II. LA NÉCESSITÉ D'UN DISPOSITIF JURIDIQUE PLUS EFFICACE

Ce dispositif s'est révélé insuffisant puisqu'il n'a pu véritablement enrayer l'aggravation de la pollution en Méditerranée.

Aussi, vingt ans après la mise en place, le système de Barcelone méritait-il d'être adapté, d'une part afin d'intégrer les avancées reconnues par la Communauté internationale lors de la Conférence de Rio et, d'autre part, de renforcer, à la lumière de l'expérience, l'efficacité des mécanismes existants.

Les modifications proposées font l'objet de quatre conventions. La première amende la convention pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution. Les deux autres touchent respectivement au protocole relatif à la protection de la mer Méditerranée contre la pollution d'origine tellurique et au protocole relatif à la prévention de la pollution par les opérations d'immersion effectuées par les navires et aéronefs. Enfin, un nouveau protocole relatif aux aires spécialement protégées est destiné à se substituer au protocole qui avait déjà été adopté en 1982 sur ce sujet.

Ces changements ne bouleversent pas l'économie générale du système de Barcelone : même amendé, l'accord-cadre se limite aux principes généraux tandis que les protocoles fixent des obligations plus précises.

A. LES ADAPTATIONS À L'ACCORD-CADRE : LA PRISE EN COMPTE DES APPORTS DE LA CONFÉRENCE DE RIO

L'accord-cadre a déterminé (art. 16) les conditions dans lesquelles il peut être modifié : l'adoption d'amendements requiert la majorité des trois quarts des pays signataires de la convention. La conférence des plénipotentiaires s'est ainsi accordée pour modifier seize des vingt-neuf articles de la convention et pour introduire, en outre, dix nouveaux articles.

Les amendements adoptés sont de trois sortes. Les premiers prennent en compte les développements intervenus dans le droit de l'environnement depuis l'adoption de la convention en 1976. D'autres élargissent les obligations de caractère général fixées par ce texte. D'autres enfin, précisent l'organisation administrative et financière des actions conduites par les parties contractantes.

1. La prise en compte des progrès du droit de l'environnement

Le droit de l'environnement a connu, depuis la signature de la convention de Barcelone -qui, on l'a rappelé, avait marqué une première avancée- plusieurs progrès liés notamment à la conclusion de la convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 et surtout à la Conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement (CNUED) réunie à Rio en 1992. Ces acquis, ainsi d'ailleurs que les avancées, obtenus à la faveur de la mise en oeuvre du Plan d'action pour la Méditerranée, sont rappelés dans le préambule -modifié- de la convention.

Les amendements intègrent principalement les grands principes reconnus par la déclaration de Rio :

- le principe de précaution : l'absence de certitude scientifique absolue de la nocivité d'un produit ne peut servir de prétexte pour différer l'adoption de mesures efficaces pour prévenir la dégradation de l'environnement ;

- le principe de " pollueur payeur " ;

- la réalisation d'études d'impact sur l'environnement lorsque des activités par ailleurs soumises à autorisation menacent de présenter de graves conséquences sur le milieu marin ;

- la mise en oeuvre des meilleures techniques disponibles et des méthodes d'action les plus adaptées à la protection de l'environnement.

2. L'extension des obligations de caractère général

Les amendements élargissent les obligations existantes de quatre manières :

- alors que les dispositions précédentes prévoyaient principalement la prévention et la réduction de la pollution liée aux navires, à l'exploitation du milieu marin ou aux activités terrestres, la nouvelle rédaction envisage l' élimination de ces formes de pollution, même si elle nuance aussitôt cette obligation en précisant " dans toute la mesure du possible " ;

- une nouvelle disposition prévoit l'obligation pour les Etats parties de prendre les mesures nécessaires pour protéger et préserver la diversité biologique du bassin méditerranéen (art. 9A) ;

- un nouvel article reconnaît également un droit d'accès à l'information et à la participation du public ;

- l'article 12, dans sa formulation initiale, prévoyait que les parties s'engageaient à coopérer pour élaborer des procédures en matière de responsabilités et de réparation des dommages liés à la pollution du milieu marin " aussitôt que possible " ; la nouvelle rédaction supprime cette dernière mention et reconnaît ainsi que les conditions sont aujourd'hui réunies pour engager sans délai la coopération dans ce domaine.

