Ø Proposition de règlement relatif à l'établissement d'un cadre de mesures en vue de renforcer l'écosystème européen de la fabrication de produits de technologie « net zéro » (COM(2023) 161)

La proposition de règlement, présentée le 16 mars 2023, s'inscrit dans le cadre de la communication de la Commission du 1er février 2023 relative au plan industriel du pacte vert, qui entend « faire de l'industrie européenne un champion de la neutralité carbone » en vue de soutenir les objectif de l'Union pour 2030 de « fit for 55 »1(*) et de neutralité climatique de l'Union à horizon 2050.

Elle propose d'agir sur les principaux moteurs des investissements dans la production technologique « net zéro » en prévoyant :

- une simplification du cadre réglementaire ;

- une amélioration de l'investissement dans la capacité de production de l'Union en technologies essentielles à la réalisation des objectifs de neutralité climatique de l'Union et à la résilience de son système énergétique décarboné, tout en contribuant à réduire la pollution ;

- une réduction des dépendances de l'Union, qui est fortement importatrice nette de technologies « net zéro»2(*) alors que celles-ci jouent un rôle clé dans son autonomie stratégique ouverte.

Également présenté comme une réponse à l'IRA (loi sur la réduction de l'inflation) américain qui mobilisera plus de 360 milliards d'euros d'ici à 2033, ce cadre n'est pas assorti de nouveaux financements européens, même si les projets pourront être appuyés par les possibilités existantes offertes par le Fonds pour l'innovation, le programme InvestEU, la facilité pour la reprise et la résilience, Horizon Europe et les programmes de cohésion, et bénéficier d'aides d'État dans le cadre du régime temporaire applicable jusqu'à fin 2025.

1. Un champ d'application circonscrit et des objectifs chiffrés pour les technologies stratégiques « net zéro» et les capacités d'injection de CO2

11 technologies « net zéro» innovantes sont concernées :

- technologies liées aux énergies renouvelables ;

- technologies de stockage d'électricité et de chaleur ;

- pompes à chaleur ;

- technologies des réseaux électriques ;

- carburants renouvelables non biologiques ;

- technologies liées aux carburants de substitution durables ;

- électrolyseurs et piles à combustible ;

- technologies avancées de production d'énergie à partir de processus nucléaires dans lesquels le cycle de combustible génère un minimum de déchets ;

- petits réacteurs modulaires et combustibles connexes les plus performants ;

- technologies de captage, utilisation et stockage du carbone. ;

- technologies à bon rendement énergétique liées au système énergétique.

Huit technologies, listées en annexe, sont considérées comme stratégiques et bénéficient à ce titre des dispositions relatives à la réduction des délais d'autorisation, de l'éligibilité aux critères de soutenabilité et de l'accès à la plateforme de coordination des financements :

- le solaire (photovoltaïque et thermique) ;

- l'éolien (offshore et onshore) ;

- les batteries/stockage ;

- les pompes à chaleur et géothermie ;

- l'électrolyse et les piles à combustible ;

- le biométhane ;

- les réseaux électriques ;

- la capture et le stockage du carbone (CCUS).

Seuls sont pris en compte les produits finaux et les composants et machines spécifiques principalement utilisés pour leur production et les systèmes réels achevés et qualifiés pour des tests et démonstrations (niveau de maturité technologique d'au moins 8).

Une cible incitative de capacités de production « net zéro » est définie à horizon 2030 pour les seules technologies considérées comme stratégiques : l'atteinte d'un critère de référence d'au moins 40% des besoins annuels de déploiement de l'Union pour atteindre les objectifs en matière de climat et d'énergie à horizon 2030.

En matière de stockage de CO2, l'objectif de capacité d'injection annuelle à horizon 2030 est d'au moins 50 millions de tonnes dans les sites de stockage situés sur le territoire européen, dans sa zone économique exclusive (ZEE) ou sur son plateau continental.

