C. LES MESURES DU FONDS VERT ONT FAIT L'OBJET D'UNE DEMANDE IMPORTANTE DES COLLECTIVITÉS, MAIS LA MISE EN oeUVRE DU FONDS A ÉTÉ RETARDÉE DANS PLUSIEURS RÉGIONS

Les chiffres des dépôts de dossiers montrent que les mesures du fonds font, en général, l'objet d'une véritable demande par les collectivités territoriales. C'est le cas en particulier des politiques de rénovation énergétique des bâtiments et de l'éclairage public, de la renaturation des villes et de la Stratégie nationale biodiversité.

Les mesures qui ont fait l'objet de dépôts de dossiers moins élevés (protection contre les vents cycloniques, risques émergents de montagne, recul du trait de côte, etc.) concernent des profils spécifiques de collectivités territoriales.

Le tableau suivant présente les chiffres de l'exécution du fonds vert en 2023 à la date du 31 octobre 2023.

L'exécution du fonds vert en 2023 à la date du 31 octobre 2023

Source : réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Au niveau global, l'ensemble des AE devraient être consommées d'ici la fin de l'année, et même, d'après l'administration, les demandes supplémentaires de crédits demandées par les régions dès le début de l'année « reflètent le manque d'autorisations d'engagement, qui ne permet pas d'accompagner un grand nombre de dossiers dans plusieurs régions. »15(*)

La répartition du taux de consommation des AE entre les régions est relativement proche d'une région à l'autre, se situant en général entre 75 % et 85 %. Les départements et régions d'outre-mer ont toutefois souvent des taux supérieurs à 90 %, et l'Île-de-France a le taux de consommation des AE le plus faible, à 69 %.

La consommation en CP est plus faible en revanche. Le projet de loi de finances de fin de gestion a ainsi annulé 50 millions d'euros de crédits de paiement, en raison de décaissements constatés inférieurs aux prévisions.

Selon les régions, les données sont contrastées en ce qui concerne la consommation des CP. Hors outre-mer, le taux d'exécution des CP délégués aux régions atteint un maximum en Bourgogne Franche-Comté (61 %), et il est sinon généralement inférieur à 40 %, avec un certain nombre de régions se situant aux alentours de 35 % d'exécution.

En tout état de cause, la mise en place du fonds vert a manifestement connu des retards sur certains territoires. Il est probable que la consommation des crédits soit meilleure l'année prochaine, au regard du nombre de projets déjà engagés, mais la période de flottement entre la fin des politiques du plan de relance et l'instauration du fonds vert a pu être dommageable pour certaines collectivités territoriales.

1. Le fonds friches

Le programme 380 reprend le fonds friches, qui relevait de l'action 02 « Biodiversité et lutte contre l'artificialisation » du programme 362. Le Président de la République avait annoncé la pérennisation du fonds le 7 septembre 2021.

Le fonds friches a vocation à financer des opérations de recyclage de friches ou de fonciers déjà artificialisés. Le recyclage des friches engendre en effet des surcoûts par rapport aux constructions sur terrain non bâti, notamment en raison des travaux de restructuration lourde et de dépollution nécessaires. Le fonds friches doit permettre de construire de nouveaux logements et locaux d'activité, sans faire progresser l'artificialisation nette. Le Cerema estime ainsi que les friches représentent un stock de 150 000 hectares, dont 41 500 hectares en zone tendue.

Sont considérées comme des friches les terrains nus, déjà artificialisés, et qui ont perdu leur usage ou leur affectation, ainsi que les îlots d'habitat, d'activité ou mixte, bâti et caractérisé par une importante vacance.

Pour éviter les effets d'aubaine, le fonds friches s'adresse aux projets d'aménagements de friches dont les bilans économiques restent déficitaires après prise en compte de toutes les autres subventions publiques, et malgré la recherche de l'optimisation de tous les autres leviers d'équilibre. En outre, il concerne des projets suffisamment matures pour entrer en phase opérationnelle dans les deux ans à venir.

Ce fonds avait été initialement doté de 300 millions d'euros en AE dans la mission « Plan de relance » de la loi de finances initiale pour 2021. Dans le budget pour 2022, le fonds friches a été reconduit avec
350 millions d'euros supplémentaires, et il a bénéficié d'une rallonge de 100 millions d'euros au début de l'année 2022.

Au total, 750 millions d'euros ont été engagés dans le cadre du plan de relance, qui ont vocation à financer 1 382 projets lauréats. Ces sommes doivent permettre de recycler 3 375 hectares de friches pour la fin de l'année 2024.

Bilan du fonds friches en 2021 et 2022

 

Nombres de lauréats

Subventions attribuées (en millions d'euros)

Surface de friches recyclées (en hectares)

2021

AAP régionaux

132

579

2 500

AAP ADEME

999

45,5

1 016

Total

1 118

624,5

2 666

2022

AAP régionaux

245

100

613

AAP ADEME

21

21,5

93

Total

264

121,5

675

Note : le total des surfaces de friches recyclées est retraité des dossiers communs à l'ADEME et aux appels à projets (AAP) régionaux.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Le fonds vert a mis en commun le fonds « ADEME » et les fonds régionaux. La procédure d'octroi des subventions a également évolué. Le dépôt des dossiers est ouvert à tous les moments de l'année, et le traitement des dossiers fait désormais « au fil de l'eau », et non plus sur des périodes d'appel à projets. Le fonds vert a également inclus la renaturation totale ou partielle d'une friche, dans la liste des opérations pouvant faire l'objet d'un accompagnement financier, dans les mêmes conditions que les opérations de recyclage foncier.

Au 23 juillet 2023, dans le cadre du fonds vert, on compte :

- une préservation de surface de 809 hectares, ce qui correspond à 81 % de la cible inscrite dans le projet annuel de performances ;

- la construction de 17 802 logements nouveaux, dont 7 435 logements sociaux, à partir des opérations de recyclage fonciers ;

- la transformation de friches en espace naturel, agricole et forestier, d'environ 370 000 m².

Les financements initialement accordés au fonds friches dans le cadre du fonds vert, 616,7 millions d'euros sur quatre ans (soit 154,2 millions d'euros par an), sont inférieurs à ceux du plan de relance. Cette moindre ambition se traduit dans les objectifs de performance : la cible de surface de friches recyclées grâce au fonds est de 1 000 hectares en 2023 et 1 200 hectares les années suivantes, alors que l'objectif était de 3 000 hectares par an dans le plan de relance.

Au 31 octobre, 165 millions d'euros ont été attribués sur une demande de 1,2 milliard d'euros, ce qui correspond à un taux de satisfaction de 14 %. Ce taux est l'un des plus faibles des politiques menées dans le cadre du fonds vert, ce qui illustre le problème évoqué supra de qualité des dossiers.

2. La rénovation énergétique des bâtiments des collectivités territoriales

La rénovation énergétique des bâtiments collectivités territoriales est de loin de la mesure du fonds vert qui a fait l'objet du plus de dossiers déposés et des financements, au niveau global, les plus élevés.

Au 31 octobre 2023, on compte 2 706 dossiers acceptés pour un total de 5 646 dossiers déposés. 506,1 millions d'euros de subvention ont été accordés pour une demande de 1,9 milliard d'euros, ce qui représente un taux de satisfaction de 27 %. Les sommes attribués ont, en moyenne, permis de financer 22 % du montant total des projets.

Un tiers environ des dossiers visent à rénover des bâtiments scolaires. Pour cette raison, 500 millions d'euros supplémentaires sont fléchés en 2024 en AE pour les bâtiments scolaires. Viennent ensuite les bureaux et les logements qui représentent chacun environ un sixième des dossiers.

Les caractéristiques des rénovations menées, telles qu'elles sont exposées dans les documents budgétaires, sont les suivantes :

- les économies d'énergie atteindraient 48 % ;

- les trois-quarts des projets incluent l'isolation des murs, planchers ou toiture, et plus de 6 projets sur 10 incluent un changement de chauffage.

Les chiffres d'économies d'énergie sont encourageants, mais il faut rappeler qu'ils sont théoriques. Ils sont en effet déterminés à partir de la nature des travaux, et ne prennent pas en compte les éventuelles malfaçons.

Il a d'ores et déjà été acté qu'une partie significative des crédits du fonds vert pour 2024 seront fléchés sur la rénovation du bâti scolaire. Les communes ont été invitées par les préfets à transmettre leurs dossiers dans des délais parfois extrêmement brefs. Interrogée par votre rapporteur sur cette situation qui pénalise les communes les moins dotées en ingénierie ou n'ayant pas inscrits ces travaux dans leur programmation pluriannuelle des investissements, la DGALN a indiqué que les guichets seraient ouverts à plusieurs reprises.

3. La rénovation de l'éclairage public

Les actions éligibles au fonds vert pour la mesure « rénovation de l'éclairage public » doivent répondre aux critères suivants :

- ils doivent comporter une diminution du nombre de points lumineux et une baisse de la puissance installée d'au moins 25 %. Les luminaires installés doivent tendre à un éclairement maximum à la mise en service de 20 lux en agglomération et hors agglomération, et de 15 lux pour les espaces protégés au sens de l'article 4 de l'arrêté du 27 décembre 2018 ;

- ils doivent intégrer un mécanisme d'extinction en coeur de nuit, ou du moins la mise en place d'appareils permettant de détecter les piétons ou les véhicules en approche ;

- ils doivent avoir recours à des technologies utilisant des énergies renouvelables, ou ayant une durée de vie, calculée à 25° C, supérieure ou égale à 75 000 heures ;

- la température de couleur des luminaires installés ne doit pas dépasser les 2700 K en agglomération et hors agglomération et ne doit pas excéder 2400 K dans les espaces protégés ;

- les parcs de plus de 25 doivent être traités de manière prioritaire.

La rénovation de l'éclairage public fait partie des mesures les plus populaires du fonds vert. Au 31 octobre toujours, 2 134 dossiers ont été acceptés, pour un montant de financement attribué de 146,3 millions d'euros sur 527,3 millions d'euros (soit un taux de satisfaction de 28 %). Les montants relativement faibles au regard du nombre de dossiers déposés peuvent étonner, mais ils s'expliquent par le fait que les dossiers financés sont souvent de faible ampleur.

L'objectif de la mesure était de transformer au moins 10 % du système d'éclairage public pour les communes demandant une subvention au fonds vert. D'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial, le taux effectif de rénovation des luminaires est de 25 %, ce qui est supérieur à cette cible. Toutefois, les objectifs ont été atteints en se concentrant sur les communes de moins de 10 000 habitants16(*).

Il n'était pas absurde de se concentrer sur les petites communes, dans la mesure où cela permet de couvrir rapidement un territoire plus grand, l'objectif étant de rétablir des « trames noires », c'est-à-dire des espaces sans lumière artificielle la nuit, qui sont indispensables pour la préservation de la biodiversité. Il convient néanmoins de réexaminer la pertinence de ce critère pour les exercices suivants du fonds vert.


* 15 Réponses au questionnaire du rapporteur spécial.

* 16 20 000 pour les communes d'outre-mer.

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