AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (PLACSS) pour 2022 est le premier projet de loi de cette nature soumis au Parlement.

Dans la continuité de sa pratique habituelle, la commission des finances a fait le choix de saisir pour avis de ce texte. Elle se saisit en effet pour avis de tous les projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), en raison de l'importance des recettes et dépenses de la sécurité sociale dans les finances publiques ; l'année 2023 aura également été marquée par sa saisine pour avis1(*) d'un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFRSS) portant réforme des retraites.

S'il existe depuis 1818 une loi de règlement qui, aux termes de l'article 37 de la loi n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), « constate les résultats financiers de chaque année civile et approuve les différences entre les résultats et les prévisions de la loi de finances de l'année, complétée, le cas échéant, par ses lois rectificatives » et « arrête le montant définitif des recettes et des dépenses du budget auquel elle se rapporte, ainsi que le résultat budgétaire qui en découle », tel n'était, jusqu'à cette année, pas le cas pour les comptes de la sécurité sociale.

Si l'exécution passée faisait l'objet d'un examen dans le cadre de la première partie des LFSS de l'année, il s'agissait bien souvent, en pratique, d'une entreprise rapidement expédiée. C'est pourquoi la loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale a prévu la création d'une « loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale » (LACSS).

Le présent rapport pour avis vise à établir un tableau synthétique de la situation financière et patrimoniale de la sécurité sociale en 2022 et à donner l'appréciation de la commission des finances sur cette situation.

Rejeté par l'Assemblée nationale, le présent projet de loi a été transmis au Sénat le mercredi 7 juin 2023.

I. EN 2022, UN IMPORTANT DÉFICIT TOUTEFOIS EN RÉSORPTION, DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE INCERTAIN

A. L'EXERCICE 2022 EST MARQUÉ PAR UNE RÉSORPTION DU DÉFICIT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE, QUI DEMEURE NÉANMOINS IMPORTANT

1. L'article liminaire laisse voir un excédent en trompe-l'oeil des administrations de sécurité sociale (ASSO)

Conformément au 1° de l'article LO. 111-3-13 du code de la sécurité sociale, l'article liminaire présente les dépenses, les recettes et le solde des administrations de sécurité sociale (ASSO) arrondis à la première décimale pour l'exercice de l'année 2022, au sens de la comptabilité nationale. Ce solde apparaît à 0,3 % du produit intérieur brut (PIB) en raison de l'arrondi à la première décimale.

Recettes, dépenses et solde des ASSO

(en pourcentage du PIB)

 

2022

Recettes

27,0

Dépenses

26,6

Solde

0,3

Source : article liminaire du PLACSS 2022

Le champ de l'article liminaire regroupe l'ensemble des administrations de sécurité sociale (ASSO). Il s'agit donc d'un périmètre relativement élargi. En effet, les ASSO regroupent :

- l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) et le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) ;

- les régimes de retraite complémentaire ;

- l'assurance chômage ;

- les hôpitaux ;

- la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) et le Fonds de réserve pour les retraites (FRR).

Comparaison des périmètres des ASSO, de la sécurité sociale,
des régimes obligatoires de base et du FSV

Source : bilan des relations financières entre l'État et la protection sociale, annexe au PLF 2023

Les excédents de la CADES - qui correspondent à l'amortissement de la dette des régimes obligatoires de base (19 milliards d'euros en 2022) - contribuent largement au solde positif de l'ensemble de ce secteur. C'est donc un excédent en trompe l'oeil que présente l'article liminaire ; en réalité, les comptes des régimes obligatoires de base sont, malgré l'excédent enregistré par le FSV, fortement déficitaires.

2. La situation des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et le Fonds de solidarité vieillesse en 2022 : une « dégradation prévisible »

En 2022, le déficit des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (ROBSS) et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) s'est élevé à 19,6 milliards d'euros (0,7 point de PIB), soit une réduction de 4,7 milliards d'euros par rapport à l'exécution 2021.