2. Un cadre comportant sept piliers destinés à :

- faciliter les investissements dans la conception et la production de technologies « zéro net » dans l'Union en rationalisant les processus administratifs et la délivrance des autorisations pour les projets stratégiques « zéro net » ;

- coordonner le développement des capacités d'injection de CO2 sur le territoire européen ;

- ouvrir à ces technologies un accès aux marchés publics ;

- renforcer les compétences en matière de technologies « zéro net » ;

- promouvoir la création, par les États membres, de bacs à sable réglementaires pour appuyer l'innovation ;

- créer une plateforme « Europe zéro net », qui permette à la Commission de coordonner ces différentes actions conjointement avec les États membres et facilite le partage des connaissances ;

- une coopération renforcée en matière de suivi, appuyée sur la collecte d'informations pour anticiper et prévenir les pénuries.

3. La rationalisation des procédures administratives nationales et des projets stratégiques (Chapitre II)

· Un guichet national unique pour les procédures administratives et d'octroi de permis et des informations en ligne sur les procédures d'octroi de permis, les services bancaires et d'investissement, les possibilités de financement à l'échelle de l'Union ou des États membres et les services de soutien aux entreprises

· Des délais raccourcis de délivrance d'autorisations pour les projets de production (12 mois pour la construction de capacités de production annuelle inférieure à 1 GW et 18 mois pour les projets dépassant ce seuil - délais réduits de moitié pour l'augmentation des capacités de production des installations existantes).

Une coordination est prévue avec les procédures d'évaluation environnementales et les États membres devront veiller à ce que les plans d'affectation des sols et de zonage incluent, le cas échéant, des dispositions relatives au développement de projets de production de technologies « zéro net ». Des évaluations combinées sont prévues, en particulier lorsque les plans traitent des incidences sur les masses d'eau éventuellement concernées, y compris les incidences sur le milieu marin et les interactions terre-mer.

· Des projets stratégiques « zéro net » bénéficiant de procédures simplifiées et d'un soutien administratif

Pour être reconnus comme stratégiques par les États membres, les projets doivent contribuer à la réalisation des objectifs du règlement et répondre à au moins l'un des critères suivants (art. 10) :

- une contribution à la résilience technologique et industrielle du système énergétique de l'Union en augmentant la capacité de fabrication d'un composant ou d'une partie de la chaîne de valeur d'une technologie « zéro net » pour laquelle l'Union dépend fortement des importations en provenance d'un seul pays tiers ;

- une incidence positive (4 critères) sur la chaîne d'approvisionnement industrielle ou les secteurs en aval de l'Union, au-delà du promoteur et des États membres concernés, et une contribution à la compétitivité et à la création d'emplois de qualité dans la chaîne d'approvisionnement industrielle de technologies « zéro net »

- une réalisation techniquement possible dans un délai raisonnable et un volume de production estimé fiable ;

- une mise en oeuvre de manière durable (suivi, prévention et réduction des incidences sur l'environnement, pratiques socialement responsables, adoption de pratiques commerciales responsables en particulier en matière de corruption) ;

- des avantages transfrontières pour les projets réalisés dans l'UE, et une valeur ajoutée pour le pays tiers en développement sur le territoire duquel le projet est réalisé.

Les projets de stockage de CO2 sont également reconnus comme des projets stratégiques si le site de stockage géologique est situé sur le territoire européen, dans sa zone économique exclusive (ZEE) ou sur son plateau continental, s'ils permettent d'atteindre l'objectif de capacité d'injection à horizon 2030 et s'ils ont fait l'objet d'une demande de permis pour le stockage sûr et permanent, conformément à la directive 2009/31/CE.

Un projet de production de technologie  « zéro net » situé sur le territoire européen qui contribue à la réalisation des objectifs du règlement et qui bénéficie du fonds pour l'innovation du système d'échange des quotas d'émission (SEQE) qui fait partie des PIIEC, des projets « vallées européennes de l'hydrogène » ou des projets de la Banque de l'hydrogène est reconnu par les États membres comme projet stratégique « zéro net », sans que le promoteur du projet soit tenu de présenter une demande formelle (art. 10§4).

