B. MIEUX CONNAITRE SON PATRIMOINE ET SES RISQUES, POUR UN CONTRAT D'ASSURANCE AU PLUS PRÈS DES BESOINS : UN TRAVAIL À MENER MAIN DANS LA MAIN ENTRE COLLECTIVITÉS ET ASSUREURS

Afin de définir au mieux leur besoin d'assurance, les collectivités doivent engager ou développer des actions visant à améliorer la connaissance de leur patrimoine mobilier et immobilier, d'une part, mais également à appréhender pleinement les risques auxquels elles sont confrontées et à prévenir ces risques.

Ces trois axes (connaissance du patrimoine, connaissance des risques, prévention des risques) sont de nature à rééquilibrer la relation assureur/assuré, à sécuriser les assureurs répondant aux appels d'offres et à permettre la fixation d'une tarification des contrats la plus en adéquation avec les besoins de la collectivité.

1. Une bonne connaissance du patrimoine à assurer : condition nécessaire pour une assurance de qualité

Pour rappel, les instructions codificatrices comptables précisent que « la responsabilité du suivi des immobilisations incombe, de manière conjointe, à l'ordonnateur et au comptable. L'ordonnateur est chargé plus spécifiquement du recensement des biens et de leur identification : il tient l'inventaire physique, registre justifiant la réalité physique des biens et l'inventaire comptable, volet financier des biens inventoriés. Le comptable est responsable de leur enregistrement et de leur suivi à l'actif du bilan : à ce titre, il tient l'état de l'actif ainsi que le fichier des immobilisations, documents comptables justifiant les soldes des comptes apparaissant à la balance générale des comptes et au bilan. L'inventaire comptable et l'état de l'actif ont des finalités différentes mais doivent, en toute logique, correspondre57(*) ».

Malgré cette obligation, il s'avère que la connaissance, par les collectivités, de leur patrimoine mobilier et immobilier est largement perfectible.

a) Des inventaires physiques incomplets

Le patrimoine immobilier des collectivités locales et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) s'est constitué au fil du temps. Il s'est diversifié et complexifié, et les collectivités ne le connaissent que très imparfaitement. Cette connaissance, pour être complète, doit se baser sur un inventaire physique et comptable ainsi que sur un diagnostic technique et juridique de leurs biens.

La bonne tenue et la mise à jour régulière de l'inventaire physique et de l'état de l'actif est une condition préalable à la connaissance, par une collectivité, de son parc immobilier et, partant, des investissements nécessaires à son entretien et/ou son renouvellement.

Or, l'inventaire physique qui permet le recensement complet des biens et leur suivi est parfois encore inexistant. Il est très souvent partiel (uniquement sur certaines catégories de biens), succinct sous la forme d'une simple liste et insuffisamment renseigné notamment concernant les surfaces, l'ancienneté ou encore la localisation exacte des biens.

En effet, certaines collectivités n'ont pas établi d'inventaire exhaustif de leur patrimoine immobilier, les seuls documents existants pouvant être un tableau synthétique des locaux dont elles sont propriétaires, ne prenant pas toujours en compte l'ensemble des biens.

Par ailleurs, les informations sur les biens recensés se limitent souvent au domaine comptable et financier, laissant de côté des informations extracomptables élémentaires comme la superficie des bâtiments ou l'état des biens, notamment en termes de performance énergétique, des dernières opérations d'entretien effectuées, etc. Dans de nombreux cas, les informations relatives aux biens (numéro d'inventaire unique, date et mode d'acquisition, surface des biens, état de vétusté, occupation, coût d'entretien annuel) sont soit incomplètes, soit éclatées sur différents supports, voire les deux, ce qui prive les gestionnaires locaux d'un outil d'information essentiel.

Enfin, le suivi des biens nécessite d'identifier précisément leurs régimes juridiques qui définissent les conditions d'occupation et les obligations attachées aux biens détenus et/ou occupés. Là aussi, les situations sont multiples (propriété totale ou partielle, location, bail commercial, occupation partagée, mise à disposition gratuite, affectation, etc.). Les constats montrent des lacunes, en particulier à l'occasion de transferts liés à la décentralisation ou au développement de l'intercommunalité.

