COM (2018) 373 final  du 29/05/2018

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


Le texte COM 373 vise la création d'un mécanisme tendant à lever les obstacles juridiques et administratifs dans un contexte transfrontalier.

Interreg, ou coopération territoriale européenne (CTE) est l'un des objectifs de la politique de cohésion. C'est un cadre dans lequel les acteurs nationaux, régionaux et locaux de différents États membres peuvent mener des actions communes et partager des politiques. Cette coopération se heurte parfois à des obstacles règlementaires et juridiques.

C'est pourquoi, pour la prochaine programmation 2021-2027, il est proposé un nouvel instrument qui simplifierait les projets transfrontaliers en permettant, sur une base volontaire et en accord avec les autorités compétentes, que la réglementation d'un État membre s'applique dans l'État membre voisin. Cet instrument s'appliquerait à un projet ou à une action spécifique d'une durée limitée, mis en oeuvre dans une région frontalière à l'initiative des pouvoirs publics locaux et/ou régionaux.

Deux options sont possibles: une convention transfrontalière européenne, qui permet en elle-même de déroger aux règles normales, ou une déclaration transfrontalière européenne, par laquelle les signataires s'engagent officiellement à légiférer pour modifier les règles normales. Le mécanisme restera volontaire : les États membres pourront décider d'enclencher soit le mécanisme, soit d'autres mécanismes efficaces pour remédier aux obstacles juridiques frontaliers ; il mettra l'accent sur les frontières terrestres à l'intérieur de l'UE, tout en permettant aux États membres d'appliquer aussi le mécanisme aux frontières maritimes et extérieures ; il s'appliquera aux projets communs pour tout élément d'infrastructure ayant une incidence dans une région transfrontalière ou à tout service d'intérêt économique général fourni dans une région transfrontalière.

La plupart des États membres devraient adopter, dans un premier temps, des mesures législatives habilitant les autorités compétentes à conclure une convention; une fois conclue, cette convention leur permettrait d'appliquer de leur côté de la frontière les dispositions légales de l'État membre voisin et donc de déroger à leur réglementation nationale normalement applicable

Au demeurant, l'article 175, troisième alinéa, du TFUE prévoit que des actions spécifiques peuvent être arrêtées en dehors des fonds de cohésion proprement dits, pour réaliser l'objectif de cohésion économique et sociale prévu par le Traité.

Afin que le principe de subsidiarité soit respecté, les États membres auront la possibilité de choisir le mécanisme créé en vertu du règlement proposé, de continuer à utiliser d'autres mécanismes efficaces pour supprimer les obstacles juridiques ou, dans le cas de certaines frontières, d'adhérer à d'autres mécanismes. Dans ces conditions, il est décidé de ne pas intervenir plus avant au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 01/06/2018
Examen : 21/06/2018 (commission des affaires européennes)

Ce texte a fait l'objet de la proposition de résolution : Proposition de résolution européenne pour une politique régionale européenne ambitieuse au service de la cohésion territoriale (2017-2018) : voir le dossier legislatif


Politique régionale

Politique de cohésion de l'Union européenne

Proposition de résolution européenne du groupe de suivi
(en commun avec la commission de l'aménagement du territoire
et du développement durable)

COM (2018) 322 final, COM (2018) 323 final, COM (2018) 324 final, COM (2018) 372 final, COM (2018) 373 final, COM (2018) 374 final, COM (2018) 375 final et COM (2018) 382 final
Textes E 13032, E 13033, E 13034, E 13110, E 13111, E 13112,
E 13113 et E 13114

(Réunion du jeudi 21 juin 2018)

M. Jean Bizet, président. - Nous entendons une communication de MM. André Reichardt et Bernard Delcros et de Mme Angèle Préville sur la politique de cohésion régionale 2021-2027. Nos collègues présenteront la proposition de résolution européenne qui a été finalisée au sein du groupe de suivi commun aux commissions des affaires européennes, des finances et de l'aménagement du territoire et du développement durable.

Le Sénat a adopté récemment une résolution européenne portant sur la politique agricole commune (PAC). Nous avons ainsi signalé notre vive préoccupation face aux nombreuses et sombres perspectives financières pesant sur cette politique fondatrice de la construction européenne. Il était également important de mener un travail sur la politique de cohésion, qui joue un rôle très important dans nos territoires. Les fonds européens ont souvent un effet de levier décisif pour mener à bien des projets structurants de développement territorial. Il est donc nécessaire que cette politique dispose de moyens financiers pour mener ses missions à bien.

La carte qui figure dans le rapport montre bien le parallélisme qui existe dans les différents territoires britanniques entre le taux de rattrapage du pouvoir d'achat et le vote du 23 juin 2016.

Soulignons aussi l'exigence de simplification dans la mise en oeuvre des fonds européens, que les élus locaux réclament souvent.

Je me félicite de ce travail commun à nos trois commissions. Nous entendrons le 27 juin prochain la commissaire européenne, Mme Corina Cretu ; nous pourrons lui faire part de nos réflexions d'aujourd'hui. Au-delà de cette proposition de résolution européenne, le groupe de suivi devra évaluer de manière plus approfondie les conditions de mise en oeuvre de la politique de cohésion dans nos territoires. Sur le fondement de ses conclusions, nous pourrons avoir un débat en séance publique avec le Gouvernement.

M. Hervé Maurey, président. - Je salue l'initiative du président Bizet, grâce à laquelle a été constitué ce groupe de travail commun. C'est une très bonne idée, qui devrait permettre au Sénat de faire entendre sa voix dans la perspective de l'élaboration du prochain cadre financier pluriannuel de l'Union européenne pour 2021-2027 et dans la perspective de la prochaine conférence des territoires qui doit se tenir à la mi-juillet.

Si la commission des affaires européennes adopte la proposition de résolution européenne, son texte sera envoyé à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, saisie au fond.

Il s'agit d'un sujet essentiel puisque la politique de cohésion territoriale est l'une des principales politiques de l'Union européenne, avec la PAC. Dans le cadre financier pluriannuel 2014-2020, elle représentait environ 34 % du budget de l'Union, soit 369 milliards d'euros, au travers de ses trois fonds principaux : le Fonds européen de développement régional (Feder), le Fonds social européen (FSE) et le Fonds de cohésion, qui concerne principalement les pays en phase de rattrapage.

L'annonce des premières propositions de la Commission européenne au début du mois de mai a soulevé de nombreuses inquiétudes quant au maintien d'une capacité budgétaire permettant de soutenir le développement économique et social des territoires.

La baisse des fonds alloués à la France sera d'environ 5 %, alors que certains pays, comme l'Allemagne, connaîtront une baisse forte, de l'ordre de 20 %. Toutefois, nous devons rester vigilants sur ce point, d'autant que toutes les régions françaises, dans leur ancien périmètre, sauf l'Île-de-France et la région Rhône-Alpes, font désormais partie de la catégorie intermédiaire des « régions en transition », dont le PIB par habitant est compris entre 75 % et 100 % de la moyenne européenne. Les régions d'Europe de l'Est ont accompli un formidable processus de rattrapage économique, et il y a lieu de s'inquiéter de notre relative stagnation.

La politique de cohésion européenne est un pilier fondamental de l'Union européenne, non seulement parce qu'elle contribue à rendre visible son action auprès des citoyens, mais aussi parce que son objectif est de contribuer à un développement harmonieux et coordonné de nos territoires. En ce sens, elle devrait contribuer à résorber les multiples fractures qui traversent nos territoires et au sujet desquelles notre commission continue d'alerter, que ce soit dans l'accès aux soins, dans l'accès aux services publics et à l'éducation, dans l'accès au numérique ou encore dans le domaine de la mobilité.

Les récents débats que nous avons eus au sein de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur le rapport de notre collègue Louis-Jean de Nicolaÿ au sujet de la création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires, dont Serge Morvan, nouveau commissaire général à l'égalité des territoires, doit assurer la préfiguration, montrent à la fois l'attente des territoires sur ce sujet de la cohésion territoriale et la détermination de la Haute Assemblée à proposer des solutions innovantes pour ces territoires.

Le prochain cadre financier pluriannuel devra remédier aux fragilités du précédent, que ce soit en matière de simplification administrative, de gestion partagée et d'objectifs, sans remettre en cause le caractère universel de la politique de cohésion, condition essentielle de son avenir.

Je me félicite donc de cette initiative et j'espère que le Gouvernement tiendra bon sur ce front. Les prochains mois, sous présidence autrichienne du Conseil de l'Union européenne, seront décisifs pour valider les orientations portées par la France.

M. André Reichardt. - Mme Angèle Préville, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, M. Bernard Delcros, au nom de la commission des finances et moi-même, au nom de la commission des affaires européennes, allons vous présenter une proposition de résolution européenne cosignée par tous les membres du groupe de suivi sur la politique de cohésion régionale. Cette proposition exprime ce qui devrait orienter la politique de cohésion régionale 2021-2027, en particulier pour la France.

Le groupe de suivi a procédé à trois auditions, celle de M. Serge Morvan, commissaire général à l'égalité des territoires et préfigurateur de l'agence nationale de la cohésion des territoires, celle de M. Renaud Muselier, président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et président de la commission « Europe » de Régions de France, et, enfin, celle des deux secrétaires généraux adjoints du Secrétariat général des affaires européennes.

Cette proposition de résolution s'inscrit dans le calendrier budgétaire européen : tous les sept ans, la Commission européenne propose au Conseil et au Parlement européen un cadre financier pluriannuel, le prochain devant couvrir la période 2021-2027. Les propositions concernant la future la politique de cohésion ont été publiées très récemment, au début de ce mois ; les personnes que nous avons entendues venaient juste d'en prendre connaissance.

À l'heure de la réduction des ressources que le Brexit va occasionner, au moment où l'Union européenne s'est donné de nouvelles priorités - la défense, la sécurité, le climat, les migrations -, la politique de cohésion paraissait menacée aux yeux de nombre d'entre nous. De fait, si le cadre financier pluriannuel 2021-2027 prévoit une quasi-stabilité du Feder (+1 %) et une réduction de moins 6 % pour le FSE+, il prévoit une diminution de 46 % du seul Fonds de cohésion. La France n'est pas éligible à ce fonds, mais cette diminution, si elle était confirmée, affecterait particulièrement les pays dits « de Visegrád », la Hongrie, la République tchèque, la Slovaquie et la Pologne.

La Commission prend ainsi acte des croissances dynamiques des pays de l'Est de l'Europe dans la période écoulée - la carte que le président Maurey vient d'évoquer le montre -, due en partie à l'effet positif de la politique de cohésion dont ces pays ont été jusqu'à présent les principaux bénéficiaires - il peut d'ailleurs leur arriver de l'oublier... Les ressources réduites seraient donc réorientées vers les États du sud, confrontés à des difficultés persistantes, comme la Grèce, l'Espagne, l'Italie, la Roumanie ou la Bulgarie, dont les dotations prévisionnelles augmentent.

Quelques mots des éléments transversaux de la politique de cohésion telle que la Commission européenne la propose. Le Feder se concentrera sur cinq objectifs stratégiques : une Europe plus intelligente grâce à la transformation économique innovante ; une Europe plus verte et à faible émission de carbone ; une Europe plus connectée ; une Europe plus sociale grâce à la mise en oeuvre du socle européen des droits sociaux ; une Europe plus proche des citoyens grâce au développement durable et intégré des zones urbaines, rurales et côtières au moyen d'initiatives locales. Il faudra décliner ces différentes priorités, qui sont très importantes pour notre pays.

Le FSE+ investira dans trois grands domaines : l'éducation, la formation et l'apprentissage tout au long de la vie ; les marchés du travail et l'égalité d'accès à un emploi de qualité ; l'inclusion sociale, la santé et la lutte contre la pauvreté. Ce fonds regroupera cinq fonds : trois fonds en gestion partagée - le FSE proprement dit, l'initiative pour l'emploi des jeunes et l'aide aux plus démunis - et deux fonds gérés par la Commission, liés à l'inclusion sociale et à la santé.

La Commission propose ensuite, en réponse à une critique générale, plusieurs mesures de simplification : un règlement unique couvrant désormais sept fonds, dont le Feder, le FSE+ et le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (Feamp) mais pas le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) ; la suppression des longues procédures d'accréditation des autorités de gestion ; la suppression de la certification et de la réserve de performance ; l'instauration de l'audit unique ; la différenciation dans l'intensité des contrôles européens en fonction de l'ampleur des projets et des performances administratives respectives des États membres.

La programmation se veut aussi plus flexible, elle sera faite pour cinq ans avec un examen à mi-parcours en 2025 pour les deux dernières années. Une appréciation sera alors portée sur la performance des projets, et d'éventuelles réorientations des priorités pourraient être décidées pour la dernière phase de programmation.

Le lien avec les observations de la Commission dans le cadre du semestre européen est renforcé, surtout pour le FSE+. La prise en compte de ces recommandations spécifiques par État serait faite par la Commission en début et en milieu de programmation. Les éventuelles suspensions des concours financiers qui pourraient ultimement résulter du non-respect par un État membre de ces recommandations seraient toutefois limitées aux engagements et non aux paiements, et elles seraient plafonnées.

Autre innovation, l'instauration d'une conditionnalité de respect de l'État de droit pour bénéficier des financements européens. Cette condition vise les cas où des législations nationales mettraient en cause, par exemple, le principe d'indépendance de la justice, risquant ainsi de porter atteinte à une saine gestion des fonds publics européens. Il s'agit, en clair, d'écarter les risques de corruption. Quel en est le mécanisme ? La Commission proposerait au Conseil de suspendre ou d'interrompre les versements des fonds de cohésion. Cette proposition ne pourrait être rejetée par le Conseil qu'à la majorité qualifiée inversée, difficile à réunir. Cela étant, afin de ne pas pénaliser les bénéficiaires finaux des fonds, l'État en cause devrait se substituer à la Commission pour assurer le financement des projets.

M. Bernard Delcros. - Je vais apporter quelques précisions complémentaires et indiquer les points sur lesquels la France devra faire preuve de vigilance lors des négociations qui s'engagent.

Globalement, le budget européen augmente, passant de 1 % à 1,1 % du revenu national brut, soit une augmentation de 10 %. Néanmoins, il est difficile d'étudier la répartition du budget, car les chiffres fournis divergent. Le Parlement européen a ainsi manifesté sa surprise et son inquiétude quand il a reçu les chiffres de la Commission.

Par rapport à la programmation précédente, on peut déceler deux évolutions majeures : un glissement des cibles, des pays de l'est vers le sud, notamment vers l'Espagne et la Grèce, en raison de l'évolution relative de leur PIB ; et des priorités revues, notamment autour de la recherche et l'innovation, l'économie numérique, de la jeunesse, de la gestion des frontières, de la sécurité et de la défense.

Cette double évolution a deux conséquences : le budget de la PAC baisse considérablement. Je le précise, même si ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui, car au sein du bloc de la PAC se trouve le Feader, qui est le principal outil de développement rural, davantage que le Feder. La politique de cohésion augmentera légèrement en euros courants mais elle diminuera d'environ 5 % en euros constants. Au total, si l'on compare les deux périodes, la part de la politique de cohésion et de la PAC dans le budget de l'Union européenne passera de 70 % à 58 %.

Notre pays est relativement préservé de la baisse des crédits de la politique de cohésion, pour deux raisons. D'une part, la principale baisse porte sur le Fonds de cohésion, auquel la France n'est pas éligible. D'autre part, les critères de PIB dans la classification des régions sont révisés dans un sens qui nous est favorable.

Le classement des régions en trois catégories est conservé : régions les moins développées, régions en transition et régions les plus développées. En outre, alors que, dans la période 2014-2020, la catégorie des régions en transition se définit par un PIB compris entre 75 % et 90 % du PIB moyen européen, la Commission propose de faire passer la borne haute à 100 %. Par conséquent, les régions ayant un PIB compris entre 75 % et 100 % seront incluses dans les régions en transition. La France passe ainsi de 10 régions en transition et de 12 régions parmi les plus développées à 21 régions en transition et à 2 régions parmi les plus développées. À titre de comparaison, l'Allemagne, avec une baisse de 21 %, est beaucoup plus pénalisée par la baisse des crédits que la France, qui subit un recul de 5,4 %.

Les sujets à défendre prioritairement dans la négociation qui s'ouvre sont la question de l'enveloppe, la possibilité de garder les trois catégories de région (ce qui est contesté par certains pays) et la possibilité de conserver les périmètres des anciennes régions. Ainsi l'Auvergne, région en transition, a été intégrée dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui fait partie des deux régions les plus développées en France, avec l'Île-de-France. À l'intérieur des grandes régions, il y a des métropoles qui ont un PIB important et des territoires en difficulté. La Commission propose de caler les catégories de région sur le périmètre des anciennes régions, mais ce n'est pas acquis, certains pays le remettent en cause. C'est un point extrêmement important pour nous.

Un autre réside dans la question des cofinancements. Dans le programme précédent, pour les régions les moins développées - cinq en France -, le cofinancement à la charge des territoires représentait 15 % du financement et les fonds de la politique de cohésion représentaient 85 %. La Commission propose d'abaisser cette proportion à 70 %, ce qui appellera un cofinancement supérieur pour les territoires. Cela vaut aussi pour les régions en transition, pour lesquelles le financement de la politique de cohésion passe de 60 % à 55 % et pour les régions les plus développées, où l'on passe de 50 % à 40 %. Les cofinancements issus des États membres - État, régions, départements - devront alors être plus importants, dans un contexte de baisse des moyens des régions et des départements. Les régions qui passeront de la catégorie de région développée à la catégorie de région en transition vont donc gagner des financements européens, mais les régions qui étaient déjà en transition vont en perdre.

La France doit être très mobilisée sur ces sujets, car nombreux sont les pays qui refusent la classification en trois types de régions et le cofinancement qui l'accompagne.

Autre sujet important : le dégagement d'office, autrement dit le délai à partir duquel le pays perd les crédits qui lui sont alloués. Le cadre précédent prévoyait trois ans, et la Commission propose de passer à deux ans, afin d'accélérer la consommation des crédits. Or les procédures sont si compliquées que beaucoup de crédits pourraient être perdus !

La Commission propose de mutualiser les fonds Feder et FSE, cela me semble positif.

Enfin, la simplification. Nous avons tous construit des dossiers de financement européen ; c'est un processus extrêmement long et compliqué. Il est nécessaire de simplifier les procédures, mais prenons garde d'ajouter de nouvelles complications nationales !

Enfin, je veux aborder la question du Feader, même si cela ne rentre pas dans le cadre de notre débat d'aujourd'hui : car les territoires ruraux sont concernés. Ce fond passerait de 100 milliards à 78,8 milliards d'euros, en euros courants : les territoires ruraux en subiraient les conséquences. Les programmes de Liaison entre actions de développement de l'économie rurale (Leader), pourtant excellents, seraient même remis en cause.

Un mot du calendrier des négociations. Il y aura des élections européennes mi-2019 ; certains plaident pour aller vite et régler la question avant ces élections, d'autres pour prendre le temps de construire un bon accord, indépendamment de cette échéance.

Globalement, la France s'en sort plutôt bien, mais rien n'est gagné. Les pays de l'Est sont vent debout, car ils étaient très bénéficiaires du Fonds de cohésion. Les pays du nord de l'Europe et l'Italie veulent supprimer la catégorie des régions en transition, ce qui serait négatif pour la France, car ce qui nous avantage, c'est précisément l'augmentation de la borne haute de cette catégorie. Les avis sont aussi très différents sur les taux de cofinancement. Enfin, sur la conditionnalité, seules la France et l'Allemagne sont aujourd'hui d'accord.

Les propositions de la Commission ne sont pas des acquis ; il y a des sujets essentiels pour la France, sur lesquels il faudra tenir bon, notamment les catégories de région et les cofinancements.

Mme Angèle Préville. - Il me semble nécessaire d'adopter ce cadre financier pluriannuel avant les élections européennes de 2019, sans quoi l'efficacité de la politique de cohésion serait remise en cause, en raison des retards que cela entraînerait.

Je rappelle l'importance de la politique de cohésion de l'Union européenne pour la dynamique de nos territoires ; elle est un puissant levier d'investissement, qui stimule l'innovation, la croissance durable et inclusive, l'emploi et le développement des infrastructures.

La politique de cohésion européenne est donc un acquis à préserver, même si des inflexions peuvent lui être apportées. Elle doit, en effet, contribuer à assurer la convergence entre les territoires de l'Union européenne, métropolitains, frontaliers et d'outre-mer, marqués par des disparités importantes, auxquelles s'ajoutent des disparités infrarégionales.

La politique de cohésion me semble particulièrement intéressante parce qu'elle donne d'importantes prérogatives aux régions ; je suis convaincue de l'intérêt de cette gestion décentralisée, au plus près des besoins des territoires et des projets locaux. C'est tout le sens du principe de subsidiarité placé au plus haut de l'ordonnancement juridique européen.

J'ajoute deux remarques à ce qui a été dit, et je souhaite vous faire part de deux inquiétudes.

D'abord, la politique de cohésion ne saurait être uniquement un instrument au service du rattrapage de certaines régions ; elle doit soutenir et accompagner tous les territoires dans leur développement et contribuer à résorber, dans les États dits « riches », les poches de pauvreté qui subsistent. Les récents événements politiques en Italie, en Pologne, en Grèce et la montée de l'extrême droite en Allemagne démontrent l'importance de préserver l'universalité de la politique de cohésion ; tous les États, dont la France, doivent continuer d'en bénéficier. À défaut, c'est le ressentiment à l'égard de l'Europe qui pourrait se renforcer.

Notre proposition de résolution européenne souligne d'ailleurs cet aspect de la politique de cohésion : c'est une politique de solidarité concrète et bénéfique dans la vie quotidienne des citoyens mais dont la visibilité pourrait être accrue.

Ensuite, j'insiste sur l'importance de la politique de cohésion pour contribuer à la réduction des fractures qui traversent nos territoires. L'Union européenne encourage le développement de la spécialisation intelligente et de l'économie verte et décarbonée, mais cela ne doit pas faire oublier la nécessité d'un partage territorial cohérent et équitable de la valeur ajoutée produite dans les métropoles. Mieux soutenir les projets locaux des territoires ruraux et périurbains favoriserait le développement dans ces zones, et une interaction réciproquement bénéfique avec les grands ensembles urbains. Ces territoires sont explicitement mentionnés dans la proposition de résolution européenne.

Dans le contexte, le projet d'une Agence nationale de la cohésion des territoires, dont le préfet Serge Morvan, nouveau Commissaire général à l'égalité des territoires, doit assurer la préfiguration, est particulièrement attendu.

Enfin, en tant que membre de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, je me félicite que la lutte contre le changement climatique et l'objectif d'accompagnement de la transition écologique dans les territoires constituent des priorités des fonds de cohésion. La pollution de l'air, la préservation du patrimoine culturel, la revitalisation des territoires et plus largement le développement équilibré et durable doivent être au centre de nos préoccupations.

J'ai deux inquiétudes. La première concerne le renforcement de la conditionnalité pour bénéficier des fonds de la politique de cohésion. Si la conditionnalité dite « État de droit » me semble nécessaire, je suis plus réticente sur le nouveau volet macroéconomique des conditionnalités, lié au semestre européen. Cela me paraît aller dans le sens d'un renforcement des contraintes pesant sur les États. La gestion budgétaire s'inscrit dans une temporalité bien différente de l'approche de long terme qui doit présider à la gestion des fonds de cohésion.

Ma seconde inquiétude concerne la gestion des fonds de cohésion. Il est absolument nécessaire que ces fonds soient gérés au plus près des territoires, de façon décentralisée, pour mieux prendre en compte les besoins et les difficultés. Tout ce qui va dans le sens d'une responsabilisation des régions et d'une plus grande dotation de fonds doit être encouragé.

M. Jean Bizet, président. - Je remercie les trois rapporteurs de la qualité de leur travail.

On ne sait pas encore si le cadre financier pluriannuel sera adopté avant la fin du mandat actuel du Parlement ; si ce n'est pas le cas, cela entraînera des votes par annualité sur le fondement des anciens montants. Je reviens de Bulgarie et, à part le Portugal, je n'ai pas vu de délégation manifester beaucoup d'aigreur sur cette première proposition de la Commission.

Par ailleurs, la France est relativement épargnée par cette nouvelle proposition, mais cela veut dire que la progression du PIB par habitant n'a pas été à la hauteur de que l'on aurait souhaité...

En outre, il y aura des cofinancements importants de l'État et de la région, dans cette nouvelle configuration. Les régions sont désormais des autorités de gestion et les dégagements d'office seront raccourcis, donc les régions devront faire preuve de plus de sévérité.

Enfin, je me désole également de l'effondrement des crédits du Feader, le deuxième pilier de la PAC. La ruralité est véritablement en danger.

M. Hervé Maurey, président. - Je remercie à mon tour les trois rapporteurs.

M. Jean-Michel Houllegatte. - J'aurai deux remarques.

Pour ce qui concerne le périmètre retenu, il faut se battre pour maintenir le périmètre des anciennes régions ; c'est le périmètre historique, qui permet la comparaison dans le temps, et cela correspond aux unités territoriales statistiques, qui sont des échelles de comparaison entre territoires européens.

Pour ce qui concerne l'évaluation, dont vous n'avez pas parlé, il me semble important que les critères d'évaluation permettent d'avoir une approche plus territoriale. Il faut connaître l'impact des fonds européens sur les territoires ruraux et sur les villes moyennes. En effet, les objectifs de la stratégie Göteborg-Lisbonne sont intéressants et ambitieux, mais on observe un transfert des fonctions tertiaires supérieures des villes moyennes au profit des métropoles. Il est normal que celles-ci aient effet d'entraînement, mais une grande partie des fonds européens sont souvent captés par les elles, au détriment des territoires ruraux et des villes moyennes, en raison de l'élitisme prévalant dans la rédaction des documents stratégiques et de programmation et des documents de mise en oeuvre.

M. Claude Bérit-Débat. - Ma préoccupation rejoint celle de Jean-Michel Houllegatte : quid des territoires ruraux, si l'on suit cette trajectoire ? La baisse du Feader est inquiétante ; il y a une aspiration, par les métropoles, de certains projets et de financements. Il faut inciter le Gouvernement à avoir une politique dirigée vers les territoires ruraux car il y aura une dichotomie forte entre territoires. Il faut tenir compte de cette réalité, la baisse drastique du Feader peut nous conduire dans une impasse, d'autant que le cofinancement à la charge des collectivités territoriales augmentera de façon très sensible.

M. Olivier Henno. - Je me félicite du maintien, globalement, des fonds de cohésion mais je suis préoccupé par l'évolution des PIB, il y a un transfert de la croissance vers l'est et un décrochage dans les pays autour de la Méditerranée. L'évolution relative du PIB de la France par rapport aux autres pays est elle-même frappante.

J'ai deux remarques. Sur la question des cofinancements, le Nord-Pas de Calais, notamment le Hainaut-Cambrésis, a bénéficié rapidement de l'objectif 1, de convergence. L'impact en a été d'autant plus conséquent que le cofinancement des collectivités territoriales était faible. Si le cofinancement devient plus important, les territoires en difficulté ne pourront peut-être plus appeler les fonds européens. Comme le disait André Diligent, « on nous ruine à coup de subventions ». Soyons vigilants sur cette question de cofinancement.

Par ailleurs, Renaud Muselier nous a appelés à la vigilance sur la gestion des fonds européens ; il craignait notamment de voir l'État récupérer la gestion des fonds du Feder. Avez-vous des informations sur cette question ?

M. René Danesi. - La proposition de résolution européenne est plutôt centrée sur la France, et c'est bien normal. Les nouvelles conditions d'octroi des fonds de cohésion et la revue générale des priorités ont pour conséquence les évolutions suivantes : - 24 % pour l'Estonie - qui restera toutefois, avec 317 euros par tête, le premier récipiendaire par habitant - 23,3 % pour la Hongrie, - 24 % pour la Tchéquie, - 21,7 % pour la Slovaquie. Le groupe de Viegrad est touché-coulé ! Bien entendu, sans avoir été visé... Ce qu'on nous présente comme la simple application des règles ressemble en réalité à une sanction financière du refus d'accueillir des migrants. Mais l'Italie, depuis peu, rue à son tour dans les brancards. Allons-nous revoir ses + 6,4 % ? On allègue, pour cette baisse, le critère de l'État de droit. Pourtant, nul ne s'est préoccupé de la corruption, du népotisme et de l'évasion fiscale qui sévissaient en Grèce, et qui a conduit ce pays à la quasi faillite qui coûte cher à plusieurs pays européens. Les pays d'Europe centrale ont le sentiment d'être punis de n'avoir pas suivi la ligne.

Cela peut les rendre sensibles au chant des sirènes venu de Pékin. Le 27 novembre 2017, le Premier ministre chinois s'est rendu à Budapest, où étaient réunis les représentants de seize pays européens - dont les trois Baltes, qu'on suppose toujours bons élèves. Il a annoncé 3 milliards d'euros, et une aide pour la modernisation du chemin de fer qui va du Pirée à Budapest en passant par Belgrade. Le Président tchèque a déclaré : « nous sommes le guichet d'entrée de la République populaire de Chine dans l'Union européenne ». Le Premier ministre grec a souligné que, alors que l'Europe a eu comme priorité de punir les Grecs par l'austérité, les Chinois ont saisi cette occasion pour investir. De fait, l'Europe a obligé la Grèce à mettre à l'encan le port du Pirée tout en se montrant incapable de trouver un acheteur. Résultat : ce sont les Chinois qui en sont devenus propriétaires.

Certes, la Chine est à l'opposé de l'Union européenne. Peu regardante sur l'État de droit - et on comprend bien pourquoi - elle ne conditionne pas son soutien financier à l'accueil des migrants. L'enfer est pavé de bonnes intentions : au moment où l'Union européenne risque la dislocation face à un mouvement migratoire incontrôlé, ce n'est peut-être pas très astucieux d'inciter les pays du groupe de Viegrad, et en général des pays d'Europe centrale, orientale et balkanique, à regarder vers Pékin. Mieux vaudrait les pousser à continuer à regarder vers Bruxelles et vers Washington, puisque chacun sait que c'est surtout l'adhésion à l'Otan qui les a motivés.

M. Jordi Ginesta. - Vous dites que le budget a augmenté de 10 %, mais on ne parle que de diminutions. Y a-t-il bien une augmentation en valeur absolue ? Combien coûtera le départ du Royaume-Uni ? Combien coûtera-t-il au Royaume-Uni lui-même ? Sera-t-il gagnant ?

M. Georges Patient. - Les régions françaises d'outre-mer ont une position particulière en Europe. On les a classées comme RUP en raison de certains handicaps, et elles bénéficient de 27 % des fonds de cohésion touchés par la France. L'impact des nouvelles dispositions sera fortement négatif pour elles. Sont-elles des variables d'ajustement ? La Martinique, notamment, va passer de « région moins développée » à « région en transition », alors que ses handicaps demeurent évidemment : éloignement, petite superficie, coût élevé de la main-d'oeuvre... Le plus grave est que le taux de cofinancement passera de 80 % à 70 % : avec le dégagement d'office, et vu la baisse des dotations, il n'est pas sûr que les fonds accordés pourront être utilisés en totalité.

Mme Laurence Harribey. - Finalement, la France ne s'en sort pas si mal. Nombre de nos régions sont désormais en transition, ce qui n'était pas le cas auparavant. C'est révélateur de notre mauvaise utilisation des fonds, même si le maintien d'un mode de calcul basé sur le dessin des anciennes régions nous est favorable. De plus, on observe une mutation structurelle du budget communautaire, qui est en quelque sorte le retour de bâton de la subsidiarité : il est logique que les politiques régionales territoriales finissent par ne plus être considérées comme étant de la responsabilité communautaire ! En quelque sorte, revendiquer la subsidiarité, c'est tendre le bâton pour se faire battre... La parade sera de faire rentrer la politique de cohésion et la politique régionale dans les priorités communautaires. À cet égard, la mention du développement territorial est intéressante, car cela donnera une légitimité à la politique régionale.

Enfin, ce qui nous est proposé peut se retourner contre le principe de gestion partagée. J'ai bien aimé la formule « on me ruine à coup de subventions », très révélatrice. Quand on regarde dans le détail les difficultés actuelles des leaders, qui doivent gérer jusqu'à 30 programmes avec deux ou trois personnes, sans participation des services de l'État, on se pose la question de l'ingénierie : les milieux urbains s'en sortent mieux parce qu'ils bénéficient de l'ingénierie des métropoles. La recentralisation actuelle m'inquiète, à cet égard, pour les territoires ruraux, et pour l'effectivité de l'autorité de gestion régionale.

M. Guillaume Chevrollier. - Les fonds à destination des territoires ruraux sont en baisse, c'est un constat alarmant. Mais nous donnons-nous vraiment les moyens de consommer tous les crédits qui arrivent de l'Union européenne ? Sur la qualité de l'eau, par exemple, en France, tous les fonds européens ne sont pas consommés.

M. Patrice Joly. - Les territoires ruraux ne sont guère dans les radars des responsables politiques. La baisse de la PAC et la baisse des crédits du premier et du deuxième pilier auront des conséquences en termes de développement local : ces crédits irriguent nos territoires ruraux et participent à leur développement et à leur économie. Si on y ajoute l'élargissement des périmètres des régions bénéficiaires des fonds de cohésion, on voit que les territoires les plus fragiles, notamment parce qu'ils manquent d'ingénierie, risquent de se voir pénalisés. L'augmentation des taux de cofinancement aura aussi un impact négatif sur les territoires les plus fragiles et les collectivités les plus faibles.

Il faudrait que les autorités de gestion soient moins des gestionnaires de procédure que des responsables stratégiques. Quand on est maître d'ouvrage, on voit que le travail porte plus souvent sur la conformité des dossiers que sur un accompagnement de la mise en oeuvre d'un projet territorial, ce qui est dommage. Une approche multi-fonds est donc loin d'être aboutie. J'ai rencontré à Bruxelles, mardi dernier, un directeur de la Commission européenne, M. Eric von Breska : dans son esprit, il n'était absolument pas question de remettre en cause l'utilisation de l'ancien découpage régional. Pour les programmes 2021-2027, ce sont les nouvelles régions qui seront autorités de gestion.

M. Benoît Huré. - Ce travail arrive à point nommé. Sur l'évolution budgétaire, il faut toujours être prudent avec les pourcentages : quels sont les chiffres ? Comment évoluent les politiques ? La baisse de la PAC est préoccupante quand la plupart des grands pays font une priorité forte de leur agriculture, y voyant un enjeu de souveraineté et de sécurité alimentaire. Puis, l'importance de ce budget s'explique aussi par le fait que, quand les pays fondateurs ont décidé de signer le traité de Rome, c'est à la PAC qu'ils ont transféré l'essentiel des moyens qu'ils y consacraient : aujourd'hui, un agriculteur reçoit neuf fois plus de l'Union européenne que de l'État français. Oui, de nouvelles politiques sont devenues nécessaires et urgentes, sur l'environnement et les migrations notamment. Cela dit, on ne fait pas des politiques nouvelles en restreignant les politiques existantes, mais en y mettant les moyens adéquats ! Pour cela, il faut que chaque État transfère à l'Union européenne les moyens qu'il consacrait à ces politiques. Après tout, quand les communes se sont rassemblées en communautés de communes, elles ont transféré les moyens qu'elles consacraient aux politiques assumées désormais par la communauté de communes.

Sur le rôle des régions, soyons prudents : dans notre pays, on constate un très grand écart de richesse entre les régions, qui s'est creusé au cours des dernières années pour aller de 1 à 30, voire 35. Que l'État, qui est peut-être seul à pouvoir corriger ces écarts par une péréquation verticale, examine aussi comment il peut mobiliser les fonds européens à cet effet, cela ne me choque pas complètement. Tout est une question de partage des responsabilités.

M. Hervé Maurey, président. - En effet, il y a une vraie inquiétude sur la diminution de ces concours, qui serait d'autant plus préoccupante que la politique de cohésion est parfois le seul élément qui permet d'identifier, dans nos campagnes, l'aspect positif de la politique européenne - avec la PAC, bien sûr. Son recul ne ferait qu'accroître le rejet de l'Europe dans nos territoires.

M. André Reichardt. - Vos questions et remarques portaient sur trois thèmes : le volume des aides, leurs bénéficiaires et les modalités de leur distribution.

Le budget de l'Union européenne augmente, effectivement, de 10 % environ. C'est vrai qu'on entend parler surtout de baisses. Où va la différence ? Aux orientations nouvelles : défense commune, sécurité, climat, migrations... Il s'agit de faire face aux défis, et cela consommera des crédits, au détriment des politiques traditionnelles que sont la PAC et la politique de cohésion. La baisse des taux de cofinancement européen fera monter les parts nationales. C'est un vrai problème pour les bénéficiaires des aides.

Les baisses annoncées pour les pays de l'Europe de l'Est sont-elles punitives ? Je ne le crois pas. En tout cas, à l'avenir, ceux qui ne rempliront pas la conditionnalité d'État de droit pourraient en souffrir. Les chiffres actuels résultent simplement, nous dit-on, des critères classiques, comme l'évolution du PIB.

M. René Danesi. - Bien sûr !

M. André Reichardt. - Les pays qui ont bénéficié d'une manne importante, qui leur a permis de progresser, sont devenus moins éligibles que certains États-membres du Sud, comme la Grèce.

La Commission conserve bien l'ancien découpage régional français. Par ailleurs, les régions garderont leurs prérogatives sur la gestion des fonds. Le Commissaire général à l'égalité des territoires, que nous avons reçu, nous a donné quelques assurances en la matière - mais il faudra rester vigilant.

Le Brexit fera perdre 14 milliards d'euros par an au budget de l'Union européenne. Le Royaume-Uni avait perçu 10,5 milliards d'euros en fonds de cohésion pour la période 2014-2020.

M. Jordi Ginesta. - Ce sont des contribuables nets...

M. André Reichardt. - Certes. Quant aux RUP, si la Martinique devient « région en transition », elle continuera à bénéficier du traitement spécifique aux régions ultramarines - les quatre autres restant dans la catégorie des régions moins développées. En revanche, là aussi, le taux de cofinancement local va augmenter, ce qui posera des problèmes, qu'il faudra traiter au plan national !

Les programmes seront soumis à une évaluation régulière, avec des critères de performance, des indicateurs de résultats et de réalisation. Son intérêt sera surtout visible à la cinquième année, pour réorienter, au besoin, les priorités. Et les indicateurs de réalisation seront autant d'éléments permettant d'éviter les dégagements d'office.

M. Bernard Delcros. - Oui, le budget de l'Europe augmente : il passe de 1 082 milliards d'euros à 1 279 milliards d'euros en euros courants. Même en euros constants, il croît. Cela dit, la part de la PAC et de la politique de cohésion passe de 70 % à 58 %.

En ce qui concerne la politique de cohésion, la France s'en tire plutôt bien : - 5,4 % en euros constants, contre - 20 % pour l'Allemagne. Pourquoi ? Parce qu'elle n'est pas éligible au fonds de cohésion, et pour des raisons liées au découpage régional. Entre 2014 et 2020, douze de nos régions étaient parmi les plus développées. Il n'y en a plus que deux. Et, alors que dix régions figuraient parmi les régions en transition, nous en avons désormais 21. Ces évolutions sont liées à celles des PIB, mais surtout à la modification du critère, car le seuil passe de 90 % à 100 %.

Du coup, en matière de co-financement, il y a des gagnants et des perdants : les dix régions qui étaient parmi les plus développées et deviennent des régions en transition passeront de 50 % à 55 % ; mais celles qui était en transition perdront, puisque le cofinancement baisse de 60 % à 55 %. Il est extrêmement important de conserver les périmètres des anciennes régions, et ce n'est pas acquis.

Dans l'ensemble, le grand perdant, c'est la ruralité, non tant à cause des fonds de la politique de cohésion qu'à cause de la baisse du Feder, qui passe de 100 milliards d'euros à moins de 80 milliards d'euros. Oui, la ruralité sort des écrans radars. Il faut que l'État en tienne compte et apporte des corrections aux pertes de crédits européens, car le secteur urbain, lui, est préservé par le Feder. La Martinique aussi perdra beaucoup, car son taux de cofinancement passera de 85 % à 55 %.

La France est contributrice nette au budget européen : pour 19 milliards d'euros de contribution, elle perçoit environ 12 milliards d'euros de crédits en retour.

L'ingénierie reste un sujet primordial, notamment dans les zones rurales, car les moyens n'y sont pas les mêmes que dans les métropoles.

La consommation des crédits est un vrai sujet, et le risque de non-consommation ne fera que s'accroître si nous raccourcissons le délai de dégagement d'office de trois à deux ans, comme le prévoit la commission.

