N° 132

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2023

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024,

TOME III

ENVIRONNEMENT

Par MM. Guillaume CHEVROLLIER, Fabien GENET
et Pascal MARTIN,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot, président ; M. Didier Mandelli, premier vice-président ; Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Hervé Gillé, Rémy Pointereau, Mme Nadège Havet, M. Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Yves Roux, Cédric Chevalier, Ronan Dantec, vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Audrey Bélim, MM. Pascal Martin, Jean-Claude Anglars, secrétaires ; Mme Jocelyne Antoine, MM. Jean Bacci, Pierre Barros, Jean-Pierre Corbisez, Stéphane Demilly, Gilbert-Luc Devinaz, Franck Dhersin, Alain Duffourg, Sébastien Fagnen, Jacques Fernique, Fabien Genet, Éric Gold, Daniel Gueret, Mme Christine Herzog, MM. Joshua Hochart, Olivier Jacquin, Damien Michallet, Georges Naturel, Louis-Jean de Nicolaÿ, Saïd Omar Oili, Alexandre Ouizille, Clément Pernot, Mme Marie-Laure Phinera-Horth, M. Bernard Pillefer, Mme Kristina Pluchet, MM. Hervé Reynaud, Pierre Jean Rochette, Bruno Rojouan, Mme Denise Saint-Pé, MM. Philippe Tabarot, Simon Uzenat, Mme Sylvie Valente Le Hir, M. Michaël Weber.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) : 1680, 1715, 1719, 1723, 1745, 1778, 1781, 1805, 1808, 1820 et T.A. 178

Sénat : 127 et 128 à 134 (2023-2024)

CHAPITRE IER
LES CRÉDITS CONSACRÉS
AUX PAYSAGES, À L'EAU ET À LA BIODIVERSITÉ
ET À L'EXPERTISE, À L'INFORMATION GÉOGRAPHIQUE
ET À LA MÉTÉOROLOGIE

Réunie le 22 novembre 2023, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, suivant son rapporteur pour avis Guillaume Chevrollier, a émis à l'unanimité un avis favorable aux crédits relatifs aux paysages, à l'eau et à la biodiversité et à l'expertise, à l'information géographique et à la météorologie inscrits au projet de loi de finances pour 2024 (PLF).

Notant le doublement des crédits consacrés à la biodiversité et le relèvement du « plafond mordant » des recettes affectées aux agences de l'eau, la commission reconnaît l'ambition budgétaire nouvelle pour enrayer le déclin sans précédent des écosystèmes et mieux piloter la gestion de l'eau sous l'effet du changement climatique.

Les enjeux des politiques environnementales face à la nouvelle donne climatique sont cependant colossaux et ne sauraient être relevés uniquement par des moyens budgétaires nouveaux, aussi ambitieux soient-ils.

La commission souligne que les moyens humains et la cohérence des politiques publiques sont des prérequis indispensables pour restaurer et préserver la biodiversité, relever les défis de la gestion durable de l'eau et réussir la transition écologique. Les hausses d'effectifs prévues sont loin de compenser l'érosion continue des moyens humains du ministère et des opérateurs sous tutelle depuis une décennie.

De même, l'expertise scientifique qui constitue le soutien indispensable de l'action publique locale et nationale, doit être renforcée. Météo-France, l'IGN et le Cerema sont de précieuses boussoles pour mener à bien des politiques efficaces, dans un monde rendu plus complexe par le changement climatique. Ne pas accompagner ces opérateurs pourrait conduire à désorienter nos politiques environnementales, avec de fâcheuses conséquences dont la plus grave serait la mal-adaptation.

Pour ces raisons, la commission partage l'ambition environnementale inscrite dans ce PLF, tout en rappelant la nécessité de la cohérence des politiques publiques et la prévisibilité du cap budgétaire des prochains exercices pour inscrire les politiques dans le temps long, le seul qui puisse être transformateur.