Selon les données issues de la consultation en ligne du Sénat des collectivités, il ressort que 30 % des collectivités répondantes indiquent ne pas disposer d'un état détaillé de leur patrimoine. De surcroît, pour les collectivités ayant réalisé un inventaire détaillé, 25 % précisent ne pas le mettre à jour régulièrement. S'agissant de pourcentages issus des déclarations par les collectivités territoriales elles-mêmes, il est permis de penser que les taux effectifs réels sont encore plus bas.

b) Des états de l'actif souvent erronés, en l'absence de mise à jour régulière

Au-delà des lacunes recensées sur les inventaires physiques, les états de l'actif des collectivités sont également régulièrement défaillants et erronés, en raison de la non comptabilisation de certaines écritures comptables. Les anomalies les plus couramment pointées dans les rapports des chambres régionales des comptes sont les suivantes :

- l'absence de comptabilisation ou la comptabilisation partielle des immobilisations achevées alors même que la bascule des comptes d'immobilisations en cours à des comptes d'immobilisation est le point de départ de l'amortissement, nécessaire préalable au maintien en état et au remplacement des éléments de patrimoine ;

- l'absence de sortie de l'état de l'actif de biens cédés ;

- des valorisations approximatives, en raison de la difficulté à reconstituer les coûts historiques de patrimoine ancien.

Dès lors, la valeur de l'actif immobilisé des bilans successifs ne permet pas de donner une image fidèle de la situation patrimoniale de la collectivité et ne correspond pas avec l'inventaire physique. Ainsi, les rapprochements font régulièrement ressortir de nombreuses discordances en raison d'un défaut de transmission, par les services des collectivités au comptable public, des informations patrimoniales relatives aux entrées et sorties d'immobilisations.

c) La nécessité de mieux connaitre le patrimoine des collectivités pour mieux l'assurer et au meilleur coût

Afin de rédiger des documents d'appels d'offres les plus précis possibles, nécessaire préalable à la fixation d'un juste prix du contrat d'assurance, les collectivités doivent engager des travaux de fiabilisation de leur inventaire physique et de leur état de l'actif.

Si certaines collectivités, notamment les plus peuplées, mieux dotées en moyens humains et financiers, ont engagé des travaux importants dans ce sens, parfois en faisant appel à des prestataires extérieurs ou à des recrutements dédiés à cette mission (exemple : département du Loiret, Commune du Havre), force est de constater que des améliorations sont encore nécessaires dans ce domaine

À cet égard, selon un rapport de 201658(*) de l'inspection générale des finances (IGA), de l'inspection générale de l'administration (IGA) et du contrôle général économique et financier (CGefi) « certaines collectivités se sont dotées d'un service dédié à la fonction immobilière [...]. Néanmoins, l'existence d'une entité spécifiquement chargée de porter la fonction immobilière est loin d'être généralisée. Selon les résultats de l'enquête réalisée par la mission, une telle entité existe dans deux départements sur trois, mais dans un EPCI sur cinq et une commune sur six [...]. Dans les plus petites communes, le manque d'expertise peut les conduire également à rechercher la rationalisation de la fonction patrimoniale, en la mutualisant au sein de l'échelon intercommunal. Cette mutualisation au niveau intercommunal demeure toutefois timide : 18 % des EPCI indiquent avoir mutualisé la gestion immobilière avec tout ou partie de leurs communes membres ».

Recommandation n° 3 : mettre en place un inventaire physique exhaustif du patrimoine mobilier et immobilier des collectivités précisant l'état du bien en termes de vétusté et de respect des normes de sécurité (collectivités territoriales).

Pour mettre en oeuvre cette recommandation, les collectivités peuvent recourir à des ressources internes au besoin par des recrutements dédiés de personnels chargés de réaliser et/ou mettre à jour un inventaire exhaustif.

