COM(2022) 541 final  du 26/10/2022

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


La Commission européenne a présenté, le 26 octobre 2022, un paquet « zéro pollution », qui vise à garantir d'ici 2050 un environnement exempt de polluants nocifs. Ce paquet s'inscrit dans les objectifs du Pacte vert pour l'Europe qui visent à améliorer la qualité de l'eau et de l'air ambiant, et du plan d'action de l'Union européenne, publié en mai 2021, à la suite de ce Pacte, intitulé : « Vers une pollution zéro de l'air, de l'eau et des sols ». Ce paquet législatif comprend trois textes qui prévoient de fixer des règles plus strictes en matière de qualité de l'air, de polluants des eaux souterraines et de surface, et de traitement des eaux urbaines résiduaires.

Proposition de directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (refonte) (COM (2022) 541)

La Commission européenne a présenté une refonte de la directive sur le traitement des eaux urbaines résiduaires, adoptée en 1991. Cette législation qui vise à protéger l'environnement contre les effets néfastes des rejets d'eaux usées d'origine urbaine et de certaines industries s'applique pour l'instant à toutes les agglomérations de plus de 2 000 habitants. Sa mise en oeuvre a permis une réduction significative des rejets de polluants de l'Union européenne, même si des difficultés persistent dans certains États membres. Toutefois, une évaluation approfondie de la directive actuelle, publiée en 2019, a identifié des améliorations nécessaires pour répondre aux enjeux de protection de l'environnement et de la santé. Il s'agit notamment de mieux traiter la pollution provenant des petites agglomérations et des eaux pluviales ainsi de que de prendre en compte les récentes connaissances scientifiques sur les polluants et micropolluants. Selon les estimations de la Commission européenne, la présente proposition devrait contribuer à diminuer les microplastiques de 9 % et les gaz à effet de serre de 46 %, pour un coût de 3,8 milliards d'euros et des bénéfices estimés à 6,6 milliards d'euros par an.

La refonte de la directive sur le traitement des eaux urbaines résiduaires prévoit plusieurs modifications importantes. En premier lieu, elle étend le champ d'application de la directive à toutes les agglomérations de 1 000 habitants (ou équivalents habitants) ou plus, au lieu de 2 000 auparavant. Les agglomérations nouvellement couvertes par la directive devront s'y conformer d'ici à 2030. Il convient de noter que la France soutient cette disposition et qu'une vingtaine d'États membres ont déjà des obligations de raccordement à des installations de traitement dans leur législation. Les États membres devront également veiller à ce que tous les ménages soient raccordés aux systèmes de collecte lorsqu'ils existent. De nouvelles normes sont élaborées pour les installations individuelles décentralisées, qui devront faire l'objet d'une inspection efficace.

L'obligation d'appliquer un traitement secondaire aux eaux urbaines résiduaires (procédé impliquant généralement un traitement biologique avec dosage ou d'autres procédés) avant leur rejet dans l'environnement sera aussi progressivement étendue à toutes les agglomérations dont l'équivalent habitant est égal ou supérieur à 1 000, contre 2 000 et plus dans la directive actuelle. L'application de l'obligation de traitement tertiaire (procédé éliminant l'azote et le phosphore) sera également étendue. Une nouvelle obligation de traitement quaternaire (élimination de micropolluants) est progressivement introduite pour certaines agglomérations.

Il est également prévu une nouvelle obligation de mise en oeuvre de plans intégrés de gestion des eaux usées urbaines dans toutes les grandes agglomérations et dans celles de plus de 10 000 équivanlents-habitants (EH)1(*) afin de réduire la pollution causée par les eaux pluviales.

