EXAMEN DE L'ARTICLE

ARTICLE unique

Dérogation à la règle encadrant le taux de participation minimale des maîtres d'oeuvre pour les opérations de rénovation liée à la transition écologique des bâtiments scolaires

Le présent article prévoit que pour les projets d'investissements ayant pour objet la rénovation énergétique des bâtiments scolaires, la participation minimale du maître d'ouvrage peut être fixée par le représentant de l'État dans le département à 10 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques, lorsque ce dernier estime que la participation minimale prévue au deuxième alinéa du III de l'article l'article L 1111-10 du CGCT, et fixée à 20 %, est disproportionnée au vu de la capacité financière du maître d'ouvrage.

Cette disposition serait applicable à toutes les strates de collectivités, même s'il est probable qu'elle bénéficie plus aux petites communes dont les budgets sont limités par rapport au montant considérables que peuvent représenter des opérations de rénovation d'une école.

Cette mesure serait de nature à permettre le bouclage financier d'opérations particulièrement importantes.

La commission a adopté cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UN ENCADREMENT DE LA PARTICIPATION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET GROUPEMENTS, MAÎTRES D'OUVRAGE, AU FINANCEMENT DE LEURS PROJETS D'INVESTISSEMENT

A. UNE EXIGENCE DE PARTICIPATION MINIMALE FIXÉE À 20 % DU COÛT TOTAL DU PROJET D'INVESTISSEMENT

Les règles de participation financière minimale des collectivités territoriales et de leurs groupements, lorsqu'ils sont maîtres d'ouvrage d'un projet, sont strictement encadrées par l'article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales (CGCT), créé par l'article 76 de la loi nº 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.

Le premier alinéa du III de cet article pose ainsi une exigence de participation minimale de la collectivité territoriale ou du groupement maître d'ouvrage au financement de leurs projets d'investissement. Comme le précise l'exposé des motifs de la loi précitée, cette disposition poursuit l'objectif « à la fois d'accélérer la réalisation des projets, d'éviter le saupoudrage et de lutter contre les phénomènes de concurrence entre cofinanceurs qui permettent à des maîtres d'ouvrage de lancer, à moindre coût initial, des projets dont le coût d'entretien et de fonctionnement peut grever durablement leurs capacités financières ».

Le second alinéa du III de cet article précise que cette part est, en droit commun, fixée à 20 % du montant total des financements apportés au projet par des personnes publiques. Cette règle ne s'applique toutefois pas aux collectivités territoriales et groupements de collectivités territoriales de Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

L'article L. 1111-9 du même code précise que ce taux est porté à 30 % lorsque le projet s'inscrit dans l'exercice d'une compétence pour laquelle la collectivité assurant la maîtrise d'ouvrage est chef-de-file. Il est à noter qu'un certain nombre de dérogations à cette règle sont déjà prévues par la loi.

B. LES DÉROGATIONS AUX RÈGLES DE DROIT COMMUN DE PARTICIPATION MINIMALE DE LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE OU DU GROUPEMENT MAÎTRE D'OUVRAGE AU FINANCEMENT DE SES PROJETS D'INVESTISSEMENTS

L'article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales prévoit un certain nombre de dérogations aux règles de droit commun de participation minimale de la collectivité territoriale ou du groupement maître d'ouvrage au financement de ses projets d'investissements.

Des dérogations peuvent être accordées par le représentant de l'État pour des opérations d'investissement :

- en matière de rénovation des monuments protégés au titre du code du patrimoine ;

- concernant le patrimoine non protégé lorsqu'il l'estime justifié par l'urgence ou par la nécessité publique, ou lorsqu'il estime que la participation minimale est disproportionnée au vu de la capacité financière du maître d'ouvrage ;

- concernant les ponts et ouvrages d'art ainsi que ceux concernant les équipements pastoraux, les projets en matière de défense extérieure contre l'incendie et pour ceux concourant à la construction, à la reconstruction, à l'extension et aux réparations des centres de santé lorsque l'importance de la participation est disproportionnée par rapport à la capacité financière du maître d'ouvrage ;

- destinés à réparer les dégâts causés par des calamités publiques, au vu de l'importance des dégâts et de la capacité financière des collectivités territoriales ou groupements de collectivités territoriales intéressés ;

- destinés à restaurer la biodiversité au sein d'un site Natura 2000 exclusivement terrestre, au vu de l'importance de la dégradation des habitats et des espèces et des orientations fixées dans le document d'objectifs, d'une part, et de la capacité financière du maître d'ouvrage, d'autre part.

