EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Interdiction des dispositifs électroniques de vapotage à usage unique

Cet article vise à fixer l'interdiction de la fabrication, de la vente et de la distribution ou de l'offre à titre gratuit des dispositifs électroniques de vapotage à usage unique. Cette interdiction s'appliquerait dans le territoire des îles Wallis et Futuna.

La commission a adopté cet article modifié par plusieurs amendements de précision.

* À titre liminaire, dans le respect des dispositions de l'article 5.3 de la convention-cadre pour la lutte antitabac de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), lesquelles exigent des parties l'ayant ratifié qu'elles veillent à ce que leurs politiques de santé publique ne soient pas influencées par les intérêts commerciaux de l'industrie du tabac, il est précisé qu'une attention particulière a été portée à l'examen de tels liens d'intérêt à l'occasion des auditions menées et des contributions sollicitées pour l'instruction de la présente proposition de loi.

** Dans le présent commentaire, les termes « dispositif électronique de vapotage », « cigarette électronique » et « puff » sont employés indistinctement.

I - Le dispositif proposé

A. L'essor des dispositifs électroniques de vapotage à usage unique, préoccupant sur les plans sanitaire et environnemental, profite d'un cadre normatif défaillant

1. Le marché de la puff, qui vise à capter de nouveaux consommateurs de nicotine, est porteur de risques multiples

a) Les jeunes, cible privilégiée des industriels, sont particulièrement vulnérables à la dépendance nicotinique et exposés aux risques liés à l'usage des puffs

Les études statistiques les plus récentes soulignent que l'usage de la cigarette électronique chez les adolescents est en nette progression, à l'inverse du tabac. L'âge moyen de son expérimentation a diminué - 15 ans en 2022 - et celle-ci progresse de + 4,5 points entre 2017 et 2022 pour s'établir à 56,9 % chez les jeunes de 17 ans. En parallèle, l'usage quotidien de la cigarette électronique à 17 ans a triplé, s'élevant à 6,2 %11(*). Cet usage est plus marqué parmi les populations les moins favorisées socialement, notamment les jeunes déscolarisés, en apprentissage et en lycées professionnels.

Évolution de l'âge moyen d'expérimentation du tabac et du vapotage

Source : Société française de santé publique, État des lieux de la situation du tabagisme en France : tendances observées et nouveaux enjeux, p. 30

L'expérimentation et l'usage quotidien de la cigarette électronique dépassent donc désormais ceux du tabac, dont la consommation connaît ces dernières années un recul substantiel, particulièrement marqué chez les jeunes. Cette tendance est vraisemblablement liée au renforcement progressif de la politique de lutte contre le tabagisme12(*).

Le marché de la cigarette électronique a vu apparaître il y a quelques années les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique, ou puffs. Ces produits connaissent un succès grandissant sur le marché français depuis 2021, notamment auprès des plus jeunes. Alors que jusque fin 2021, les cigarettes jetables représentaient moins de 4 % des références notifiées aux autorités en France, fin 2023, leur proportion s'élevait à près de 30 %13(*).

Selon une récente enquête14(*), 15 % des adolescents de 13 à 16 ans ont déjà utilisé une puff et 47 % de ces jeunes usagers déclarent avoir commencé leur initiation à la nicotine avec ce produit. Par ailleurs, les données de l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives démontrent une tendance à la superposition des usages de la cigarette de tabac et du vapotage15(*).

La nicotine est une drogue dure particulièrement addictive, dont il est relativement plus difficile de se sevrer que de l'alcool, de la cocaïne ou des opioïdes16(*). Ses effets se révèlent en outre plus marqués chez les jeunes, dont le développement cérébral n'est pas parvenu à maturité.

La nicotine contenue dans les puffs se présente sous forme de sels, considérés comme plus addictifs. Son effet se verrait en outre intensifié par les puffs en raison de son mode de consommation par inhalation, qui conduirait à l'absorption de doses plus importantes de nicotine. Dans un avis du 3 mars 202217(*), l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) indiquait que « l'utilisation de modificateurs d'acidité ou l'ajout de nicotine sous forme de sels [...] facilite l'inhalation de nicotine ». La consommation de nicotine est par ailleurs associée à une augmentation des troubles anxio-dépressifs, à des troubles cognitifs et plus généralement, à une dégradation de la santé mentale des usagers.

Comment fonctionne un dispositif électronique de vapotage18(*) ?

Un liquide contenant des substances chimiques est chauffé par une résistance pour former un aérosol et permettre l'inhalation de vapeur.

Si les conséquences de la consommation de nicotine sont bien documentées, tel n'est pas le cas des impacts liés aux autres substances contenues dans les dispositifs électroniques de vapotage. Certaines études scientifiques récentes mettent en évidence une exposition à des substances cancérigènes et des risques accrus de lésions pulmonaires19(*) ou respiratoires liées à l'inhalation de molécules chauffées contenues dans le liquide de vapotage20(*). Toutefois, les recherches en la matière sont encore récentes et les autorités sanitaires et scientifiques s'accordent pour reconnaître qu'elles doivent être consolidées. L'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), dans un rapport sur les nouveaux produits du tabac et de la nicotine21(*), avait relevé le manque d'études épidémiologiques de long terme évaluant les impacts en termes de morbidité et de mortalité associés à ces produits du vapotage.

Qualifiés de produits de consommation courante, les produits du vapotage sont soumis à l'obligation générale de sécurité qui incombe aux producteurs et aux distributeurs, en application de l'article L. 421-3 du code de la consommation22(*).

Composition des e-liquides

Quatre types de substances entrent dans la composition des liquides des cigarettes électroniques, qu'elles soient jetables ou rechargeables :

- la base ou solvant, mélange de glycérol et de propylène glycol, sert de diluant et de support d'arôme ;

- les arômes ;

- la nicotine, dont le taux ne peut excéder 20 milligrammes par millilitre.

En revanche, les produits du vapotage ne contiennent pas de tabac.

L'Anses a établi une liste de 106 substances entrant dans la composition des liquides des cigarettes électroniques devant faire l'objet d'une évaluation prioritaire - notamment le formaldéhyde, l'acroléine ou le plomb - en raison du danger qu'elles représentent et notamment de leur caractère cancérogène, mutagène ou de leur effet toxique pour la reproduction. En 2023, l'Anses s'est autosaisie pour procéder à une évaluation des risques sanitaires découlant de l'usage des produits connexes du tabac dont les produits du vapotage. Son étude devrait être rendue publique en 2025.

