C. L'ADEME BÉNÉFICIE AUSSI DE MOYENS RENFORCÉS DANS LE CADRE DE FRANCE 2030

1. Une subvention en hausse, en raison de l'élargissement des missions de l'ADEME dans le cadre du plan de relance et de France 2030
a) La subvention à l'ADEME sur le programme 181

La loi de finances initiale pour 2018 a opéré une rebudgétisation totale du financement de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), qui prend également le nom d'«Agence de la transition écologique », auparavant financée par l'attribution du produit de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), emportant la création d'une nouvelle action (action 12 « ADEME ») sur le programme 181.

L'ADEME mène des politiques de natures diverses. Elle poursuit notamment des actions dans la mise en oeuvre des objectifs nationaux en matière de chaleur renouvelable, d'économie circulaire, de mobilité durable, d'amélioration de la qualité de l'air, de la résorption des décharges littorales et de la reconversion des friches polluées, d'accompagnement des entreprises et des territoires, et enfin d'adaptation au changement climatique. En 2023 seront lancés de nouveaux programmes d'économie d'énergie pour les entreprises.

Une subvention de 879 millions en AE et en CP est inscrite sur l'action 12 pour l'année 2023, soit une augmentation de 179 millions d'euros par rapport à la dotation retenue en 2023, qui représentait déjà une augmentation de 101,7 millions d'euros par rapport à 2023. Une partie significative de cette hausse doit financer les crédits supplémentaires accordés au fonds chaleur, qui passe de 520 millions d'euros à 820 millions d'euros (ces sommes dévolues au fonds chaleur seront détaillées infra).

b) Les sources de financement de l'ADEME se multiplient

Outre son budget incitatif et ses ressources propres, l'ADEME reçoit des financements du plan de relance, de France 2030, et plus récemment du fonds vert.

En 2023, l'agence perçoit 175 millions d'euros en CP par des crédits issus du plan de relance, sur le programme 362 « Écologie ». Le fonds de décarbonation de l'industrie est en tête des financements, avec 110 millions d'euros en CP, suivi par les mesures en faveur de la mobilité, pour un montant de 64,2 millions d'euros en CP. De manière résiduelle, le fonds économie circulaire et déchets est abondé de près de 1 million d'euros.

L'ADEME et « France relance »

Le plan de relance mobilise l'ADEME, vers des dispositifs existants qui nécessitent d'être renforcés ou bien pour mettre en oeuvre de nouveaux soutiens vers les entreprises et les territoires. Les actions définies dans le plan France Relance sont les suivantes :

- en renforçant les moyens relatifs au fonds économie circulaire pour la mise en oeuvre de la feuille de route pour l'économie circulaire (FREC) et de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire ;

- en complétant les autorisations d'engagement dédiées à l'hydrogène faible en carbone afin d'accompagner le développement des écosystèmes de mobilité hydrogène (production, distribution d'H2 et véhicules) ;

- en poursuivant les actions du fonds décarbonation de l'industrie, d'une part sur le volet chaleur bas carbone pour les entreprises et d'autre part, sur la mise en oeuvre de projets de transformation des procédés au service de la décarbonation et d'investissements dans l'efficacité énergétique ;

- en accompagnant les acteurs du tourisme durable, les TPE/PME engagées dans la transition écologique ou dans des démarches d'écoconception, la réalisation de diagnostics carbone et sol dans l'agriculture, le recyclage des friches industrielles ou minières.

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Le budget initial de l'ADEME au titre du plan de relance était de 1,3 milliard d'euros. Cette enveloppe a été portée à 1,6 milliard d'euros en 2022. Sur cette somme, le taux d'engagement des fonds était de 63 %, ce qui représente 1 milliard d'euros. Il est prévu que 500 millions d'euros soient engagés avant la fin de l'année 2022, ce qui porterait le taux d'engagement à 93,8 %. En montant, les aides du plan de relance opérées par l'ADEME se sont focalisés sur les grandes et les petites entreprises, délaissant les entreprises de taille moyenne.

