COM(2022) 135 final  du 23/03/2022

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


La présente initiative vise à garantir que l'Union européenne disposera d'un niveau de réserves en gaz suffisant, pour les prochaines périodes hivernales, afin de faire face à d'éventuelles ruptures d'approvisionnement en gaz russe. L'invasion de l'Ukraine par la Russie a, en effet, bouleversé la géopolitique de l'énergie ; les tensions internationales actuelles nécessitent, par conséquent, de prendre des mesures pour assurer la sécurité de l'approvisionnement énergétique de l'Union dans les années à venir. Le stockage de gaz par les États membres en prévision des périodes hivernales qui est déjà encouragé par la réglementation européenne peut y contribuer en permettant d'atténuer les chocs d'approvisionnement. Or la forte hausse des prix des énergies, en particulier du gaz, au cours de ces derniers mois, a perturbé la mise en oeuvre de ce dispositif en période creuse.

La proposition de règlement tend à modifier deux règlements en vigueur :

- le règlement (UE) 2017/1938 concernant des mesures visant à garantir la sécurité de l'approvisionnement en gaz naturel ;

- le règlement (CE) n° 715/2009 concernant les conditions d'accès aux réseaux de transport de gaz naturel.

Elle traduit l'engagement pris par les chefs d'État ou de gouvernement de l'Union européenne, lors du Sommet de Versailles, des 10 et 11 mars derniers, d'optimiser la gestion du stockage du gaz et de déployer de nouvelles mesures dans un délai limité. 

Compte tenu de ces éléments, les modifications proposées par la Commission à la législation existante comportent, pour l'essentiel :

- l'obligation pour les États membres de veiller à un remplissage des installations de stockage sur leur territoire d'au moins 80 % de leur capacité d'ici le 1er novembre 2022, puis 90 % pour les années suivantes ; celle-ci s'accompagne d'objectifs intermédiaires pour chaque État membre ; la Commission est habilitée à modifier l'objectif et la trajectoire de remplissage, à partir de 2023, par l'adoption d'un acte délégué sur la base d'une analyse de la situation générale en matière de sécurité d'approvisionnement énergétique ;

- l'instauration d'un mécanisme de partage de la charge pour les États membres sans installations de stockage ; ces derniers auront d'abord l'obligation de s'assurer de la conclusion d'accords entre les acteurs du marché national et les opérateurs de stockage afin de permettre de couvrir au moins 15 % de leur consommation nationale annuelle ;

- la certification par l'autorité de régulation, dans un délai de dix-huit mois, des gestionnaires de système de stockage afin d'exclure tout risque potentiel lié à la sécurité d'approvisionnement ;

- l'exemption de tarifs de transport aux points d'entrée et de sortie des installations de stockage afin de rendre cette mesure plus attrayante pour les acteurs du marché.

Dans le cadre du paquet gazier, présenté le 15 décembre 2021 par la Commission européenne, une mesure1(*) incitant les États membres à utiliser leurs capacités de stockage en gaz pour renforcer la sécurité de l'approvisionnement a déjà été proposée, sans toutefois instaurer d'obligation en la matière. La présente proposition qui va plus loin en instaurant cette obligation a vocation à être intégrée à ce paquet.

La proposition COM(2022) 135 final est fondée sur l'article 194 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) qui dispose que la politique de l'Union dans le domaine de l'énergie « vise, dans un esprit de solidarité entre les États membres, [...] à assurer la sécurité de l'approvisionnement énergétique dans l'Union ». C'est donc sur la base du principe de solidarité énergétique que la Commission justifie son intervention. Un tel mécanisme de solidarité entre les États membres a été introduit, pour la première fois, par le règlement (UE) 2017/1938 « pour atténuer les effets d'une urgence grave dans l'Union et faire en sorte que le gaz puisse parvenir aux clients protégés au titre de la solidarité ». Dans une décision du 15 juillet 2021, la CJUE a confirmé l'existence d'un principe de solidarité énergétique, lequel s'étend à toute action relevant de la politique énergétique de l'Union. L'objectif de sécurité de l'approvisionnement énergétique ne peut donc se concevoir sans une prise en compte de cette solidarité.