D'autres dérogations de plein droit sont prévues s'agissant des opérations d'investissement :

- figurant dans les contrats de projet État-régions ou dans les contrats de convergence ;

- des opérations dont la maîtrise d'ouvrage relève de l'État, de ses établissements publics, de la société SNCF Réseau ;

- menées dans le cadre de l'article 9 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine ;

- en matière d'eau potable et d'assainissement, d'élimination des déchets, de protection contre les incendies de forêts et de voirie communale, qui sont réalisés par les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de Corse ou par les communes membres d'un tel établissement, pour lesquels, lorsque les projets n'entrent pas dans le champ de compétence de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI), la participation minimale est fixée à 10 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques ;

- financées par le fonds européen de développement régional (Feder) dans le cadre d'un programme de coopération territoriale européenne pour lesquels ce taux est de 15 %.

Enfin, concernant la dotation de rénovation thermique (DSIL RT) instituée par la loi de finances initiale pour 2021, les préfets avaient été autorisés à déroger à la règle de participation minimale du maître d'ouvrage de l'article L.1111-10 CGCT, dès lors que la collectivité territoriale ou l'établissement de coopération intercommunale bénéficiaire avait observé une baisse de son épargne brute supérieure à 10 % entre le montant de l'exécution 2019 constaté au 31 octobre 2019 et celui constaté au 31 octobre 2020. Les préfets ont largement fait usage de cette possibilité : au total, 114 projets de rénovation thermique des bâtiments scolaires ont été financés par la DSIL-RT avec des taux de subventions compris entre 80 % et 100 %

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : L'ABAISSEMENT DE LA PARTICIPATION MINIMALE DU MAITRE D'OUVRAGE À 10 %

Le présent article unique de la présente proposition de loi complète le III de l'article L 1111-10 du code général des collectivités territoriales (CGCT) par un alinéa qui prévoit que pour les projets d'investissements ayant pour objet la rénovation énergétique des bâtiments scolaires, la participation minimale du maître d'ouvrage peut être fixée par le représentant de l'État dans le département à 10 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques, lorsque ce dernier estime que la participation minimale prévue au deuxième alinéa du III de l'article l'article L 1111-10 du CGCT et fixée à 20 % est disproportionnée au vu de la capacité financière du maître d'ouvrage.

Compte tenu des difficultés particulières auxquelles se heurtent certaines communes pour financer la rénovation énergétique des écoles, les auteurs de la présente proposition de loi estiment que cette modification de l'article L. 1111-10 du CGCT devrait tout particulièrement faciliter les investissements des petites communes, et notamment en milieu rural, sans naturellement exclure que la faculté ouverte au représentant de l'État dans le département s'applique aux investissements des autres collectivités lorsque la situation financière de celles-ci le justifie.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN ABAISSEMENT DE LA PARTICIPATION MINIMALE DE NATURE À FACILITER LES TRAVAUX DE RENOVATION DES BATIMENTS SCOLAIRES EN LIEN AVEC LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

Cette dérogation à la participation minimale des maîtres d'ouvrage résulte de la recommandation n°9 de la mission d'information du Sénat relative au bâti scolaire.

Elle ne pose pas de difficulté particulière dans la mesure où :

- des dérogations sont déjà prévues dans certains cas (cf. supra) ;

- elle resterait à la main du représentant de l'État dans le département et ne présente donc aucun caractère automatique ;

- elle serait ciblée sur les seules collectivités dont les investissements pour la transition énergétique des bâtiments scolaires génèrent un laissé à charge manifestement disproportionné au vu de leur capacité financière, ce qui éviterait tout effet d'aubaine. Ce ciblage permet également d'éviter les critiques habituelles justifiant le maintien d'un taux minimal de 20 %. En effet, ce taux a été défini pour éviter le saupoudrage, lutter contre les phénomènes de concurrence entre cofinanceurs, et pour limiter le plus possible le lancement de projets dont le coût d'entretien et de fonctionnement pourrait ensuite grever durablement les capacités financières des collectivités.