Le solde est en amélioration de 1,8 milliard d'euros par rapport à la prévision initiale de la LFSS pour 2022 (- 21,4 milliards d'euros), mais en légère détérioration par rapport aux dernières prévisions figurant en loi de financement rectificative pour 2023 (- 18,9 milliards d'euros), en raison d'un dernier trimestre 2022 moins favorable qu'anticipé.

La lisibilité des différences de solde entre les exercices 2021 et 2022 est cependant amoindrie par la décision du Gouvernement de ne pas rectifier les comptes de l'année 2021, malgré les recommandations de la Cour des comptes et malgré le vote du Parlement, à l'initiative du Sénat, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023.

La rectification par le Parlement des tableaux d'équilibre de 2021
de la sécurité sociale

Dans le rapport de certification des comptes de 2021 du régime général, la Cour des comptes avait souligné l'anomalie que constituait la comptabilisation au titre de 2021 de produits perçus auprès des travailleurs indépendants et rattachables à l'exercice 2020. Cette comptabilisation conduisait à majorer de 5 milliards d'euros le résultat de 2021 et à minorer d'autant le résultat de 2020.

Le Parlement a dès lors adopté, à l'initiative du Sénat et de sa commission des affaires sociales, un amendement2(*) rectifiant les recettes et le solde des tableaux d'équilibre de 2021 de l'ensemble des régimes obligatoires de base, ainsi que du régime général, à l'occasion de leur approbation en loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

Le Gouvernement n'a cependant pas souhaité produire les comptes pro forma pour l'année 2021, qui auraient concrétisé cette rectification, au mépris du vote des parlementaires.

La branche maladie porte, à elle seule, un déficit de 21,0 milliards d'euros, équivalent à lui seul au déficit de l'ensemble de la sécurité sociale (21,0 milliards également). Seul l'excédent du Fonds de solidarité vieillesse explique que le solde de l'ensemble des branches et du FSV soit légèrement moins déficitaire, à 19,6 milliards d'euros.

Recettes, dépenses et solde des ROBSS et du FSV
par branche en 2022

(en milliards d'euros)

 

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

221,1

242,1

-21,0

Accidents du travail - maladies professionnelles (AT-MP)

16,2

14,5

1,7

Vieillesse

259,0

262,8

-3,8

Famille

53,3

51,4

1,9

Autonomie

35,4

35,2

0,2

Toutes branches (hors transferts entre branches)

570,3

591,3

-21,0

Toutes branches (hors transferts entre branches), y.c. Fonds de solidarité vieillesse (FSV)

572

591,6

-19,6

Source : article 1er du PLACSS pour 2022

Évolution du solde de la sécurité sociale
entre 2019 (réalisé) et 2023 (prévisions)

(en milliards d'euros)

Source : LFSS pour 2022, PLACSS pour 2022 (réalisés) et LFSS pour 2023 (prévisions)

Si le déficit semble suivre une tendance à la réduction, il s'agit là d'une tendance sur laquelle le Gouvernement n'a pas de prise. La Cour des comptes décrit avec réalisme la situation de la sécurité sociale alors qu'il est tentant de se satisfaire d'une « amélioration temporaire », il importe en réalité de se préoccuper d'une « dégradation prévisible ».

En effet, la résorption du déficit, qui reste très important à 21 milliards d'euros pour les ROBSS (19,6 milliards d'euros s'il est tenu compte de l'excédent du FSV), est principalement due à une dynamique imprévue des recettes : 571,83 milliards d'euros en 2022, soit + 4,1 % par rapport à la prévision de la LFSS 2022 - ce dont le Gouvernement n'est pas responsable et qui ne saurait se reproduire les années à venir.

A l'inverse, les dépenses - sur lesquelles le Gouvernement dispose de certains leviers de contrôle - ne sont pas maîtrisées et croissent à un rythme important (+3,7 % par rapport à la prévision de la LFSS 2022). Le déficit futur risque ainsi de se creuser à nouveau.


* 1 Rapport pour avis n° 373 (2022-2023) sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale portant réforme des retraites, fait par Mme Sylvie Vermeillet au nom de la commission des finances, 28 février 2023.

* 2 Amendement n° 19 de la commission des affaires sociales du Sénat

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