Le renforcement de ce principe dans le cadre du texte examiné est d'autant plus justifié que les risques de perturbations de l'approvisionnement qui pèsent sur l'ensemble de l'Union sont réels et inédits compte tenu de la situation de crise et conduisent à prendre des mesures préventives fortes et harmonisées pour prévenir les difficultés qui en résulteraient. Par ailleurs, l'interconnexion des réseaux de gaz européens nécessite de coordonner les actions au niveau de l'Union pour être plus efficace.

La Commission fixe ainsi un cadre qui doit permettre de respecter la trajectoire de remplissage et d'atteindre les objectifs de remplissage fixés aux États membres, avec une mise en oeuvre progressive du mécanisme. Les États membres restent libres de choisir les mesures nécessaires à mettre en place ainsi que le ou les acteurs du marché qui devront veiller au respect de ces obligations. Les mesures prises au niveau des États membres ne devront porter atteinte ni à la libre concurrence ni au bon fonctionnement du marché intérieur du gaz.

Au regard des risques existants pour l'approvisionnement en gaz sur les marchés des États membres et de la nécessité d'accroître la résilience du système gazier en cas de crise, l'adoption de mesures renforcées, à titre préventif, à l'échelle de l'Union apparait conforme aux principes de subsidiarité et proportionnalité.

Ce nouveau règlement devrait être adopté rapidement afin de permettre à l'Union européenne de disposer de réserves de gaz suffisantes en cas de baisse ou d'arrêt des livraisons de gaz russe à l'Europe.

Compte tenu de ces observations, le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé de ne pas intervenir sur ce texte au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


* 1 Article 67 de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les marchés intérieurs des gaz naturel et renouvelable et de l'hydrogène (refonte) - COM(2021) 804 final


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 31/03/2022


ÉNERGIE, CLIMAT, TRANSPORTS

Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2017/1938 du Parlement européen et du Conseil concernant des mesures visant à garantir la sécurité de l'approvisionnement en gaz naturel et le règlement (CE) n° 715/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant les conditions d'accès aux réseaux de transport de gaz naturel

COM (2022) 135 final - Texte E16618

(Procédure écrite du 31 mai 2022)

La présente initiative vise à garantir que l'Union européenne disposera d'un niveau de réserves en gaz suffisant, pour les prochaines périodes hivernales, afin de faire face à d'éventuelles ruptures d'approvisionnement en gaz russe, l'invasion de l'Ukraine par la Russie ayant en effet, bouleversé la géopolitique de l'énergie. Le stockage de gaz par les États membres en prévision des périodes hivernales qui est déjà encouragé par la réglementation européenne et qui revêt une importance stratégique peut contribuer à atténuer les chocs d'approvisionnement énergétique de l'Union. Or la forte hausse des prix des énergies, en particulier du gaz, au cours de ces derniers mois, a perturbé la mise en oeuvre de ce dispositif à la sortie de l'hiver.

La proposition de règlement tend à modifier deux règlements en vigueur :

- le règlement (UE) 2017/1938 concernant des mesures visant à garantir la sécurité de l'approvisionnement en gaz naturel ;

- le règlement (CE) n° 715/2009 concernant les conditions d'accès aux réseaux de transport de gaz naturel.

Elle traduit l'engagement pris par les chefs d'État ou de gouvernement de l'Union européenne, lors du Sommet de Versailles, des 10 et 11 mars derniers, d'optimiser la gestion du stockage du gaz et de déployer de nouvelles mesures dans un délai limité.

Compte tenu de ces éléments, les modifications proposées par la Commission à la législation existante comportent, pour l'essentiel :

- l'obligation pour les États membres de veiller à un remplissage des installations de stockage sur leur territoire d'au moins 80 % de leur capacité d'ici le 1er novembre 2022, puis 90 % pour les années suivantes ; celle-ci s'accompagne d'objectifs intermédiaires pour chaque État membre ; la Commission est habilitée à modifier l'objectif et la trajectoire de remplissage, à partir de 2023, par l'adoption d'un acte délégué sur la base d'une analyse de la situation générale en matière de sécurité d'approvisionnement énergétique ; le projet de compromis transmis par la Présidence française, le 22 avril, propose de modifier ce dernier point en optant pour l'adoption d'actes d'exécution au lieu de passer par des actes délégués, afin de laisser plus de marge de manoeuvre aux États membres, mais aussi de plafonner l'obligation de remplissage des installations de stockage à 35 % de la consommation annuelle moyenne de gaz des cinq dernières années dans l'État membre concerné ;