Par ailleurs, malgré l'urgente nécessité de rénover le patrimoine immobilier scolaire pour des raisons règlementaires, économiques et environnementales, le lancement des travaux est parfois confronté à des difficultés de financement notamment pour les collectivités dont la situation financière est tendue et qui doivent faire face à des opérations de grande envergure.

Enfin, l'évolution proposée par la présente proposition de loi répond à une attente forte des collectivités territoriales dans un contexte de relèvement des taux d'intérêt et d'inflation qui renchérit les coûts des investissements.

Nonobstant, la règle de participation minimale du maître d'ouvrage est une règle de bonne gestion qui vise à assurer, non seulement une certaine qualité des projets présentés par les collectivités, mais aussi la capacité financière de la collectivité, porteuse du projet, à entretenir ensuite l'investissement.

Aussi, dans le seul objectif d'accélérer les investissements dans le cadre de la transition énergétique, et en la réservant strictement aux cas qui le nécessite de manière objectivée et circonstanciée, une dérogation à cette règle peut s'avérer utile, à la condition également de la cibler sur les collectivités qui connaissent une situation financière difficile, pour lesquelles le soutien de l'État est indispensable au lancement du projet. Or, c'est bien le cas de la présente proposition de loi en ce qu'elle prévoit une dérogation limitée et encadrée, pour les seules opérations de transition énergétique des bâtiments scolaires.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 5 décembre 2023 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport de M. Stéphane Sautarel sur la proposition de loi n° 922 (2022-2023) tendant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l'attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires.

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons ce matin le rapport de notre collègue Stéphane Sautarel sur la proposition de la loi tendant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l'attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires, déposée le 8 septembre 2023 par Mme Nadège Havet et plusieurs de ses collègues.

M. Stéphane Sautarel rapporteur. - Cette proposition de loi résulte du rapport établi au nom de la mission d'information du Sénat sur le bâti scolaire à l'épreuve de la transition écologique, présidée par Jean-Marie Mizzon et dont la rapporteure était Nadège Havet, tous deux coauteurs de la présente proposition. Elle en traduit la recommandation n° 9.

Elle alerte sur deux phénomènes : l'urgence absolue de rénover rapidement les bâtiments scolaires et les difficultés rencontrées par les collectivités pour financer ces travaux parfois lourds et très coûteux.

Je partage les constats formulés dans le rapport de la mission d'information.

Le parc immobilier scolaire des collectivités territoriales représente 51 000 écoles, collèges et lycées, pour une surface totale d'environ 140 millions mètres carrés, soit à peu près 50 % de l'ensemble du bâti des collectivités territoriales. Majoritairement construit avant 1975, l'immobilier scolaire appartenant aux collectivités est relativement ancien, mal isolé et, de fait, énergivore.

La mission d'information précise dans son rapport que les années 1960-1970 ont été marquées par la construction de nombreux bâtiments scolaires, rendue nécessaire par l'évolution démographique et l'allongement de 14 à 16 ans de la scolarité. Entre 1964 et 1969, 1 150 établissements du second degré ont été construits. Selon les chiffres du ministère de l'éducation nationale, les deux tiers de la surface de plancher des cités scolaires et près de la moitié de celle des lycées d'enseignement général et technologique (LEGT) sont antérieurs à 1970.

Ce parc doit être rénové pour des raisons réglementaires, économiques et environnementales.

Les collectivités territoriales sont d'abord assujetties aux obligations d'économie d'énergie dans les bâtiments tertiaires. Elles doivent mettre en oeuvre des actions de réduction de la consommation d'énergie finale dans les bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments à usage tertiaire, d'au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050, par rapport à 2010.

Conformément à la révision de la directive européenne sur l'efficacité énergétique du 25 juillet 2023, elles sont par ailleurs tenues de rénover chaque année, au niveau NZEB - Near Zero Energy Building, bâtiments à consommation énergétique nette presque nulle -, au moins 3 % de la surface totale au sol des bâtiments appartenant à des organismes publics.

