COM(2021) 756 final  du 01/12/2021

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


v La proposition de règlement (COM (2021) 756) examinée vise à créer une plateforme informatique spécifique facilitant la collaboration des équipes communes d'enquête (ECE). Ces dernières sont des équipes instituées aux fins d'enquêtes pénales particulières pour une durée limitée. En pratique, une ECE peut être instituée par les autorités compétentes de deux États membres au moins, dans deux hypothèses :

-lorsque, dans le cadre d'une procédure d'enquête menée par un État membre pour détecter des infractions, il y a lieu d'effectuer des enquêtes difficiles et impliquant la mobilisation d'importants moyens, qui concernent d'autres États membres ;

-lorsque plusieurs États membres effectuent des enquêtes concernant des infractions qui, en raison des faits qui sont à l'origine de celles-ci, exigent une action coordonnée et concertée dans les États membres en question.

Leur création a été rendue possible par l'article 13 de la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale de l'Union européenne et par la décision/cadre 2002/465/JAI du Conseil du 13 juin 2002. Leur secrétariat est hébergé par Eurojust, organe de coordination entre les autorités judiciaires compétentes des États membres de l'Union européenne.

De l'aveu général, les ECE sont aujourd'hui les outils les plus efficaces pour mener des enquêtes et engager des poursuites transfrontières au sein de l'Union européenne. Néanmoins, le deuxième rapport d'évaluation des ECE, élaboré en 2018 par le réseau d'experts nationaux en la matière (organe créé pour soutenir les États membres et partager les bonnes pratiques et l'expérience acquise dans ce domaine) indiquait que certaines difficultés techniques entravant leur activité (en particulier en matière d'échange électronique sécurisé d'informations et d'éléments de preuve) pouvaient être surmontées par la constitution d'une plateforme informatique dédiée à leur collaboration.

Telle que conçue par le présent règlement, cette plateforme, conçue, développée et gérée par l'agence de l'Union européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d'information à grande échelle au sein de l'espace de liberté, de sécurité et de justice (eu-LISA) offrirait : des communications sécurisées et non traçables, stockées localement sur les appareils des utilisateurs ; des échanges d'éléments de preuves, même volumineux, avec un stockage centralisé des données seulement le temps nécessaire à leur transfert ; une traçabilité des éléments de preuve, permettant de savoir qui a eu accès à ces éléments et quand, et de garantir leur recevabilité devant les juridictions (article 4). Un espace de collaboration spécifique serait créé pour chaque ECE.

Sur le fond, la mise en oeuvre de cette proposition s'inscrit dans un plan plus vaste de la Commission européenne visant la « numérisation » des procédures d'échanges entre organes judiciaires et services répressifs des États membres et sa propre insertion - ou celle des agences européennes compétentes, dans ces procédures.

En l'espèce, en l'état du droit, les ECE ne sont pas contraintes de partager leurs informations avec des tiers par une règle générale. La proposition de règlement changerait le droit en vigueur en prévoyant une possibilité d'accès aux espaces de collaboration d'une ECE pour Eurojust, pour Europol, l'agence européenne de coopération policière, pour le Parquet européen, en charge de la lutte contre les atteintes aux intérêts financiers de l'Union européenne, et pour l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) si l'administrateur de l'ECE concernée l'autorisait (article 13). Dans les faits, la plateforme serait développée par l'agence eu-LISA à partir des fonctionnalités du réseau d'échange sécurisé d'informations d'Europol (SIENA).

Cette architecture pose au moins deux questions de fond :

- n'existe-t-il pas un risque à rendre accessibles les informations et éléments de preuves liés à l'enquête d'une ECE à tant de partenaires divers, malgré le « verrou » préalable constitué par l'accord nécessaire de l'administrateur d'une ECE (article 13) ? D'autant que l'accès à la plateforme pourrait être également étendu - certes dans des limites strictes - aux autorités compétentes des pays tiers participant à des ECE (article 14). En effet, les données échangées sont sensibles et leur perte ou leur détérioration pourrait remettre en cause les investigations des ECE ;

- les garanties en termes de déontologie des personnels de l'agence eu-LISA en termes de protection des données personnelles dans l'alimentation de la plateforme sont-elles suffisantes pour assurer la confidentialité et la sécurité des informations échangées ?

Concernant la conformité de cette proposition de règlement au principe de subsidiarité, il est possible de mentionner les éléments suivants :

-l'essence de l'activité des ECE est transfrontalière ;

-la proposition de règlement imposerait aux États membres de prévoir les modalités techniques permettant l'accès de leurs autorités compétentes à la plateforme de collaboration des ECE mais l'utilisation de cette dernière se ferait sur une base volontaire ;

-la plateforme informatique envisagée, malgré les réserves exprimées supra, apporterait une amélioration à la coopération des ECE en facilitant et en accélérant leurs échanges et présente donc une réelle « valeur ajoutée » ;

-la base juridique envisagée, à savoir l'article 82, paragraphe 1, point d, qui prévoit que « le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, adoptent les mesures visant (...) à faciliter la coopération entre les autorités judiciaires ou équivalentes des États membres dans le cadre des poursuites pénales et de l'exécution des décisions », est pertinente pour autoriser une telle initiative.

Le groupe de travail sur la subsidiarité a donc décidé de ne pas intervenir sur ce texte au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 18/01/2022


· Justice et affaires intérieures

Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant une plateforme de collaboration visant à soutenir le fonctionnement des équipes communes d'enquête et modifiant le règlement (UE) 2018/1726

COM(2021) 756 final - Texte E16363

(Procédure écrite du 3 mars 2022)

Compte tenu de sa nature purement technique, la commission a décidé de ne pas intervenir sur ce texte.