La demande de reconnaissance comprend des justificatifs pertinents en lien avec les critères et un plan d'affaires évaluant la viabilité financière du projet conformément à l'objectif de création d'emplois qualifiés. Elle est évaluée par l'État membre dans un délai d'un mois. En l'absence de décision dans ce délai, le projet est réputé approuvé. La Commission peut donner son avis sur les projets approuvés. Lorsque que la demande de reconnaissance a été rejetée par l'État membre, le promoteur peut lui demander une évaluation. La Commission rend alors un avis motivé sous 20 jours. Si son appréciation diffère de celle de l'État membre, la plateforme « Europe zéro net » examine le projet.

Les demandes de permis et d'autorisation (et les recours) pour ces projets stratégiques devront bénéficier d'un traitement prioritaire et les délais de délivrance sont strictement encadrés (9 mois pour les projets de production limités à la construction de capacités de production annuelle inférieure à 1 GW, 12 mois pour les autres, et 18 mois pour les sites de stockage géologique de dioxyde de carbone). Ces délais sont réduits de moitié lorsque la demande est destinée à permettre l'augmentation des capacités de fabrication dans des installations de production existantes.

Les promoteurs pourront en outre bénéficier d'une aide de la part de la Commission et des États membres en cas de difficultés d'accès au financement, d'un soutien administratif et d'une assistance afin d'accroître encore l'acceptation du projet par le public.

La plateforme « Europe zéro net », qui examinera les besoins financiers et les goulets d'étranglement des projets stratégiques « zéro net », pourra conseiller les promoteurs qui lui en font la demande sur la manière dont le financement du projet peut être mené à bien.

4. Le renforcement des capacités d'injection de CO2 (Chapitre III)

· Des informations disponibles

Les États membres devront mettre à la disposition du public des données sur les zones où des sites de stockage peuvent être implantés et les entités titulaires d'une autorisation de prospecter, d'exploiter et d'extraire des hydrocarbures sur le territoire européen devront rendre publiques les données géologiques relatives aux sites de production qui ont été déclassés ou dont le déclassement a été notifié à l'autorité européenne.

Les États membres devront en outre adresser à la Commission un rapport annuel décrivant les projets de captage de CO2 en cours et une estimation des besoins correspondants en matière de capacités d'injection et de stockage, les projets de stockage en cours et les mesures de soutien qui pourraient être apportées à ces projets.

· Des contributions individuelles des producteurs de pétrole et de gaz à l'objectif de capacité d'injection

Calculée par la Commission au prorata de la part de l'entité dans la production européenne de pétrole brut et de gaz naturel entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2023, cette contribution, qui consiste en une capacité d'injection de CO2 dans un site de stockage autorisé disponible sur le marché d'ici à 2030, sera imposée à chaque entité recensée par un État membre.

5. Ouverture des marchés publics aux technologies « zéro net » (chapitre IV)

Les pouvoirs adjudicateurs devront donner la priorité à l'offre économiquement la plus avantageuse, qui présente le meilleur rapport qualité/prix et indique sa contribution à la durabilité et à la résilience. Cette contribution sera déterminée par des critères cumulatifs objectifs et transparents, dont la pondération devra être comprise entre 15% et 30% des critères d'attribution du marché.

Il est par ailleurs prévu que les États membres pourront mettre en place des régimes d'incitation à l'achat, par les consommateurs, de produits finaux de technologies « zéro net » présentant une contribution élevée à la durabilité et à la résilience, dans la limite de 5% du coût.

La plateforme « Europe net zéro » examinera les mesures prises par les États membres, en particulier l'utilisation pratique des critères ou les régimes d'incitation à l'achat.

6. Renforcement des compétences pour la création d'emplois de qualité (chapitre V)

La Commission pourra soutenir la création d'académies européennes de l'industrie « zéro net » et une reconnaissance des qualifications professionnelles dans ces industries sera mise en place.

La plateforme « Europe zéro net » est par ailleurs chargée de soutenir la disponibilité et le déploiement de compétences dans les technologies « zéro net ».

7. Accompagnement de l'innovation en matière de technologies « zéro net » (chapitre VI)

Les États membres sont invités à mettre en place des « bacs à sable » réglementaires pour ces technologies, soit de leur propre initiative, soit à la demande d'un porteur de projet, selon des modalités définies par des actes d'exécution.