Cette rénovation est ensuite nécessaire pour des raisons économiques dans la mesure où, d'après l'étude quinquennale réalisée en 2019 par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) sur les dépenses énergétiques des collectivités territoriales, pour les seules communes, les bâtiments scolaires représentent 30 % de la consommation énergétique des bâtiments communaux. Une telle consommation est de plus en plus problématique dans le contexte de hausse des prix de l'énergie que subit le pays depuis 2022.

Enfin, au-delà des arguments et des motivations réglementaires et économiques, les collectivités territoriales ont une responsabilité forte concernant la lutte contre le réchauffement climatique au regard du poids de leur patrimoine immobilier dans la consommation énergétique nationale totale. Dès lors, ces rénovations deviennent une nécessité, non seulement pour réguler les dérèglements climatiques à long terme, mais également pour faire face au réchauffement climatique à court terme et améliorer le niveau de confort des élèves et des enseignants dans les établissements scolaires.

Si le coût total des rénovations reste difficile à estimer, les études de l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE) a estimé à 1,4 milliard d'euros par an jusqu'en 2050 les investissements nécessaires à la rénovation des bâtiments scolaires, soit environ 40,5 milliards d'euros en vingt-sept ans, pour atteindre le niveau « bâtiment basse consommation » (BBC).

L'Institut estime par ailleurs qu'environ 1,3 milliard d'euros d'investissements « Climat » sont déjà réalisés aujourd'hui par les collectivités sur les bâtiments publics. Ces dernières devraient, chaque année, réaliser environ 1,4 milliard d'euros d'investissements « Climat » additionnels pour les bâtiments, ce qui correspondrait à 700 millions d'euros supplémentaires par an par rapport aux investissements réalisés actuellement pour le seul bâti scolaire.

Cette évaluation n'est cependant qu'indicative et elle souffre d'un manque de données sur l'état actuel du parc des bâtiments, ainsi que d'un manque de suivi des investissements réalisés par les collectivités pour la rénovation énergétique de leur parc.

Il est néanmoins certain que les sommes à engager sont, et seront dans un avenir proche, considérables.

Pour financer la rénovation énergétique des bâtiments scolaires, les collectivités territoriales peuvent d'ores et déjà bénéficier de dotations d'investissement portées par plusieurs missions du budget de l'État : dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID), dotation politique de la ville (DPV), fonds verts et, éventuellement, de financements venant d'autres collectivités publiques.

Elles peuvent également avoir recours aux financements externes, comme l'intermédiation bancaire ou le financement obligataire, et solliciter des prêts de long terme auprès de la Banque des territoires.

Cependant, des freins structurels importants demeurent pour le lancement des projets.

En premier lieu, les plus petites collectivités manquent parfois d'ingénierie alors même que, dans le cadre de projets d'investissement en rapport avec la transition écologique, une évaluation de la performance énergétique doit être fournie. Or les documents correspondants sont caractérisés par un haut niveau de compétence technique.

En deuxième lieu, l'accès aux dotations est parfois rendu complexe par l'absence d'alignement des calendriers des appels à projets, par les délais contraints pour déposer des demandes de subventions, ainsi que par la multiplicité des pièces demandées.

Enfin, les opérations de rénovation des bâtiments scolaires représentent un coût très important pour les collectivités. Bien que réduit par l'apport de financements extérieurs, notamment par les dotations de l'État, la règle définie actuellement par l'article L. 111-10 du code des collectivités territoriales, prévoyant une participation minimale du maître d'ouvrage de 20 % au financement des investissements, peut entraîner un reste à charge des collectivités trop important au regard de leur situation financière ou du montant total de l'opération.

Dans ce contexte, la présente proposition de loi prévoit un abaissement de 20 % à 10 % de la participation minimale du maître d'ouvrage au montant total des financements apportés par des personnes publiques, dans les cas où cette participation de 20 % apparaîtrait disproportionnée au vu de la capacité financière du maître d'ouvrage.

Cette proposition semble aller dans le bon sens pour aider les collectivités à boucler le financement de leurs projets.