I. UNE TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE ENCOURAGEANTE POUR LA BIODIVERSITÉ, QUI NE DOIT PAS OCCULTER LA NÉCESSAIRE COHÉRENCE DES ACTIONS ENVIRONNEMENTALES DE L'ÉTAT

L'accord historique conclu l'an dernier à Montréal1(*) pour mettre un terme au déclin du vivant, à l'issue de la COP15 Biodiversité, trouve, à la satisfaction du rapporteur, une traduction budgétaire significative. Chargée de décliner à l'échelle nationale les 23 cibles mondiales, la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) à l'horizon 2030 fait ainsi l'objet d'une dotation budgétaire qui contribue, à elle seule, au doublement des crédits du programme « paysages, eau et biodiversité »2(*).

Pour 2024, ce sont ainsi 264 M€ d'engagements de crédits nouveaux qui sont programmés pour financer la mise en oeuvre de la SNB, soit une hausse de 117 % de l'action « gestion des milieux et biodiversité ».

La biodiversité fait également l'objet de financements extérieurs au programme, à hauteur de 150 M€ dans le cadre du « fonds vert » sur le volet renaturation et réduction de l'artificialisation des sols, sans oublier l'effort considérable consenti par les collectivités territoriales en matière de biodiversité.

Par ailleurs, la stratégie nationale pour les aires protégées, les plans nationaux d'actions en faveur des espèces menacées ou encore le plan d'action pour prévenir l'introduction et la propagation des espèces exotiques envahissantes participent également à l'atteinte des objectifs de préservation de la biodiversité.

En outre, l'annonce gouvernementale du Pacte en faveur de la haie constitue une avancée saluée par le rapporteur : la cohérence des 25 actions qui seront mises en oeuvre, le renforcement des incitations au maintien des haies et la qualité de la concertation avec les agriculteurs seront les gages de sa réussite.

Le rythme soutenu d'arrachage des haies au cours de la dernière décennie amoindrit les services écosystémiques rendus par les trames bocagères qui constituent de véritables « tours de Babel écologiques » : refuge, production de biomasse, séquestration de carbone, gestion des flux hydriques, coupe-vent, îlot de fraîcheur, réserve de nourriture pour la biodiversité, etc.

Le gain de 50 000 km de linéaire de haies d'ici 2030 ne pourra être atteint qu'à la condition de renforcer leur acceptabilité économique et de sensibiliser les agriculteurs aux pratiques de bonne gestion, notamment à travers la valorisation économique de l'entretien des haies et le subventionnement des plantations.

En outre, la réglementation foisonnante applicable aux haies devra être simplifiée pour plus d'efficience, afin de promouvoir la bonne gestion des haies existantes et lutter contre les arrachages illégaux, en lien avec l'observatoire de la haie, dont le rapporteur plaide pour que son rôle soit bien plus qu'inventorial. De même, le déploiement aérien de la fibre optique génère parfois de fortes contraintes pour l'entretien des haies en bordure de réseau, qui font peser sur les riverains une responsabilité qui doit être mieux prise en compte.

En matière de biodiversité, le rapporteur salue l'ambition budgétaire rehaussée face aux pressions qui s'exercent sur la biodiversité et menacent les services écosystémiques sans pareils rendus par la nature : une bouchée sur trois des aliments que nous consommons dépend ainsi des pollinisateurs ! Mais il invite les pouvoirs publics à ne pas négliger l'importance de l'évaluation des stratégies, du rapportage des objectifs et de l'accompagnement des acteurs sur le terrain.

De même, la mise en cohérence des politiques publiques est fondamentale, afin que les efforts pour la restauration de la biodiversité ne soient pas vains du fait de dépenses publiques aux effets contraires : parfois, ce que fait la main budgétaire de l'État peut être neutralisé par ce que fait la main fiscale. C'est pourquoi l'environnement ne doit pas être une politique sectorielle, mais une préoccupation à prendre en compte dans toutes les politiques.


* 1 Accord de Kunming à Montréal du 19 décembre 2022.

* 2 Programme 113.

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