Alors que 70 % des e-liquides consommés en France sont produits sur le territoire français, les cigarettes électroniques jetables ou à usage unique sont principalement fabriquées en Chine.

b) Une stratégie promotionnelle efficace au service de logiques commerciales décomplexées

La cigarette électronique jetable présente plusieurs atouts pour les consommateurs. Très accessible, elle est à la fois facile à utiliser
- pré-remplie de liquide et entièrement automatisée - et peu onéreuse, son prix oscillant entre 8 et 12 euros pour une puff de 600 à 2 000 bouffées. La diversification de l'offre a aussi vu émerger de nouveaux modèles à durée d'utilisation prolongée, dont le coût est compris entre 15 et 20 euros. Vendues aussi bien chez les buralistes et dans les boutiques spécialisées que dans les magasins de grande distribution, de décoration et sur internet, le réseau de distribution très ouvert a facilité leur diffusion rapide.

L'accessibilité de la puff est en outre relayée par une stratégie marketing ciblant directement un public adolescent, sensible aux emballages colorés inspirés des univers enfantins et à l'utilisation d'une gamme d'arômes de fruits et de confiserie qui rendent ces produits particulièrement attractifs et désirables. Les stratégies publicitaires et de communication déployées sur les réseaux sociaux, en dépit de l'interdiction de toute publicité en faveur des produits du vapotage23(*), traduisent un modèle promotionnel très offensif. Une étude publiée dans la revue Tobacco Control24(*) démontre le rôle d'un abondant réseau d'influenceurs présents sur Tik Tok ou Instagram qui permettent aux marques de développer un marketing d'influence.

En s'appuyant sur les codes de consommation d'un public allant des pré-adolescents aux jeunes adultes, les fabricants ont adopté une stratégie encourageant et banalisant l'usage récréatif de la cigarette électronique à usage unique, affiché comme un accessoire de mode. Dans une optique purement commerciale, les risques associés à ses ingrédients peuvent être volontairement minimisés voire occultés (« Sensations garanties grâce aux sels de nicotine ! »25(*)).

Qualifiées de piège pour les enfants et les adolescents par l'Académie nationale de médecine26(*), les nouvelles cigarettes électroniques à usage unique apparaissent comme un outil de prédation vis-à-vis des jeunes générations, sans rapport avec l'enjeu de réduction des risques qui peut être défendu pour le vapotage de fumeurs engagés dans un processus de sevrage tabagique.

Depuis leur émergence, les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique n'ont cessé d'évoluer. Initialement conçus avec un réservoir relativement petit, certaines nouvelles gammes contiennent entre 9 000 et 12 000 bouffées avec de la nicotine à haute dose (2 %), soit l'équivalent de 18 paquets de cigarettes27(*). Les nouveaux produits disposent de batteries rechargeables une à deux fois, pour augmenter le nombre de bouffées à inhaler. De nouveaux modèles sont aussi commercialisés comme « rechargeables et jetables » pour échapper à la qualification de l'usage unique, grâce à un réservoir non remplaçable pouvant être rempli jusqu'à trois fois avant d'être jeté.

La transformation continue de ces produits répond à une stratégie marketing offensive. Elle constitue aussi, pour les industriels, un moyen de contourner les réglementations en vigueur dans les pays qui visent à encadrer les produits du vapotage plus traditionnels et ceux comportant de la nicotine. Ce constat conduit souvent le législateur à agir en réaction au marché.

De même, les circuits de distribution se diversifient, prenant appui sur les réseaux sociaux et le commerce en ligne et multipliant les possibilités d'entorses à la législation en vigueur.

c) Une inconséquence environnementale à contre-courant des enjeux de transition écologique

L'apparition et le développement des cigarettes électroniques à usage unique représentent une menace pour l'environnement. Si aucune donnée relative au volume de déchets générés en France par les produits du vapotage électronique ne semble disponible à ce jour, une enquête de l'organisation non gouvernementale Material Focus indiquait que cinq millions de puffs étaient jetées chaque semaine au Royaume-Uni28(*), soit un volume multiplié par quatre depuis le dernier relevé il y un an. Ces nouveaux déchets produits en quantités s'ajoutent aux 30 milliards de mégots déjà jetés en France chaque année.

Incluant des plastiques, des métaux lourds (plomb, mercure) et du lithium, la production des cigarettes électroniques jetables repose sur des ressources naturelles rares et s'appuie sur des industries particulièrement polluantes. Conçue pour une durée de vie très limitée, la batterie de ces dispositifs, constituée de lithium, est pourtant non amovible. La production des cigarettes électroniques à usage unique soulève une problématique de responsabilité collective évidente et va à l'encontre des principes et objectifs de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, qui vise à transformer les modèles de production, en fixant des étapes pour sortir du plastique à usage unique et en imposant aux fabricants de développer des actions d'écoconception.

Ces dispositifs, qui génèrent une nouvelle accumulation de déchets, se révèlent à la fois difficiles à collecter et pratiquement impossibles à recycler. N'étant pas identifiés comme appartenant à la filière des équipements électriques et électroniques (EEE), les puffs sont le plus souvent jetées avec les ordures ménagères, en raison d'un défaut d'information des consommateurs sur la nature de ces dispositifs et d'une faible sensibilisation au tri. Même lorsqu'ils sont collectés, l'impossibilité d'extraire mécaniquement la batterie et la petite taille de ces équipements29(*) les rend quasiment non recyclables en pratique, sauf à y mettre des moyens conséquents pour procéder à une dépollution manuelle. D'autant que si ces dispositifs constituent bien des équipements électriques et électroniques (EEE), les piles et accumulateurs relèvent encore d'une autre filière de recyclage ; or l'inamovibilité de la batterie ne permet pas de procéder à la dépollution de ces déchets dans le respect des filières.

Enfin, la problématique du traitement du lithium dans les centres de tri et de recyclage comporte des risques d'incendies qui menacent la sécurité des travailleurs. En France, un centre de tri est en moyenne détruit chaque année, principalement en raison du traitement des batteries et piles rechargeables au lithium. En l'absence de filière dédiée de collecte et de recyclage, l'accumulation des déchets issus des puffs augmente considérablement ce risque.