Elle ne pose pas de difficulté particulière dans la mesure où des dérogations sont déjà prévues dans certains cas, où elle resterait à la main du représentant de l'État dans le département et ne présente donc aucun caractère automatique, et où elle serait ciblée sur les seules collectivités dont les investissements pour la transition énergétique des bâtiments scolaires entraînent un reste à charge manifestement disproportionné au vu de leur capacité financière, ce qui éviterait tout effet d'aubaine.

Par ailleurs, l'évolution proposée par la présente proposition de loi répond à une attente forte des collectivités territoriales dans un contexte de relèvement des taux d'intérêt et d'inflation qui renchérit les coûts des investissements.

Toutefois, je tiens à dire que la règle de participation minimale du maître d'ouvrage est une règle de bonne gestion qui vise à assurer non seulement une certaine qualité des projets présentés par les collectivités, mais aussi la capacité financière de la collectivité, porteuse du projet, à entretenir ensuite l'investissement.

Aussi, avec le seul objectif d'accélérer les investissements dans le cadre de la transition énergétique, et en la réservant strictement aux cas qui la nécessitent de manière objectivée et circonstanciée, la dérogation à la règle des 20 % de participation minimale peut s'avérer utile pour relancer des projets bloqués.

C'est bien le cas avec la présente proposition de loi en ce qu'elle prévoit une dérogation limitée et encadrée pour les seules opérations de transition énergétique des bâtiments scolaires. C'est pourquoi je vous propose d'en adopter sans modification l'article unique.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Si je prends l'exemple du département de la Meurthe-et-Moselle, l'obtention de financements à hauteur de 80 % du coût de la rénovation énergétique des bâtiments scolaires reste tout à fait exceptionnelle. Il manque généralement aux collectivités bien plus de 10 % dans le montage de leurs dossiers de financement.

Il serait intéressant de connaître les disparités entre les écoles notamment en termes de mètres carrés par enfant. Par ailleurs, les normes de construction ont évolué dans le temps et ne sont plus les mêmes que dans les années 1970.

D'autre part, sur le sujet de la désimperméabilisation, les agences de l'eau sont certes prêtes à apporter leur soutien à hauteur de 80 %, mais le système risque de devenir rapidement inégalitaire si toutes les cours sont prises en charge à cette hauteur. Il serait plus opportun d'opter pour une prise en charge progressive, en décidant de ne pas traiter immédiatement la totalité des surfaces, notamment dans les écoles qui bénéficient de grandes cours de récréation. Il vaudrait donc mieux séquencer les travaux, à partir d'un diagnostic patrimonial à l'échelle du département, et s'interroger sur les capacités financières et la volonté des uns et des autres pour éviter un engorgement des dossiers de demande de financement.

Derrière le bâti se trouvent des enfants - et c'est le point le plus important -, il importe donc de trouver une forme de convergence entre les enjeux en présence.

M. Marc Laménie. - Merci à notre rapporteur pour son travail.

Les chiffres de la mission d'information sur le bâti scolaire à l'épreuve de la transition écologique montrent que le travail à réaliser et les investissements qu'il suppose sont considérables.

Pourquoi l'Ademe, dans les études qu'elle a conduites, ne s'est-elle pas intéressée aux collèges et lycées dont la gestion incombe respectivement aux départements et aux régions ? Il s'agit pourtant de plusieurs millions de mètres carrés et d'investissements importants.

Outre la question du financement, les études préalables à tous les travaux requièrent qu'on y consacre du temps, ce qui pose un problème de délais.

Enfin, il s'avère souvent difficile de trouver des entreprises qui répondent aux appels d'offres.

M. Bruno Belin. - Pour compléter les propos du rapporteur général, je préciserai certains enjeux qui peuvent toucher les territoires ruraux. Face à l'obligation de rénover les bâtiments scolaires, qui paie ou qui est le maître d'ouvrage ?

En milieu rural, et même hyper rural, un syndicat intercommunal à vocation scolaire (Sivos) se substitue parfois en la matière à la compétence des communes : il est en partie compétent en matière de fonctionnement - il est alors financé au prorata du nombre d'élèves -, et parfois en matière d'investissements - il est dans ce cas financé au prorata du nombre d'habitants. Ces syndicats seraient-ils éligibles au dispositif de cette proposition de loi ?

