B. FACILITER ET SÉCURISER LES OPÉRATIONS ÉLECTORALES

Au-delà de la qualité de la communication et de la propagande, l'accessibilité du vote constitue un facteur important de la participation, tandis que la sécurisation des modalités de vote mises à la disposition des Français de l'étranger représente un enjeu démocratique.

La loi du 22 juillet 2013 procède à une rationalisation des modalités de vote ouvertes aux électeurs pour les élections organisées hors de France ; des différences notables demeurent néanmoins selon les scrutins.

Les modalités de vote ouvertes aux électeurs français à l'étranger

 

Vote à l'urne

Vote par correspondance électronique

Vote par correspondance papier

Vote par remise de pli à l'administration

Vote par procuration

Élection du président de la République

Oui

-

-

-

Oui

Référendum national

Oui

-

-

-

Oui

Élection des députés

Oui

Oui (article L. 330-13 du code électoral)

Oui (article L. 330-13 du code électoral)

-

Oui

Élection des sénateurs

Oui

-

-

Oui (article 51 de la loi du 22 juillet 2013)

Oui

Élection des conseillers à l'AFE

Oui

-

-

Oui (article 22 de la loi du 22 juillet 2013)

Oui

Élection des conseillers des Français de l'étranger

Oui

Oui (article 22 de la loi du 22 juillet 2013)

Supprimé par la loi du 22 juillet 2013

-

Oui

Source : commission des lois du Sénat

La multiplicité des modalités de vote, et en particulier l'existence du vote par internet, ne garantit certes pas à elle seule une participation élevée170(*) ; elle peut néanmoins permettre, notamment à des électeurs éloignés des bureaux de vote, d'exercer leur droit de suffrage - à condition bien entendu d'être effectivement disponible.

1. Garantir l'accessibilité du vote à l'urne

S'agissant du vote à l'urne, la distance parfois considérable entre le bureau de vote et le lieu d'habitation pour un certain nombre d'électeurs, en raison de l'étendue des circonscriptions électorales, tend à compliquer l'exercice concret du droit de vote.

Pour l'élection consulaire de 2021, 357 bureaux de vote, répartis sur 269 sites, ont été ouverts, pour un corps électoral de 1,68 million de Français. Ce nombre restreint s'explique par l'avis du conseil scientifique du 24 février 2021 qui recommandait, dans le contexte de l'épidémie de covid-19, que « l'ensemble des opérations liées aux élections, y compris le vote, se déroule de la manière la plus dématérialisée possible, par internet, et que les opérations de vote se tenant dans des lieux et bureaux physiques soient réduites au strict minimum »171(*). En comparaison, environ 480 bureaux de vote avaient été ouverts pour l'élection consulaire de 2014.

Les rapporteurs admettent volontiers que des considérations budgétaires, matérielles ou encore géographiques rendent impossible l'ouverture de bureaux de vote selon un maillage aussi étroit que celui existant sur le territoire national. Ils estiment toutefois nécessaire d'augmenter le nombre de bureaux ouverts pour la prochaine élection consulaire, de manière à limiter la distance entre le lieu d'habitation de l'électeur et le bureau de vote dont il dépend et ainsi ne pas décourager les Français établis hors de France qui souhaiteraient exercer leur devoir citoyen selon le rite républicain par excellence que constitue le vote à l'urne.

Proposition : Ouvrir des bureaux de vote en nombre suffisant de manière à couvrir l'étendue des circonscriptions électorales et limiter la distance entre le lieu d'habitation de l'électeur et le bureau de vote dont il dépend.

En outre, il leur semblerait opportun d'associer davantage le conseil consulaire à la détermination de la liste des bureaux de vote et du périmètre affecté à chacun d'entre eux.

En l'état du droit, les électeurs sont répartis en autant de sections de liste que de bureaux créés en fonction du nombre d'électeurs et des circonstances locales172(*) ; le périmètre géographique affecté à chaque bureau de vote est déterminé par l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire, après consultation de la commission de contrôle des listes électorales consulaires, composée du président du conseil consulaire et de deux membres désignés173(*) par l'Assemblée des Français de l'étranger174(*). Les rapporteurs proposent que la liste des bureaux de vote soit soumise à l'avis des conseils consulaires compétents pour la circonscription électorale considérée.

