C. EN 2024 LES MESURES DE SOUTIEN AUX CONSOMMATEURS D'ÉNERGIE SERONT NETTEMENT MOINS COÛTEUSES QU'EN 2023

1. Pour 2022 et 2023, sans compter la diminution de 18 milliards d'euros des recettes de fiscalité sur l'électricité, un coût de 34 milliards d'euros pour les finances publiques

Pour accompagner les consommateurs finals de gaz et d'électricité face à la crise des prix de l'énergie qui s'est déclenchée il y a de cela un peu plus de deux ans, différentes mesures de soutien ont été mises en oeuvre depuis la fin de l'année 2021. Les pertes de recettes subies par les fournisseurs en raison de ces mesures ont fait l'objet de compensations au titre du mécanisme des charges de service public de l'énergie (CSPE) financées par des crédits inscrits à l'action 17 « Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs » du programme 345.

Les tarifs réglementés de vente de gaz (TRVg) ont d'abord été gelés par voie règlementaire en octobre 2021 jusqu'à la fin de l'année 2022. Au premier semestre 2023, ce « bouclier tarifaire » sur les prix du gaz s'est traduit par une limitation de la hausse des TRVg à 15 %. Au 30 juin 2023, le Gouvernement a décidé de mettre un terme à ce dispositif en raison de la baisse des prix. D'après les estimations les plus récentes, le coût total de ce « bouclier tarifaire individuel » sur les prix du gaz se serait élevé à 4,8 milliards d'euros entre 2021 et 2023.

En parallèle de ce bouclier tarifaire « individuel », un dispositif destiné aux ménages vivant dans des logements chauffés collectivement au gaz a été instauré par voie règlementaire à compter du mois d'avril 2022 puis prorogé à plusieurs reprises jusqu'à la fin de l'année 2023. Son coût global prévisionnel pour les années 2022 et 2023 est estimé à 2,8 milliards d'euros.

En 2022 puis en 2023, un dispositif dit de « bouclier tarifaire » sur les prix de l'électricité a également été instauré pour limiter les effets de la hausse des prix de marché sur les factures des petits consommateurs éligibles aux tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe). Ce dispositif a permis de contenir les hausses moyennes des factures d'électricité des consommateurs éligibles aux TRVe à 4 % en 2022 puis, en 2023, à 15 % en février auxquels se sont ajoutés 10 % supplémentaires au mois d'août. Le coût pour les finances publiques de ce dispositif entre 2022 et 2023 est aujourd'hui estimé à 22,7 milliards d'euros.

Au coût de ce « bouclier tarifaire » sur les prix de l'électricité peut être ajouté celui qui résulte de la minoration des tarifs de l'accise sur l'électricité (l'ancienne taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité ou « TICFE ») à leur niveau minimum autorisé par le droit de l'Union européenne. Cette minoration a été mise en oeuvre en 2022 puis en 2023 pour une baisse de recettes publiques cumulée estimée à 18 milliards d'euros. En outre, en 2022, le bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité a également été financé, à hauteur d'environ 8 milliards d'euros par le relèvement de 20 TWh du volume d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh). Une charge qui a reposé entièrement sur l'entreprise Électricité de France (EDF) dont l'actionnariat est devenu 100 % public en juillet 2023.

Comme pour les prix du gaz mais avec retard, un dispositif spécifique appliqué ex post aux consommations électriques dans l'habitat collectif a été mis en oeuvre à compter de la fin de l'année 202230(*) et jusqu'à la fin de l'année 2023. Le coût de ce dispositif est évalué à 780 millions d'euros pour la période 2022-2023.

Enfin, en 2023, des mécanismes dits « d'amortisseurs » ont été créés pour soutenir les entités non éligibles au « bouclier tarifaire » sur les prix de l'électricité. Au mécanisme de droit commun s'est ajouté au début de l'année 2023 un dispositif renforcé qualifié de « sur-amortisseur » ciblé sur les très petites entreprises (TPE) non éligibles aux TRVe. Les compensations versées par l'État aux fournisseurs au titre de ces mécanismes d'amortisseurs devraient atteindre 2,7 milliards d'euros au titre de l'année 2023.

Coût pour les finances publiques des mesures de soutien aux consommateurs finals d'électricité et de gaz mises en oeuvre dans le cadre de la crise des prix de l'énergie (2021-2024)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

2. Au titre de l'année 2024, les dispositifs de soutien annoncés pourraient coûter 2,7 milliards d'euros31(*)

Pour 2024, le Gouvernement entend reconduire le dispositif de bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité. Cette reconduction est prévue par l'article 52 du présent PLF (voir infra le commentaire de l'article). Si l'article en question ne prévoit pas de cible de plafonnement des TRVe comme c'était le cas en 2022 (+ 4 %) et en 2023 (+ 15 %), l'administration a précisé au rapporteur que les hypothèses sous-jacentes ayant permis d'évaluer les crédits inscrits de l'action 17 se fondent entre autres sur un bouclier tarifaire qui plafonnerait l'augmentation des TRVe à 5 % en 2024 tandis que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique s'est engagé à ce que ces tarifs ne progressent pas de plus de 10 %. Au regard des dernières estimations relatives à l'évolution des prix de l'électricité, le Gouvernement considère que le coût de la prorogation du bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité en 2024 pourrait s'élever à 1,9 milliard d'euros.

Le Gouvernement a également annoncé qu'il comptait proposer pour 2024 la mise en oeuvre d'un dispositif d'amortisseur ciblé sur les entités non éligibles au bouclier tarifaire qui ont signé des contrats pluriannuels au moment du pic des prix de l'électricité observé au cours du second semestre 2022. Le Gouvernement évalue le coût prévisionnel de ce nouvel amortisseur à 770 millions d'euros pour l'année 2024. Ce dispositif ne figurait pas dans le PLF déposé à l'Assemblée nationale. Il a été intégré par amendement à l'article 52 (voir infra le commentaire de l'article) mais, compte-tenu des renvois prévus à des textes règlementaires d'application, il reste encore à ce jour un « objet non identifié ».

Enfin, le Gouvernement a aussi annoncé la prorogation en 2024 d'une mesure destinée aux structures d'habitat collectif chauffées au gaz qui ont, elles-aussi, conclu des contrats pluriannuels au cours du second semestre de l'année 2022. Ce dispositif est à ce jour évalué à 300 millions d'euros.

Le coût total prévisionnel brut des dispositifs prévus pour l'année 2024 est ainsi estimé à 2,7 milliards d'euros. Cette évaluation reste cependant extrêmement dépendante de l'évolution des prix de gros de l'électricité.

L'administration prévoit également qu'en 2024, 1 milliard d'euros résultant des compensations pour CSPE dues au titre des mécanismes en vigueur en 2023 devra encore être versé aux fournisseurs, si bien que les dépenses brutes prévisionnelles 2024 sur l'action 17 s'élèveraient à un total d'environ 3,6 milliards d'euros.

À travers le mécanisme budgétaire relatif aux charges de service public de l'énergie (CSPE), les recettes exceptionnelles dues par les producteurs d'énergie renouvelable, sous la forme de primes négatives, en raison de l'augmentation des prix de l'électricité sur le marché de gros (voir supra) viennent couvrir les compensations dues par l'État aux fournisseurs au titre des mesures prises pour soutenir les consommateurs d'énergie.

Ainsi, budgétairement, le Gouvernement peut-il présenter, au sein de l'action 17 du programme 345, un coût net des dispositifs de soutien. Comme présenté supra, la CRE a évalué en juillet dernier ces recettes exceptionnelles à 2,7 milliards d'euros en 2024. Cependant, arguant de la baisse des prix de gros de l'électricité intervenue depuis la délibération du régulateur en juillet, le Gouvernement a considéré que cette évaluation devait être minorée de près de 0,9 milliard d'euros.

La conjugaison de ces différents éléments explique que les crédits inscrits en 2024 à l'action 17 du projet annuel de performances du programme 345 s'élèvent à 2,2 milliards d'euros, un montant qui correspond au coût net estimatif pour les finances publiques des compensations à verser en 2024 au titre des mesures de soutien aux consommateurs finals d'énergie.

Détermination des montants inscrits en crédits à l'action 17 du programme 345

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Le graphique ci-après synthétise les différentes catégories de CSPE constatées (jusqu'en 2022) ou prévisionnelles (2023 et 2024) au titre des années 2020 à 2024. Il illustre notamment le fait que depuis 2022, les CSPE négatives des producteurs d'énergie renouvelable de métropole (action 09) contribuent à financer les CSPE qui résultent des mesures de soutien aux consommateurs.

Charges de service public de l'énergie retracées sur le programme 345 (2020-2024)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire


* 30 Avec un effet rétroactif sur le deuxième semestre de l'année 2022.

* 31 Hors minoration de l'accise sur l'électricité.

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