Toujours dans nos territoires les plus ruraux, nous constatons que les directeurs académiques des services de l'éducation nationale (Dasen) envisagent, devant les réalités démographiques, des fermetures ou regroupements d'établissements. On passe d'ailleurs des regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI) - les niveaux sont éclatés dans plusieurs sites - à des regroupements pédagogiques concentrés (RPC). De nouveau, qui porte le projet, qui finance les rénovations des établissements scolaires ? Comment concilier la nécessaire rénovation des bâtiments scolaires avec la prise en compte de l'évolution de la démographie et de la baisse du nombre d'enfants qui entrent à l'école primaire ? Si nul ne conteste l'enjeu climatique, il serait fâcheux que la fermeture complète de groupes scolaires suive leur rénovation thermique. La démographie est une science exacte et la question se pose avec acuité en milieu rural.

M. Laurent Somon. - Merci au rapporteur pour son excellent rapport chiffré.

Les travaux de rénovation concernent les bâtiments scolaires d'enseignement. L'éducation physique et sportive (EPS) est une matière obligatoire. Les salles de sport, qui, généralement, sont intercommunales ou communales, sont-elles considérées comme des bâtiments scolaires et entrent-elles dans le champ d'application de la présente proposition de loi ?

Ces salles sont, au surplus, souvent contemporaines de la création d'un collège. Leur construction remontant aux années 1960 ou 1970, elles nécessitent par conséquent des travaux de réhabilitation, notamment du point de vue de leur consommation énergétique.

M. Olivier Paccaud. - Dans le même ordre d'idées, le périscolaire est fréquemment abrité dans d'anciens bâtiments scolaires, dans l'enceinte de l'école ou à proximité immédiate. Il participe sans conteste de l'attractivité d'un territoire. Dans les écoles qui connaissent une baisse de leur effectif, un périscolaire de qualité peut conduire à maintenir l'établissement ouvert. Entre-t-il à son tour dans le champ d'application de la proposition de loi ? Je n'en ai pas l'impression.

Quant à obtenir déjà 80 % de financements, si c'est techniquement possible, cela reste extrêmement rare dans les faits, y compris dans des départements qui, comme l'Oise, se montrent pourtant généreux en subventions. Les régions n'apportent pas leur concours et les intercommunalités, si elles en ont la possibilité, n'obtiennent qu'exceptionnellement la compétence sur les bâtiments scolaires, parce que celle-ci priverait les communes de toute attribution. Dans l'Oise, une seule intercommunalité sur 21 est compétente dans ce domaine. Abaisser de 20 % à 10 % la participation minimale du maître d'ouvrage est une belle idée, mais elle n'aura qu'une utilité marginale.

M. Pascal Savoldelli. - Le retour sur investissement des rénovations intermédiaires est de l'ordre de dix ans minimum, plutôt que de cinq ans. Dans le Val-de-Marne, je ne connais aucun établissement scolaire qui a pu se prévaloir d'un retour sur investissement après seulement cinq années. Il faut l'assumer.

Aborder en commission des finances la question du retour sur investissement apparaît tout à fait légitime. Cependant, nous traitons ici du bâti scolaire ou périscolaire, de lieux d'éducation, d'établissements qui, pour la plupart d'entre eux, sont ouverts à la vie associative, voire à la vie citoyenne, avec évidemment l'engagement, dans ces deux derniers cas de figure, de les maintenir en bon état d'entretien.

D'un point de vue purement comptable, l'abaissement de 20 % à 10 % de la participation minimale aidera peut-être quelques maîtres d'ouvrage, mais ce ne sera alors que dans une proportion éminemment résiduelle ; engager, ou non, des travaux de rénovation est d'abord une affaire de volonté politique. L'effort valorise-t-il et légitime-t-il suffisamment le travail des élus d'une collectivité ? Il est permis de s'interroger au vu du faible nombre des décisions d'engager des travaux.

C'est pourquoi je m'abstiendrai.

Mme Ghislaine Senée. - J'exprimerai des réserves de même nature.

Des raisons d'ordre économique, réglementaire et écologique sont en jeu, mais n'oublions pas celles qui ont trait à la qualité de l'apprentissage et, partant, les aspects humains de la question. Dans certaines collectivités, nous devons engager des travaux de rénovation de bâtiments scolaires parce que des températures extrêmes sont atteintes, hiver comme été, dans les classes...