- l'instauration d'un mécanisme de partage de la charge pour les États membres sans installations de stockage ; ces derniers auront d'abord l'obligation de s'assurer de la conclusion d'accords entre les acteurs du marché national et les opérateurs de stockage afin de permettre de couvrir au moins 15 % de leur consommation nationale annuelle ;

- la certification par l'autorité de régulation, dans un délai de dix-huit mois, des gestionnaires de système de stockage afin d'exclure tout risque potentiel lié à la sécurité d'approvisionnement ;

- l'exemption de tarifs de transport aux points d'entrée et de sortie des installations de stockage afin de rendre cette mesure plus attrayante pour les acteurs du marché.

Dans le cadre du paquet gazier, présenté le 15 décembre 2021 par la Commission européenne, une mesure incitant les États membres à utiliser leurs capacités de stockage en gaz pour renforcer la sécurité de l'approvisionnement a déjà été proposée, sans toutefois instaurer d'obligation en la matière. La présente proposition qui va plus loin en instaurant cette obligation a vocation à être intégrée à ce paquet. Le compromis présenté par la Présidence française tend, d'ailleurs, à renforcer son caractère provisoire en proposant de fixer au plus tard au 31 décembre 2027 la date d'expiration du règlement.

La proposition COM(2022) 135 final est fondée sur l'article 194 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) qui dispose que la politique de l'Union dans le domaine de l'énergie " vise, dans un esprit de solidarité entre les États membres, [...] à assurer la sécurité de l'approvisionnement énergétique dans l'Union ". C'est donc sur la base du principe de solidarité énergétique que la Commission justifie son intervention. Un tel mécanisme de solidarité entre les États membres a été introduit, pour la première fois, par le règlement (UE) 2017/1938 " pour atténuer les effets d'une urgence grave dans l'Union et faire en sorte que le gaz puisse parvenir aux clients protégés au titre de la solidarité ". Dans une décision du 15 juillet 2021, la CJUE a confirmé l'existence d'un principe de solidarité énergétique, lequel s'étend à toute action relevant de la politique énergétique de l'Union. L'objectif de sécurité de l'approvisionnement énergétique ne peut donc se concevoir sans une prise en compte de cette solidarité.

La capacité de stockage de l'Union européenne se répartit entre dix-huit États membres et représente de l'ordre de 27 % de la consommation annuelle de gaz. Seuls neuf États membres n'en disposent pas (Chypre, l'Estonie, la Finlande, la Grèce, l'Irlande, la Lituanie, Malte, le Luxembourg, la Slovénie). La France compte seize sites répartis sur l'ensemble du territoire, ce qui en fait un des réseaux les plus importants en Europe. Les stocks français représentent un peu plus du quart de la consommation annuelle du pays.

Le renforcement du principe de solidarité dans le cadre du texte examiné est d'autant plus justifié que les risques de perturbations de l'approvisionnement qui pèsent sur l'ensemble de l'Union sont réels et inédits compte tenu de la situation de crise et conduisent à prendre des mesures préventives fortes et harmonisées pour prévenir les difficultés qui en résulteraient. Par ailleurs, l'interconnexion des réseaux de gaz européens nécessite de coordonner les actions au niveau de l'Union pour être plus efficace.

La Commission fixe ainsi un cadre qui doit permettre de respecter la trajectoire de remplissage et d'atteindre les objectifs de remplissage fixés aux États membres, avec une mise en oeuvre progressive du mécanisme. Les États membres restent libres de choisir les mesures nécessaires à mettre en place ainsi que le ou les acteurs du marché qui devront veiller au respect de ces obligations. Les mesures prises au niveau des États membres ne devront porter atteinte ni à la libre concurrence ni au bon fonctionnement du marché intérieur du gaz.

Ce nouveau règlement devrait être adopté le plus rapidement possible afin de permettre à l'Union européenne de disposer de réserves de gaz suffisantes en cas de baisse ou d'arrêt des livraisons de gaz russe à l'Europe. Le Parlement européen a déjà approuvé la proposition de la Commission, le 7 avril dernier, sans l'amender, en utilisant la procédure d'urgence prévue par son règlement intérieur.

Compte tenu de ces éléments, la commission a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte.