COM(2022) 650 final  du 27/04/2022

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


I) La proposition de directive

A) Le droit existant

Afin de favoriser « l'intégration des ressortissants de pays tiers qui sont installés durablement dans les États membres », la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003, entrée en vigueur le 23 janvier 2006, a institué un statut de résident de longue durée.

Ce dernier est accordé par les États membres aux ressortissants de pays tiers qui en font la demande et qui « ont résidé de manière légale et ininterrompue » sur leur territoire au cours des cinq dernières années. Les réfugiés peuvent en bénéficier depuis 2011. Il ne s'applique cependant pas à certaines catégories : étudiants ou personnes en formation ; bénéficiaires d'une protection temporaire ou subsidiaire ; travailleurs saisonniers ou détachés.

Le calcul de la condition de résidence légale et ininterrompue est lui-même fonction de certains critères posés à l'article 4 de la directive : pas de prise en considération des séjours pour travail saisonnier ou temporaire ; prise en compte de la moitié des périodes de résidence au titre d'études ou de formation professionnelle ; possibilité de s'absenter du territoire de l'État membre concerné pour des périodes inférieures à six mois consécutifs et qui ne dépassent pas un total de dix mois sur cinq ans ; possibilité dérogatoire de tenir compte d'une période de détachement.

Pour bénéficier du statut de résident de longue durée, les demandeurs doivent également :

-fournir la preuve qu'ils disposent de ressources stables, régulières et suffisantes, pour subvenir à leurs besoins et à ceux des membres de leur famille, et d'une assurance maladie pour tous les risques normalement couverts (comme la plupart des États membres, la France exige des ressources au moins égales au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC)) ;

-le cas échéant, respecter des conditions d'intégration (ainsi, en France, la délivrance de la première carte de résident est subordonnée « à l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ces principes et de sa connaissance de la langue française » -qui doit être au moins égale à un niveau de connaissance défini par un décret en Conseil d'État. En l'espèce, ce niveau « A2 » correspond à un niveau de langue élémentaire et usuel -)1(*). Lors de sa demande aux autorités compétentes de l'État de résidence, le demandeur doit fournir les pièces justificatives nécessaires ainsi que des documents attestant de conditions de logement appropriées.

En réponse à cette demande, les autorités nationales compétentes doivent notifier par écrit leur décision au demandeur, au plus tard dans les six mois de la demande. L'octroi de ce statut à un demandeur peut lui être refusé pour des motifs d'ordre public ou de sécurité publique.

Mais si la réponse des autorités compétentes est positive, un permis de séjour de résident de longue durée, d'une validité de cinq ans au moins et renouvelable de plein droit, est délivré à l'intéressé.

Comme les travailleurs couverts par la directive 2011/98/UE évoquée plus haut, le résident de longue durée jouit dès lors d'une égalité de traitement avec les ressortissants de l'État membre où il réside, dans divers domaines : conditions d'accès à un emploi ; liberté d'association et d'affiliation à une organisation syndicale ou professionnelle ; éducation et formation ; reconnaissance des diplômes et des qualifications ; sécurité sociale ; avantages fiscaux ; accès aux biens et aux services, y compris la procédure d'accès au logement ; libre accès à l'ensemble du territoire de l'État membre concerné. L'État membre de résidence peut cependant apporter des restrictions à l'égalité de traitement en matière d'accès à l'emploi (en réservant certains de ces emplois à ses ressortissants ainsi qu'aux citoyens des États membres de l'Union européenne et de l'Espace économique européen) et en matière de protection sociale.

Le ressortissant de pays tiers ayant un statut de résident de longue durée est aussi assuré d'une protection contre une éventuelle mesure d'éloignement (il ne peut en faire l'objet que s'il représente « une menace réelle et suffisamment grave pour l'ordre public ou la sécurité publique »).

Il peut enfin séjourner sur le territoire d'autres États membres pour une période dépassant trois mois, afin d'exercer une activité économique, de poursuivre des études ou une formation professionnelle ou « d'autres fins »2(*), non précisées. Les conditions et les droits prévus sont alors les mêmes que dans le premier État membre.

