III. LA SÉCURITÉ SOCIALE EN 2022

A. LES GRANDES LIGNES DE L'EXÉCUTION 2022

L'exécution 2022 est présentée en détail dans les commentaires des articles liminaire (administrations de sécurité sociale, ou Asso) et 1er (tableaux d'équilibre).

1. Un retour du solde des administrations de sécurité sociale à son niveau d'avant la crise sanitaire

Avec un excédent de 0,4 point de PIB, les administrations de sécurité sociale, ou Asso (concept de comptabilité nationale, englobant notamment l'assurance chômage et les hôpitaux) retrouvent un solde comparable à celui d'avant la crise sanitaire.

Capacité de financement des administrations de sécurité sociale

Source : Insee

Comme avant la crise sanitaire, on constaterait un déficit sans le solde excédentaire de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), de + 19 milliards d'euros (Md€).

Cet excédent ne traduit pas d'anomalie manifeste par rapport aux programmations qui se sont succédé depuis 2018 (LPFP de janvier 2018 et programmes de stabilité), même si l'excédent prévu pour 2022 par les programmations antérieures à la crise sanitaire était plus important (le dernier programme de stabilité avant la crise, celui d'avril 2019, prévoyait un excédent de 1,2 point de PIB en 2022).

Selon les estimations de la commission des affaires sociales, la quasi-totalité de l'excédent serait structurel (0,3 point de PIB sur 0,4)64(*).

2. Une forte aggravation du déficit des Robss et du FSV par rapport à avant la crise sanitaire, provenant essentiellement de l'assurance maladie

Toutefois ce retour apparent à la situation d'avant la crise sanitaire est en trompe-l'oeil, l'ensemble constitué par les Robss et le FSV étant désormais très déficitaire (- 19,6 Md€, contre - 1,7 Md€ en 2019). Si le solde des administrations publiques (Apu) retrouve néanmoins un niveau comparable à celui d'avant-crise, c'est parce que celui des autres Asso s'améliore (par rapport à 2019, + 6,2 Md€ pour l'Unédic, + 4,2 Md€ pour l'Agirc-Arrco, + 2,7 Md€ pour la Cades).

S'agissant plus précisément des Robss et du FSV, la quasi-totalité de l'augmentation du déficit depuis la crise sanitaire provient de l'assurance maladie. En effet, les dépenses d'assurance maladie, après avoir augmenté lors de la crise sanitaire, n'ont pas diminué depuis. Cette stabilisation des dépenses de la branche maladie autour de leur niveau de 2020 constitue un dérapage par rapport aux LFSS pour les années 2021 à 2023, qui toutes prévoient un retour des dépenses à leur trajectoire antérieure à la crise sanitaire. Ainsi, les dépenses de 2022 ont été supérieures de respectivement 9,9 Md€, 7,7 Md€, 21,1 Md€ et 12,0 Md€ aux prévisions des LFSS pour 2019, 2020, 2021 et 2022.

3. Le dépassement de l'Ondam
a) Un dépassement de 10,4 Md€

La loi de financement pour 2022 a fixé l'Ondam 2022 à 236,8 Md€. Le projet de loi d'approbation des comptes constate un atterrissage évalué à 247,2 Md€, soit un écart de 10,4 Md€.

Alors que de 2011 à 2019, les Ondam avaient systématiquement été respectés, ils ne l'ont plus été depuis, du fait de la crise sanitaire et des mesures prises pour compenser l'inflation.

Comme le souligne la Cour des comptes dans son récent Ralfss, « le respect de l'Ondam 2023 et des années suivantes implique la mise en place de mesures plus ambitieuses de maîtrise médicalisée par les caisses d'assurance maladie ».

b) Ne pas reconduire la disposition selon laquelle la procédure d'alerte ne se déclenche que si le dépassement provient des dépenses hors crise sanitaire

Le code de la sécurité sociale65(*) prévoit qu'un comité d'alerte sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie produit trois fois par an des avis sur la trajectoire de l'Ondam. En cas de « risque sérieux » de dépassement de cette dernière, il en notifie le Parlement, le Gouvernement et les caisses, lesquelles doivent alors proposer des mesures de redressement. Le « seuil d'alerte » est fixé depuis 2014 à 0,5 %66(*).

Depuis l'année 2020, le mécanisme d'alerte est partiellement « suspendu », les LFSS prévoyant67(*) que, dans le cas où le risque sérieux est imputable à l'évolution des dépenses liées à la crise sanitaire, la procédure de notification n'est pas appliquée.

La recommandation 5 du Ralfss 2023 est de « rétablir le seuil d'alerte en cas de risque de dépassement de l'Ondam de 0,5 % sans distinction entre dépenses covid et hors covid ».

La commission ne peut qu'approuver cette recommandation, alors que la covid-19 fait désormais partie du paysage épidémiologique.

Par ailleurs, la dérogation actuelle incite de fait le Gouvernement à majorer ses estimations de l'impact de la crise sanitaire afin de s'affranchir de la règle.

c) L'absence de PLFRSS, malgré des mesures coûtant 3 Md€ en 2022

Les mesures prises en conséquence de l'inflation (augmentation du point d'indice de la fonction publique, couverture de l'augmentation des charges non salariales liées à l'inflation) et la « mission Braun » sur les urgences représentent un coût total de 3 Md€ en 202268(*).

Certes, le déficit de la sécurité sociale ayant finalement été inférieur de 1,8 Md€ aux prévisions de la LFSS 2022, l'équilibre financier de la sécurité sociale n'était pas remis en cause, de sorte que le Gouvernement n'avait pas l'obligation de remettre un rapport69(*).

Toutefois des mesures équivalentes auraient été inscrites dans un collectif budgétaire si elles s'étaient trouvées dans le champ de l'État. Dès lors que ces dépenses supplémentaires ne consistaient pas en de simples dépassements de crédits évaluatifs, mais bien en des mesures nouvelles, il aurait été de bonne pratique de les inscrire dans un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS).


* 64 Calcul réalisé sur la base de l'estimation du PIB potentiel de la Commission européenne (15 mai 2023).

* 65 Article L. 114-4-1.

* 66 Article D. 114-4-0-17 du même code.

* 67 Article 115 de la LFSS 2022 : « Dans le cas où le risque sérieux que les dépenses d'assurance maladie dépassent l'objectif national de dépenses d'assurance maladie est imputable à l'évolution des dépenses liées à la crise sanitaire résultant de l'épidémie de covid-19, il n'est pas fait application, en 2022, des trois dernières phrases du cinquième alinéa de l'article L. 114-4-1 du code de la sécurité sociale ». L'article 108 de la LFSS 2023 comprend une disposition identique pour l'exercice 2023.

* 68 Respectivement 1,5 Md€, 0,8 Md€ et 0,7 Md€.

* 69 L'article L.O. 111-9-2-1 du code de la sécurité sociale, en vigueur depuis le 16 mars 2022 et inséré à l'initiative de la commission des affaires sociales du Sénat, prévoit que « lorsque, en cours d'exercice, les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale déterminées en loi de financement de la sécurité sociale sont remises en cause, le Gouvernement adresse sans délai aux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat saisies au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale un rapport » présentant notamment les mesures envisagées de redressement des comptes de la sécurité sociale pour l'année en cours.

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