Répartition des aides du plan de relance opérée
par l'ADEME par type de bénéficiaire

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

En 2024, l'ADEME ne sera plus financée par des crédits issus du plan de relance. D'après le représentant de l'agence auditionné par le rapporteur spécial, les dispositifs d'aide aux PME menés dans le cadre du plan de relance n'ont désormais plus de financements identifiés dans le projet de loi de finances.

L'ADEME est également opérateur France 2030, et à ce titre, les investissements d'avenir viennent abonder le budget de l'ADEME de 2,52 milliards d'euros en AE en 2024. Ces montants font partie d'une enveloppe prévisionnelle de globale de 9 milliards d'euros, qui est pensée pour être engagée sur cinq ans.

L'ADEME et le plan « France 2030 »

L'ADEME a été désignée par l'État comme opérateur de France 2030, et elle est dotée à ce titre d'un budget d'environ 9 milliards d'euros pour une durée de cinq ans. L'objectif est que l'ADEME bénéficie d'un champ d'action large sur l'ensemble de la chaine de la transition écologique, du soutien aux innovations de rupture jusqu'à la massification et l'industrialisation de solutions disposant d'une maturité suffisante.

Dans ce cadre, trois appels à projets notamment sont déjà ouverts et opérés par l'ADEME :

- le « développement de briques technologiques et démonstrateurs pour les systèmes énergétiques », qui a pour objectif de promouvoir le développement de technologie et d'actions de démonstration de grande ampleur dans les domaines du photovoltaïque, de l'éolien flottant et des réseaux énergétiques ;

- le « développement de briques technologiques par des PME pour les systèmes énergétique », qui vise à soutenir les PME dans un objectif de structuration des filières de production des énergies renouvelables ;

- l' « aide à l'investissement de l'offre industrielle des énergies renouvelables », qui vise à développer les capacités industrielles dans les énergies renouvelables en accompagnant l'industrialisation de la production et l'assemblage des composants.

Source : commission des finances

Enfin, l'ADEME perçoit des financements au titre du programme 380 (fonds d'accélérations pour la transition écologique des territoires), au titre du programme de valorisation des biodéchets et du fonds friche. 220 millions d'euros sont fléchés vers l'ADEME à ce titre en 2024.

Le graphique suivant présente la répartition des engagements de l'ADEME depuis 2009.

Source : réponses au questionnaire budgétaire

2. Une revalorisation du plafond d'emplois en cohérence avec la mobilisation de l'ADEME dans le cadre du plan « France 2030 » et de l'augmentation des financements du fonds chaleur

Selon les prévisions transmises par l'ADEME, la trésorerie (hors Investissements d'Avenir / France 2030) de l'agence devrait s'établir à 216 millions d'euros à la fin de l'année 2023, en diminution de 139 millions d'euros par rapport à l'année dernière. Une partie de la trésorerie de l'ADEME est prévue pour alimenter le budget incitatif de l'agence. Sa trésorerie devrait ainsi s'établir à 126 millions d'euros à la fin de l'année 2023, et son fonds de roulement à 136 millions d'euros.

Le plafond d'emplois de l'ADEME sera relevé de 99 ETPT en 2024 pour atteindre 1065 ETPT. Cette hausse des effectifs s'inscrit dans la continuité de l'année dernière, où le plafond d'emplois avait été relevé de 90 ETPT.

Ce relèvement du plafond d'emplois correspond aux élargissements des missions de l'agence avec France 2030 et le fonds vert. Il doit également permettre à l'opérateur de gérer les financements supplémentaires octroyés au fonds chaleur. Il a été ainsi indiqué au rapporteur spécial que chaque tranche de 10 millions d'euros supplémentaires pour le fonds chaleur nécessite un ETPT de plus pour l'absorber.

L'augmentation des financements du fonds chaleur l'année précédente avait d'ailleurs été l'une des raisons du recrutement par l'opérateur de 25 intérimaires. Les représentants de l'ADEME ont déclaré espérer en pérenniser une partie. À ce sujet, il faut rappeler que le coût unitaire d'un intérimaire est plus élevé qu'un CDD (de 10 % à 20 %) et la durée de leur mission est limitée à 18 mois. Le départ d'intérimaires conduit d'ailleurs à une perte de compétences.