Le statut de résident peut être retiré par un État membre dans certaines situations strictement délimitées : constat du caractère frauduleux du statut de résident de longue durée ; adoption d'une mesure d'éloignement ; absence du territoire européen pendant une période de douze mois consécutifs3(*) ou du territoire de l'État membre de résidence pendant six ans ; menace pour l'ordre public.

B) La Commission européenne souhaite « redynamiser » un statut de résident peu appliqué

En 2011 et en 2019, la Commission européenne a établi un bilan de la mise en oeuvre de la directive 2003/109/CE. En 2019, le rapport de la Commission relevait qu'en 2017, en application de ce texte, 3 055 411 permis de séjour de résident de longue durée avaient été délivrés. Mais il soulignait également que quatre États membres délivraient 90% de ces permis4(*).

Pour expliquer ce relatif échec du statut de résident de longue durée prévu par la directive, la Commission européenne avançait deux explications principales : d'une part, un « manque d'informations disponibles » sur le statut prévu par la directive et, d'autre part, la « concurrence » avec des régimes nationaux de résident bien établis. La France, par exemple, a transposé dans son droit interne le statut de « résident de longue durée - Union européenne » et délivre en conséquence des cartes de résident UE valables dix ans5(*). Mais ce régime coexiste avec les cartes de résident prévues par le seul droit national, qui peuvent être délivrées dans certains cas après trois ans6(*) ou quatre ans7(*) de séjour régulier en France.

La Commission européenne a par ailleurs relevé des difficultés des États membres à respecter le délai de six mois prévu pour le traitement des demandes et a reçu de nombreuses plaintes sur l'exercice effectif de la mobilité des résidents de longue durée entre les États membres. Sur la base de ce bilan, et conformément aux orientations du Nouveau Pacte sur la migration et l'asile, présenté le 23 septembre 2020, le 27 avril dernier, la Commission européenne a donc décidé de présenter un « paquet » relatif à l'immigration légale comprenant une communication8(*), une proposition de directive modifiant la directive 2011/98/UE établissant un permis unique autorisant les ressortissants de pays tiers à résider et à travailler sur le territoire d'un État membre9(*) et une proposition de révision de la directive sur les résidents de longue durée10(*). Cette proposition COM (2022) 650 final tend, à titre principal :

-à assouplir la condition de résidence pour bénéficier du statut de résident de longue durée, en autorisant les demandeurs à additionner leurs périodes de séjour dans différents États membres, à condition qu'ils aient séjourné deux années de manière légale et ininterrompue dans l'État membre où ils ont introduit leur demande (article 4) ;

-à décourager l'octroi des « visas dorés » par certains États membres (Bulgarie ; Chypre ; Malte) à des ressortissants de pays tiers - souvent de nationalité russe - moyennant un investissement financier ou immobilier de leur part dans le pays et sans exigence de présence physique ininterrompue sur leur territoire : en pratique, chaque État membre devrait désormais mettre en place un mécanisme de contrôle efficace de l'obligation de résidence « légale et ininterrompue ». En outre, les périodes de séjour des ressortissants de pays tiers « investisseurs » ne seraient pas prises en compte dans le calcul de la durée de résidence nécessaire à l'obtention du statut de résident ;

-à assouplir également la condition de ressources imposée au demandeur, en permettant que lesdites ressources soient mises à sa disposition par un tiers, et en imposant un examen effectif, au cas par cas, de cette condition de ressources (article 5) ;

-à étendre, de douze à vingt-quatre mois, le délai maximal pendant lequel un résident de longue durée peut s'absenter du territoire de son État membre de résidence sans que cette absence entraîne une perte de son statut (article 9) ;

-à préciser les modalités pratiques de l'égalité de traitement entre ressortissants des États membres et résidents de longue durée :égalité dans l'accès à un logement privé et aux procédures d'attribution des logements publics ; égalité dans le versement des pensions légales aux résidents de longue durée ayant déménagé dans un pays tiers ou à leurs ayants droit survivants ; conformément à la jurisprudence de la CJUE, interdiction pour les États membres de restreindre l'accès aux prestations sociales couvrant les besoins essentiels (article 12) ;