Proposition : Prévoir que la liste des bureaux de vote soit soumise à l'avis des conseils consulaires de la circonscription électorale concernée.

2. Faciliter le recours au vote par procuration

À l'initiative de la commission des lois du Sénat, la loi du 22 juillet 2013 a maintenu pour les scrutins indirects - élection des conseillers à l'AFE et élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France - le vote par procuration que le projet de loi envisageait de supprimer. La commission des lois avait en en effet considéré que cette modalité de vote constituait une alternative intéressante pour les électeurs qui « ne souhait[e]nt pas s'en remettre à l'administration pour exprimer leur suffrage »175(*). Le vote par procuration est également ouvert pour l'élection des conseillers des Français de l'étranger176(*), et pour les élections présidentielle et législatives.

Lors des élections de 2021, le recours au vote par procuration fut loin d'être négligeable, notamment pour l'élection des conseillers à l'AFE.

Recours au vote par procuration aux élections de 2021

 

Élection des conseillers des Français de l'étranger

Élection des conseillers à l'AFE

Part du vote par procuration

3,50 %

16,98 %

Nombre de votes par procuration

1 148

73

Nombre de votants

32 841

430

Source : direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire

Il est par conséquent important de lever les obstacles pouvant limiter l'usage, pour les Français établis hors de France, du vote par procuration.

Aujourd'hui, le citoyen expatrié qui souhaite établir une procuration doit remettre en personne le formulaire rempli à cette fin à l'ambassadeur pourvu d'une circonscription consulaire, au chef de poste consulaire ou encore à un consul honoraire de nationalité française habilité par arrêté du ministère des affaires étrangères177(*). L'autorité transmet ensuite le formulaire de procuration par courrier électronique à l'ambassadeur ou au chef de poste consulaire chargé d'organiser les opérations de vote178(*).

Dans ces conditions, le recueil des formulaires de procuration est décisif, en particulier pour les citoyens résidant à distance de l'ambassade ou du consulat. Pour favoriser cette collecte, et donc in fine le vote par procuration, il conviendrait donc, en amont de chaque élection française à l'étranger, d'organiser des tournées consulaires de façon systématique et de manière à couvrir l'intégralité des circonscriptions électorales. Les chefs de poste ainsi que les consuls honoraires de nationalité française devraient être mobilisés.

Proposition : Inviter à l'organisation systématique de tournées consulaires pour couvrir l'intégralité des circonscriptions pour l'élection des conseillers des Français de l'étranger, et organiser en amont de ces tournées une large communication sur les sites et les réseaux sociaux des postes. Pour ces tournées, mobiliser non seulement les chefs de poste, mais également les consuls honoraires de nationalité française.

Si le portail Maprocuration est accessible, depuis le 1er janvier 2022, aux Français de l'étranger, leur permettant d'enregistrer en ligne leurs demandes de procuration, les rapporteurs soulignent la nécessité d'aller plus loin : la dématérialisation complète des procurations, de l'enregistrement de la demande jusqu'à sa validation, constitue en effet une mesure indispensable de simplification pour les Français établis hors de France.

Proposition : Inviter à mettre en oeuvre, pour les échéances électorales de 2024, la dématérialisation complète des procurations.

Indépendamment de l'hypothèse de dématérialisation, les prochaines élections des instances représentatives des Français de l'étranger se dérouleront dans le cadre de la réforme récente de « déterritorialisation des procurations ». En effet, depuis le 1er janvier 2022179(*), l'article L. 72 du code électoral180(*) ne prévoit plus qu'une seule condition à remplir par le mandataire : la jouissance de ses droits électoraux. En conséquence, pour les prochaines élections de 2026, un électeur pourra donner procuration à tout autre électeur, que celui-ci soit ou non inscrit sur la même liste électorale consulaire. Le mandataire devra néanmoins voter dans le bureau de vote du mandat, comme précédemment.

Ainsi, la demande formulée par les rapporteurs en 2015 visant à permettre aux conseillers consulaires d' « établir une procuration en faveur d'un autre conseiller consulaire au sein de l'ensemble de la circonscription d'élection des conseillers à l'AFE »181(*) est satisfaite par cette modification législative récente.

Il conviendra de communiquer sur sa portée, en amont des prochaines échéances électorales pour les Français de l'étranger.

Proposition : Communiquer sur les conséquences de la « déterritorialisation des procurations ».

