d. Les mesures d'ordre économique

Il existe différents outils d'entrave en matière de sécurité économique, parmi lesquels figurent le dispositif de contrôle des investissements étrangers dans les entreprises sensibles ainsi que la loi de blocage visant à empêcher la transmission à des autorités publiques étrangères de « documents ou renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique qui serait de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, aux intérêts économiques essentiels de la France ou à l'ordre public ».

Les investissements étrangers en France (IEF) sont dans leur majorité une opportunité et la France se doit de rester attractive pour les capitaux étrangers ; mais sans naïveté. Aussi, un dispositif de contrôle des IEF prévoit que ceux qui présentent des enjeux en termes d'ordre et de sécurité publics, ou de défense nationale sont soumis à l'autorisation préalable du ministre de l'Économie et des Finances, par exception au principe général de libre circulation des capitaux. Afin d'adapter le dispositif français aux défis contemporains que peuvent représenter certains investissements étrangers, la liste des secteurs concernés par le contrôle des investissements étrangers a été modifiée par le décret n° 2018-1057 du 1er décembre 2018 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable. Depuis le 1er janvier 2019, les entreprises dans les secteurs de l'aérospatial et de la protection civile, ou qui mènent des activités de recherche et de développement en matière de cybersécurité, d'intelligence artificielle, de robotique, de fabrication additive, de semi-conducteurs, ainsi que les hébergeurs de certaines données sensibles, entrent dans le champ du contrôle. Cela signifie qu'une opération d'investissement au sens de la règlementation portant sur le contrôle des

investissements étrangers s'applique dès lors qu'elle permet le franchissement du seuil de 25 % des droits de vote au sein du conseil d'administration. Depuis juin 2020, dans le contexte de la crise sanitaire, ce seuil a été abaissé à 10 %, initialement jusqu'au 31 décembre 2022, avec une prorogation jusqu'au 31 décembre 2023. Depuis 2021, on constate une très forte croissance des dossiers IEF, dépassant les 300 cas par an.

La loi de blocage du 26 juillet 1968 a été adoptée pour protéger les informations et données sensibles attentant aux intérêts de la Nation, qui pourraient être communiquées comme preuves à l'occasion de procédures judiciaires à l'étranger. Cette loi vient notamment en réponse à l'utilisation par les juridictions américaines de la procédure Discovery, permettant de communiquer des données stratégiques lors de procès avec des entreprises concurrentes.

Ce dispositif Discovery est une procédure de collecte de preuves dans le cadre de la phase d'instruction préalable au procès. Il s'agit d'une mesure à caractère extraterritorial puisqu'elle s'impose à toute personne, physique ou morale, impliquée dans la procédure, nationale ou étrangère, et concerne tout élément de preuve, quelle que soit leur forme ou leur localisation. La procédure de Discovery est très régulièrement utilisée par les juridictions américaines dans le cadre de procès civils et peut être étendue à des domaines qui dépassent l'objet même du contentieux.

La loi de blocage de 1968 interdit ainsi la demande, la recherche ou la communication, directe ou indirecte, de documents d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique dans le cadre de procédures judiciaires ou administratives étrangères, sous réserve des traités internationaux en vigueur. Elle s'applique à toute preuve située en France, qu'elle soit détenue par une personne physique ou morale, nationale ou étrangère.

Bien que la loi soit qualifiée de « blocage », elle n'a pas pour objectif d'empêcher la transmission de données à des autorités judiciaires étrangères en cas de litige mais de restreindre l'utilisation du dispositif Discovery et d'obliger les autorités étrangères à respecter les canaux de la coopération judiciaire et administrative internationale.

Face à l'utilisation croissante de lois à portée extraterritoriale par des acteurs étrangers et au caractère peu dissuasif de la loi de blocage, le décret du 18 février 2022 et l'arrêté du 7 mars 2022 ont clarifié la procédure pour les entreprises, et désigné comme interlocuteur unique le Service de l'information stratégique et de la sécurité économiques (SISSE).

Le SISSE accompagne ainsi les entreprises françaises, en lien avec les différentes administrations de l'État, pour faire face aux demandes des

juridictions étrangères. Il s'agit également de renforcer la sécurité juridique des entreprises en leur permettant de disposer d'un avis de l'administration française afin de renforcer le caractère opposable de la loi de blocage vis-à-vis des juridictions étrangères.

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