-à favoriser le regroupement familial des résidents de longue durée bénéficiant de la directive, d'une part, en demandant aux États membres de ne pas imposer de limitation de temps en ce qui concerne l'accès des membres de leur famille au marché du travail et, d'autre part, en prévoyant l'acquisition automatique - et donc, sans condition d'intégration - du statut de résident de longue durée par les enfants de ressortissants de pays tiers bénéficiant déjà de ce statut qui sont nés ou ont été adoptés sur le territoire de l'État membre qui a délivré le permis de séjour (article 15) ;

-à faciliter les règles de mobilité d'un résident de longue durée bénéficiant de la directive dans un second État membre (suppression de la possibilité pour cet État membre de vérifier la situation du marché du travail lors de l'examen de la demande ... ; chapitre III).

II) La proposition de directive est-elle conforme au principe de subsidiarité ?

En premier lieu, la base juridique choisie est pertinente, à savoir l'article 79, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne (TUE), qui habilite le Parlement européen et le Conseil à statuer conformément à la procédure législative ordinaire et à adopter des mesures en matière de conditions d'entrée et de séjour, de normes concernant la délivrance par les États membres de visas et de titres de séjour de longue durée et de définition des droits des ressortissants des pays tiers en séjour régulier dans un État membre. Comme pour le texte précédent, le rappel des prérogatives propres aux États membres visé à l'article 79 paragraphe 5 aurait également pu être mentionné : « le présent article n'affecte pas le droit des États membres de fixer les volumes d'entrée des ressortissants de pays tiers, sur leur territoire dans le but d'y rechercher un emploi salarié ou non salarié. »

En deuxième lieu, la réforme envisagée, qui a pour objectif affiché de promouvoir l'acquisition du statut de résident de longue durée, comporte des mesures d'harmonisation européenne bienvenues, tant pour mettre fin à des pratiques dommageables (lutte contre les « visas dorés ») que pour se conformer à la jurisprudence de la CJUE (interdiction faite aux États membres de supprimer aux ressortissants de pays tiers les aides sociales permettant de couvrir les besoins essentiels). Elle comprend également d'autres mesures qui visent à faciliter l'acquisition du statut de résident de longue durée et à le rendre plus attractif.

Rappelons aussi que cette proposition de directive s'inscrit dans un ensemble cohérent visant à conforter des voies d'immigration légales permettant d'attirer les talents de pays tiers au profit des marchés du travail des États membres en manque de main d'oeuvre mais aussi à nouer des partenariats avec les principaux pays d'origine des migrants irréguliers, afin de diminuer les flux de ces derniers vers l'Europe.

Par exception, sur le fond, plusieurs dispositions suscitent des interrogations :

-d'une part, la disposition de l'article 5 permettant à un demandeur du statut de résident de remplir la condition de ressources en tenant compte de prêts ou de dons d'un tiers, doit être strictement encadrée, sous peine de rendre fictive cette exigence d'indépendance financière et afin d'éviter tout risque de détournement de cette procédure par des filières criminelles profitant de la vulnérabilité des migrants et blanchissant de « l'argent sale » dans l'opération ;

-d'autre part, au nom de l'accélération des procédures d'acquisition du statut de résident, les articles 9 et 15 empêcheraient désormais les États membres de prévoir une condition d'intégration, d'une part, pour les ressortissants de pays tiers qui demandent à retrouver leur statut de résident après la perte ou le retrait de ce statut, et, d'autre part, pour les enfants d'un résident de longue durée, pour lesquels une demande de permis de séjour de longue durée est formulée. Cette évolution peut sembler étonnante concernant une personne qui demanderait le recouvrement de son statut de résident puisque sa perte ou son retrait, s'ils ne sont pas liés à l'absence de l'intéressé, sanctionnent un comportement témoignant à tout le moins de difficultés d'intégration (acquisition frauduleuse du statut de résident ; mesure d'éloignement justifiée par la menace réelle et suffisamment grave pour l'ordre public et la sécurité publique qu'il représente). Elle est plus généralement peu compréhensible car la condition d'intégration ne semble pas être un obstacle mais au contraire une garantie du succès de l'installation du résident dans son État membre de résidence.

Toutefois, si la pertinence de ces dispositions peut être discutée en opportunité, cet examen ne relève pas du contrôle de subsidiarité.

Compte tenu de ces observations, le groupe de travail sur la subsidiarité a donc décidé ne pas intervenir plus avant au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


* 1 Article L. 413-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

* 2 Article 14 de la directive 2003/109/CE.

* 3 Cependant, certains États membres ont allongé la durée d'absence possible. En France, cette période est de trois ans.

* 4 Autriche ; Estonie ; Italie ; République tchèque.

* 5 Articles L.426-17 à L. 426-19 du CESEDA.

* 6 Sont visés : le membre de famille d'un étranger en possession d'une carte de résident, entré en France par regroupement familial, après trois ans de résidence ininterrompue ; le parent d'enfant français titulaire, depuis trois ans, d'une carte de séjour qui ne vit pas en situation de polygamie ; le conjoint de Français, après trois ans de mariage et trois ans de résidence régulière, sous condition de la communauté de vie et sous réserve d'une transcription de l'acte de mariage si ce dernier a été célébré à l'étranger.

* 7 Sont concernés : les ressortissants de pays tiers titulaires d'une carte de séjour pluriannuelle au titre de la protection subsidiaire ou de l'apatridie et justifiant de quatre ans de résidence régulière, ainsi que les membres de leur famille.

* 8 « Attirer des compétences et des talents dans l'Union européenne », COM (2022) 657 final.

* 9 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant une procédure unique en vue de la délivrance d'un permis unique autorisant les ressortissants de pays tiers à résider et à travailler sur le territoire d'un État membre et établissant un socle commun de droits pour les travailleurs issus de pays tiers qui résident légalement dans un état membre (refonte), COM (2022) 655 final.

* 10 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée (refonte), COM (2022) 650 final.


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 24/06/2022


Justice et affaires intérieures

Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au statut des ressortissants des pays tiers résidents de longue durée (refonte)

COM(2022) 650 final - Texte E16864

1. Le droit existant

Afin de favoriser « l'intégration des ressortissants de pays tiers qui sont installés durablement dans les États membres », la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003, entrée en vigueur le 23 janvier 2006, a institué un statut de résident de longue durée.

Ce dernier est accordé par les États membres aux ressortissants de pays tiers qui en font la demande et qui « ont résidé de manière légale et ininterrompue » sur leur territoire au cours des cinq dernières années. Les réfugiés peuvent en bénéficier depuis 2011. Il ne s'applique cependant pas à certaines catégories : étudiants ou personnes en formation ; bénéficiaires d'une protection temporaire ou subsidiaire ; travailleurs saisonniers ou détachés.

Le calcul de la condition de résidence légale et ininterrompue est lui-même fonction de certains critères posés à l'article 4 de la directive : pas de prise en considération des séjours pour travail saisonnier ou temporaire ; prise en compte de la moitié des périodes de résidence au titre d'études ou de formation professionnelle ; possibilité de s'absenter du territoire de l'État membre concerné pour des périodes inférieures à six mois consécutifs et qui ne dépassent pas un total de dix mois sur cinq ans ; possibilité dérogatoire de tenir compte d'une période de détachement.

Pour bénéficier du statut de résident de longue durée, les demandeurs doivent également :

fournir la preuve qu'ils disposent de ressources stables, régulières et suffisantes, pour subvenir à leurs besoins et à ceux des membres de leur famille, et d'une assurance maladie pour tous les risques normalement couverts (comme la plupart des États membres, la France exige des ressources au moins égales au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC)) ;

le cas échéant, respecter des conditions d'intégration (ainsi, en France, la délivrance de la première carte de résident est subordonnée « à l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ces principes et de sa connaissance de la langue française » -qui doit être au moins égale à un niveau de connaissance défini par un décret en Conseil d'État. En l'espèce, ce niveau « A2 » correspond à un niveau de langue élémentaire et usuel -)1(*). Lors de sa demande aux autorités compétentes de l'État de résidence, le demandeur doit fournir les pièces justificatives nécessaires ainsi que des documents attestant de conditions de logement appropriées.

En réponse à cette demande, les autorités nationales compétentes doivent notifier par écrit leur décision au demandeur, au plus tard dans les six mois de la demande. L'octroi de ce statut à un demandeur peut lui être refusé pour des motifs d'ordre public ou de sécurité publique.

Mais si la réponse des autorités compétentes est positive, un permis de séjour de résident de longue durée, d'une validité de cinq ans au moins et renouvelable de plein droit, est délivré à l'intéressé.

Comme les travailleurs couverts par la directive 2011/98/UE évoquée plus haut, le résident de longue durée jouit dès lors d'une égalité de traitement avec les ressortissants de l'État membre où il réside, dans divers domaines : conditions d'accès à un emploi ; liberté d'association et d'affiliation à une organisation syndicale ou professionnelle ; éducation et formation ; reconnaissance des diplômes et des qualifications ; sécurité sociale ; avantages fiscaux ; accès aux biens et aux services, y compris la procédure d'accès au logement ; libre accès à l'ensemble du territoire de l'État membre concerné. L'État membre de résidence peut cependant apporter des restrictions à l'égalité de traitement en matière d'accès à l'emploi (en réservant certains de ses emplois à ses ressortissants ainsi qu'aux citoyens des États membres de l'Union européenne et de l'Espace économique européen) et en matière de protection sociale.

Le ressortissant de pays tiers ayant un statut de résident de longue durée est aussi assuré d'une protection contre une éventuelle mesure d'éloignement (il ne peut en faire l'objet que s'il représente « une menace réelle et suffisamment grave pour l'ordre public ou la sécurité publique »).

Il peut enfin séjourner sur le territoire d'autres États membres pour une période dépassant trois mois, afin d'exercer une activité économique, de poursuivre des études ou une formation professionnelle ou « d'autres fins »2(*), non précisées. Les conditions et les droits prévus sont alors les mêmes que dans le premier État membre.

Le statut de résident peut être retiré par un État membre dans certaines situations strictement délimitées : constat du caractère frauduleux du statut de résident de longue durée ; adoption d'une mesure d'éloignement ; absence du territoire européen pendant une période de douze mois consécutifs3(*) ou du territoire de l'État membre de résidence pendant six ans ; menace pour l'ordre public.

2. La Commission européenne souhaite « redynamiser » un statut de résident peu appliqué

En 2011 et en 2019, la Commission européenne a établi un bilan de la mise en oeuvre de la directive 2003/109/CE. En 2019, le rapport de la Commission relevait qu'en 2017, en application de ce texte, 3 055 411 permis de séjour de résident de longue durée avaient été délivrés. Mais il soulignait également que quatre États membres délivraient 90% de ces permis4(*).

Pour expliquer ce relatif échec du statut de résident de longue durée prévu par la directive, la Commission européenne avançait deux explications principales : d'une part, un « manque d'informations disponibles » sur le statut prévu par la directive et, d'autre part, la « concurrence » avec des régimes nationaux de résident bien établis. La France, par exemple, a transposé dans son droit interne le statut de « résident de longue durée - Union européenne » et délivre en conséquence des cartes de résident UE valables dix ans5(*). Mais ce régime coexiste avec les cartes de résident prévues par le seul droit national, qui peuvent être délivrées dans certains cas après trois ans6(*) ou quatre ans7(*) de séjour régulier en France.

La Commission européenne a par ailleurs relevé des difficultés des États membres à respecter le délai de six mois prévu pour le traitement des demandes et a reçu de nombreuses plaintes sur l'exercice effectif de la mobilité des résidents de longue durée entre les États membres. Sur la base de ce bilan, et conformément aux orientations du Nouveau Pacte sur la migration et l'asile, présenté le 23 septembre 2020, la Commission européenne a donc décidé, le 27 avril dernier, de présenter un « paquet » relatif à l'immigration légale comprenant une communication8(*), une proposition de directive modifiant la directive 2011/98/UE établissant un permis unique autorisant les ressortissants de pays tiers à résider et à travailler sur le territoire d'un État membre9(*) et une proposition de révision de la directive sur les résidents de longue durée10(*). Cette proposition COM (2022) 650 final tend, à titre principal :

à assouplir la condition de résidence pour bénéficier du statut de résident de longue durée, en autorisant les demandeurs à additionner leurs périodes de séjour dans différents États membres, à condition qu'ils aient séjourné deux années de manière légale et ininterrompue dans l'État membre où ils ont introduit leur demande (article 4) ;

à décourager l'octroi des « visas dorés » par certains États membres (Bulgarie ; Chypre ; Malte) à des ressortissants de pays tiers - souvent de nationalité russe - moyennant un investissement financier ou immobilier de leur part dans le pays et sans exigence de présence physique ininterrompue sur leur territoire : en pratique, chaque État membre devrait désormais mettre en place un mécanisme de contrôle efficace de l'obligation de résidence « légale et ininterrompue ». En outre, les périodes de séjour des ressortissants de pays tiers « investisseurs » ne seraient pas prises en compte dans le calcul de la durée de résidence nécessaire à l'obtention du statut de résident ;

à assouplir également la condition de ressources imposée au demandeur, en permettant que lesdites ressources soient mises à sa disposition par un tiers, et en imposant un examen effectif, au cas par cas, de cette condition de ressources (article 5) ;

à étendre, de douze à vingt-quatre mois, le délai maximal pendant lequel un résident de longue durée peut s'absenter du territoire de son État membre de résidence sans que cette absence entraîne une perte de son statut (article 9) ;

à préciser les modalités pratiques de l'égalité de traitement entre ressortissants des États membres et résidents de longue durée : égalité dans l'accès à un logement privé et aux procédures d'attribution des logements publics ; égalité dans le versement des pensions légales aux résidents de longue durée ayant déménagé dans un pays tiers ou à leurs ayants droit survivants ; conformément à la jurisprudence de la CJUE, interdiction pour les États membres de restreindre l'accès aux prestations sociales couvrant les besoins essentiels (article 12) ;

à favoriser le regroupement familial des résidents de longue durée bénéficiant de la directive, d'une part, en demandant aux États membres de ne pas imposer de limitation de temps en ce qui concerne l'accès des membres de leur famille au marché du travail et, d'autre part, en prévoyant l'acquisition automatique - et donc, sans condition d'intégration - du statut de résident de longue durée par les enfants de ressortissants de pays tiers bénéficiant déjà de ce statut qui sont nés ou ont été adoptés sur le territoire de l'État membre qui a délivré le permis de séjour (article 15) ;

à faciliter les règles de mobilité d'un résident de longue durée bénéficiant de la directive dans un second État membre (suppression de la possibilité pour cet État membre de vérifier la situation du marché du travail lors de l'examen de la demande ... ; chapitre III).

Compte tenu de ces éléments, la commission a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte.


* (1) 1 Article L. 413-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

* (2) 2 Article 14 de la directive 2003/109/CE.

* (3) 3 Cependant, certains États membres ont allongé la durée d'absence possible. En France, cette période est de 3 ans.

* (4) 4 Autriche, Estonie, Italie, République tchèque.

* (5) 5 Articles L.426-17 à L. 426-19 du CESEDA.

* (6) 6 Sont visés : le membre de famille d'un étranger en possession d'une carte de résident, entré en France par regroupement familial, après trois ans de résidence ininterrompue ; le parent d'enfant français titulaire, depuis trois ans, d'une carte de séjour qui ne vit pas en situation de polygamie ; le conjoint de Français, après trois ans de mariage et trois ans de résidence régulière, sous condition de la communauté de vie et sous réserve d'une transcription de l'acte de mariage si ce dernier a été célébré à l'étranger.

* (7) 7 Sont concernés : les ressortissants de pays tiers titulaires d'une carte de séjour pluriannuelle au titre de la protection subsidiaire ou de l'apatridie et justifiant de quatre ans de résidence régulière, ainsi que les membres de leur famille.

* (8) 8 « Attirer des compétences et des talents dans l'Union européenne », COM (2022) 657 final.

* (9) 9 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant une procédure unique en vue de la délivrance d'un permis unique autorisant les ressortissants de pays tiers à résider et à travailler sur le territoire d'un État membre et établissant un socle commun de droits pour les travailleurs issus de pays tiers qui résident légalement dans un État membre (refonte), COM (2022) 655 final.

* (10) 10 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée (refonte), COM (2022) 650 final.