PREMIÈRE PARTIE
2024, UNE PLEINE ENTRÉE DANS
LA LOI DE PROGRAMMATION

La mission « Justice » comprend l'ensemble des moyens budgétaires du ministère de la justice. Elle est composée de six programmes, qui recoupent les différentes directions « métier » du ministère de la justice :

le programme 166 « Justice judiciaire », qui regroupe les crédits relatifs aux juridictions judiciaires ;

le programme 107 « Administration pénitentiaire », relatif au service public pénitentiaire ;

le programme 182 « Protection judiciaire de la jeunesse », piloté par la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ), qui est chargée de l'ensemble des questions intéressant la justice des mineurs ;

le programme 101 « Accès au droit et à la justice », mis en oeuvre par le secrétariat général du ministère de la justice et qui comprend notamment les crédits relatifs à l'aide juridictionnelle ;

le programme 310 « Conduite et pilotage de la politique de la justice », placé sous la responsabilité du secrétariat général du ministère de la justice et qui regroupe les moyens de l'état-major, du secrétariat général, des directions législatives, de l'inspection générale de la justice, des délégations interrégionales du secrétariat général et des opérateurs de la mission, ainsi que les crédits alloués aux politiques transversales telles que l'informatique et la gestion des ressources humaines ;

le programme 335 « Conseil supérieur de la magistrature » (CSM) qui porte les crédits nécessaires à l'activité du CSM.

À noter, la mission « Justice » ne comprend pas les crédits relatifs à la justice administrative, qui sont retracés dans la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

Répartition des crédits de la mission « Justice »
par programme en 2024

(en millions d'euros et en %, en CP)

Source : commission des finances, d'après les données publiées dans les documents budgétaires

La nouvelle hausse des crédits demandés sur la mission « Justice » en 2024 s'inscrit dans le cadre de l'adoption par le Parlement de la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.

En plus de la trajectoire budgétaire et des emplois pour ces cinq prochaines années, le projet de loi comportait plusieurs réformes d'ampleur pour la justice et notamment pour ses personnels : l'organisation de l'équipe autour du magistrat, l'ouverture d'un statut de surveillant contractuel dans l'administration pénitentiaire ainsi qu'une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour réécrire le code pénal. Ce projet de loi se doublait d'un projet de loi organique relatif à l'ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire2(*). Tous deux ont été adoptés début octobre, à l'issue d'une commission mixte paritaire conclusive.

I. LES CRÉDITS DEMANDÉS SUR LA MISSION « JUSTICE » CONNAISSENT UNE HAUSSE TRÈS ÉLEVÉE POUR LA QUATRIÈME ANNÉE CONSÉCUTIVE

La mission « Justice » représenterait 3,1 % des crédits du budget de l'État alloués aux dépenses des ministères3(*) en 2024, contre 3,2 % en 2023. Avec une hausse de 5,1 %, ses crédits de paiement progresseraient plus vite que ceux du budget général4(*) (+ 0,7 %), y compris sur le seul périmètre des ministères (- 1,3 %).

A. UNE PROGRESSION DES CRÉDITS EN 2024 DANS LA CONTINUITÉ DES ANNÉES PASSÉES ET CONFORME À LA PROGRAMMATION

1. Une quatrième année de hausse significative des crédits demandés sur la mission « Justice »

Pour 2024, les crédits demandés sur la mission « Justice » s'élèvent à 14,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 12,2 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), ce qui représente une hausse de 13,8 % des AE et de 5,2 % des CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2023, à périmètre constant. 

Évolution des crédits de
la mission « Justice » par programme

 

 

Exécution 2022

LFI 2023 (format 2024)

PLF 2024

Évolution 2024/2023

Évolution en volume

Accès au droit et à la justice [P101]

AE

691,8

712,5

734,2

3,1 %

21,75

CP

691,8

712,5

734,2

3,1 %

21,75

Administration pénitentiaire [P107]

AE

6 352,5

5 410,0

6 814,0

26,0 %

1 403,97

CP

4 518,0

4 927,5

5 003,0

1,5 %

75,44

Justice judiciaire [P166]

AE

3 971,8

4 515,1

4 754,0

5,3 %

238,82

CP

3 845,7

4 147,6

4 544,0

9,6 %

396,43

Protection judiciaire de la jeunesse [P182]

AE

1 005,7

1 103,8

1 160,8

5,2 %

57

CP

975,8

1 087,4

1 126,0

3,5 %

38,58

Conduite et pilotage de la politique de la justice [P310]