La proposition de directive introduit une nouvelle responsabilité élargie des producteurs, sur le modèle de celle existante pour la gestion des déchets, et conformément au principe « pollueur-payeur ». Les producteurs devront contribuer aux coûts de traitement quaternaire dans le cas de mise sur le marché de l'UE de produits rejetant des micropolluants en fin de cycle de vie. Le coût estimé de cette mesure est de 1,2 milliards d'euros par an. La contribution financière sera établie sur la base de la quantité et de la toxicité des produits mis sur le marché. Elle concernerait principalement les fabricants de produits pharmaceutiques ou cosmétiques qui sont majoritairement présents dans les stations d'épuration des eaux usées. Sa mise en application est laissée à l'appréciation des États membres.

Le texte introduit aussi une obligation de neutralité énergétique des stations d'épuration des eaux usées dans toutes les agglomérations de plus de 10 000 équivalents habitants d'ici 2040. Des audits énergétiques réguliers devraient permettre de respecter cette obligation. Cette obligation peut être atteinte par l'efficacité énergétique, l'utilisation d'énergies renouvelables et la production de biogaz, sans porter atteinte au respect du principe de neutralité technologique dans le domaine de l'énergie.

Il prévoit également l'obligation de surveiller certains indicateurs sanitaires dans les eaux usées urbaines, dont la présence du SARS-CoV-2 et de ses variantes.

D'autres obligations sont introduites en matière d'évaluation des risques sur l'environnement et la santé ainsi que de surveillance, de réutilisation et de rejets des eaux usées urbaines.

Dans le cadre de la mise en oeuvre de la Convention Aarhus, un droit d'accès à la justice est également nouvellement inscrit dans le projet de directive. Il devrait être possible pour le public concerné et les ONG d'exercer un contrôle juridique des décisions prises par les États membres en vertu de cette directive. En outre, il est défini un droit à l'indemnisation pour les personnes en cas d'atteinte à la santé résultant d'une violation des mesures nationales adoptées en vertu de la directive. Enfin, une disposition relative aux sanctions en cas de violation de la législation nationale mettant en oeuvre la directive est insérée.

Ce texte a pour base juridique l'article 192, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui vise un niveau élevé de protection dans le domaine de l'environnement de la politique de l'UE en tenant compte des spécificités nationales. Cet article est fondé « sur les principes de précaution et d'action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement et sur le principe du pollueur-payeur ». Dans ce cadre, l'objectif zéro pollution constitue un élément phare du Pacte vert pour l'Europe. La présente proposition est ainsi motivée par la volonté de parvenir à cet objectif en améliorant l'accès à l'assainissement de tous les habitants de l'Union, en harmonisant les normes au niveau des États membres et en élevant le niveau des exigences en matière de lutte contre les polluants et micropolluants.

La Commission préserve une flexibilité suffisante aux États membres dans la mise en oeuvre pratique de la responsabilité élargie des producteurs. En revanche, la base juridique choisie ne paraît pas absolument pertinente en ce qui concerne la disposition relative à la surveillance épidémiologique des eaux usées. Le suivi des virus relève davantage du domaine de la santé.

Force est de s'interroger sur le caractère particulièrement ambitieux et coûteux de la refonte de la directive ainsi que sur le calendrier de sa mise en oeuvre au regard notamment des différentes spécificités techniques, géographiques et démographiques des États membres. En outre, il faut à nouveau déplorer que le texte renvoie à un nombre important d'actes législatifs secondaires. Ce recours qui devient systématique aux actes délégués tend à conférer un pouvoir excessif à la Commission européenne, ce que la commission des affaires européennes ne manque pas de rappeler très régulièrement dans cet exercice de contrôle de subsidiarité.

Compte tenu de ces observations, la proposition de règlement (UE) 2021/254 ne semble pas porter atteinte au principe de subsidiarité. Le groupe de travail sur la subsidiarité a donc décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


* 1 L'unité standard de mesure de la pollution est « l'équivalent habitant » (EH). Il décrit la pollution rejetée par une personne et par jour. La directive européenne du 21 mai 1991 définit l'équivalent-habitant comme la charge organique biodégradable ayant une demande biochimique d'oxygène en cinq jours (DBO5) de 60 grammes d'oxygène par jour.


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 19/01/2023