3. Des précisions de caractère administratif ou financier

La dernière série de modifications vise à confier de nouvelles responsabilités au secrétariat (assumé par le Programme des Nations unies pour l'environnement) au regard notamment de l'information du public. Elles prévoient par ailleurs trois autres innovations :

- l'approbation d'un budget programme ;

- l'organisation d'un bureau composé des parties contractantes ;

- la possibilité d'admettre des observateurs aux réunions et conférences des parties.

B. LES AMENDEMENTS AUX PROTOCOLES : LA DÉFINITION D'ENGAGEMENTS PLUS PRÉCIS ET PLUS CONTRAIGNANTS

1. Les amendements au protocole relatif à la protection de la Méditerranée contre la pollution d'origine tellurique

Les amendements adoptés par la Conférence des plénipotentiaires de Syracuse les 6 et 7 mars 1996 modifient de manière substantielle le texte initial de ce protocole. Le recours à une autorisation parlementaire, alors même qu'une telle procédure ne s'appliquait pas au texte initial, traduit l'importance des modifications dont certains touchent en effet directement au domaine de la loi.

Elles s'inspirent des grands principes fixés à la conférence de Rio, comme en témoigne l'adjonction d'une nouvelle annexe relative aux critères pour la définition des meilleures techniques disponibles et de la meilleure pratique environnementale. Elles prennent également en compte les dispositions du Programme d'action mondial pour la protection du milieu marin contre la pollution due aux activités terrestres, adopté à Washington en 1995.

Les amendements recherchent trois effets.

D'une part, ils visent à élargir le champ des obligations souscrites par les parties contractantes. Ainsi, alors que le protocole initial distinguait dans deux annexes séparées les substances dangereuses vouées à l'élimination et celles justifiant seulement un effort de réduction, la nouvelle rédaction pose le principe général de l' élimination des substances tout en précisant à l'annexe I les substances à éliminer en priorité (en particulier les polluants organiques persistants, pour l'essentiel produits dérivés du chlore -dont le DDT et la dioxine-, les métaux lourds et leurs composés, les substances radioactives, y compris leurs déchets si ceux-ci " ne sont pas conformes aux principes de la radioprotection définis par les organisations internationales compétentes en tenant compte de la protection du milieu marin ", les cyanures et les fluorures).

En outre, la lutte contre la pollution ne s'applique plus seulement à la zone maritime ; elle a été étendue à " l'ensemble des bassins versants du territoire des parties contractantes se déversant dans la zone de la mer Méditerranée ".

De la sorte, la lutte contre la pollution s'applique à tous les rejets, directs ou indirects, qui atteignent les cours d'eau-et leurs affluents- se jetant dans la Méditerranée.

Les amendements visent, en second lieu, à préciser les méthodes d'action . C'est ainsi que l'article 5 ne vise plus seulement des programmes nationaux ou régionaux mais aussi des " plans d'action ", les premiers comme les seconds contenant désormais des " mesures et des calendriers d'application ".

Par ailleurs, au chapitre de la coopération scientifique et technique, il est désormais prévu de promouvoir le transfert des technologies de production propres.

En troisième lieu, les amendements posent aussi de manière plus précise les conditions de contrôle des engagements souscrits dans le cadre du protocole. Ainsi, au-delà du principe d'autorisation déjà retenu pour les rejets dangereux, l'article 6 modifié prévoit la mise en place d'un système d'inspection par les autorités compétentes afin de s'assurer du respect de la réglementation et de la définition d'un régime de sanction approprié.

Le régime de sanction est fixé dans le cadre de la législation nationale : l'accord ne prévoit pas de sanction à l'encontre des Etats qui manqueraient à leurs obligations. Toutefois, la responsabilité civile d'un Etat pourrait être recherchée si un dommage découlait de la non-exécution d'un engagement ainsi contracté.

De manière plus générale, l'obligation est faite aux parties contractantes de rendre compte tous les deux ans des mesures adoptées, des résultats obtenus et, le cas échéant, des difficultés rencontrées.

. Perspectives d'action

D'ores et déjà les Etats membres se sont engagés dans le cadre d'un " Programme d'actions stratégiques visant à combattre la pollution due à des activités menées à terre ", à éliminer avant 2005 les eaux usées des villes et agglomérations urbaines de plus de 100 000 habitants et à réduire de moitié, d'ici 2005 (et à éliminer avant 2010) le rejet dans les fleuves et en mer de douze composés toxiques persistants et non biodégradables dont le protocole fixe la liste. Ce programme rend ainsi véritablement contraignants les engagements prévus par le protocole de 1976.

Le programme d'actions stratégiques prévoit d'autres types d'initiatives :

- la mise en place dans les villes de plus de 100 000 habitants de systèmes de collecte, réduction à la source et élimination des déchets solides urbains conformes aux normes écologiques ;

- l'élaboration prochaine d'une " stratégie méditerranéenne de gestion des déchets dangereux " ; ceux-ci, en effet, apparaissent trop souvent mélangés à des eaux usées municipales ou à des déchets solides, stockés dans de mauvaises conditions de sécurité ou encore éliminés à la suite d'opérations d'immersion illégales -le protocole tellurique précise du reste, quatorze secteurs d'activités industrielles où la réduction de la pollution constitue une priorité.

Ce programme d'actions stratégiques a été élaboré sur la base d'un inventaire, pays par pays, des sources de pollution tellurique, afin de mieux dégager les actions prioritaires.

. Un ordre juridique national conforme aux obligations du protocole

La ratification des amendements n'appellera pas de modifications de notre législation sur l'eau ou en matière d'" installations classées " et de déchets. En effet, la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau soumet au régime d'autorisation ou de déclaration les rejets dans les cours d'eau. Elle planifie la réduction des pollutions par les programmes de travail des agences de l'eau et généralise les schémas d'aménagement et de gestion des eaux à l'ensemble des bassins versants français.

Quant aux produits et substances dangereux la réglementation communautaire (principalement la directive 96/61/CE du 24 septembre 1996 relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution, et la directive 98/8/CE du 16 février 1998 relative aux produits biocides) anticipe sur les obligations souscrites par les parties contractantes dans le cadre du protocole amendé.

2. Protocole relatif à la prévention de la pollution de la Méditerranée par les opérations d'immersion effectuées par les navires et aéronefs

A l'instar des amendements apportés au protocole précédent, les modifications décidées, le 10 juin 1995, au protocole relatif à la pollution en Méditerranée par immersion renforcent les obligations des parties contractantes à un double titre : elles posent le principe général d'interdiction de l'immersion et d'interdiction absolue de l'incinération en mer.

. Le principe général d'interdiction d'immersion

Les opérations d'immersion sont de manière générale régies par deux grandes séries de textes :

- la convention régionale pour la prévention de la pollution marine par les opérations d'immersion effectuées par les navires et aéronefs, signée à Oslo le 15 février 1972 ;

- la convention mondiale sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion des déchets, signée à Londres le 29 décembre 1974, et la résolution sur l'incinération en mer, adoptée à Londres le 12 octobre 1978.

Ces accords distinguent les déchets ou substances considérés comme dangereux, interdits d'immersion à ce titre, et les autres déchets ou substances jugés moins nocifs et soumis à une obtention de permis.

Le protocole du 16 février 1976 s'inscrit dans ce cadre. Il définit dans une annexe (I) les matières interdites à l'immersion et dans une autre annexe (II) les substances et déchets dont l'immersion est subordonnée à la délivrance préalable d'un permis spécifique.

Toutefois, la nécessité d'un cadre juridique plus contraignant s'est progressivement imposée. Ainsi, en 1990, pour la première fois, une déclaration conjointe des ministres de l'environnement de la mer du Nord a posé pour la première fois le principe d'interdiction de l'incinération en mer à compter du 31 décembre 1994. La convention mondiale de Londres de 1972 a par ailleurs été profondément remaniée en 1996 et reprend désormais le principe de l'interdiction de l'incinération en mer. L'évolution du présent protocole s'inscrit dans ce mouvement général.

Le nouveau principe général de l'interdiction d'immersion inspire les principales modifications apportées au présent protocole :

- Le titre du protocole a été modifié afin de compléter l'objectif de prévention par celui de l' élimination de la pollution par opération d'immersion ; de même, l'article premier précise que les parties doivent prendre toutes les mesures appropriées non seulement pour prévenir et réduire les opérations d'immersion, comme cela était déjà prévu, mais aussi d' " éliminer dans toute la mesure du possible " la pollution en Méditerranée liée à de telles opérations.

- Le nombre de produits qui peuvent être immergés sous réserve de la délivrance préalable d'un permis spécial est réduit de sorte que la nécessité d'en définir la liste dans le cadre d'une annexe ne s'impose plus. Ces produits -dont ont été exclus tous les métaux désormais frappés d'interdiction- sont énumérés à l'article 4 modifié. Il convient de signaler que parmi les différents produits visés -matériaux de dragage, déchets de poisson, plates-formes, matières géologiques inertes, navires- ces derniers devraient entrer dans le régime général d'interdiction à compter du 31 décembre 2000.

Il convient en outre de remarquer, au titre de l'élargissement du champ des interdictions, que les immersions elles-mêmes sont entendues dans un sens plus large et désignent non plus seulement le rejet délibéré dans la mer des déchets ou le sabordage de navires et aéronefs, mais aussi le " dépôt et l'enfouissement délibérés".

Dans la mesure où les immersions sont soumises à un régime d'interdiction ou, pour des cas limités, à l'octroi préalable d'un permis spécial, le principe de la délivrance préalable d'un permis général prévu dans la précédente rédaction du protocole pour toutes les substances qui ne figuraient pas en annexe, n'a plus lieu d'être.

- L'article 7 pose le principe de l'interdiction absolue de l'incinération en mer .

C. UNE AVANCÉE NOTABLE : LA RECONNAISSANCE D'AIRES PROTÉGÉES D'IMPORTANCE MÉDITERRANÉENNE

Les modifications apportées au protocole relatif aux aires spécialement protégées de la Méditerranée ont revêtu, aux yeux des parties contractantes, une ampleur telle qu'elle justifiait en fait la rédaction d'un nouveau protocole. Ampleur qui, du reste, se signale moins par le nombre des amendements proposés que par le changement d'échelle du niveau de protection reconnu souhaitable. En effet, les zones protégées peuvent se trouver non seulement dans les eaux territoriales mais aussi, désormais, en haute mer . En outre, la nécessité d'une protection a été reconnue dans de nouveaux domaines (biodiversité des espèces animales et végétales sauvages).

Enfin, les ASPIM peuvent bénéficier d'une reconnaissance internationale plus large que les aires spécialement protégées.

. Le dispositif de droit existant

Le premier protocole relatif aux aires spécialement protégées de la Méditerranée a été adopté en 1982 dans le cadre du Programme des mers régionales du PNUE. Ce protocole invitait les parties riveraines de la Méditerranée à créer des zones protégées côtières et marines dans la largeur de la mer territoriale et instituait un répertoire des aires protégées, géré par le PNUE (le Centre de Tunis). Les Etats signataires reconnaissaient ainsi une double nécessité :

- préserver pour la zone maritime, à l'exemple des initiatives déjà entreprises sur le continent, les ressources naturelles, d'une part, et les sites les plus remarquables et sensibles pour leur valeur biologique et écologique, d'autre part ;

- coopérer entre Etats riverains pour parvenir à des approches identiques en matière de gestion d'espaces marins et côtiers, d'où la notion de réseaux d'espaces protégés, points d'appui pour l'échange d'expériences, notamment en matière de gestion.

Précurseur à maints égards, le protocole de 1982 a constitué la première pierre d'un dispositif international appelé à s'étoffer. Il a inspiré ainsi largement les protocoles adoptés ultérieurement en Afrique orientale et dans les Caraïbes. Toutefois, ces textes intègrent également de nouvelles avancées en matière de protection de l'environnement, principalement dans deux domaines. D'une part, ils prennent en compte, au-delà de la préservation des aires marines et côtières, la nécessité de protéger la biodiversité des espèces animales et végétales sauvages. D'autre part, ils étendent leur champ d'application à la zone économique exclusive des 200 miles - le protocole de 1982 s'appliquait aux seules eaux territoriales des parties (12 miles).

