ANNEXE 13 : CONTRIBUTION ÉCRITE DE L'AGENCE FRANCE LOCALE RELATIVE À LA PONDÉRATION DE SOLVABILITÉ DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES FRANÇAISES
(FÉVRIER 2023)

Au moment où nos collectivités locales doivent être au rendez-vous de la transition écologique, notamment par leur investissement à destination de la rénovation énergétique des bâtiments publics, sans grever leurs marges de manoeuvre, nous souhaitons vous soumettre une mesure réglementaire, sans incidence financière sur les comptes de l'État, qui permettrait aux collectivités locales de réaliser à terme une économie de l'ordre de 100 millions d'euros par an256(*). Cette économie en fonctionnement pourrait permettre d'augmenter l'endettement des collectivités locales de 3 milliards 257(*) d'euros par an, pour un service de la dette équivalent et générer un montant similaire d'investissements supplémentaires en année pleine.

Il s'agit de permettre aux établissements bancaires qui financent les collectivités locales de mobiliser moins de fonds propres face de leur stock de prêts aux collectivités. Cette pratique, usuelle dans la plupart des pays européens, n'est pas appliquée en France, à l'exception notable des sociétés d'assurance puisque cette disposition a déjà été prise dans le cadre de la règlementation “Solvency 2”.

Techniquement, l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR), avec l'aval de la Direction du Trésor, et en vertu de l'article 115 §2 du règlement (UE) 575/2013, devra reconnaitre que les Administrations Régionales et Locales françaises (Collectivités Territoriales et leurs groupements) peuvent être traitées comme leur administration centrale pour le calcul du ratio de solvabilité.

La règlementation européenne prévoit que les banques peuvent traiter les collectivités territoriales au même titre que leur État en termes de pondération des risques.

Dans la réglementation européenne applicable aux banques, selon l'article 115 bis de la CRR (règlement UE 575/2013), les expositions sur des administrations régionales et locales doivent être traitées comme des expositions sur l'administration centrale dans la juridiction de laquelle celles-ci sont établies, lorsqu'il n'existe pas de différence de risque entre ces expositions, en raison du pouvoir spécifique desdites administrations régionales ou locales de lever des impôts et de l'existence d'accords institutionnels spécifiques ayant pour effet de réduire leur risque de défaut.

L'Autorité Bancaire Européenne (ABE) enregistre, dans une base de données accessible au public, toutes les administrations régionales et locales, dans l'Union européenne, dont les expositions sont traitées par les autorités compétentes comme des expositions sur leurs administrations centrales. Sont concernés certains types de collectivités dans les pays suivants : Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, Allemagne, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Espagne, Suède, Royaume-Uni.

Le 11 novembre 2015, dans le cadre de la réforme prudentielle applicable aux entreprises d'assurance, le règlement d'exécution UE 2015/2011 « définissant les listes d'autorités régionales et locales à considérer comme le gouvernement central dans la formule standard de calcul du capital de solvabilité des entreprises d'assurance » a admis pour un certain nombre de pays - dont la France - l'alignement de la pondération en risque des autorités régionales et locales avec leur État central.

Le règlement d'exécution (UE) 2015/2011 258(*)reconnaît que les autorités de contrôle ont démontré « qu'il n'existe pas de différence de risque entre ces expositions en raison du pouvoir spécifique de ces dernières de lever des recettes et de l'existence d'accords institutionnels spécifiques ayant pour effet de réduire leur risque de défaut ». Sont concernés certains types de collectivités dans les pays suivants : Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, France, Allemagne, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Espagne, Suède, Royaume-Uni.

Une lecture attentive de ces deux règlements montre que les mêmes critères - un mot près - sont retenus pour apprécier le risque de crédit des collectivités dans les deux textes.

Pourtant, la reconnaissance de cette appréciation ne s'est pas encore propagée du monde des assurances au monde bancaire en France. Or l'immense majorité des collectivités françaises est financée par des banques et non par des assureurs.

Une différence de traitement préjudiciable aux collectivités territoriales en France

En France, s'agissant des critères de solvabilité applicable aux banques, l'État est pondéré à 0 %, alors que les collectivités territoriales sont pondérées à 20 %, ce qui impose aux établissements crédits, d'allouer davantage de fonds propres en face des prêts aux collectivités.

Plusieurs conséquences non souhaitées découlent de ce hiatus réglementaire : parmi elles, l'inégal accès aux bilans des assureurs des collectivités françaises va engendrer des coûts de financement différenciés suivant la taille des collectivités. Pour mémoire, ce sujet prend racine dans un environnement règlementaire européen illisible du fait des incohérences relevées même au sein de pays membres de la zone Euro.

Par ailleurs, le non-alignement en risque de la pondération des collectivités françaises sur celle de l'État français renchérit le coût de la ressource et fragilise leur accès à celle-ci, notamment en période de crise.

Une demande unanime des élus locaux d'un alignement règlementaire.

Les associations d'élus locaux se sont étonnées de ces écarts et ont interrogé l'État sur la possibilité - et le calendrier - d'un alignement du traitement prudentiel des collectivités françaises sur celui de l'État français pour les banques, à l'instar de ce que « Solvabilité 2 » a d'ores et déjà reconnu pour les assureurs et de ce que de nombreux pays européens ont d'ores et déjà décidé.

Cette mesure n'a aucun coût pour le budget de l'État ni pour le budget des collectivités ; au contraire elle est de nature à réduire leur coût d'accès à l'emprunt bancaire et ainsi leur permettre plus d'investissement avec un impact maitrisé sur leurs budgets de fonctionnement. Le superviseur bancaire est le même que celui des assureurs : l'Autorité de Contrôle prudentiel et de Résolution (ACPR).

Une mesure qui n'aurait pas d'impact sur la solvabilité du système bancaire

Du point de vue du superviseur bancaire, le passage de la pondération à 0% ne doit pas laisser craindre une déstabilisation du système bancaire par une augmentation déraisonnable des expositions sur les Collectivités françaises. Les Collectivités Territoriales françaises représentent un risque très faible, au niveau de l'État français, comme l'a rappelé le superviseur dans le règlement d'exécution (UE) 2015/2011.

Pour les grandes banques généralistes les expositions sur les collectivités françaises sont marginales au regard de leur taille et le passage de la pondération à 0% n'aura aucun impact sur leur solvabilité.

Pour les banques françaises spécialisées il existe déjà plusieurs dispositifs d'encadrement réglementaire. Pour l'AFL le décret n°2020-556 du 11 mai 2020 empêche les collectivités dont la situation financière est dégradée d'emprunter auprès de l'établissement. Pour les établissements utilisant les modèles internes d'évaluation du risque, le futur paquet bancaire limite l'économie de fonds propres que pourraient faire ces établissements avec le passage à 0%.

Enfin, la réglementation bancaire Européenne donne toute latitude à l'ACPR pour augmenter les exigences en fonds propres d'un établissement sous sa supervision si elle considérait que leurs fonds propres n'étaient plus en adéquation avec leurs risques.

Banques de développement, l'intérêt commun comme objectif

Les deux établissements français, spécialistes du financement des Collectivités Territoriales, sont reconnus en tant qu'établissements de crédit public de développement. Ce statut, attribué par l'ACPR, est la reconnaissance officielle que leur objectif est de financer les objectifs de politique publique sans chercher à maximiser les profits ou les parts de marché.

Fin 2022, l'AFL et la Sfil ont adopté une position commune pour proposer à l'UE d'inclure une pondération intermédiaire de 10%, à la main des superviseurs nationaux, pour les Administrations Régionales et Locales et les Entités du Secteurs Public. Malgré le soutien de Bercy, cette proposition n'a pas été retenue dans le paquet bancaire qui sera voté au premier semestre 2023.

Avec l'aval de Bercy, l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de résolution (ACPR) pourrait, en vertu des articles 115 §2 et 116 §4 du règlement (UE) 575/2013, reconnaître que les Administrations Régionales et Locales françaises (Collectivités Territoriales et leurs groupements) et les Établissements Publics Locaux peuvent être traitées comme leurs administration centrale pour le calcul du ratio de solvabilité.

Ainsi, le simple alignement de la règlementation bancaire sur celle des assurances permettrait aux Collectivités Territoriales, à leurs groupements et aux Établissements Publics Locaux de participer pleinement et dans les meilleures conditions au financement de l'adaptation climatique et de la rénovation énergétique, sans coût supplémentaire pour l'État et tout en maîtrisant leur budget de fonctionnement.


* 256 Soit une économie estimée à 0,05% sur les 201 Md€ de dette (BP et BA) des collectivités locales et leurs groupements à fin 2021.

* 257 D'après l'étude de l'institut I4CE publiée le 14 octobre 2022 (https://tinyurl.com/2c68mzes), ce montant correspond au besoin d'investissement annuel des collectivités pour la rénovation énergétique des bâtiments publics (2,7 Mds €/an).

* 258 Cf. règlement d'exécution (UE) 2015/2011 et article 109bis paragraphe 2, point a) de la Directive 2009/138/CE.

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page