AE

653,3

764,8

768,2

0,5 %

3,45

CP

619,6

682,8

747,0

9,4 %

64,24

Conseil supérieur de la magistrature [P335]

AE

12,2

4,1

4,6

13,7 %

0,56

CP

4,5

5,0

5,7

15,1 %

0,75

Total

AE

12 687,3

12 510,3

14 235,8

13,8 %

1 725,55

CP

10 655,2

11 562,7

12 159,9

5,2 %

597,19

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

La prévision pour 2024 s'inscrit dans la continuité des trois exercices budgétaires précédents, à un niveau toutefois légèrement moindre pour les crédits de paiement, qui ont augmenté de l'ordre de 8 % par an entre 2021 et 2023. La hausse très forte sur les AE, qui atteindrait un niveau inédit de plus de 14 milliards d'euros, s'explique principalement par les programmes immobiliers pénitentiaires et l'engagement d'opérations de grande ampleur d'ici la fin du quinquennat. 2024 constituerait un « pic » : les AE baisseraient en 2025 d'environ 17 %, avant de remonter de 12 % en 20265(*).

Évolution des crédits de la mission « Justice »
ces dix dernières années

(en milliards d'euros et en CP)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

L'année 2024 s'inscrit dans la logique observée depuis 2021, avec un rythme d'évolution des crédits à la fois supérieur à l'inflation et plus élevé que la tendance observée sur la période 2015-2020. Les crédits de la mission « Justice » augmenteraient ainsi deux fois plus vite sur la période 2021-2024 que sur la période 2015-2020.

2. Une demande de crédits conforme à la loi de programmation

La loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 devait intégrer deux contraintes :

- la prise en compte de l'inflation, alors que les hypothèses sous-jacentes pourraient être révisées selon l'évolution du contexte macroéconomique ;

- la nécessité de répondre aux engagements du ministre de la justice, tant sur la hausse des effectifs, avec un schéma d'emplois positif de plus de 10 000 équivalents temps plein (ETP) annoncé sur le quinquennat 2022-2027, que sur les grands projets lancés ces dernières années (revalorisation des métiers, engagement de grands programmes immobiliers, déploiement du plan de transformation numérique de la justice).

La trajectoire votée en octobre 2023 par le Parlement aboutit à une hausse continue des crédits alloués à la mission « Justice », quoiqu'à un rythme moins élevé que celui observé entre 2018 et 2022, la période de la précédente loi de programmation, ou qu'entre 2021 et 2024, la période de plus forte accélération.

Trajectoire votée dans les lois
de programmation 2018-2022 et 2023-2027

(en milliards d'euros, en CP et hors CAS Pensions)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Hors contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », les crédits de la mission « Justice » s'élèveraient à 11,96 milliards d'euros en AE et à 10,08 milliards d'euros en CP en 2024, soit respectivement 1,4 milliard et 510 millions d'euros de plus qu'en 2023. Les crédits de paiement demandés en 2024 seraient donc pleinement conformes à la trajectoire votée en loi de programmation, qui prévoyait 10,08 milliards d'euros en CP, hors contribution au CAS Pensions.

Le rapporteur spécial note toutefois que 2024 marquant la première « vraie » année de la programmation, c'est-à-dire postérieure à la présentation du projet de loi, la conformité des crédits à la trajectoire définie par le Parlement était quasiment acquise. Il aurait été très surprenant que le Gouvernement revienne sur un engagement pris il y a quelques semaines à peine. En revanche, à l'instar des autres textes de programmation, les difficultés affleurent généralement à moyen terme, avec de premiers écarts. Pour la Justice néanmoins, le niveau des crédits votés annuellement était similaire à celui prévu en programmation, à l'exception de 2022, avec un net dépassement. Si la prévision n'avait alors pas été conforme à la loi de programmation, elle était conforme à la trajectoire qu'avait défendue le Sénat.


* 2 Désormais loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 et loi organique n° 2023-1058 du 20 novembre 2023 relative à l'ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire.

* 3 Budget général retraité des engagements financiers de l'État, des régimes sociaux et de retraite, des relations avec collectivités territoriales et des remboursements et dégrèvements.

* 4 Ce périmètre inclut les engagements financiers de l'État, les régimes sociaux et de retraite, les relations avec les collectivités territoriales ainsi que les remboursements et dégrèvements.

* 5 Selon les premières prévisions sur le triennal 2024-2026 inscrites dans le projet annuel de performances de la mission « Justice ».

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