Une mise à jour s'imposait. Elle a conduit à la conclusion d'un nouveau protocole, le 10 juin 1995, complété le 24 novembre 1995 par trois annexes. Ce dispositif est destiné à se substituer au texte de 1982.

Le protocole s'articule autour de quatre volets.

. Le premier volet concerne la création d'aires spécialement protégées. Il reprend les principales dispositions du précédent protocole et les précise sur certains points.

Les aires spécialement protégées ont pour objectif de sauvegarder les écosystèmes marins et côtiers, leur diversité biologique, ainsi que les habitats marins nécessaires à la survie, la reproduction et la restauration des espèces animales et végétales en danger.

Les aires se caractérisent par le renforcement des mesures de protection (réglementation relative au passage des navires, à l'introduction de toute espèce non indigène à l'aire spécialement protégée, réglementation ou interdiction de toute activité d'exploitation, de la pêche et de la chasse etc.). Elles bénéficient en outre, en principe, d'un plan de gestion destiné à fixer " le cadre juridique institutionnel ainsi que les mesures de gestion et de protection applicables ".

. Le deuxième volet innove avec la création des aires spécialement protégées d'importance méditerranéenne autrement dit " ASPIM "

Quand une zone présente un caractère particulier au regard de l'environnement méditerranéen, elle peut entrer dans la catégorie des aires spécialement protégées d'importance méditerranéenne.

Les ASPIM présentent une double avancée par rapport aux simples " aires spécialement protégées ".

En premier lieu, si elles peuvent naturellement porter sur des zones marines et côtières soumises à la souveraineté ou à la juridiction des parties -et couvrir en conséquence des zones déjà logiquement déclarées " aires spécialement protégées "- , elles peuvent aussi concerner des zones situées en tout ou partie en haute mer. Cette extension permet ainsi de surmonter l'obstacle que constitue l'absence de zone économique exclusive en Méditerranée pour assurer une protection efficace de l'environnement.

En second lieu, le statut d'" ASPIM " engage davantage la responsabilité des Etats que celui d'" aire spécialement protégée ". Tandis que la constitution d'une aire spécialement protégée, même si elle est encouragée par la présente convention, requiert une procédure strictement nationale, l'inscription d'une zone sur la liste des ASPIM suppose -après examen par le Centre d'activités régionales pour les aires spécialement protégées- un consensus des parties contractantes. Celles-ci approuvent également les mesures de gestion applicables à la zone. La modification du régime juridique ou la suppression de la zone requiert également une " procédure similaire à celle observée pour sa création et son inscription sur la liste ". Elle suppose en conséquence une décision prise par consensus. En contrepartie, les parties s'engagent à respecter l'ensemble des mesures de protection de la zone. L'intérêt d'un tel engagement est évident, en particulier pour les zones situées en haute mer. En outre, le plan de gestion est communiqué aux organisations internationales compétentes. La disposition vise principalement l' Organisation maritime internationale (OMI) dont le siège se trouve à Londres et cherche ainsi à sensibiliser, au-delà du cercle des pays signataires, l'ensemble des pays parties à ces organisations, de sorte que les bateaux du pays tiers doivent tenir compte eux aussi des obligations que se seront assignées les parties riveraines.

. Le troisième volet de l'accord porte, comme les autres protocoles relatifs aux mers régionales, sur les mesures nationales concertées pour la protection et la conservation des espèces animales et végétales. L'annexe II du protocole définit la liste des espèces en danger ou menacées.

. Le protocole comprend enfin un dernier volet consacré au renforcement du cadre institutionnel de coopération.

Chaque partie désigne un point focal national chargé d'établir la liaison avec le centre d'activités régionales créé pour les aires spécialement protégées. Ces points focaux nationaux doivent en principe se réunir régulièrement. Ils permettent d'harmoniser les démarches en matière scientifique et technique pour l'application du protocole. Le ministère de l'environnement représente pour la France, le point focal national institué par le protocole.

