F. LA SITUATION DES CIVILS UKRAINIENS ET NOTAMMENT DES ENFANTS, DÉPLACÉS DE FORCE OU TRANSFÉRÉS VERS LA FÉDÉRATION DE RUSSIE OU LES TERRITOIRES UKRAINIENS SOUS LE CONTRÔLE DE FACTO DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE

1. Intervention de M. Didier Marie

Merci, Monsieur le Président.

Mes chers collègues,

Je remercie à mon tour notre collègue M. Paulo Pisco pour son rapport et Mme Olena Volodymyrivna Zelenska pour son émouvante intervention, qui souligne l'ampleur des déportations et transferts forcés d'enfants ukrainiens vers la Fédération de Russie ou les territoires ukrainiens temporairement occupés.

C'est un sujet sur lequel le Sénat français a pris récemment position, en adoptant une résolution condamnant les agissements de la Russie. Je suis heureux que notre Assemblée adopte à son tour une position forte, tant le sujet est grave.

De nombreux chiffres ont circulé et le rapport qui nous est soumis retient l'hypothèse de plus de 19 000 enfants déportés ; ils sont vraisemblablement plus nombreux.

Comme le souligne notre rapporteur, ces déportations relèvent d'une politique d'État systématique. C'est l'avenir de l'Ukraine que la Russie tente d'affaiblir en la privant de futures forces vives ; c'est la culture ukrainienne qu'elle veut atteindre. Mais c'est aussi une Russie en proie à de graves problèmes démographiques qui veut se renforcer.

De nombreux enfants déportés sont placés dans des familles d'accueil ou hébergés dans des camps où ils suivent un processus de « russification » accéléré, pour tenter de les couper durablement de leur pays, de leurs origines.

Il ne s'agit pas d'un déplacement humanitaire pour préserver la vie d'enfants confrontés à la guerre : il s'agit bien d'un crime de guerre, d'un crime contre l'humanité, d'un crime de génocide au regard de la Convention de 1948.

Face à cette situation, notre réaction doit être claire et unanime et j'invite tous nos parlements à adopter des résolutions condamnant ces crimes et appelant la Russie à cesser immédiatement ceci et à restituer ces enfants à leurs parents et à leur pays.

Je me félicite que la Cour pénale internationale ait émis des mandats d'arrêt contre M. Poutine et Mme Lvova-Belova. Au-delà, ce sont tous les responsables des déportations d'enfants ukrainiens qui doivent être poursuivis.

Tous les États parties au Statut de Rome doivent assurer l'exécution de ces mandats d'arrêt et faire en sorte que tous les responsables des déportations d'enfants ukrainiens soient poursuivis.

J'appelle les États membres du Conseil de l'Europe à mettre en oeuvre tous les moyens à leur disposition, en coopération avec les autorités ukrainiennes, pour identifier, documenter et recenser tous les cas de transferts forcés et de déportation d'enfants engagés par la Russie depuis le début du conflit.

La création d'un registre des dommages serait une contribution importante du Conseil de l'Europe et je forme le voeu qu'il soit établi rapidement.

Notre engagement doit être sans faille et une perspective doit nous guider : celle du rapatriement des enfants déportés, afin qu'ils puissent demain vivre dans leur pays, retrouver leurs pays, et vivre dans ce qui est et restera l'Ukraine.

Merci.

2. Intervention de M. Claude Kern

Merci, Monsieur le Président.

Mes chers collègues,

Je remercie notre collègue Paulo PISCO pour ce rapport qui appelle une réponse claire contre les déportations et transferts forcés d'enfants et d'autres civils ukrainiens vers la Fédération de Russie ou les territoires ukrainiens temporairement occupés.

J'ai moi-même été le rapporteur d'une résolution sur ce sujet adoptée par le Sénat français, à l'initiative de notre collègue André Gattolin.

Je rappelle que les enfants sont particulièrement protégés par le droit international, qu'il s'agisse du droit de la guerre ou du droit international humanitaire, régi notamment par les Conventions de Genève du 12 août 1949, mais aussi bien sûr par la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 et par la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, tous ces textes ratifiés par la Russie. Ils le sont aussi par les traités et les textes européens.

À la différence des combattants qui, une fois capturés, sont détenus comme prisonniers de guerre et peuvent être déplacés vers le territoire ennemi, le transfert forcé de civils, et notamment d'enfants, est interdit par le droit international humanitaire et peut donner lieu à des poursuites en tant que crime de guerre et crime contre l'humanité.

La Cour pénale internationale a émis des mandats d'arrêt contre Vladimir Poutine et contre Maria Lvova-Belova, la commissaire présidentielle russe aux droits de l'enfant. C'est un acte très important mais il faut maintenant faire en sorte qu'il soit suivi d'effets. Ces deux figures sont évidemment les plus symboliques mais il faudra s'attaquer à l'ensemble de la chaîne des responsables de la mise en oeuvre de cette politique d'État.

Maria Lvova-Belova a été sanctionnée par l'Union européenne dans le cadre du septième train de sanctions adopté en juillet 2022. Je considère que le train de sanctions adopté par l'Union européenne devra être élargi afin de viser l'ensemble des responsables du « système » de déportation d'enfants et de civils.

J'appelle également les États membres du Conseil de l'Europe et l'Union européenne à mettre en oeuvre tous les moyens techniques et humains à leur disposition, en coopération avec les autorités ukrainiennes, pour documenter et recenser tous les cas de transferts forcés et de déportation d'enfants. Ce génocide, ces crimes ne peuvent pas, ne doivent pas, rester impunis.

Mais l'objectif ultime, au-delà du jugement de ces criminels de guerre, c'est bien le retour des enfants déportés dans leur pays, en Ukraine, afin qu'ils puissent demain y construire leur avenir et participer au développement de leur pays et au rayonnement de la culture dont on essaie de les priver. Ce sera certainement un combat long et difficile mais notre détermination doit être sans faille.

Je vous remercie.

3. Intervention de M. Jacques Le Nay

Discours non-prononcé mais intégré au compte rendu officiel

Monsieur le Président,

Mes chers collègues,

Je félicite notre collègue Paulo Pisco pour son rapport qui dénonce avec fermeté les déportations et transferts forcés d'enfants ukrainiens vers la Fédération de Russie ou les territoires ukrainiens temporairement occupés.

Je condamne vivement ces déportations massives faites au mépris du droit international et des conventions que la Fédération de Russie a pourtant signées.

Ces déportations, parce qu'elles touchent aux personnes les plus vulnérables, doivent tous nous préoccuper. Ainsi, le Sénat français a adopté une résolution pour condamner les actions de la Fédération de Russie et un débat aura lieu en séance publique début mai. Notre Assemblée et les Parlements des États membres de notre Organisation doivent également faire de même pour que la réprobation soit unanime.

À ce jour, le gouvernement ukrainien indique avoir recueilli des informations faisant état de plus de 19 000 enfants classés comme déportés par la fédération de Russie. Cette politique a pour objectif de saper l'identité ukrainienne en s'attaquant à ses enfants. Une fois en Russie, ceux-ci sont placés dans des familles d'accueil ou des orphelinats où on leur interdit de parler ukrainien ou de manifester un quelconque signe d'appartenance à la culture ukrainienne.

La volonté de la fédération de Russie d'utiliser ces enfants dans le but de détruire l'identité ukrainienne est parfaitement documentée. Les travaux des ONG telles que Human Rights Watch illustrent ce que la Convention de 1948 qualifie de génocide. Prenant pour prétexte de leur fournir une assistance médicale, les enfants arrêtés dans les zones occupées sont envoyés en Russie. Le Premier ministre de la Fédération de Russie a ouvertement appelé à augmenter le nombre des enfants transférés en Russie, ce qui manifeste l'implication au plus haut niveau des autorités russes dans ce processus.

Face à cette situation, le Conseil de l'Europe doit jouer un rôle dans l'établissement des responsabilités, notamment au travers de la création d'un registre international des dommages permettant de consigner, sous forme documentaire, les preuves de ces déportations et transferts. Il doit également soutenir les autorités ukrainiennes pour mettre en place un mécanisme rapide permettant d'identifier, de localiser et de rapatrier les enfants victimes de ces transferts forcés. Enfin, la situation des enfants ukrainiens devra faire l'objet d'une attention particulière lors du sommet de Reykjavik.

Par ailleurs, je souhaite que la coopération avec l'Union européenne sur ce sujet soit renforcée. Ainsi, le Conseil de l'Europe pourrait apporter son concours à l'Agence de l'Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale et à l'équipe commune d'enquête sur les crimes internationaux présumés en Ukraine.

Mes chers collègues, je voterai donc sans réserve ce projet de résolution.

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