Pourtant, l'article L. 541-10 du code de l'environnement qui fixe le principe de responsabilité élargie du producteur (REP) prévoit qu' « il peut être fait obligation aux producteurs, importateurs et distributeurs de ces produits ou des éléments et matériaux entrant dans leur fabrication de pourvoir ou de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets qui en proviennent. » Selon ce principe, il revient aux producteurs et aux distributeurs de financer et d'organiser des solutions de collecte et de réutilisation ou de recyclage de leurs produits. De fait, la responsabilité élargie du producteur qui exige de pourvoir à la gestion de la fin de vie des équipements demeure assez largement théorique pour ces nouveaux dispositifs.

2. Un cadre normatif devenu inadapté face au développement de nouveaux produits du tabac et de la nicotine

a) Un cadre européen vieillissant

La directive 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, et abrogeant la directive 2001/37/CE, entrée en vigueur le 19 mai 2014 et transposée par les États membres au plus tard le 20 mai 2016, poursuit deux objectifs :

- harmoniser à l'échelle de l'Union européenne les règles portant sur la fabrication, la présentation et la vente des produits du tabac et des produits connexes, pour garantir le bon fonctionnement du marché intérieur et la libre circulation des biens dans l'Union européenne ;

- assurer un niveau de protection élevé de la santé des usagers, en s'appuyant sur l'évolution des connaissances scientifiques concernant l'usage de ces produits.

Ces deux objectifs sont formulés par le considérant 21 de la directive, qui indique que « conformément à l'objet de la présente directive, à savoir faciliter le bon fonctionnement du marché intérieur des produits du tabac et des produits connexes en prenant pour base un niveau élevé de protection de la santé, notamment chez les jeunes, et conformément à la recommandation 2003/54/CE du Conseil, il convient d'encourager les États membres à empêcher la vente de ces produits aux enfants et aux adolescents en adoptant des mesures appropriées visant à fixer des limites d'âge et à les faire respecter. »

Le champ de la directive couvre les cigarettes, le tabac à rouler, le tabac à pipe, les cigares, les cigarillos, les nouveaux produits du tabac, les cigarettes électroniques et les produits à fumer à base de plantes. Toutefois, en l'espace de dix ans, ces produits et leurs usages se sont largement diversifiés. Or le cadre communautaire n'intègre pas ces évolutions. Il peut en résulter des rigidités pour les États membres qui souhaitent adapter leurs législations nationales.

Parmi les règles fixées par directive, l'article 20 prévoit notamment :

- la limitation à 2 millilitres du volume des cartouches et réservoirs des cigarettes électroniques jetables ou à usage unique et le seuil maximal de 20 milligrammes par millilitre de nicotine dans le liquide qu'elles contiennent ;

- diverses prescriptions relatives au conditionnement des cigarettes électroniques, à leurs ingrédients et additifs ;

- l'obligation de n'utiliser pour la fabrication du liquide contenant de la nicotine que des ingrédients de haute pureté et qui, chauffés ou non, ne présentent pas de risques pour la santé humaine, à l'exception de la nicotine ;

- l'interdiction de toute communication commerciale dans les services de la société de l'information, la presse et toute publication imprimée, ayant pour effet de promouvoir même indirectement les dispositifs de vapotage, à l'exception des publications destinées exclusivement aux professionnels de ce secteur commercial.

Enfin, ce même article prévoit qu'il revient aux États membres de surveiller « l'évolution du marché en ce qui concerne les cigarettes électroniques et les flacons de recharge, et notamment tous les éléments indiquant que l'utilisation de ces produits est un point d'entrée, pour les jeunes et les non-fumeurs, d'une dépendance à la nicotine et finalement à la consommation traditionnelle de tabac. » Pourtant, en échouant à appréhender la diversification du marché et les stratégies commerciales offensives déployées auprès des enfants et des adolescents, la réglementation européenne apparaît figée.

Dans un rapport sur l'application de la directive 2014/40/UE en date du 20 mai 2021, la Commission européenne souligne et reconnaît30(*) :

- la grande diversité du marché de la cigarette électronique, qui recense pas moins de 300 000 produits, et l'augmentation des investissements des industries du tabac dans le secteur de la cigarette électronique ;

- l'inquiétante popularité de ces dispositifs chez les jeunes, la variété des arômes contribuant à rendre ces produits désirables auprès des adolescents et dissimulant leur nocivité ;

- la difficulté à faire appliquer l'interdiction de toute publicité et à protéger les publics les plus jeunes, compte tenu de leur exposition aux réseaux sociaux et à internet ;

- le manque de données scientifiques consolidées sur les effets à long terme des dispositifs électroniques de vapotage. La Commission rappelle que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) « a conclu qu'il n'existait aucune preuve solide de la sécurité des cigarettes électroniques, mais qu'il y avait de plus en plus de données à l'appui de leur nocivité » et que malgré le recueil de preuves modérées du fait que les cigarettes électroniques constitueraient pour les jeunes une passerelle vers le tabagisme, il existe « des preuves solides du fait que les arômes contribuent de manière importante à l'attractivité de la cigarette électronique et au début du tabagisme. »

Ce rapport, établi cinq ans après l'échéance maximale de transposition en droit interne de la directive 2014/40/UE, prend acte de la nécessité d'adapter le cadre normatif aux nouvelles évolutions du marché.

b) Un cadre national qui échoue à réguler les nouveaux produits et usages du vapotage électronique

Les dispositions législatives régissant les produits du vapotage, codifiées aux articles L. 3513-1 à L. 3513-19 du code de la santé publique, ont été créées par l'ordonnance n° 2016-623 du 19 mai 2016 portant transposition de la directive 2014/40/UE sur la fabrication, la présentation et la vente des produits du tabac et des produits connexes. Cette ordonnance a remplacé le titre Ier du livre V de la troisième partie du code de la santé publique par un titre Ier intitulé « Lutte contre le tabagisme », comprenant cinq chapitres31(*), dont un chapitre III relatif aux produits du vapotage.

