III. LA DETTE SOCIALE ATTEINT EN 2022 UN PIC INÉDIT

A. UNE SITUATION PATRIMONIALE DÉGRADÉE, DES COMPTES NON CERTIFIÉS

1. La sécurité sociale en 2022 : une situation patrimoniale dégradée

L'article 3 du PLACSS pour 2022 vise l'approbation par le Parlement d'un rapport, établi au 31 décembre 2022, « retraçant la situation patrimoniale des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement, à l'amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit et décrivant les mesures prévues pour l'affectation des excédents ou la couverture des déficits, tels qu'ils sont constatés dans les tableaux d'équilibre relatifs à l'exercice 2022 figurant à l'article 1er ». Ce rapport comporte un tableau représentant la situation patrimoniale de la sécurité sociale au 31 décembre 2022 ; une version simplifiée en est établie ci-dessous :

Situation patrimoniale simplifiée de la sécurité sociale en 2022

(en milliards d'euros)

Actif

Passif

Immobilisations

7,32

Fonds propres

-99,2

s.o.

dont réserves des ROBSS

10,08

dont investissements du FRR

14,21

dont reports à nouveau

-146,89

Provisions pour risques et charges

17,09

Actif financier

57,11

Passif financier

179,79

dont valeurs mobilières et placements

35,08

dont titres de l'Acoss

26,12

dont encours bancaire

20,33

dont titres de la Cades

143,56

dont créances financières

1,69

dont dettes bancaires

5,43

Actif circulant

106,92

Passif circulant

73,66

dont créances de prestations

8,49

dont dettes en prestations

39,9

dont créances de cotisations et ITN

12,64

dont charges à payer en cotisations

4,75

dont produits à recevoir

61,38

dont dettes envers les pers. publiques

18,13

dont créances sur des pers. publiques

16,02

dont autres passifs

10,88

Total de l'actif

171,34

Total du passif

171,34

Note de lecture : les items précédés de la conjonction « dont » correspondent à des exemples significatifs d'une catégorie, mais ne représentent pas tous les sous-totaux de cette catégorie.

Source : annexe A du PLACSS 2022 et commission des comptes de la sécurité sociale

Entendu comme le cumul des déficits non remboursés (passifs nets), l'endettement budgétaire de la sécurité sociale est de 99,2 milliards d'euros à la fin de 2022.

2. La certification des comptes sociaux en 2022 : la Cour des comptes émet réserves et refus

Aux termes de l'article 47-2 de la Constitution, « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière. » La Cour des comptes est chargée, en application du 4° de l'article L.O. 11-4-6 du code de la sécurité sociale et de l'article L.O. 132-2-1 du code des juridictions financières, de produire un rapport sur son activité de certification des comptes concernés par le PLACSS :

six opinions portent sur les comptes de l'activité de recouvrement et des branches maladie, vieillesse, AT-MP, famille et autonomie ;

quatre opinions portent sur les comptes des organismes nationaux : l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) devenue depuis 2021 la caisse centrale des Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf), les caisses nationales d'assurance maladie (CNAM), d'assurance vieillesse (CNAV), de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et des allocations familiales (CNAF).

Dans son rapport de 2014 sur l'exercice 2013, la Cour a certifié pour la première fois les comptes de la totalité des entités du régime général. Jusqu'en 2019, la certification des comptes, bien qu'avec réserve, a toujours été possible. Mais en 2020 et 2021, du fait de la crise sanitaire, la Cour a constaté l'impossibilité de certifier les comptes de l'activité de recouvrement et les comptes de la Caisse des prestations sociales des travailleurs indépendants (CPSTI), et a émis un nombre accru de réserves sur les comptes des branches de prestation.

Dans son rapport de 20229(*), la Cour des comptes a pour la première fois depuis 2014 refusé de certifier les comptes de la branche maladie et de la CNAF. Selon la Cour, la situation de la branche famille est particulièrement préoccupante ; elle relève que les contrôles ont été maintenus à une niveau inférieur à la situation antérieure à la crise sanitaire, malgré une dégradation de l'indicateur de risque financier à 7,6 % (contre 5,5 % en 2019) équivalant à 5,8 milliards d'euros d'indus et de rappels qui ne seront jamais détectés.

En 2022, un quart des montants versés au titre de la prime d'activité, un sixième des montants versés au titre du revenu de solidarité activité (RSA) et un huitième des montants versés au titre des aides au logement sont affectés d'erreurs non corrigées après neuf mois.

Cette situation souligne à nouveau, s'il en était besoin, la nécessité de renforcer la lutte contre les erreurs et les abus, comme le défend le Sénat depuis maintenant plusieurs années.


* 9 Elle certifie avec réserve les comptes des activités de recouvrement, des organismes nationaux et des quatre autres branches de prestation du régime général.

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