En présence de travaux très lourds à réaliser, je suis perplexe sur le fait qu'une participation financière ramenée à 10 % puisse faire la différence. Peut-être cela sera-t-il une réussite à la marge, avec des communes qui séquencent leurs financements, en profitant par exemple d'un contrat rural ou de versements issus de la DETR, la difficulté majeure consistant alors pour elles à coordonner les calendriers des différentes subventions.

Néanmoins, la perspective d'une amélioration même minime en faveur du financement de l'isolation de certains bâtiments ne doit pas être négligée.

M. Claude Raynal, président. - Tous les éléments ont été avancés et montrent qu'il est difficile d'être contre cette proposition de loi. Toutefois, sans conteste, son utilité ne sera que marginale. Les collectivités qui perçoivent actuellement déjà 80 % de subventions sur le montant total de travaux de rénovation de bâtiments scolaires s'avèrent peu nombreuses. Pourquoi ne pas prévoir 90 % si le besoin existe dans quelques cas particuliers.

Quel sera le rôle du préfet ? Se déterminera-t-il uniquement en fonction des capacités financières de la commune ? Jugera-t-il aussi de la qualité du projet ? Nous l'avons dit, des écoles répondent à des normes de construction très éloignées de celles qui prévalent aujourd'hui. Certaines écoles se sont considérablement étendues avec de nouveaux services. Toutes ces considérations laissent un peu perplexe.

Mme Christine Lavarde. - Hier, j'ai défendu en séance un amendement qui avait été voté par notre commission sur la rénovation du bâti scolaire des établissements d'enseignement sous contrat. Le ministre Christophe Béchu a pris l'engagement que le Gouvernement considère leur situation et trouve le moyen de les rendre éligibles aux aides ou, du moins, de les inclure dans les travaux d'ingénierie. Au regard du sujet qui nous occupe, il sera intéressant de savoir si Gabriel Attal partage le même avis. Dans certains départements, le bâti de ces établissements est aussi important, sinon plus, que le bâti des établissements publics.

M. Jean-François Rapin. - L'enjeu des subventions à hauteur de 80 %, 90 %, voire 100 %, pose question, au-delà du bâti scolaire, sur la rénovation de l'ensemble des bâtiments publics, ainsi que de la voirie.

J'accompagnais hier le président Larcher dans le département du Pas-de-Calais, à la suite des inondations qui s'y sont produites. Une commune où nous nous sommes rendus ne dispose que de 10 000 euros de budget d'investissements, quand la première estimation des travaux à réaliser sur son territoire s'élève à 1 million d'euros. Comment le maire peut-il s'en sortir ? La question du versement d'une aide supérieure à 80 % pour les nombreuses communes sinistrées va rapidement se poser. Mais je dépasse là le cadre de notre discussion.

M. Claude Raynal, président. - La loi autorise déjà ce type d'aides dans des circonstances exceptionnelles comme celles que vous évoquez.

M. Jean-François Rapin. - Le préfet du Pas-de-Calais nous a indiqué qu'il traitera les situations au cas par cas. Peut-être peut-il en être de même pour la question qui nous occupe.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. - Actuellement, les cas où l'on atteint 80 % des financements publics restent en effet limités. Les derniers chiffres de 2021 montrent que la DETR ne finance que 1,7 % des dossiers, à hauteur de 80 % ou plus. Toutefois, selon les territoires, et en fonction de l'intervention des autres collectivités régions, départements, intercommunalités-, les taux peuvent se révéler plus élevés.

Je partage aussi l'idée selon laquelle le niveau de 20 % d'autofinancement est susceptible de responsabiliser la collectivité intéressée par les travaux.

Pour autant, la question qui nous est ici posée ne traite que du bâti scolaire. Seul le bâtiment affecté aux activités scolaires est concerné, et non pas un périmètre plus large.

Le rapporteur général a fait référence à la désimperméabilisation de l'extérieur du bâti scolaire. C'est un sujet à part entière, mais la présente proposition de loi ne l'inclut pas.

