail actuellement engagé par les services ministériels, selon les informations transmises au rapporteur pour avis par le Commissariat général au développement durable (CGDD).

La publication obligatoire d'un « budget vert » pour les collectivités territoriales de plus de 3 500 habitants, dès 2024, votée par l'Assemblée nationale (article 49 decies) semble toutefois prématurée, comme l'ont d'ailleurs soulevé les associations environnementales entendues par le rapporteur pour avis. Pour éviter que le travail engagé ne soit bâclé, il est préférable de rendre la mise en place d'un « budget vert » facultative, tout en encourageant l'État et les associations de collectivités territoriales à élaborer une méthode adéquate. Tel est le sens de l'amendement n° II-291 adopté par la commission.

Le rapporteur pour avis porte en revanche un regard favorable à l'article adopté par l'Assemblée nationale (article 49 undecies) laissant la possibilité pour les collectivités locales de plus de 3 500 habitants d'identifier et d'isoler la part de leur endettement consacré à financer des investissements concourant à des objectifs environnementaux.

2. Donner de la visibilité en s'inscrivant dans une logique pluriannuelle

Le rapporteur pour avis partage les constats du récent rapport de la délégation aux collectivités territoriales consacré à la transition écologique dans les territoires7(*) : la méthode de soutien financier de l'État - fondé sur des appels à projets conduisant à « des visions fragmentées, opportunistes, construites dans l'urgence et peu documentées », tout en offrant trop peu de visibilité en raison du principe d'annualité budgétaire - est aujourd'hui incompatible avec les exigences de la transition écologique. Un changement de méthode s'impose donc.

Ce changement pourrait être amorcé dès 2024. En effet, en application de l'article 9 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, le Gouvernement devra remettre au Parlement, dès le prochain exercice budgétaire, une stratégie pluriannuelle définissant les financements de la transition écologique et de la politique énergétique nationale : cette publication devra servir de support à une programmation pluriannuelle du soutien apporté par l'État aux collectivités territoriales. Les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) devront, par la suite, constituer la traduction territoriale de cette pluriannualité (recommandation n° 8 du rapport de la délégation).


* 5 Jean Pisani-Ferry, Selma Mahfouz, «  Les incidences économiques de l'action pour le climat », mai 2023.

* 6 Aurore Colin, Axel Erba, Morgane Nicol, Claire Abbamonte, «  Collectivités : les besoins d'investissements et d'ingénierie pour la neutralité carbone », 14 octobre 2022.

* 7 Rapport d'information n° 87 (2023-2024), par MM. Laurent Burgoa, Pascal Martin et Guy Benarroche, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales, «  Engager et réussir la transition environnementale de sa collectivité », 9 novembre 2023.

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