3. Ajuster les délais en vigueur pour le vote par remise de plis à l'administration

La loi du 22 juillet 2013 a instauré, pour l'élection des conseillers à l'AFE ainsi que pour l'élection sénatoriale, une modalité de vote alternative permettant aux grands électeurs de voter sans avoir à se déplacer jusqu'au bureau de vote situé à Paris : le vote par remise de plis en mains propres à l'administration, qui s'effectue donc à distance et par anticipation.

Le vote par remise de pli à l'administration : un vote encadré

Après passage dans l'isoloir, l'électeur remet son pli en main propre à l'ambassadeur ou au chef de poste consulaire dans son pays de résidence. Ce fonctionnaire est chargé de transférer le pli jusqu'au bureau de vote de Paris.

Les garanties visant à assurer la sincérité et le secret du vote par remise de pli ont été renforcées lors de l'examen du projet de loi au Sénat.

Ainsi, l'électeur signe la liste d'émargement ainsi que son pli. Il reçoit également un récépissé d'enregistrement.

Les plis sont numérotés afin d'assurer leur traçabilité jusqu'au bureau de vote. Une fois remis, le pli est conservé « dans un lieu sécurisé, sous la responsabilité de l'ambassadeur ou du chef de poste consulaire »182(*), puis, après transport, dans les mêmes conditions à Paris.

Ils sont acheminés jusqu'à Paris soit sous enveloppe, soit par la valise diplomatique. Les assesseurs du bureau de vote de Paris tiennent un registre central des remises de plis pour contrôler leur bon acheminement.

Dès l'ouverture du scrutin, les plis, les listes d'émargement et le registre central sont remis aux membres du bureau de vote de Paris. Ces document sont conservés jusqu'à l'expiration du délai de recours contentieux ou, en cas de recours, jusqu'à la décision définitive. Les plis peuvent être reçus jusqu'à la clôture du scrutin. Après leur ouverture, les enveloppes électorales qu'ils contiennent sont déposées dans l'urne.

Le vote par anticipation constitue la principale modalité de vote pour les deux élections au suffrage indirect des Français de l'étranger.

Recours au vote par remise de plis à l'administration en 2021

 

Élection des conseillers à l'AFE

Élection sénatoriale

Nombre de votes par anticipation reçus

305

330

Nombre de votes par anticipation validés

302

330

Nombre total de suffrage exprimés

415

532

Part des suffrages exprimés par anticipation

72,77 %

59,78 %

Source : direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire

En conséquence des délais prévus par la loi du 22 juillet 2013, les ambassadeurs et les chefs de poste consulaire disposent de huit jours s'agissant de l'élection des conseillers à l'AFE, et neuf jours s'agissant de l'élection des sénateurs, pour faire parvenir les plis au bureau de vote de Paris183(*).

Sans avoir soulevé, lors des élections de 2021, des difficultés d'application aussi importantes que lors des élections de 2014184(*), ces délais apparaissent néanmoins insuffisants au regard des contraintes logistiques et des délais de livraison postale. Aussi les rapporteurs renouvellent-ils la proposition formulée en 2015 d'avancer la remise des plis à l'administration par les électeurs, de manière à allonger le délai dont elle dispose pour les faire parvenir au bureau de vote ; cette date pourrait être avancée au troisième samedi précédant le scrutin, ce qui laisserait quinze jours à l'administration pour acheminer les plis185(*).

Dans l'hypothèse de la fusion des élections consulaires et de l'élection des conseillers à l'AFE, proposée par les rapporteurs, le vote par anticipation pour cette dernière élection n'aurait en revanche plus de raison d'être.

Proposition : Pour faciliter la transmission des plis remis en mains propres à l'administration, avancer la date de remise en mains propres des plis au troisième samedi précédant la date du scrutin pour l'élection des sénateurs.

Par ailleurs, la période pendant laquelle les électeurs peuvent remettre leurs plis en mains propres à l'administration est elle-même enserrée dans des horaires étroits par le décret n° 2014-290 du 4 mars 2014186(*). Comme souligné par les rapporteurs en 2015, « cette disposition réglementaire restreint excessivement la portée de la disposition législative dont elle assure l'application. Le législateur n'avait pas envisagé qu'en fixant le jour du vote par anticipation, le pouvoir réglementaire en réduirait la portée à seulement deux heures »187(*). Or, un créneau horaire aussi réduit est difficilement compatible avec l'éloignement de certains électeurs du poste consulaire, ou avec une obligation professionnelle le jour du vote. Aussi les rapporteurs suggèrent-ils d'étendre la plage horaire du vote par anticipation, sur toute la matinée au moins.