Selon l'article L. 3513-1 du code de la santé publique, les termes « produits du vapotage » désignent à la fois les dispositifs électroniques de vapotage, rechargeables ou jetables, « c'est-à-dire des produits, ou tout composant de ces produits, y compris les cartouches, les réservoirs et les dispositifs dépourvus de cartouche ou de réservoir, qui peuvent être utilisés, au moyen d'un embout buccal, pour la consommation de vapeur contenant le cas échéant de la nicotine », et les flacons de recharge.

Les dispositions législatives applicables à l'ensemble des produits du vapotage, codifiées aux articles L. 3513-1 à L. 3513-6, fixent notamment :

- l'interdiction de la propagande ou de la publicité, directe ou indirecte, en faveur des produits du vapotage32(*) ;

- l'interdiction de vendre ou d'offrir gratuitement, dans les débits de tabac et tous commerces ou lieux publics, des produits du vapotage à des mineurs de moins de dix-huit ans33(*) ;

- l'interdiction de vapoter dans certains espaces, en particulier les établissements scolaires et ceux destinés à l'accueil, à la formation et à l'hébergement des mineurs, les moyens de transport collectif fermés et les lieux de travail fermés et couverts à usage collectif34(*).

Les produits du vapotage contenant de la nicotine sont régis par des dispositions spécifiques, codifiées aux articles L. 3513-7 à L. 3513-19. Ces articles prévoient :

- des dispositions précisant les ingrédients autorisés35(*) et les additifs interdits, notamment ceux qui facilitent l'inhalation ou l'absorption de nicotine ou ceux qui, sans combustion, présentent des propriétés cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction humaine ;

- que « seuls sont utilisés, à l'exception de la nicotine, des ingrédients qui, chauffés ou non, ne présentent pas de risques pour la santé humaine » et qu'une teneur maximale en nicotine est déterminée par arrêté du ministre chargé de la santé36(*) ;

- la remise à l'Anses, par les fabricants et importateurs, d'un dossier de notification par marque et type de produit, contenant des précisions sur la composition, les émissions, les données toxicologiques, les composants et le processus de fabrication du produit six mois avant la mise sur le marché37(*) ;

-un système de collecte d'informations sur les effets indésirables présumés de ces produits pour la santé humaine, à la charge des fabricants, importateurs et distributeurs38(*) ;

- qu'un arrêté ministériel définit le volume maximal du réservoir des dispositifs électroniques de vapotage jetables et des cartouches à usage unique et des flacons de recharge contenant de la nicotine39(*) ;

- des dispositions relatives aux conditionnements et étiquetages des produits du vapotage40(*).

À noter que la procédure de déclaration des produits auprès de l'Anses ne constitue pas une autorisation de mise sur le marché. L'Anses n'évalue pas les produits ni ne valide leur mise sur le marché.

Ces dispositions législatives sont déclinées par divers textes réglementaires, dont l'arrêté du 19 mai 2016 relatif aux produits du vapotage contenant de la nicotine. En application de l'article L. 3513-8, l'arrêté fixe la teneur maximale en nicotine de ces produits à 20 milligrammes par millilitre et, en application de l'article L. 3513-15, le volume des réservoirs et cartouches pré-remplis à 2 millilitres et celui des flacons de recharge à 10 millilitres.

Pour les autres produits du vapotage ne contenant pas de nicotine, le code de la santé publique ne prévoit pas de dispositions spécifiques.

En tant que biens de consommation courante, les produits du vapotage sont soumis aux dispositions du code de la consommation. Qu'ils soient jetables ou rechargeables, ils ne sont pas soumis à la fiscalité propre aux produits du tabac. Alors que les taxes représentent environ 80 % du prix d'un paquet cigarette, seule la TVA à 20 % s'applique aux dispositifs de vapotage électronique.

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, le Sénat avait voté en novembre 2022 l'instauration d'une taxe dissuasive sur les seuls produits du vapotage à usage unique, à l'exclusion des dispositifs rechargeables, considérant que ces produits constituent une porte d'entrée dans le tabagisme pour les adolescents. Ce dispositif fiscal n'avait finalement pas été retenu dans le texte définitif.

Malgré un cadre législatif et réglementaire étoffé, plusieurs des textes et dispositions mentionnés demeurent difficiles à faire appliquer.

L'omniprésence des réseaux sociaux déjà évoquée expose particulièrement les jeunes publics et joue un rôle actif dans la promotion des puffs. Selon le Comité national de lutte contre le tabagisme (CNCT), sur 1 099 publicités référencées en 2023 sur les réseaux sociaux en faveur des nouveaux produits du tabac et de la nicotine, 27 % concernaient strictement les cigarettes électroniques jetables41(*).

Comme pour les produits du tabac, l'interdiction de vente des produits du vapotage aux mineurs est régulièrement enfreinte. Une enquête du CNCT, mentionnée par le Plan national de lutte contre le tabagisme 2023-2027 du Gouvernement, indique que deux tiers des buralistes vendraient des produits du tabac aux mineurs. Plus d'un quart des adolescents mineurs estime qu'il est facile d'acheter et de se procurer des puffs malgré l'interdiction légale en vigueur42(*). La multiplicité des points de vente et l'absence de contrôle des achats en ligne ne permettent pas de garantir l'effectivité de cette interdiction de vente aux mineurs. La question des moyens de contrôle et du caractère dissuasif des sanctions est donc posée43(*).

Par ailleurs, nombre de produits non conformes sont vendus et achetés sur les réseaux sociaux ou les sites de e-commerce étrangers, ne respectant pas les formats des réservoirs ou le taux de nicotine dans les liquides de vapotage (jusqu'à 50 mg/mL au lieu de 20 mg/mL).

L'interdiction de vapoter dans les établissements scolaires se révèle également difficile à faire respecter, d'après les associations de lutte contre le tabagisme qui indiquent recenser une augmentation des demandes d'intervention, dans certaines académies, pour sensibiliser les élèves à la nocivité des produits du vapotage.

Les infractions sont ainsi multiples et régulières. Elles témoignent d'une difficulté manifeste à opérer des contrôles et à réaliser des constats de flagrance pour sanctionner le non-respect de la loi.