Le même phénomène s'était produit lorsque l'ADEME s'était vue confiée des missions nouvelles dans le cadre du plan de relance, sans que le schéma d'emplois ait suivi. L'agence avait alors recruté 120 intérimaires, dont 42 % ont été basculés en CDI.

3. Les crédits du fonds chaleur augmentent, mais ne permettent pas encore d'atteindre les objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie

Grâce au fonds « chaleur », l'ADEME soutient le développement des investissements de production et des réseaux de distribution de chaleur renouvelable, pour les besoins de l'habitat collectif, du tertiaire, de l'industrie et de l'agriculture.

Ce fonds finance deux types de projets : les installations de petite et moyenne taille, en complément d'autres aides (contrat de projets État-région par exemple) ; les installations biomasses de grande taille dans le secteur agricole et tertiaire, dans le cadre d'appels à projets nationaux annuels « Biomasse Chaleur Industrie Agriculture Tertiaire » (BIACT).

Les soutiens apportés par le fonds visent à atteindre les objectifs fixés tant par la loi que par la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) d'avril 2020 :

- la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit que 38 % de la consommation finale de chaleur devra être d'origine renouvelable en 2030 et entend multiplier par cinq la quantité de chaleur renouvelable et de récupération livrée par les réseaux de chaleur ;

- la PPE confirme cet engagement, avec un objectif d'augmentation de la consommation de chaleur renouvelable de 25 % en 2023 et de hausse de 40 % à 60 % en 2028 par rapport à 2016.

Entre 2009 et 2022, 3,68 milliards d'euros ont été engagés pour soutenir près de 7 100 opérations d'investissement.

Le budget du Fonds Chaleur adopté initialement pour 2022 était de 370 millions d'euros, en hausse de 6 % par rapport à 2021. En mars 2022, dans le cadre du plan de résilience pour faire face aux conséquences de la crise en Ukraine, le fonds a été abondé de 152 millions d'euros supplémentaires pour atteindre 522 millions d'euros. Cette hausse a conduit à des recrutements en intérim pour 18 mois. En 2023 les engagements du fonds chaleur ont été portés à 520 millions d'euros en AE, ce qui est un niveau équivalent à l'exécution constatée en 2022.

Pour 2024, le fonds chaleur voit ses financements fortement augmenter : il gagne 300 millions d'euros, pour atteindre 820 millions d'euros.

Évolution des montants engagés par le fonds « chaleur » de l'ADEME

(en millions d'euros)

Fonds « chaleur »

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

168

263

249

231

206

165

216

213

197

259

2019

2020

2021

2022

2023

2024

295

350

350

522

520

820

Note : les chiffres jusqu'en 2022 correspondent à l'exécution constatée du fonds chaleur, tandis que les chiffres pour 2023 et 2024 sont des prévisions.

Source : réponses au questionnaire budgétaire

Il est prévu que le fonds chaleur connaisse une forte augmentation de ses crédits dans les années à venir. Dans la dernière trajectoire présentée par la direction générale de l'énergie et du climat dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l'énergie, le fonds chaleur est censé atteindre 1,2 milliard d'euros en 2025, puis augmenter de 200 millions d'euros par an, jusqu'en 2029 où il progressera de 300 millions d'euros.

Trajectoire pluriannuelle du fonds chaleur

(en millions d'euros)

2025

2026

2027

2028

2029

2030

1200

1400

1600

1800

2000

2300

Source : commission des finances

Évolution des crédits du fonds chaleur

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

Le montant des financements prévus en 2024 reste cependant inférieur à ce qui serait nécessaire pour atteindre les objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie, qui nécessiterait au minimum 2 TWh supplémentaires par an générés par le Fonds chaleur, en plus des presque 5 TWh par an actuellement générés. La montée en charge prévue à partir de 2025, c'est-à-dire une augmentation de 200 millions d'euros par an, aurait déjà dû être mise en oeuvre les années antérieures.