Proposition : Allonger la durée d'ouverture des bureaux de vote pour l'exercice du vote par remise anticipation, par exemple en la doublant (de 9h à 13h).

4. Supprimer le vote par correspondance papier

La loi du 22 juillet 2013 a supprimé le recours au vote par correspondance papier pour l'élection consulaire, en raison du risque qu'il était susceptible de faire peser sur la sincérité du scrutin.

En conséquence, le vote par correspondance papier est uniquement possible pour l'élection des députés des Français établis hors de France188(*). Le recours à cette modalité de vote est variable entre les onze circonscriptions législatives189(*), mais très modeste dans l'ensemble.

Recours au vote par correspondance papier lors des élections législatives de 2022 dans les 11 circonscriptions des Français de l'étranger

 

Premier tour

Second tour

Nombre de votes par correspondance papier

1 345

1 385

Part des votes exprimés

0,41 %

0,41 %

Source : direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire

Lors des élections législatives de 2017, l'élection d'un député dans la 5e circonscription a été annulée pour cause de dysfonctionnements dans les opérations liées au vote par correspondance papier ayant altéré la sincérité du scrutin190(*).

Compte tenu à la fois du faible recours, par les Français établis hors de France, au vote par correspondance papier pour l'élection de leurs députés, et du risque avéré d'insécurité juridique que cette modalité de vote comporte, les rapporteurs jugent opportun de supprimer le vote par correspondance papier pour les élections législatives dans les circonscriptions des Français établis hors de France.

Proposition : Supprimer le vote par correspondance papier pour l'élection des députés élus par les Français établis hors de France.

5. Systématiser et sécuriser le recours au vote par correspondance électronique

Le vote par correspondance électronique, dit vote par internet, constitue à la fois une spécificité des élections pour les Français de l'étranger191(*) et une modalité incontournable : 85 % des électeurs qui ont voté lors des élections consulaires de 2021 y ont eu recours.

Répartition entre les modalités de vote pour l'élection consulaire

 

2009

2014

2021

Vote par correspondance papier

61 %

-

-

Vote par internet

9 %

27,6 %

85,8 %

Vote à l'urne et vote par procuration

30 %

72,4 %

14,2 %

Taux de participation

20,4 %

16,5 %

14,7 %

Source : direction des Français de l'étranger et de l'administration consulaire

Conformément à l'article 22 de la loi du 22 juillet 2013, le vote par internet constitue une modalité de vote de droit commun pour l'élection des conseillers des Français de l'étranger. Le Gouvernement peut toutefois envisager de ne pas l'autoriser ; dans ce cas, il doit consulter au préalable l'Assemblée des Français de l'étranger.

Ainsi, sur la base de cette disposition, le vote par internet n'a pas été mis en oeuvre lors des élections consulaires partielles de novembre 2021192(*), ni lors de celles d'octobre 2022193(*), pour des raisons certes différentes.

Dans le premier cas, « le marché avec le prestataire de la solution de vote [l'entreprise SCYLT] avait expiré en juin 2021 et, ayant déjà bénéficié d'une prolongation exceptionnelle d'un an pour faire face au report de l'élection de 2020 à 2021, il ne pouvait plus être prorogé »194(*).

Dans le second cas, le prestataire du nouveau marché - la société Voxaly-Docaposte -, qui a mis en place le vote par internet pour les élections législatives de juin 2022 n'était toutefois « pas encore en capacité de créer un nouveau portail de vote pour les élections consulaires », dans la mesure où « les spécificités ne sont pas les mêmes pour les deux scrutins »195(*).

Pour les rapporteurs, il n'est démocratiquement pas acceptable que le vote par internet ne soit pas mis en oeuvre lors d'élections partielles du seul fait du manque d'anticipation de l'administration, ou de l'absence de clause adaptée dans le marché public conclu avec le prestataire.

Il convient de faire respecter l'esprit de l'article 22 de la loi du 22 juillet 2013, selon lequel la mise en place du vote par internet constitue la règle, et sa non-mise en oeuvre, l'exception.