B. L'interdiction générale des dispositifs électroniques de vapotage s'inscrit dans l'édifice réglementaire européen

1. Une interdiction générale en réponse à la mise en échec de la législation française actuelle

a) Se doter d'un cadre législatif englobant et agile face à l'émergence de nouveaux usages

Constatant l'échec de la législation en vigueur à protéger les jeunes consommateurs de l'expérimentation et de l'usage de la nicotine, et prenant acte du risque que représente la banalisation des dispositifs électroniques de vapotage à usage unique, le présent article vise à créer une interdiction générale de ces produits. À cette fin, il propose la création d'un nouvel article L. 3513-5-1 fixant l'interdiction de la fabrication, de la vente et de la distribution ou de l'offre à titre gratuit des dispositifs électroniques de vapotage à usage unique (1° du I)44(*). Les cartouches, mentionnées à l'article L. 3513-1 comme relevant des dispositifs électroniques de vapotage, sont explicitement exclues du périmètre de l'interdiction.

L'interdiction en vigueur de vente ou d'offre à titre gratuit des produits du vapotage, circonscrite aux mineurs, deviendrait ainsi générale pour les seuls dispositifs jetables ou à usage unique.

La mention d' « usage unique » complète celle de « jetable » pour que l'interdiction puisse s'appliquer aux dispositifs à batterie non rechargeable et aux nouveaux dispositifs à batterie rechargeable. Cette mention s'inspire de la terminologie employée dans la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, qui prévoit qu'il est mis fin à la mise à disposition de certains produits en plastique à usage unique, notamment les gobelets, verres et assiettes « jetables » à compter du 1er janvier 2020. Le terme « jetable » vise donc y compris des produits susceptibles d'être réemployés.

Les 2° à 6° du I constituent des dispositions rédactionnelles et de coordination juridique :

- le 2° et le 3° visent à supprimer la mention des dispositifs électroniques de vapotage jetables des articles L. 3513-7 et L. 3513-15, relatifs respectivement aux ingrédients et additifs autorisés et au volume maximal du réservoir et des flacons de recharge pour les dispositifs électroniques de vapotage contenant de la nicotine ;

- le 4°, dans un souci de lisibilité, vise à créer une nouvelle section 3 « Dispositions diverses » afin d'isoler l'article L. 3513-19, qui prévoit que les conditions d'application du présent chapitre sont déterminées par un décret en Conseil d'État ;

- le 5° et le b du 6° permettent de viser le nouvel article L. 3513-5-1 aux articles L. 3515-1 et L. 3515-2, lesquels fixent les dispositions relatives aux contrôles et à la constatation des infractions concernant l'interdiction de vendre ou d'offrir gratuitement aux mineurs des produits du vapotage et l'interdiction de vapoter dans certains lieux publics à usage collectif. Précisément, en application du principe de légalité des délits et des peines, le b du 6° institue une sanction de 100 000 euros d'amende en cas de violation de l'interdiction prévue à l'article L. 3513-5-1.

L'entrée en vigueur de ce texte ne nécessiterait aucune mesure réglementaire.

b) Une atteinte à la liberté d'entreprendre proportionnée et justifiée par l'objectif de protection de la santé publique

Le Conseil constitutionnel a consacré la liberté d'entreprendre au rang de liberté publique dans une décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982, Loi de nationalisation. Toutefois, cette liberté n'étant ni générale ni absolue, le Conseil constitutionnel a précisé « qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi »45(*).

Sous ces réserves, l'atteinte portée à la liberté d'entreprendre par l'interdiction des dispositifs électroniques de vapotage à usage unique n'encourt pas la censure du juge constitutionnel.

L'atteinte semble ici tout à fait justifiée par l'objectif de protection de la santé publique. La protection de la santé publique a été reconnue par le Conseil constitutionnel comme un objectif à valeur constitutionnelle dans une décision du 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France46(*), sur le fondement de l'alinéa 11 du préambule de la Constitution française de 1946.

L'atteinte portée à la liberté d'entreprendre est également proportionnée dès lors que seule une catégorie bien définie des produits du vapotage fait l'objet d'une interdiction, en raison de ses caractéristiques propres et des risques sanitaires et environnementaux qu'elle comporte. Le marché de la puff ne représente d'ailleurs qu'un fragment limité du marché de la cigarette électronique47(*). À cet égard, le Conseil constitutionnel a jugé dans une décision n° 2016-737 DC du 4 août 2016 que l'atteinte à la liberté d'entreprendre des personnes commercialisant des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes et des semences traitées avec ces produits n'était pas manifestement disproportionnée au regard de l'objectif de protection de la santé publique48(*).

Il convient par ailleurs de noter que l'interdiction concerne la fabrication, la vente et la distribution ou l'offre à titre gratuit des dispositifs électroniques de vapotage à usage unique ou jetables. Il en résulte plusieurs conséquences :

- il ne serait pas interdit d'importer sur le territoire de tels dispositifs49(*) ;

- il ne serait pas interdit de consommer de tels dispositifs.

S'agissant de l'absence d'interdiction d'importation, le seul transit des dispositifs électroniques de vapotage à usage unique reste donc autorisé. Cette hypothèse apparaît très circonscrite dès lors qu'il n'est pas possible de fabriquer ni de commercialiser les dispositifs sur le territoire français. En revanche, une interdiction d'importation pourrait soulever des difficultés supplémentaires au regard du droit européen en ce qu'elle porte atteinte à la libre circulation des marchandises.

Les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique ne seraient donc pas des marchandises prohibées. Elles pourraient en toute hypothèse être consommées en France suite à un achat à l'étranger, y compris par des touristes étrangers.

2. Une mesure qui prend appui sur la réglementation européenne et encourage son évolution

a) Une interdiction pour des motifs spécifiques à la situation française et justifiée par la nécessité de protéger la santé publique

La directive 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, qui harmonise les règles applicables dans les États membres concernant les produits du tabac et les produits connexes, rappelle dans son article 24 le principe de libre circulation des marchandises :

« 1.   Les États membres ne peuvent, pour des considérations relatives aux aspects réglementés par la présente directive et sous réserve des paragraphes 2 et 3 du présent article, interdire ni restreindre la mise sur le marché des produits du tabac ou des produits connexes dès lors qu'ils sont conformes à la présente directive. »

Les paragraphes 2 et 3 du même article déterminent toutefois les marges de manoeuvre dont disposent les États membres pour fixer des règles ayant pour objet :

- soit de maintenir ou d'instaurer des exigences nouvelles, applicables à tous les produits mis sur le marché, concernant la standardisation des conditionnements des produits du tabac (paragraphe 2) ;

- soit d'interdire une certaine catégorie de produits du tabac ou de produits connexes, sous réserve que cette interdiction réponde à « des motifs relatifs à la situation spécifique dudit État membre et à condition que ces dispositions soient justifiées par la nécessité de protéger la santé publique, compte tenu du niveau élevé de protection de la santé humaine qu'assure la présente directive » (paragraphe 3).

Dans les deux cas, les États membres ont obligation de notifier les mesures qu'ils envisagent de prendre à la Commission européenne, à l'appui des motifs justifiant leur instauration. En l'espèce, il reviendra à la France de notifier les dispositions de la présente proposition de loi sur le fondement du paragraphe 3 de l'article 24 de la directive précitée.

La Commission disposera de six mois pour approuver ou rejeter les dispositions nationales à compter de la date de réception de la notification. Pour se prononcer, la Commission appréciera si les dispositions nationales apparaissent « justifiées, nécessaires et proportionnées au vu de leur objectif, compte tenu du niveau élevé de protection de la santé humaine qu'assure la présente directive, ou si elles constituent ou non un moyen de discrimination arbitraire ou une restriction déguisée du commerce entre les États membres. » En cas de silence, l'avis de la Commission sera réputé favorable.

En outre, la Commission européenne devra, préalablement à l'adoption définitive de la présente proposition de loi, être saisie sur le fondement de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015, en ce que la proposition de loi peut être regardée comme créant une entrave à la libre circulation des marchandises. Cette directive prévoit en effet une procédure d'information de la Commission dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information, les États membres ayant obligation de lui notifier tout projet de réglementation afin de garantir leur conformité avec le droit européen. Un délai minimal de trois mois, renouvelable une fois, doit s'écouler entre la notification et l'adoption du texte. En cas de non-respect de cette procédure d'information préalable, le texte national ne peut être opposable.

Le Gouvernement envisage de conduire en parallèle les deux procédures de notification.

La France n'est pas isolée dans cette démarche et d'autres pays européens envisagent d'interdire les dispositifs de vapotage à usage unique sur le fondement du paragraphe 3 de l'article 24 de la directive 2014/40/UE. L'Allemagne et l'Irlande ont initié des travaux, tandis que la Belgique est l'État de l'Union européenne le plus avancé dans la démarche d'interdiction. Après l'envoi d'études complémentaires à son premier dossier de notification en septembre 2023, l'avis de la Commission devrait être connu en mars 2024.

b) Un cadre européen en mutation : des réflexions initiées pour actualiser la directive « tabac » et une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux

Le rapport de la Commission européenne du 20 mai 2021 portant sur l'application de la directive 2014/40/UE en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes rappelle que plusieurs États membres se sont saisis de la possibilité ouverte par le paragraphe 3 de l'article 24, pour interdire une certaine catégorie de produits du tabac. La Commission a approuvé les dispositions nationales lui ayant été notifiées dans trois situations par les États membres50(*).

Ce rapport souligne la diversification des usages et produits, que le cadre réglementaire de l'Union européenne peine à saisir. Une actualisation de la réglementation en vigueur apparaîtrait nécessaire. Le rapport souligne ainsi la nécessité de faire évoluer « le cadre réglementaire de l'UE [qui] ne s'applique pas à tous les nouveaux produits du tabac51(*) ni à tous les produits émergents et n'offre pas une souplesse suffisante pour faire face au développement rapide des produits. »

Les études scientifiques et méta-analyses se multiplient, attestant de la nocivité des produits commercialisés, et la volonté politique est forte dans plusieurs États membres d'encadrer plus strictement ou d'interdire certains dispositifs. En France, le projet d'interdiction des dispositifs de vapotage électroniques à usage unique est porté autant par les parlementaires que par le Gouvernement, qui l'a inscrit comme l'une des mesures du plan national de lutte contre le tabac (PNLT) 2023-2027.

Ce rapport, prenant en compte les évolutions du marché des produits du tabac et des cigarettes électroniques ainsi que les connaissances scientifiques les plus récentes, devrait constituer un support pour actualiser la directive de 2014. En février 2023, la Commission européenne a ouvert une consultation publique sur les performances du cadre législatif actuel de lutte antitabac et sur les possibilités d'amélioration de ce cadre. Pour mémoire, le Plan européen de lutte contre le cancer vise d'ici à 2040 une génération sans tabac dans laquelle moins de 5 % de la population européenne consommerait du tabac.

Concernant la réglementation européenne en matière de traitement et de recyclage des déchets, le règlement (UE) 2023/1542 du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2023 relatif aux batteries et aux déchets de batteries, modifiant la directive 2008/98/CE et le règlement (UE) 2019/1020, et abrogeant la directive 2006/66/CE, a fixé de nouveaux objectifs en matière de réemploi, réaffectation et recyclage des batteries. Pour limiter l'empreinte environnementale de la production des batteries, qui connaît une croissance exponentielle et qui concentre 60 % de la production mondiale de lithium, ce règlement vise à interdire les dispositifs contenant des batteries inamovibles. Pour cela, il fixe de nouvelles exigences en matière de conception des équipements électriques et électroniques, afin de garantir l'extraction des batteries et de faciliter leur recyclage.

L'article 11, paragraphe 1, de ce règlement indique que « toute personne physique ou morale qui met sur le marché des produits incorporant des batteries portables s'assure que ces batteries sont faciles à retirer et à remplacer par l'utilisateur final à tout moment pendant la durée de vie du produit » et précise qu' « une batterie est considérée comme facilement amovible par l'utilisateur final lorsqu'elle peut être retirée d'un produit à l'aide d'outils disponibles dans le commerce, sans nécessiter le recours à des outils spécialisés, à moins que ceux-ci ne soient fournis gratuitement avec le produit, ou à des outils exclusifs, à de l'énergie thermique ou à des solvants pour démonter le produit. »

Ces dispositions sont applicables à compter du 18 février 202752(*). En ce sens, la présente proposition de loi anticipe l'entrée en vigueur de ces nouvelles règles.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a, dans le cadre de la procédure de législation en commission prévue par son règlement, adopté plusieurs amendements ayant notamment pour objet de :

- prévoir l'application de l'interdiction des dispositifs électroniques de vapotage à usage unique dans le territoire des îles de Wallis et Futuna ;

- supprimer le II de l'article 1er, déjà satisfait par les dispositions de l'article L. 3513-19 du code de la santé publique.

