III. LES ÉLECTIONS FRANÇAISES À L'ÉTRANGER : RENFORCER L'INFORMATION DES ÉLECTEURS ET SÉCURISER LES OPERATIONS ÉLECTORALES

A. DONNER PLUS DE VISIBILITÉ AUX ÉLECTIONS DES FRANÇAIS À L'ÉTRANGER ET RENFORCER L'INFORMATION DES ÉLECTEURS

Dix ans après l'entrée en vigueur de la loi de 2013, les élections consulaires restent marquées par un taux d'abstention extrêmement préoccupant : près de 85 % en mai 2021.

Si, lors de l'examen du projet de loi de 2013, le Sénat avait finalement accepté le principe d'une élection en deux temps, certes intégrée dans un processus électoral rapide20(*), ce système ne paraît guère convaincant à l'usage.

Pour les rapporteurs, la fusion des élections consulaires et de l'élection des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger donnerait davantage de visibilité à ces élections, consacrerait un temps démocratique important pour les Français de l'étranger et contribuerait à ancrer la figure du conseiller à l'Assemblée des Français dans le paysage institutionnel. En pratique, les Français de l'étranger voteraient avec un seul bulletin, comportant deux listes distinctes (une liste de candidats à l'élection des conseillers des Français de l'étranger, et une liste de candidats à l'élection des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger), comme pour l'élection des conseillers communautaires en France.

Par ailleurs, dans les circonscriptions particulièrement étendues que forment les circonscriptions pour l'élection des conseillers des Français de l'étranger, la communication à l'attention des électeurs revêt une importance accrue. Au-delà des actions dont la responsabilité revient à chaque électeur - inscription sur les listes électorales consulaires ; mise à jour des données de contact -, il convient ainsi que l'administration donne aux candidats les moyens de faire campagne, notamment en mettant leurs professions de foi et autres documents de propagande électorale à la disposition des électeurs par voie dématérialisée. Dans les circonscriptions électorales où les listes électorales consulaires ne sont pas communicables21(*), le relais de l'administration est d'autant plus nécessaire pour garantir l'effectivité de la campagne électorale.

B. FACILITER ET SÉCURISER LES OPÉRATIONS ÉLECTORALES

S'agissant du vote à l'urne, la distance parfois considérable entre le bureau de vote et le lieu d'habitation pour un certain nombre d'électeurs, en raison de l'étendue des circonscriptions électorales, tend à compliquer l'exercice concret du droit de vote. Si des considérations budgétaires, matérielles ou encore géographiques rendent impossible l'ouverture de bureaux de vote selon un maillage comparable à celui qui existe sur le territoire national, il semblerait a minima opportun que la détermination de la liste des bureaux de vote et du périmètre affecté à chacun d'entre eux soit soumise à l'avis de l'ensemble du conseil consulaire.

Dans ce contexte, le vote par procuration constitue une modalité de vote essentielle pour les Français établis hors de France. Aujourd'hui, la validation de la procuration suppose que celle-ci soit recueillie et enregistrée par une autorité habilitée à cette fin, soit, à l'étranger, l'ambassadeur pourvu d'une circonscription consulaire, le chef de poste consulaire ou encore un consul honoraire de nationalité française. Pour favoriser la collecte des formulaires de procurations des Français établis hors de France, il conviendrait donc, en amont de chaque élection française à l'étranger, d'organiser des tournées consulaires de façon systématique et de manière à couvrir l'intégralité des circonscriptions électorales. Les chefs de poste ainsi que les consuls honoraires de nationalité française devraient être mobilisés. Surtout, il est urgent de mettre en oeuvre la dématérialisation complète des procurations, de l'enregistrement de la demande jusqu'à sa validation.

Enfin, le vote par correspondance électronique, dit vote par internet, constitue à la fois une spécificité des élections pour les Français de l'étranger et une modalité incontournable : 85 % des électeurs qui ont voté lors des élections consulaires de 2021 y ont eu recours. Par conséquent, il n'est démocratiquement pas acceptable que le vote par internet ne soit pas mis en oeuvre lors d'élections partielles, faute d'anticipation de l'administration ou de clause adaptée dans le marché public conclu avec le prestataire. Les rapporteurs proposent ainsi que le vote par internet soit systématiquement prévu pour l'ensemble des élections des Français de l'étranger et que seuls des considérations liées à la sécurité ou un avis contraire de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) puissent s'opposer à sa mise en oeuvre.

Du reste, les dernières élections législatives ont fait apparaître avec force les failles techniques liées au vote par internet, l'élection ayant été annulée dans deux circonscriptions au motif que les dysfonctionnements constatés dans la réception par SMS des codes d'identification avaient porté atteinte à la sincérité du scrutin22(*).

Si les rapporteurs sont conscients des réserves exprimées par l'ANSSI quant à l'utilisation d'application de messagerie instantanée telles que Signal ou WhatsApp pour l'envoi du deuxième code23(*), ils estiment que cette voie mérite réflexion, de même que celle de l'Identité numérique, développée par la Poste avec la collaboration de France Connect. En tout état de cause, il reviendra au législateur de trouver un équilibre entre l'efficacité et la sécurité du dispositif.

Le développement de ces canaux alternatifs ne saurait, en outre, dispenser du renforcement de l'assistance aux électeurs par la mise en place, lors de chaque élection et bien en amont de l'ouverture du portail de vote en ligne, d'une cellule consacrée.


* 20 Les conseillers à l'AFE étant élus 30 jours après les conseillers des Français de l'étranger.

* 21 Lors des élections consulaires de 2021, les listes électorales consulaires n'étaient pas communicables dans vingt pays ; dans quinze autres pays, elles étaient communicables sans l'adresse postale de résidence (source : direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire).

* 22 Décisions du Conseil constitutionnel n° 2022-5813/5814 AN et n° 2022-5760 AN (2e et 9circonscriptions).

* 23 Le premier code d'identification étant envoyé par mail.