Le présent protocole appelle deux observations complémentaires.

En premier lieu, la France a joint une déclaration interprétative à l'instrument d'approbation de ce texte. Cette déclaration vise à renforcer deux aspects importants du nouveau dispositif. D'une part, elle cherche à insister sur la nécessité d'assurer la reconnaissance internationale la plus large possible aux ASPIM en rappelant que le protocole s'inscrit dans le cadre du programme d'action 21 de Rio et notamment des principes prévus au point 17-30. Cette dernière disposition rappelle en effet que les Etats, soucieux de remédier à la dégradation du milieu marin, agissent sur le plan individuel ou régional et dans le cadre de l'OMI. D'autre part, la déclaration élargit le champ d'application de la règle du consensus puisque, pour la France, le consensus doit également prévaloir pour toute modification du plan de gestion d'une ASPIM.

En second lieu, les quatre Etats membres de l'Union européenne (la France, la Grèce, l'Italie et l'Espagne) ont rappelé, dans une déclaration conjointe annexée au protocole, que toute disposition relative à la protection des espèces relève de la Communauté européenne en vertu de la compétence exclusive qui lui revient dans le domaine de la pêche.

En la matière, cependant, l'harmonisation des positions ne devrait pas soulever trop de problèmes dans la mesure où la Communauté européenne est partie à la convention.

. Les perspectives de création d'aires spécialement protégées d'importance méditerranéenne en France.

Quel bénéfice notre pays peut-il attendre de l'institution ASPIM ? Ce nouveau cadre juridique favorisera-t-il la création de nouvelles zones protégées ? Dans ce domaine, la France a déjà pris la mesure de la nécessité de préserver les milieux naturels et les espèces qui y vivent. Cette préoccupation s'est traduite en particulier par une politique de réappropriation du littoral par la puissance publique sous les auspices du Conservatoire du littoral et la création de parcs nationaux. Aussi, le nouveau cadre juridique fourni par le protocole permettra-t-il surtout de conférer une reconnaissance internationale à des initiatives engagées indépendamment de la conclusion du présent protocole. Certaines zones protégées du territoire national pourraient dès lors être proposées comme ASPIM. Encore devront-elles présenter un caractère véritablement exceptionnel tant du point de vue de leur diversité biologique que de leur importance au seins de l'écosystème marin. Le parc national de Port Cros, la réserve naturelle de Scandola (Corse) -futur parc national- pourraient répondre à ces conditions.

De même, dans un cadre bilatéral, la mise en place prochaine du parc international marin dans les Bouches de Bonifacio entre la France et l'Italie, pourrait-elle bénéficier de la reconnaissance internationale apportée par les ASPIM.

A ce jour, toutefois, l'initiative la mieux à même d'entrer dans la catégorie des ASPIM reste la création du sanctuaire pour les mammifères marins en Méditerranée, créé par la France de concert avec l'Italie et la Principauté de Monaco. Ce sanctuaire a pour objectif de préserver les populations de cétacés (1000 baleines et 25 000 dauphins) dans une zone comprise entre la presqu'île de Giens, le nord de la Sardaigne et le sud de la Toscane -soit quelque 83 000 km2 de superficie marine (y compris en haute mer).

Les trois Etats ont pris dans le cadre de cet accord un double engagement :

- coopérer pour mieux connaître et surveiller l'état des populations de mammifères marins et évaluer les risque auxquels elles peuvent se trouver confrontées ;

- faire respecter, par leurs ressortissants et les navires battant leur pavillon, plusieurs règles propres à permettre à ces espèces d'évoluer normalement dans leur aire de répartition (en particulier, l'interdiction totale, à compter du 1 er janvier 2002, de l'utilisation et de la détention de filets maillants dérivants). La coordination de l'action entre les trois Etats incombera à un comité de gestion et à un organe scientifique et technique au sein duquel les représentants des milieux socio-économiques et les organisations non gouvernementales seront associés aux scientifiques.

Par ailleurs, des discussions pourront être engagées avec l'Espagne pour la création en continuité de l'aire protégée dans le bassin corso-liguro-provençal d'un sanctuaire pour les mammifères marins dans une zone sensible autour des Baléares.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page