L'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi modifié.

III - La position de la commission

Le rapporteur considère que le succès des puffs est préoccupant dès lors qu'il cible directement des publics jeunes, vulnérables à la dépendance nicotinique. Rendue désirable par la gamme d'arômes développée par les industriels, la puff constitue une nouvelle voie d'expérimentation de la nicotine pour les adolescents et peut conduire à les initier à un usage régulier. Les enjeux environnementaux associés à cette production soulèvent en outre une question de responsabilité collective, et même d'ordre éthique.

À cet égard, la commission a souligné la différence d'approche qui devait prévaloir entre les puffs et le vapotage électronique dans son ensemble. En effet, le secteur « traditionnel » de la vape répond à des enjeux sensiblement différents, qu'il est apparu utile à la commission de rappeler :

- le vapotage pourrait constituer une alternative au tabac pour les fumeurs et anciens fumeurs adultes53(*), sous réserve de nouveaux avis ou recommandations des autorités scientifiques54(*) ;

- ils ne constituent pas des déchets issus d'un usage unique.

Le rapporteur a constaté l'unanimité des acteurs sollicités dans le cadre de l'instruction de la présente proposition de loi en faveur de l'interdiction des puffs, malgré des intérêts a priori divergents. L'interdiction soutenue par ce texte rejoint également une mesure annoncée par le Gouvernement dans le PNLT 2023-2027.

L'objectif d'une génération sans tabac à l'horizon 203255(*) exige des mesures fortes, à la hauteur de l'enjeu de protection de la santé publique des populations. De même, les enjeux environnementaux et la transition écologique à opérer supposent une transformation des modèles de production et de consommation.

Consciente néanmoins des problématiques associées aux autres produits du vapotage, aux produits du tabac et aux produits connexes, la commission appelle de ses voeux des travaux complémentaires sur ces sujets. À titre d'exemple, ne relevant de la catégorie ni des produits du tabac ni des produits du vapotage, la vente de sachets ou de billes de nicotine souffre d'une absence de cadre légal qui autorise leur vente dans tout commerce, y compris aux mineurs. La commission a par ailleurs pris acte des intentions du Gouvernement annoncées à l'occasion de la présentation du nouveau PNLT 2023-2027, qui indique notamment un travail à engager avec les parties prenantes pour limiter les arômes autorisés dans les liquides de vapotage, et l'extension de l'emballage neutre aux produits du vapotage.

Si le présent article met en lumière la difficulté à faire respecter la législation en vigueur concernant l'interdiction de vente aux mineurs des produits du tabac et des produits du vapotage, il traduit une volonté politique de lutter contre les dérives et infractions constatées. C'est pourquoi la commission a largement adhéré à son principe. Toutefois, elle a rappelé la nécessité d'accompagner la mise en oeuvre de la loi de moyens de contrôle appropriés, pour en garantir l'effectivité. Ces moyens apparaissent notoirement insuffisants à ce jour.

Enfin, souhaitant que le cas français puisse peser politiquement vis-à-vis de l'Union européenne au moment où des travaux pour actualiser la directive UE/2014/40 sont engagés, la commission s'est attachée à consolider le texte qui lui était soumis, sans le dénaturer.

En conséquence, à l'initiative de son rapporteur, la commission a adopté six amendements, dont deux amendements rédactionnels (COM-1 et COM-3) et un amendement de coordination juridique (COM-4). Les autres amendements adoptés ont pour objet :

- de préciser la définition du dispositif électronique de vapotage jetable ou à usage unique (amendement COM-2) ;

- de sanctionner les infractions à l'interdiction de fabriquer les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique d'une amende de 100 000 euros, au même titre que les infractions à l'interdiction de vente, de distribution ou d'offre à titre gratuit de ces dispositifs (amendement COM-5) ;

- de ménager un délai maximal de six mois entre la publication de la loi au Journal officiel et son entrée en vigueur, afin de donner de la visibilité aux acteurs (amendement COM-6).

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2 (suppression maintenue)
Gage financier

Cet article gage les conséquences financières de l'adoption de la présente proposition de loi par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs.

La commission a maintenu la suppression de cet article.

I - Le dispositif proposé

L'article 2 gage l'incidence de la proposition de loi sur les finances de la sécurité sociale au regard de l'article 40 de la Constitution.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Un amendement des rapporteurs visant à supprimer l'article 2 de la proposition de loi a été adopté par l'Assemblée nationale.

III - La position de la commission

La commission a maintenu la suppression de cet article.


* 11 Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), Les drogues à 17 ans, Analyse de l'enquête ESCAPAD 2022, mars 2023. L'enquête ESCAPAD interroge chaque année les participants à la Journée défense et citoyenneté, soit un échantillon de 23 701 jeunes en 2022.

* 12 Selon la même étude ESCAPAD 2022 de l'OFDT, l'expérimentation du tabac chez les jeunes de 17 ans est passée de 68,4 % en 2014 à 46,5 % en 2022.

* 13 Données communiquées par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail sur la base des déclarations reçues chaque année.

* 14 BVA pour Alliance contre le tabac, Les Adolescents de 13 à 16 ans et les nouveaux produits du tabac et de la nicotine, octobre 2023.

* 15 Selon l'enquête ESCAPAD 2022 de l'OFDT, 55,4 % des adolescents de 17 ans usagers quotidiens de cigarettes électroniques consommaient également du tabac tous les jours.

* 16 Moore RA, Aubin HJ, Do placebo response rates from cessation trials inform on strength of addictions? Int J Environ Res Public Health., 2012 January.

* 17 Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, Avis et rapport de l'Anses relatif aux critères, échantillonnage et modèles analytiques pour la surveillance et le contrôle de la conformité réglementaire des produits du tabac et produits du vapotage sur le marché français.

* 18 Source : Gouvernement du Canada, https://www.canada.ca/fr/services/sante/publications/vie-saine/vapotage-fonctionnement-infographie.html

* 19 Rosenthal H., Chow N., Mehta S., Pham D., Milanaik R. Puff bars: a dangerous trend in adolescent disposable e-cigarette use. Curr Opin Pediatr., 2022 June.

* 20 Mukerjee R., Hirschtick JL., Arciniega LZ., Xie Y., Barnes GD., Arenberg DA., Levy DT., Meza R., Fleischer NL., Cook SF., ENDS, Cigarettes, and Respiratory Illness: Longitudinal Associations Among U.S. Youth, American Journal of Preventive Medicine, 2023 December.

* 21 Opecst, « Nouveaux produits du tabac ou à base de nicotine : lever l'écran de fumée », septembre 2023.

* 22 La directive 2001/95/CE relative à la sécurité générale des produits vise à garantir la sécurité des produits commercialisés et définit un système d'alerte rapide européen pour les produits non alimentaires dangereux, qui permet le partage d'informations entre autorités nationales.

* 23 Article L. 3513-4 du code de la santé publique.

* 24 Vassey J., Valente T., Barker J., et al., E-cigarette brands and social media influencers on Instagram: a social network analysis, Tobacco Control, published online 7 February 2022.

* 25  https://www.nosmokingclub.fr/product/salt-switch-grape-cigarette-electronique-jetable/

* 26 Communiqué de l'Académie nationale de médecine, La « Puff », nouvelle cigarette électronique jetable : un piège pour les enfants et les adolescents, 28 février 2023.

* 27 Addictions France, réponse au questionnaire adressé dans le cadre de l'instruction de la proposition de loi.

* 28 Number of disposable single-use vapes thrown away have in a year quadrupled to 5 millions per week, Material Focus, Media Release, 8th September 2023, cité par Le Monde, « Les cigarettes électroniques jetables, appréciés des ados et très polluantes, bientôt interdites en France ? », 4 décembre 2023.

* 29 Les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique sont des EEE de cinquième catégorie, c'est-à-dire des équipements dont la dimension est inférieure à 50 centimètres.

* 30 Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, sur l'application de la directive 2014/40/UE en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, 20 mai 2021.

* 31 Les cinq chapitres sont les suivants : Chapitre I « Information et prévention » ; Chapitre II « Produits du tabac » ; Chapitre III « Produits du vapotage » ; Chapitre IV « Produits à fumer à base de plantes autres que le tabac ; Chapitre V « Dispositions pénales ».

* 32 Article L. 3513-4 du code de la santé publique.

* 33 Article L. 3513-5 du code de la santé publique.

* 34 Article L. 3513-6 du code de la santé publique.

* 35 Article L. 3513-7 du code de la santé publique.

* 36 Article L. 3513-8 du code de la santé publique. L'arrêté du 19 mai 2016 prévoit que cette teneur en nicotine est inférieure ou égale à 20 milligrammes par millilitre.

* 37 Article L. 3513-10 du code de la santé publique.

* 38 Article L. 3513-13 du code de la santé publique.

* 39 Article L. 3513-15 du code de la santé publique.

* 40 Article L. 3513-16 et L. 3513-18 du code de la santé publique.

* 41 Données communiquées par le Comité national de lutte contre le tabagisme, étude à paraître.

* 42 Enquête réalisée par l'Alliance contre le tabac (ACT) et l'institut BVA auprès d'un échantillon représentatif de 1 000 adolescents âgés de 13 à 16 ans. ACT, communiqué de presse du 14 novembre 2023.

* 43 En cas d'infraction constatée à l'interdiction de vente aux mineurs, une contravention de quatrième classe est infligée au vendeur.

* 44 Ce nouvel article est inséré après l'article L. 3513-5 relatif à l'interdiction de vendre ou d'offrir gratuitement des produits du vapotage à des mineurs dans les débits de tabac ainsi que dans tous commerces ou lieux publics.

* 45 Décision n° 2000-439 DC du 16 janvier 2001, Loi relative à l'archéologie préventive.

* 46 Décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France.

* 47 Lors des auditions, la fédération interprofessionnelle de la vape indiquait que moins de 5 % du chiffre d'affaires de ses adhérents provenait de la cigarette électronique jetable.

* 48 Décision n° 2016-737 DC du 4 août 2016, Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

* 49 Selon l'article 414 du code des douanes, l'importation sans déclaration de marchandises prohibées est notamment passible d'un emprisonnement de trois ans, de la confiscation de l'objet de fraude, de la confiscation des moyens de transport et d'une amende comprise entre une et deux fois la valeur de l'objet de fraude.

* 50 Interdiction de la mise sur le marché du tabac à chiquer en Autriche et en Grèce et de certaines catégories de produits du tabac sans fumée en Finlande ( https://health.ec.europa.eu/tobacco/product-regulation/implementing-tobacco-products-directive-directive-201440eu/notifications-under-article-243-tobacco-products-directive_en).

* 51 Sont notamment visés le tabac à chauffer et les sachets de nicotine.

* 52 Article 96 du règlement (UE) 2023/1542 du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2023 relatif aux batteries et aux déchets de batteries, modifiant la directive 2008/98/CE et le règlement (UE) 2019/1020, et abrogeant la directive 2006/66/CE.

* 53 Le dernier avis du Haut conseil de la santé publique (HCSP), Avis relatif aux bénéfices-risques de la cigarette électronique, daté du 26 novembre 2021, indique : « L'hypothèse est forte que les [systèmes électroniques de délivrance de nicotine] pourraient devenir des traitements de substitution nicotinique de première ligne mais le nombre d'essais est faible et leur qualité méthodologique est inférieure à celle recommandée pour de tels essais thérapeutiques. »

* 54 La dernière recommandation de la Haute Autorité de Santé (HAS) évoque le rôle de la cigarette électronique dans l'arrêt du tabac date de 2014. Elle indique : « La HAS ne recommande pas la cigarette électronique comme outil de l'arrêt du tabac mais considère que son utilisation chez un fumeur qui a commencé à vapoter et qui veut s'arrêter de fumer ne doit pas être découragée. ». Lors des auditions, la HAS a annoncé avoir entrepris des travaux pour actualiser sa recommandation à horizon septembre 2024.

* 55 Objectif fixé par le PNLT 2023-2027.

Partager cette page