C'est pourquoi les rapporteurs proposent que le vote par internet soit systématiquement prévu pour l'ensemble des élections des Français de l'étranger et que seuls des considérations liées à la sécurité ou un avis contraire de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) puissent s'opposer à sa mise en oeuvre.

Proposition : Prévoir que le recours au vote électronique soit systématiquement prévu et que seuls des considérations liées à la sécurité ou un avis contraire de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information puissent s'opposer à sa mise en oeuvre.

Le vote électronique est assorti d'un nombre important de garanties visant à assurer le secret du scrutin. Conformément à l'article R. 176-3-9 du code électoral, l'électeur qui souhaite voter par voie électronique :

- se connecte au système de vote et s'identifie à l'aide d'un identifiant, transmis à l'électeur par mail à l'adresse électronique communiquée à cette fin, et d'un mot de passe, transmis à l'électeur par message texte sur son téléphone mobile, au numéro de téléphone communiqué à cette fin ;

- exprime son vote, puis le valide au moyen d'un code de confirmation transmis à l'électeur par mail, à l'adresse électronique communiquée à cette fin196(*).

La procédure de vote par internet pour les Français établis hors de France

Source : commission des lois du Sénat

Avant chaque tour de scrutin, l'identifiant et le mot de passe sont envoyés au plus tard à l'ouverture de la période de vote197(*).

Or, les dernières élections législatives ont fait apparaître avec force les failles techniques liées au vote par internet, l'élection ayant été annulée dans deux circonscriptions au motif que les dysfonctionnements constatés dans la réception par SMS des codes d'identification avaient porté atteinte à la sincérité du scrutin198(*).

L'annulation par le Conseil constitutionnel des élections législatives
dans les 2e et 9e circonscriptions

Dans la 2e circonscription des Français établis hors de France (Mexique, Amérique centrale, Caraïbes et Amérique du sud), le taux de délivrance des messages téléphoniques contenant les mots de passe a été de 38 % à l'issue du premier tour s'agissant des électeurs inscrits sur les listes électorales consulaires en Argentine.

Dans la 9e circonscription des Français établis hors de France (Maghreb et Afrique de l'Ouest), le taux de délivrance des messages téléphoniques contenant les mots de passe a également été de 38 % à l'issue du premier tour s'agissant des électeurs inscrits sur les listes électorales consulaires en Algérie.

Malgré le fait, mis en avant par la ministre de l'Europe et des affaires étrangères dans son mémoire en défense en date du 19 septembre 2022, que ces dysfonctionnements n'avaient pas « irrémédiablement empêché les électeurs » qui n'avaient pas reçu leur mot de passe « de voter, compte tenu du fait que ceux-ci avaient à leur disposition d'autres modalités de vote », le Conseil constitutionnel a considéré que les anomalies constatées avaient, compte tenu de l'écart des voix entre les candidats, porté atteinte à la sincérité du scrutin. En conséquence, il a annulé les opérations électorales dans les 2e et 9e circonscriptions.

Les élections législatives partielles ont eu lieu les 1e et 2 avril 2023 pour le premier tour, et les 15 et 16 avril 2023 pour le second tour.

Cette situation n'est guère satisfaisante aux yeux des rapporteurs. Compte tenu des aléas importants dans l'envoi des SMS, qui dépend des opérateurs de téléphonie locaux, à la fiabilité très variable selon les pays, les rapporteurs estiment indispensable de privilégier des canaux autres que le SMS.

Tout en étant conscients des réserves exprimées par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information quant à l'utilisation d'applications de messagerie instantanée telles que Signal ou WhatsApp pour l'envoi du mot de passe, ils estiment que cette voie mérite réflexion. L'Identité numérique199(*), développée par la Poste avec la collaboration de France Connect, pourrait également constituer une alternative intéressante.

En tout état de cause, il reviendra au législateur de trouver un équilibre entre l'efficacité et la sécurité du dispositif.

Proposition : Pour l'envoi des mots de passe, prévoir des canaux complémentaires autres que le SMS : passer par l'Identité numérique développée par la Poste avec la collaboration de France Connect, ou encore, explorer la voie des applications de messagerie instantanée sécurisée (Signal ou WhatsApp).

Le développement de ces canaux alternatifs ne saurait, en outre, dispenser de la réalisation d'audits et de tests réguliers pour améliorer la solution de vote, ni du renforcement de la communication à l'attention des électeurs en amont de l'ouverture du portail de vote, ni enfin de l'assistance aux électeurs par la mise en place d'une cellule consacrée.

Au titre des mesures techniques, figurent ainsi la réalisation de tests pour améliorer et corriger la solution de vote par internet ; la réalisation d'audits sur la solution une fois améliorée ; et l'homologation de la solution.

Proposition : Mener des audits réguliers sur la solution de vote.

S'agissant de l'assistance aux électeurs, les rapporteurs proposent de pérenniser les dispositions « exceptionnelles » mises en oeuvre à l'approche des élections législatives partielles d'avril 2023. En premier lieu, des campagnes actives de communication doivent être menées pour améliorer la fiabilité des données personnelles des électeurs (adresses courriels et numéros de téléphone valides).

Proposition : En amont du scrutin, mener des campagnes de communication pour inciter les électeurs à assurer la fiabilité de leurs données (adresses courriels et numéros de téléphone valides).

De plus, la cellule consacrée à l'assistance aux électeurs devrait être mise en place dès l'envoi des identifiants et mots de passe aux électeurs, et non pas seulement à l'ouverture du portail de vote, et être suffisamment dotée en effectifs.

À ce titre, les rapporteurs soulignent que le nombre de personnes employées dans la cellule d'assistance mise en oeuvre à l'occasion des élections législatives partielles d'avril 2023 devrait constituer le niveau de référence pour les prochains scrutins, qu'il s'agisse de renouvellements généraux ou d'élections partielles : en avril 2023, la cellule d'assistance a ainsi comporté autant de personnes que pour les élections législatives de juin 2022, alors même que les circonscriptions concernées étaient près de 4 fois moins nombreuses200(*).

Proposition : Lors du scrutin, renforcer l'assistance aux électeurs par la mise en place d'une cellule consacrée, selon un ratio de 8 personnes par circonscription.

Enfin, dans le but de garantir l'accessibilité du portail de vote en ligne, les rapporteurs suggèrent d'extraire le portail de vote en ligne du site « diplomatie.gouv.fr », qui est largement exposé aux menaces de cyberattaques et tentatives de piratage. Actuellement, la fermeture temporaire du site internet « diplomatie.gouv.fr » entraîne l'inaccessibilité du portail de vote en ligne. À l'inverse, une fois situé sur un site à part, le portail de vote en ligne continuerait à être accessible même dans l'hypothèse où le site « diplomatie.gouv.fr » serait hors d'usage.

Proposition : Prévoir, dans le prochain marché public avec Voxaly, que le portail de vote en ligne ne soit plus situé à l'intérieur du site « diplomatie.gouv.fr », mais sur un site à part, afin qu'il soit accessible même lorsque le site « diplomatie.gouv.fr » est hors d'usage.


* 170 Comme souligné par le rapport n° 481 (2014-2015), « paradoxalement, c'est l'élection du Président de la République, pour laquelle seuls le vote à l'urne et par procuration sont ouverts, qui enregistre traditionnellement la participation électorale la plus forte à l'étranger » (p. 23).

* 171 Source : direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire.

* 172 Article 2 de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976. Cette disposition est similaire à la disposition de droit commun pour les scrutins sur le territorial national, prévue à l'article R. 40 du code électoral.

* 173 Après avis des conseillers des Français de l'étranger élus de la circonscription électorale

* 174 Article 7 de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976.

* 175 Rapport n° 481 (2014-2015), p. 29.

* 176 Conformément à l'article 15 de la loi du 22 juillet 2013 qui rend applicable pour cette élection ainsi que pour l'élection des conseillers à l'AFE les articles L. 71 à 78 du code électoral, relatifs au vote par procuration. Le nombre maximal de procurations dont peut disposer le mandataire est porté à trois (dont une seule établie en France).

* 177 Article R. 72-1 du code électoral.

* 178 Article 12 du décret n° 2014-290 du 4 mars 2014.

* 179 En conséquence de l'entrée en vigueur de l'article 112 de la loi dite « Engagement et proximité » du 27 décembre 2019.

* 180 Applicable à l'élection des conseillers des Français de l'étranger et à l'élection des conseillers à l'AFE en vertu de l'article 15 de la loi du 22 juillet 2013.

* 181 Rapport n° 481 (2014-2015), p. 30.

* 182 Article 64 du décret n° 2014-290 du 4 mars 2014.

* 183 La date de remise des plis à l'administration par les électeurs est aujourd'hui prévue le deuxième vendredi précédant la date du scrutin pour l'élection des conseillers à l'AFE par l'article 22 de la loi de 2013, et le deuxième samedi précédant la date du scrutin pour l'élection des sénateurs par l'article 51 de la même loi.

* 184 Le rapport n° 481 (2014-2015) rappelle que les votes émus par anticipation le 20 septembre 2014 par huit grands électeurs pour l'élection sénatoriale ne sont pas parvenus à temps, soit le 28 septembre 2014 (p. 28). En septembre 2021, un bulletin d'un grand électeur n'a pas été reçu à temps pour l'élection sénatoriale.

* 185 Comme proposé dans la proposition de loi n° 195 (2015-2016) déposée le 25 novembre 2015 par Christophe-André Frassa et Jean-Yves Leconte à la suite du rapport n° 481 (2014-2015), puis dans la proposition de loi n° 57 (2018-2019) déposée le 17 octobre 2018 par Christophe-André Frassa.

* 186 Aux termes de l'article 60 du décret n° 2014-290 du 4 mars 2014, les électeurs peuvent voter par remise en mains propres de 9h à 11h (heures légales locales).

* 187 Rapport n° 481 (2014-2015), p. 29.

* 188 Article L. 330-13 du code électoral.

* 189 La circonscription législative où le recours au vote par correspondance a été le plus élevée lors des élections législatives de juin 2022 est la 7e circonscription.

* 190 « Parmi les électeurs de la circonscription qui avaient demandé, dans les conditions fixées à l'article R. 176-4 du code électoral, à recevoir le matériel de vote leur permettant de voter par correspondance sous pli fermé, 94 ne l'ont pas reçu pour le premier tour de scrutin, par suite d'une erreur de traitement informatique de leurs demandes ». Par ailleurs, « en raison de retards dans l'acheminement de ce matériel de vote ou de lacunes dans le matériel transmis, notamment l'enveloppe électorale destinée à contenir le bulletin de vote, de nombreux autres électeurs n'ont pas pu non plus voter par correspondance sous pli fermé au premier ou au second tour du scrutin » (décision du Conseil constitutionnel n° 2017-5052 AN du 2 février 2018)

* 191 Il a été expérimenté pour la première fois par la loi n° 2003-277 du 28 mars 2003 tendant à autoriser le vote par correspondance électronique des Français établis hors de France pour les élections du Conseil supérieur des Français de l'étranger.

* 192 Organisées dans les circonscriptions Inde 1, Inde 2 et Madagascar (le scrutin n'ayant pu se tenir en mai 2021 en raison du contexte sanitaire).

* 193 Organisées dans la 4e circonscription du Canada à la suite de l'annulation des élections dans cette circonscription du 29 mai 2021.

* 194 Réponse de la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire au questionnaire des rapporteurs.

* 195 Réponse du ministre délégué à la question écrite n° 01533 de Mélanie Vogel, apportée en séance publique le 30 novembre 2022 : https://www.senat.fr/questions/base/2022/qSEQ220701533.html

* 196 En application de l'article 4 de l'arrêté du 16 mars 2022 relatif au traitement de données à caractère personnel prévu à l'article R. 176-3 du code électoral.

* 197 Article R. 176-3-7 du code électoral.

* 198 Décisions du Conseil constitutionnel n° 2022-5813/5814 AN et n° 2022-5760 AN (2e et 9e circonscriptions).

* 199 Depuis juillet 2021, les Français résidant à l'étranger peuvent créer et utiliser une Identité numérique soit avec leur numéro de téléphone français, s'ils l'ont gardé (ce qui est souvent le cas pour les expatriés), soit avec leur numéro de téléphone local dans 49 pays représentant 83 % des Français à l'étranger (source : éléments transmis par Voxaly-Docaposte aux rapporteurs).

* 200 Les élections partielles d'avril 2023 ont eu lieu dans 3 circonscriptions ; la cellule d'assistance mise en place à cette occasion comprenait environ 25 personnes, soit 8 personnes par circonscription (source : direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire).