Projet de loi Programmation militaire pour les années 2019 à 2025

Direction de la Séance

N°140

21 mai 2018

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 477 , 476 , 472, 473)


AMENDEMENT

C Défavorable
G Favorable
Rejeté

présenté par

Le Gouvernement


ARTICLE 22 TER

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Supprimer cet article.

Objet

La loi n° 2007-1443 du 9 octobre 2007 portant création d'une délégation parlementaire au renseignement permet l'information du Parlement sur l'activité des services spécialisés de renseignement selon les exigences propres à toute démocratie. A ce titre, la délégation parlementaire au renseignement (DPR) reçoit des informations sur le budget, l'activité générale et l'organisation des services.

La loi du 9 octobre 2007 a toutefois exclu du champ des informations mises à disposition de la délégation, celles susceptibles de mettre en péril l'anonymat, la sécurité ou la vie d'une personne, ainsi que les informations liées aux modes opératoires propres à l'acquisition du renseignement, touchant aux relations entretenues avec des services étrangers ou aux activités opérationnelles en cours, comme aux instructions des pouvoirs publics à cet égard.

L’article 22 ter remet en cause cet équilibre au risque de porter atteinte au principe de séparation des pouvoirs et aux prérogatives constitutionnellement garanties du pouvoir exécutif. Il ouvre en effet la possibilité d’une information de la DPR sur les opérations en cours, alors même que le Conseil constitutionnel juge que le contrôle opéré par le Parlement ne peut concerner de telles opérations (décision n° 2001-456 DC du 27 décembre 2001).

En outre, le présent article reconnaît à la DPR un droit à l’information sur l’ensemble des pans de l’activité des services de renseignement, qu’il s’agisse d’informations relatives aux procédures et méthodes opérationnelles (sans que le Gouvernement puisse s’y opposer), aux échanges avec les services étrangers partenaires, ou encore d’informations concernant les agents des services spécialisés protégés par le droit au respect de l’anonymat.

Ce droit à l’information sur l’ensemble des pans de l’activité des services de renseignement est de nature à fortement entraver l’efficacité de l’action des services et à porter atteinte à leur sécurité opérationnelle, ainsi qu’à celle de leurs agents. Il paraît en outre peu conforme avec le principe de séparation des pouvoirs. Il vise en effet à conférer à la DPR une faculté de supervision de l’action des services de renseignement qui ne respecte pas la délimitation du rôle du pouvoir exécutif et de celui du pouvoir législatif consacrée par la jurisprudence constitutionnelle lorsque le premier intervient dans le cadre de sa mission de défense des intérêts fondamentaux de la Nation.

L’article fragilise ce faisant les méthodes de travail et les modalités d’action des services de renseignement, fondées sur le principe du cloisonnement de l’information. Ce cloisonnement se traduit par l’octroi d’habilitations et le besoin d’en connaître qui restreignent l’accès à l’information au sein même des services. La sécurité des personnels et des opérations est ainsi assurée, aucun agent n’ayant accès à l’ensemble des informations détenues par le service.

Il fragilise aussi le lien de confiance existant avec les services étrangers alors que l’accord exprès d’un partenaire est requis pour mettre à disposition d’un tiers des informations qu’il a partagées.

Par ailleurs, l’article 22 ter confère à la DPR, sans l’encadrer aucunement, un droit nouveau de se rendre sur le site d’un service de renseignement et d’y auditionner tout personnel. Une telle évolution, qui semble peu compatible avec les avancées législatives récentes qui ont visé à protéger strictement l’anonymat des agents des services de renseignement, contrevient en outre aux dispositions de l’article 20 de la Constitution, aux termes duquel « le gouvernement dispose de l’administration ».

L’article 6 nonies de l’ordonnance du 17 novembre 1958 a déjà récemment connu deux importantes modifications, en dernier lieu par la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement. Celle-ci fera l’objet en 2020, après cinq années de mise en œuvre, d’une évaluation par le Parlement. C’est dans ce cadre (ou à l’occasion de l’examen d’un vecteur législatif dédié) plus propice à une démarche de concertation entre les services concernés et le Parlement, que la question de la réévaluation des pouvoirs de la DPR pourra être examinée à l’aune de l’expérience de la mise en œuvre des dispositions récentes les ayant renforcés. Une telle démarche sera de nature à consolider la relation de confiance avec les services de renseignement que le législateur a souhaité instituer lors de la création de la DPR en 2007.