4. Le Fonds « économie circulaire » voit ses crédits maintenus en 2024

Le Fonds « économie circulaire » vise à accompagner la politique des pouvoirs publics et à contribuer à l'atteinte des objectifs fixés par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, en réduisant significativement la part des déchets enfouis, en développant la réincorporation des matières recyclées, le recyclage, et en accompagnant la mise en oeuvre par les collectivités d'une tarification incitative. Il vise également à développer la méthanisation, ainsi que le soutien aux projets basés sur l'économie circulaire.

En 2021 et en 2022, le niveau d'engagement du fonds a été abondé par les crédits du plan de relance d'un montant global de 501,4 millions d'euros (221,8 millions d'euros en 2021, et 279,6 millions d'euros en 2022).

Le dispositif de soutien a été adapté au budget alloué et à ce contexte exceptionnel notamment par une augmentation de l'intensité des soutiens aux investissements : par exemple, les taux d'aide maximum sont calés sur les taux maximum permis par le droit européen ou encore, les plafonds d'aide sont supprimés.

L'année dernière, 301 millions d'euros ont été consacrés au fonds « économie circulaire »11(*). Cette somme était en augmentation de 133 millions d'euros par rapport aux financements du fonds en 2022 par le budget incitatif de l'ADEME, mais elle venait surtout compenser la fin du plan de relance. Pour 2024, il est prévu que ces 300 millions d'euros soient reconduits.

Financements du fonds économie circulaire

(en millions d'euros)

 

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Fonds Économie circulaire

164,0

164,0

163,0

167,0

300

300

Plan de relance, volet économie circulaire

-

16,0

221,8

274

1,0

-

Total

164,0

180,0

384,8

431

301,0

300

Note : les valeurs pour 2022 et 2023 sont prévisionnelles.

Source : commission des finances

Ce fonds ne doit pas être confondu avec le bonus réparation, prévu par la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC). Le financement de ce dernier repose entièrement sur les contributions versées par les producteurs aux éco-organismes agréés par l'État, tels qu'Ecosystem ou Refashion, en accord avec le principe de responsabilité élargie du producteur (REP).

De la multiplicité des financements de l'éco-circulaire nait une certaine illisibilité pour le citoyen. Par ailleurs, la décentralisation de cette politique par l'intermédiaire des éco-organismes peut nuire au déploiement des politiques publiques. Ainsi le ministère de la Transition écologique a prononcé vendredi 17 novembre 2023 une astreinte financière à l'encontre de l'éco-organisme Alcome. En effet, ce dernier a refusé de se conforme à la mise en demeure émise en juin 2023 par le DGPR de produire les éléments permettant de soutenir financièrement les collectivités locales pour la mise en place de cendriers de rue.

5. Le Fonds hydrogène voit ses crédits diminuer

À travers le Fonds hydrogène, le budget incitatif de l'ADEME vise à contribuer à l'émergence de la filière et d'encourager le déploiement des usages de l'hydrogène. Le fonds s'inscrit dans la stratégie nationale pour le déploiement de l'hydrogène décarboné, présentée en septembre 2020 à la suite d'une consultation de la filière hydrogène. Cette molécule peut être utilisée pour la production d'énergie, mais également pour le stockage de l'électricité.

Ce fonds est parallèle à France 2030, et peut compléter certains de ses budgets. Ainsi, l'appel à projets « hub territoriaux d'hydrogène » est financé par le budget incitatif de l'ADEME et le plan de relance, tandis que l'appel à projets « écosystèmes territoriaux d'hydrogène » relève du budget France 2030, et bénéficie d'une enveloppe du budget incitatif.

Outre les appels à projets, l'ADEME a également un rôle d'expertise. Aussi l'Agence est-elle en train de mener des études sur l'analyse de cycle de vie de la chaîne hydrogène, ainsi que des modélisations prospectives sur les enjeux sectoriels.

Le plan hydrogène est doté de 20 millions d'euros en 2024, contre 38 millions d'euros dans le dernier budget rectificatif de 2023. Il conviendra d'examiner les effets de cette diminution de crédits sur les projets portés.


* 11 Dont un million d'euro provenant de manière résiduelle du plan de relance.

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