Elles peuvent par ailleurs s'appuyer sur les comptables publics. À cet égard, la signature de conventions de services comptable et financier entre les services ordonnateurs et les comptables publics locaux peut être de nature à fluidifier la transmission des informations et, de fait, la réalisation d'un inventaire actualisé.

De même le développement du compte financier unique (par le déploiement généralisé de l'instruction codificatrice M57) devrait faciliter le suivi de la politique patrimoniale des collectivités.

Enfin, elles peuvent recourir à des prestataires externes, qui les accompagneront dans ces travaux d'inventaire.

2. Assureurs et assurés doivent partager une connaissance précise des risques couverts par le contrat qui les lie
a) Des documents obligatoires relatifs aux risques....

Conformément à l'article L. 731-3 du code de la sécurité intérieure, les communes doivent détenir un plan communal de sauvegarde. Ce document constitue une réponse aux situations de crise et regroupe l'ensemble des documents de compétence communale contribuant à l'information préventive et à la protection de la population. Il détermine, en fonction des risques connus, les mesures immédiates de sauvegarde et de protection des personnes, fixe l'organisation nécessaire à la diffusion de l'alerte et des consignes de sécurité, recense les moyens disponibles et définit la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement et de soutien de la population.

Ce plan est obligatoire pour chaque commune :

- concernée par un plan de prévention des risques naturels (PPRN) ou miniers (PPRM) prévisibles prescrit ou approuvé ;

- comprise dans le champ d'application d'un plan particulier d'intervention (PPI), comme les plans particuliers d'intervention liés aux risques technologiques ;

- comprise dans un des territoires à risque important d'inondation prévus à l'article L. 566-5 du code de l'environnement ;

- reconnue, par voie réglementaire, comme exposée au risque volcanique ;

- située dans les territoires régis par l'article 73 de la Constitution ou les territoires de Saint-Martin et Saint-Barthélemy et exposée au risque cyclonique ;

- concernée par une zone de sismicité définie par voie réglementaire ;

- sur laquelle une forêt est classée au titre de l'article L. 132-1 du code forestier ou est réputée particulièrement exposée.

Les Plans Intercommunaux de Sauvegarde ont, par ailleurs, été introduits par la loi n° 2004-811 du 13 août 200459(*), laissant la possibilité aux communes membres d'un EPCI à fiscalité propre de confier à celui-ci l'élaboration d'un plan intercommunal de sauvegarde ainsi que la gestion et, le cas échéant, l'acquisition des moyens nécessaires à l'exécution du plan.

Même en l'absence de PPRN, de PPRM ou de PPRT, la commune doit tenir compte des risques dans ses documents d'urbanisme (schéma de cohérence territoriale - SCoT, plan local d'urbanisme - PLU, carte communale et autorisations d'occupation du sol).

Enfin, l'article R. 125-11 du code de l'environnement précise que l'information donnée au public sur les risques majeurs est consignée dans un document d'information communal sur les risques majeurs (DICRIM) établi par le maire et qui reprend les informations transmises par le préfet. Dès lors qu'une commune est exposée à au moins un risque majeur, elle doit en informer ses administrés en élaborant et mettant à leur disposition ce document d'information.

Les PPRN, PPRM et les PPI sont élaborés par les services de l'État sous l'autorité du préfet, en concertation avec les collectivités territoriales concernées par les risques. Ces documents s'imposent à ces dernières et deviennent, une fois approuvés, des servitudes d'utilité publique qui doivent être intégrées aux documents d'urbanismes (PLU et PLUi) dans un délai de trois mois et s'appliquer dans les autorisations d'urbanisme.

L'objet de ces plans est d'identifier les risques prévisibles qui constituent une menace pour la population et les biens, de délimiter les zones exposées directement ou indirectement à ces risques, d'y réglementer l'utilisation des sols et de déterminer les mesures de construction applicables.

b) ...qui ne couvrent pas l'ensemble des risques auxquels les collectivités sont exposées

Les documents susmentionnés permettent aux collectivités d'avoir une connaissance précise des risques naturels, miniers et de certains risques technologiques auxquels elles sont exposées.