De même, un équipement tel qu'un gymnase sera considéré comme du bâti scolaire s'il se situe dans l'enceinte scolaire et qu'il est affecté exclusivement à l'activité scolaire. En revanche, il en va différemment pour le gymnase communal occupé pour partie seulement par les groupes scolaires.

Un des éléments qui a justifié la création de la mission d'information tient à ce que le bâti scolaire se trouve souvent en site contraint, du fait de l'occupation des locaux. Cela implique un étalement des travaux, qui en renchérit le coût, avec des appels d'offres aux montants souvent bien plus élevés que les estimations initiales.

Or la règle veut que le taux de la subvention attribuée par le financeur public, quel qu'il soit, s'applique à l'assiette prévue et non à la réalité de la dépense effective si celle-ci s'avère supérieure.

Monsieur Laménie, l'étude quinquennale de l'Ademe ne porte que sur le périmètre des communes, c'est-à-dire sur les écoles. Elle représente un travail déjà considérable, même s'il ne s'étend pas aux collèges ni aux lycées.

Monsieur Belin, les Sivos, en tant qu'établissements publics, sont éligibles à la DETR, et entreraient donc, me semble-t-il, dans le champ de la proposition de loi.

Le lien entre la démographie, les perspectives d'effectifs, d'une part, et le bâti nécessaire à l'accueil des élèves, d'autre part, est certes essentiel, mais il pose une autre question. Celle-ci renvoie à un travail prospectif, en relation avec l'éducation nationale, qui sous-tend le choix de maintenir ouvert un établissement. Je ne me prononcerai pas sur le bien-fondé de rénover ou non une école en fonction des prévisions démographiques. Le choix en revient à chaque collectivité.

Monsieur Paccaud, l'inclusion des activités périscolaires dans le champ de la proposition de loi dépend de l'affectation des locaux à l'activité scolaire.

Les réponses sont aussi différenciées selon les territoires et la politique menée par les conseils départementaux ou régionaux pour soutenir ce type d'investissements.

Monsieur Savoldelli, nous constatons en effet des retours sur investissement de l'ordre de dix ans.

L'Association des maires ruraux de France (AMRF), que nous avons entendue, nous a fait savoir qu'une aide de 5 % ou 10 % supplémentaire peut s'avérer décisive pour engager des communes à réaliser leur projet. La direction générale des collectivités locales (DGCL) s'est montrée plutôt favorable à cette proposition de loi, en considérant qu'elle pouvait répondre à certaines situations, après une analyse au cas par cas à la main du préfet. Les départements eux-mêmes se réjouiraient de pouvoir prétendre à des financements supplémentaires pour les collèges dont ils ont la gestion. J'ignore cependant si beaucoup d'entre eux obtiennent déjà des financements à hauteur de 80 %.

Madame Senée, la réalisation de travaux de rénovation dans des sites occupés mériterait, avec le décalage qu'ils impliquent, qu'on améliore les situations de financement dans quelques cas de figure.

Monsieur le président Raynal, nous en sommes d'accord, il est difficile de ne pas être favorable à la proposition de loi, même si, dans sa portée, elle ne concerne qu'un nombre restreint de collectivités.

Madame Lavarde, je ne manquerai pas d'interroger le ministre sur les établissements sous contrat. J'ai formulé récemment une question orale à ce sujet. La ministre chargée des collectivités territoriales m'avait indiqué que le Gouvernement était à la recherche de solutions, la position du Conseil d'État ne permettant en effet pas, à ce stade, aux financeurs publics d'intervenir.

Monsieur Rapin, l'article L. 1111-10 du code des collectivités territoriales autorise, dans des situations d'urgence, des dérogations quant au niveau de subvention des travaux de rénovation des bâtiments publics. De telles dérogations sont souhaitables, mais cette observation dépasse le cadre de cette proposition de loi.

M. Claude Raynal, président. - En application du vade-mecum relatif aux irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, la commission des finances a arrêté, lors de sa réunion du 5 décembre 2023, le périmètre indicatif de la proposition de loi visant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l'attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires.

Ce périmètre comprend toutes dispositions relatives aux modalités de financement des investissements des collectivités territoriales en vue de la rénovation énergétique des bâtiments scolaires.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté sans modification.

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