La commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier, créée à l’initiative du groupe Les Républicains, s’est réunie le 21 novembre 2023 pour constituer son bureau et lancer ses travaux.

La commission d’enquête a engagé ses auditions dès le 27 novembre 2023 et a remis ses conclusions le 14 mai 2024.

Pourquoi ce contrôle ?

27,7 tonnes : c’est la quantité de cocaïne saisie en France en 2022, soit cinq fois la quantité saisie dix ans plus tôt, témoignant de l’intensification du trafic. En parallèle, les réseaux de narcotrafic deviennent de plus en plus violents : à titre d’illustration, selon le parquet de la cité phocéenne, 44 personnes sont décédées à Marseille dans le cadre des règlements de comptes, entre le début de l’année et la mi-septembre 2023 – soit autant que sur toute l’année 2021 et pour toute la France.

Ces chiffres inquiètent tant par leur importance que par leur croissance exponentielle.

Des préoccupations naissent, par ailleurs, de l’extension du narcotrafic dans des zones jusqu’à présent épargnées : dans certaines, on assiste à une véritable submersion ; dans d’autres, c’est un ancrage insidieux qui se développe chaque jour.

La réalité dramatique du narcotrafic impose de questionner la pertinence des modes d’action des pouvoirs publics et de mettre en lumière les nouveaux enjeux que pose le narcotrafic. Quelles sont les « nouvelles routes » d’entrée de la drogue en France ? Comment les trafics de stupéfiants se déploient-ils dans les villes moyennes et les communes rurales ? Quel rôle jouent les outils numériques (commandes par Internet, cryptoactifs, messageries cryptées, etc.) dans la structuration du narcotrafic en France ? Quels sont les nouveaux modes de fonctionnement des réseaux de narcotrafic ? Et surtout : quels sont, au vu de ces évolutions, les moyens de lutte les plus efficaces, les plus opérationnels et les plus pertinents pour combattre le narcotrafic ?

Afin de répondre à ces nombreuses interrogations, le groupe Les Républicains a souhaité la création d’une commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier. Cette commission, lancée en séance publique le 8 novembre 2023, achèvera ses travaux au début du mois de mai 2024.

Les conclusions de la commission d'enquête

Multiplication par cinq des saisies de cocaïne en l’espace de dix ans, apparition incessante de nouvelles drogues de synthèse produites directement sur le sol européen, maintien à des niveaux inquiétants de la consommation de cannabis et d’héroïne, pureté et nocivité sans cesse croissantes des produits, situation dramatique dans des collectivités d’outre-mer qui servent de zones de « rebond » comme dans les secteurs frappés par des « narchomicides » et dans les quartiers conquis par le deal : l’impact du narcotrafic sur la France a explosé au cours de la dernière décennie. Notre pays est désormais confronté à une véritable submersion ; le phénomène touche l’intégralité du territoire, y compris les villes moyennes et les zones rurales. En dépit de l’engagement sans faille des services répressifs et des juridictions, les stupéfiants, même les plus « durs », sont dorénavant disponibles tout le temps et partout, qu’ils soient vendus sur l’un des 3 000 points de deal que compte notre pays ou bien commandés sur des messageries cryptées et discrètement livrés à domicile.

L’exemple de certains pays, non seulement en Amérique du Sud et en Afrique mais aussi au sein même de l’Union européenne, montre que le narcotrafic est une menace existentielle pour les institutions et pour la démocratie. À l’heure où ce marché criminel représente a minima un « chiffre d’affaires » annuel de 3,5 milliards d'euros en France, et alors que le trafic se densifie, s’ubérise et s’internationalise, la commission d'enquête du Sénat sur l'impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier a mis au jour un constat inquiétant : non seulement notre pays est à un point de bascule, mais surtout la réponse de l’État manque de moyens, de lucidité et de cohérence.

Créée le 8 novembre 2023 à l'initiative du groupe Les Républicains et ayant pour président Jérôme Durain et pour rapporteur Étienne Blanc, la commission d'enquête a effectué de nombreux déplacements, partout dans l'hexagone, et auditionné plus de 150 personnes. Son rapport, établi à l’issue de six mois de travail et de réflexion, propose un traitement de choc pour mettre fin à l’impunité dont jouissent les trafiquants du haut du spectre, pour enfin frapper les criminels au portefeuille, pour mettre la procédure pénale à la hauteur des enjeux et pour redonner à chaque acteur son juste rôle dans la lutte contre le narcotrafic.

Les trois principales recommandations de la CE

1. Faire preuve de lucidité sur la nature du narcotrafic et le traiter pour ce qu’il est : une menace pour les intérêts fondamentaux de la nation

  • Donner sa juste place au renseignement dans la lutte contre le narcotrafic
  • Mettre les moyens au niveau de la menace avec un véritable plan d’urgence pour les services d’enquête et les juridictions
  • Se donner les moyens de la sécurité dans les outre-mer, aujourd’hui sacrifiés, et dans les infrastructures portuaires et aéroportuaires
  • Endiguer la corruption liée au narcotrafic, notamment la corruption dite – à tort – de « basse intensité », en caractérisant les atteintes à la probité et en créant les conditions de l’incorruptibilité dans la sphère publique comme dans la sphère privée

2. Frapper le « haut du spectre » et ne pas limiter la lutte à des opérations d’ordre public de type « place nette »

  • Mettre la procédure pénale à la hauteur des enjeux en créant un dossier « coffre » et en facilitant le recours aux techniques spéciales d’enquête
  • Faciliter le recours aux « repentis », sécuriser le traitement des sources par les services d’enquête et créer une nouvelle infiltration « civile »
  • Lutter de manière implacable contre tous les blanchiments
  • Taper les trafiquants au portefeuille en systématisant les enquêtes patrimoniales, en instaurant un gel judiciaire de leurs avoirs et en créant une confiscation sans condamnation pénale

3. Structurer enfin l’action des services en charge de la lutte contre le narcotrafic

  • Faire de l’Office antistupéfiants une véritable « DEA à la française » en lui donnant une pleine autorité sur les services de terrain chargés de la lutte contre le narcotrafic (police, gendarmerie et douane)
  • Créer un parquet national antistupéfiants pour spécialiser et incarner la lutte contre le narcotrafic dans la sphère judiciaire
  • Se doter d’une véritable stratégie nationale en revoyant à la hausse les ambitions du « plan stups » rénové

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