Cependant, ces documents ne couvrant que certains domaines, il appartient aux collectivités elles-mêmes de dresser un état des lieux des autres risques, également couverts par les marchés d'assurance, comme :

- les risques de vols et de dégradations isolés causés par des tiers ;

- les risques d'incendie notamment ceux liés à l'état des installations électriques bâtimentaires ;

- les risques liés à la vétusté des équipements ;

- les risques cyber....

Les auditions menées par la mission lui ont permis de constater qu'il n'y a pas de corrélation entre les documents obligatoires relatifs aux risques produits par les collectivités territoriales et les besoins des assureurs en termes de connaissance des risques couverts par les contrats d'assurance. Ceci peut expliquer l'incompréhension de certains élus qui ont le sentiment de travailler assidument à la production de documents relatifs aux risques de leurs collectivités alors qu'en parallèle leurs assureurs s'estiment insuffisamment informés quant aux risques qu'ils sont censés couvrir.

c) La nécessaire mise en oeuvre d'une politique de maitrise des risques

Or, dans ces domaines ne faisant pas l'objet de plan de prévention établi par les services de l'État, les collectivités ont une connaissance encore lacunaire des risques.

Le rapport d'étude réalisé en 202360(*) par « Infopro digital études » pour le courrier des maires et Smacl Assurances sur les collectivités et les élus face aux risques présente, à cet égard, des résultats assez révélateurs sur l'absence de culture du risque au sein des collectivités.

Ainsi, seuls 47 % des élus et directeurs généraux des services (DGS)/ directeurs généraux adjoints (DGA) ayant répondu61(*) à l'étude indiquent avoir une bonne culture du risque. Parallèlement, 46 % des répondants estiment ne pas être suffisamment informés pour gérer, prévenir et traiter les risques et 71 % estiment de pas être suffisamment formés à la gestion des risques.

La consultation menée par le Sénat révèle pour sa part que 18 % des collectivités ayant répondu indiquent n'avoir aucun document de prévention des risques, 32 % ne sont pas dotés de PCS et 7 % indiquent ne pas savoir si elles en sont dotées, ce qui est assez symptomatique de cette absence de culture du risque.

Ces tendances mettent en exergue la nécessité d'informer et de former régulièrement les décideurs territoriaux sur la gestion des risques, notamment pour ceux exerçant leur première mandature.

Cette nécessité est d'autant plus prégnante que la notion de risque devient de plus en plus complexe à appréhender par les élus locaux dans un contexte changeant, avec une évolution rapide des compétences transférées, des risques nouveaux et des situations financières parfois tendues.

Une politique de gestion des risques doit donc être développée par les collectivités territoriales autour de deux axes :

- le recensement et d'identification des risques ;

- l'évaluation de ces risques notamment en termes de probabilité de survenance (fréquence) et d'impact pour la collectivité (gravité).

Pour ce faire, la réalisation d'une cartographie des risques par les collectivités territoriales se révèle un outil essentiel pour leur relation avec leur assureur.

Lors de son audition par la mission, l'association pour le management des risques et des assurances de l'entreprise (AMRAE) a indiqué développer un outil d'élaboration de cartographie des risques à destination des collectivités (s'inspirant de celui existant déjà pour les entreprises - macartodesrisques.fr) qui devrait être mis en ligne d'ici la fin du premier semestre 202462(*). La conception de cet outil est issue d'un groupe de travail composé de collectivités (la métropole de Lyon, la ville de Paris, les communes d'Enghien-les-Bains, Deauville, Lyon, Niort, Nevers, Villeurbanne et Clichy, la communauté d'agglomération de Niort, les conseils départementaux de Seine-Saint-Denis, de l'Isère et du Var) du cabinet d'avocat SEBAN, de Smacl Assurances et de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI).

Pour mener à bien cette politique volontariste, des actions de sensibilisation et de formation doivent être mises en place par les collectivités, en leur sein pour les plus importantes, ou en recourant à des prestataires extérieurs, et notamment les assureurs, pour les plus petites mais également en développant les échanges entre collectivités sur les bonnes pratiques mises en place.

d) Un indispensable accompagnement des collectivités par les assureurs pour développer cette culture du risque

Dans les collectivités qui en ont les moyens, la gestion des risques peut être mise en oeuvre, ou développée lorsqu'elle existe déjà, en interne par la création de référents « risques », placés auprès du DGS ou d'un DGA. Elle peut, par ailleurs, s'appuyer sur le recours à des sociétés extérieures spécialisées dans la gestion des risques.

Pour les collectivités de plus petite taille, le développement d'une fonction de gestion des risques pourra se faire de façon mutualisée à l'échelon intercommunal.

Dans tous les cas cependant, un accompagnement par les assureurs doit être mis en place. À cet égard, les assureurs disposent d'outils dont l'utilisation contribue à l'instauration d'une véritable culture du risque dans chaque entité territoriale, quelles que soient sa taille et ses problématiques.

À titre d'exemple, la Smacl publie sur son site internet63(*) une collection de guides et de fiches pratiques, qui abordent toutes les thématiques, du risque incendie/malveillance à l'établissement d'un PCS en passant par le risque routier en milieu professionnel, et incluant tous les points à traiter pour s'inscrire dans une véritable politique de gestion de risques. En complément, des outils d'évaluation des risques sont également disponibles en ligne. Il s'agit d'autodiagnostics applicables aussi bien à la gestion de patrimoine qu'aux flottes de véhicules ou au domaine « santé-hygiène-sécurité » pour le personnel territorial qui consistent en une série de questions ciblées, dont les réponses permettent d'obtenir une première évaluation des risques.

Au-delà de ces outils préétablis, les préventeurs des compagnies d'assurance sont en mesure d'affiner ces analyses pour une collectivité en particulier.

Enfin, les collectivités peuvent s'appuyer sur les réseaux de partenaires spécialisés des assureurs. Ces derniers peuvent ainsi intervenir dans des domaines variés (bâtiment, automobile, risques sociaux) en :

- proposant des formations ;

- effectuant des diagnostics ;

- pilotant des missions d'assistance technique à la mise en place d'un schéma opérationnel de pilotage des risques.

Or, à ce jour, les collectivités ayant répondu à la consultation menée par le Sénat estiment à 82 % ne pas être accompagnées dans la gestion de leurs risques.

Pour les 18 % de collectivités indiquant être accompagnées dans ce domaine, cet appui provient essentiellement des agents d'assurance ou des courtiers en assurance. Le manager de risques ne concerne que 3 % des collectivités parmi les 18 % qui estiment être accompagnées.

Typologie des acteurs accompagnant les collectivités territoriales
dans la gestion de leurs risques

Source : résultats de la consultation des élus locaux effectuée par le Sénat entre le 31 janvier 2024 et le 28 février 2024 auprès de 713 répondants

Enfin, en cours d'exécution du contrat, il est de la responsabilité de l'assureur de mener auprès de la collectivité assurée des actions de sensibilisation afin de l'accompagner dans sa connaissance des risques. Ce cercle vertueux, pourtant de nature à grandement améliorer le dialogue entre les collectivités et leur assureur, n'a pas été mis en place durant la dernière décennie, expliquant au moins en partie la dégradation du marché.

Recommandation n° 4 : développer des actions de formation et de sensibilisation à la gestion des risques auprès des élus et des agents et développer la fonction de gestionnaire des risques (collectivités territoriales et assureurs).

Recommandation n° 5 : établir une cartographie des risques de la collectivité (collectivités territoriales).

3. Des actions de prévention des risques à systématiser en s'appuyant sur les outils existants et sur l'expertise des assureurs

Après les phases de connaissance et d'évaluation des risques, il est indispensable que les collectivités territoriales mettent en place ou développent leurs actions de prévention des risques afin de limiter chaque sinistre envisagé, de les rendre les moins impactant possible pour les activités de la collectivité, les moins lourds financièrement, et de garantir le redémarrage des activités dans des délais acceptables.

Ainsi, d'après les éléments de réponse transmis par la direction générale des collectivités locales (DGCL) à la mission, la mise en place d'un plan de prévention des inondations se traduit, en moyenne, par une réduction de 28 % du coût des sinistres, ce qui démontre l'efficacité des actions de prévention pour réduire le montant des dommages subis.

Or, 42 % des collectivités ayant répondu à la consultation organisée par la mission indiquent qu'elles ne mènent pas d'actions de prévention afin d'éviter la survenance de dommages sur leurs biens. Cette proportion apparaît particulièrement élevée et apparaît incompatible avec une saine répartition des responsabilités entre assureurs et assurés et partant avec la qualité et la bonne exécution des contrats d'assurance des collectivités territoriales.

a) Des services compétents et des fonds d'investissement qui peuvent être sollicités par les collectivités pour leurs actions de prévention des risques

Ces actions de prévention peuvent prendre des formes différentes en fonction des risques concernés :

- vidéo-surveillance pour les risques de dégradations et vols ;

- rénovation bâtimentaire tenant systématiquement compte des risques climatiques et géologiques inhérents à une région ;

- système de protection incendie conforme au risque et à l'utilisation d'un bâtiment ;

- vérification des installation électriques, etc.

Elles doivent, pour gagner en efficacité, s'appuyer sur les outils et services existants à la disposition des collectivités tels que :

- la direction générale de la prévention des risques (DGPR) ;

- le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) et ses directions territoriales, notamment pour les risques d'inondations/submersion et de mouvements de terrains ;

- l'Association Française pour la Prévention des Catastrophes Naturelles et Technologiques (AFPCNT) qui s'apprête à lancer une campagne nationale d'exercices de simulation, baptisée Prépa'Risk, visant à sensibiliser l'ensemble des acteurs locaux à l'importance de la préparation faces aux risques majeurs. Cette deuxième édition se déroulera entre avril et juin 2024 sur l'ensemble du territoire national, de l'Hexagone et d'outre-mer64(*). L'initiative est menée avec l'appui du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, du ministère de l'intérieur et des outre-mer, des préfectures et des partenaires nationaux relais. Elle permettra aux collectivités de se préparer efficacement aux risques majeurs en leur permettant :

- de bénéficier d'une série d'exercices clés en main et gratuits ;

- de tester les outils et méthodes prévus dans leurs plans communaux ou intercommunaux de sauvegarde ;

- d'anticiper et faire face aux situations de crises ;

- de se préparer avec 18 scénarios d'exercices pour plusieurs risques majeurs et différents niveaux de difficulté ;

- de satisfaire à leurs obligations réglementaires de réaliser un exercice de gestion de crise au moins une fois tous les 5 ans.

Au-delà de l'appui méthodologique et en termes d'ingénierie pour la prévention des risques, les collectivités ont la possibilité de recourir à des fonds leur apportant des moyens financiers pour la mise en place de leurs actions de prévention des risques. Ainsi, l'État a porté, en 2022, à 235 millions d'euros, le budget alloué au Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM dit « fonds Barnier65(*) »). Ce fonds peut être mobilisé pour des dépenses d'investissement des collectivités territoriales afin de réaliser des études, des travaux ou des équipements de prévention ou de protection contre les risques naturels. Il peut également financer les actions d'information préventive sur les risques majeurs, qui contribuent à développer la conscience du risque. Toutes les communes ou leurs groupements couverts par un plan de prévention des risques naturels (PPRN) peuvent en bénéficier. Certaines de leurs actions s'inscrivent dans le cadre de démarches globales de prévention, comme le plan séisme Antilles.

À titre d'exemple, les investissements suivants peuvent être financés à partir du FPRNM :

- création ou confortement de systèmes d'endiguements ou aménagements hydrauliques ;

- confortement de berge pour protéger des bâtiments ;

- aménagement de cours d'eaux visant à réduire le risque d'inondation (reméandrage...) ;

- réalisation de merlons de protection contre les chutes de blocs, etc.

Si la commune est couverte par un plan de prévention des risques naturels (PPRN) approuvé, la prise en charge est de :

- 50 % pour les études ;

- 40 à 50 % pour les travaux ou équipements.

En complément du FPRNM, des financements européens peuvent être mobilisés :

le Fonds européen de développement régional (FEDER), notamment pour des investissements portant sur la transition écologique ou l'amélioration d'infrastructures ;

- le Fonds pour la sécurité intérieure (FSI), doté de 1,9 milliard d'euros pour la période 2021-2027, notamment pour des actions de prévention de lutte contre les incidents, risques et crises liés à la sécurité.

Les collectivités peuvent également solliciter le Fonds vert pour leurs actions de prévention. En effet, l'axe 2, doté de près de 400 millions d'euros, a vocation à financer les investissements liés à l'adaptation au changement climatique :

- prévention des inondations ;

- appui aux collectivités de montagne soumises à des risques émergents ;

- renforcer la protection des bâtiments des collectivités d'outre-mer contre les vents cycloniques ;

- prévention des risques d'incendies de forêt ;

- recul du trait de côte ;

- fonds de renaturation des villes.

Elles peuvent également avoir recours au Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD). La circulaire du 16 février 2023 relative aux orientations budgétaires du FIPD pour l'année 2023 précisait d'ailleurs que les grandes priorités des politiques de lutte contre la délinquance pour 2023 devaient porter sur les actions visant à poursuivre le déploiement de la vidéoprotection de voie publique, la prévention de la délinquance des jeunes, avec un accent porté sur ses manifestations les plus récentes.

De manière générale, les membres de la mission ne peuvent qu'encourager l'État à tenir ses engagements concernant le niveau des dotations d'investissement qui peuvent représenter des ressources financières complémentaires pour le financement de certains investissements relatifs à la prévention des risques. À cet égard, l'annulation en février 2024 de 500 millions d'euros en autorisations d'engagement du Fonds vert est un mauvais signal.

b) Des assureurs qui doivent guider les collectivités dans les actions de prévention à mettre en oeuvre

Enfin, comme pour la gestion des risques, les assureurs doivent jouer un rôle d'accompagnement des collectivités dans leurs actions de prévention des risques. En effet, de par leur connaissance des causes de sinistralité par territoire, ces derniers peuvent orienter les collectivités et les aider à définir et prioriser les actions de préventions qui peuvent et doivent être mises en oeuvre. Ils y ont un intérêt propre puisque plus la collectivité mènera des actions efficaces de prévention moins la sinistralité devrait coûter à son assureur.

À cet égard, il convient de rappeler que les assureurs peuvent apporter une aide personnalisée avec remise d'un rapport de fin d'intervention comportant un plan de préconisations d'action de prévention à déployer.

Recommandation n° 6 : systématiser les actions et investissements de prévention des risques en sollicitant les fonds d'investissement existants et l'expertise des assureurs (collectivités territoriales).


* 57 Chapitre 1 de l'instruction codificatrice M57 (et des instructions codificatrices antérieures relatives aux communes, départements, régions).

* 58 Revue des dépenses sur « Le patrimoine des collectivités territoriales » - rapport de l'inspection générale des finances (IGA), de l'inspection générale de l'administration (IGA) et du contrôle général économique et financier (CGefi) - 2016.

* 59 Loi de modernisation de la sécurité civile.

* 60 « Les collectivités et les élus face aux risques » - https://www.Smacl.fr/etude

* 61 565 répondants à l'étude qui s'est déroulée du 24 mai au 28 juillet 2023 via un questionnaire auto-administré en ligne.

* 62 Les collectivités pourront se connecter à l'adresse suivante afin d'accéder au questionnaire leur permettant d'établir leur cartographie des risques http://www.lesrisquesdemacollectivite.fr/

* 63 https://www.Smacl.fr/

* 64 Pour participer et bénéficier de cette initiative gratuite, les collectivités locales doivent s'inscrire en remplissant le formulaire en ligne via le lien suivant : www.preparisk.fr

* 65 Le périmètre actuel des mesures subventionnables par le fonds est défini à l'article L561-3 du Code de l'environnement. Le fonds Barnier est alimenté par un prélèvement de 12 % sur la prime « catastrophes naturelles » des contrats d'assurance habitation et automobile.

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