Dès lors qu'ils respectent le plan du bac à sable et les règles de participation à celui-ci, les participants ne peuvent pas être sanctionnés pour infraction à la législation européenne ou nationale concernant la technologie « zéro net » surveillée dans le bac à sable. Un rapport sera adressé chaque année à la Commission sur les résultats de la mise en oeuvre des bacs à sable règlementaires (bonnes pratiques, recommandations).

Pour accompagner les PME, les États membres devront leur donner un accès prioritaire aux bacs à sable réglementaires, organiser des activité de sensibilisation sur leur participation à ces outils, mettre en place un canal de communication spécifique et les informer du soutien disponible pour leurs activités dans celui-ci.

8. La plateforme « Europe zéro net » (chapitre VII)

Chargée de conseiller et d'assister la Commission et les États membres dans les actions qu'ils mènent pour atteindre les objectifs du règlement, la plateforme sera également un outil de coordination pour les partenariats industriels « zéro net » et de soutien à la coopération entre l'Union et les pays tiers, priorité étant donnée aux partenariats tenant compte de la contribution potentielle à la sécurité de l'approvisionnement et de l'existence d'accords de coopération (art. 28).

Composée des État membres et de la Commission, qui la préside, la plateforme se réunira régulièrement, en présence d'observateurs du Parlement européen, d'experts et de tiers invités, pour exercer ses missions. Appelée à se prononcer par consensus, elle pourra créer, en tant que de besoin, des sous-groupes permanents et temporaires.

9. Un suivi sur la base des données transmises par les États membres (chapitre VIII)

La Commission assurera un suivi permanent des progrès réalisés dans l'Union en matière d'atteinte des objectifs du règlement, avec publication annuelle de recommandations, alimenté en particulier par les données collectées et transmises chaque année par les États membres sur les évolutions des technologies « zéro net » et les tendances du marché, les capacités de production de ces technologies et activités connexes, la valeur et le volume de l'importation, la durée moyenne des procédures d'autorisation, le nombre et les types de permis accordés, bloqués, retirés, le nombre de bacs à sable réglementaires mis en place et la quantité de CO2 stockée de manière permanente.

Trois ans après l'entrée en application du règlement, la Commission procédera à une évaluation de la réalisation des objectifs et de l'incidence du règlement notamment sur les PME et les utilisateurs finaux.

Les actes délégués prévus par le règlement auront une durée de validité de 5 ans, tacitement reconductible sauf opposition du Parlement européen ou du Conseil. Sauf objection de la part du Parlement européen ou du Conseil, ils entreront en vigueur 2 mois après leur notification. La délégation sera révocable à tout moment.

10. Le traitement et la protection des informations confidentielles (chapitre IX)

Les secrets commerciaux et les informations sensibles, confidentielles et classifiées obtenues en application du règlement devront être protégés et toutes les personnes y ayant accès seront soumises à une obligation de confidentialité. La plateforme devra également prendre les mesures nécessaires pour garantir la sécurité du traitement des informations confidentielles et commercialement sensibles.

Les mesures proposées sont fondées sur l'article 114 du Traité de fonctionnement de l'Union européenne, relatif au marché intérieur.

Si la mise en place d'un cadre coordonné pour faciliter le développement de l'industrie zéro net sur le territoire européen apparaît pertinente, certains aspects de la proposition de règlement sont contestables, en particulier la liste des technologies et l'identification de celles qualifiées de stratégiques.

Compte tenu de ces observations, et au regard de l'exigence d'amélioration de l'autonomie stratégique de l'UE dans les technologies « zéro net », le groupe de travail sur la subsidiarité a donc décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte au titre de l'article 88-6 de la Constitution, mais d'envisager son examen sur le fond en vue de proposer éventuellement une résolution au titre de l`article 88-4 de la Constitution, afin de faire connaître la position du Sénat au Gouvernement dans la perspective de la négociation de ce texte au Conseil.


* 1 « Paquet » présenté par la Commission en juillet 2021 afin de réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre d'au moins 55% par rapport au niveau de 1990.

* 2 Notamment pour les batteries électriques, les modules photovoltaïques solaires et piles à combustible, importés de Chine, ou encore 90 % des lingots et des wafers.