Il faut revoir, enfin, les appels à projets : appels à projets européens, nationaux, régionaux, départementaux... Nous sommes sans cesse à chercher à faire rentrer nos actions dans leur cadre, alors qu'il faut partir, à l'inverse, du territoire, dont les crédits doivent venir accompagner le développement. Avec tous ces appels à projet, on s'éloigne d'une logique globale de développement territorial.

Mme Angèle Préville. - Entièrement d'accord sur le point des appels à projets. Les critères, monsieur Danesi, sont fondés à 85 % sur l'évolution du PIB. Sans doute, nous n'avons pas assez bien communiqué sur les politiques européennes dans les pays que vous évoquez, pour éviter que les peuples ne se détournent de l'Europe.

La révision des taux de cofinancement va pénaliser d'abord les régions les moins développées, qui les verront passer de 85 % à 70 %, ce qui est la plus forte baisse ! Je suis persuadée que les présidents de région habitent complètement leur fonction. J'aurais donc tendance à leur faire confiance, à condition de prendre en compte le fait que certaines régions ont été classées en région de transition, et qu'il faudra tenir compte de la ruralité. Les régions doivent s'emparer de ce défi.

Quant à l'ingénierie, espérons que la création d'une Agence nationale de cohésion des territoires remédiera aux lacunes !

Enfin, la condition d'État de droit est certainement une bonne chose.

Si l'on compare nos régions à celles d'Allemagne et d'Italie du Nord, leur spécificité est d'avoir une faible densité de population sur certains territoires. Mon département, par exemple, compte très peu d'habitants, et de très petites villes. Cette spécificité française joue peut-être dans les résultats que nous vous avons présentés.

M. Jean Bizet, président. - Je demande aux membres de la commission des affaires européennes de voter.

À l'issue du débat, la proposition de résolution européenne est adoptée, à l'unanimité, par la commission des affaires européennes dans la rédaction suivante :

Proposition de résolution européenne

(1) Le Sénat,

(2) Vu l'article 88 4 de la Constitution,

(3) Vu l'article 73 quinquies du règlement du Sénat,

(4) Vu l'article 174 du TFUE,

(5) Vu l'article 349 du TFUE,

(6) Vu la communication de la Commission (COM(2018) 321 final) du 2 mai 2018 au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions « Un budget moderne pour une Union qui protège, qui donne les moyens d'agir et qui défend, cadre financier pluriannuel 2021 2027 »,

(7) Vu la proposition de règlement du Conseil (COM(2018) 322 final) du 2 mai 2018 fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027,

(8) Vu la proposition d'accord interinstitutionnel (COM(2018) 323 final), du 2 mai 2018 entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission sur la discipline budgétaire, la coopération en matière budgétaire et la bonne gestion financière,

(9) Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil (COM(2018) 324 final) du 2 mai 2018 relative à la protection du budget de l'Union en cas de défaillance généralisée de l'État de droit dans un État membre,

(10) Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil (COM(2018) 372 final) du 31 mai 2018 relatif au Fonds européen de développement régional et au Fonds de cohésion,

(11) Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil (COM(2018) 373 final) du 30 mai 2018 relatif à la création d'un mécanisme visant à lever les obstacles juridiques et administratifs dans un contexte transfrontalier,

(12) Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil (COM(2018) 374 final) du 30 mai 2018 portant dispositions particulières relatives à l'objectif « coopération territoriale européenne » (Interreg) soutenu par le Fonds européen de développement régional et les instruments de financement extérieur,

(13) Vu la proposition de règlement (COM(2018) 375 final) du 29 mai 2018 du Parlement européen et du Conseil portant dispositions communes relatives au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen plus, au Fonds de cohésion et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, et établissant les règles financières applicables à ces fonds et au fonds « Asile et migration », au fonds pour la sécurité intérieure et à l'instrument relatif à la gestion des frontières et aux visas,

(14) Vu la proposition de règlement (COM(2018) 382 final) du 30 mai 2018, du Parlement européen et du Conseil relatif au Fonds social européen plus (FSE+),

(15) Vu la résolution du Parlement européen du 14 mars 2018 sur le prochain cadre financier pluriannuel : préparation de la position du Parlement sur le cadre financier pluriannuel post-2020 (2017/2052 (INI)),

(16) Vu la communication du 24 octobre 2017 de la Commission définissant une nouvelle stratégie pour les régions ultrapériphériques,

(17) Vu les conclusions du Conseil du 25 avril 2017 sur le thème « Rendre la politique de cohésion plus efficace, plus utile et plus visible pour nos citoyens »,

(18) Considérant que la politique de cohésion régionale est un levier d'investissement particulièrement adapté aux besoins spécifiques des territoires de l'Union européenne, permettant d'y stimuler l'innovation, la croissance durable, l'emploi et le développement des infrastructures ;

(19) Soulignant le rôle stratégique de la politique de cohésion régionale pour le développement de la formation professionnelle et l'inclusion sociale, en particulier à travers le Fonds social européen ;

(20) Soulignant que les objectifs assignés à la politique de cohésion régionale s'inscrivent dans une stratégie économique plus vaste de l'Union européenne visant une croissance intelligente par le développement de l'éducation, de la recherche et de l'innovation, une croissance durable sobre en carbone, une croissance inclusive par la création d'emplois et la lutte contre la pauvreté ;

(21) Estimant qu'à ce titre la politique de cohésion représente une véritable valeur ajoutée européenne en tant qu'outil de solidarité et de convergence pour remédier aux disparités régionales de développement, pour les territoires métropolitains, les territoires frontaliers via la coopération territoriale européenne, mais aussi tout particulièrement pour les régions d'outre-mer ;

(22) Déplorant que le projet de CFP 2021-2027, au-delà des trois fonds dédiés à la politique de cohésion - FEDER, FSE+, Fonds de cohésion -, entérine une réduction drastique de la dotation du FEADER relevant du second pilier de la PAC alors que le programme LEADER (Liaison entre actions pour le développement de l'économie rurale) est un exemple probant de développement territorial qu'il convient de maintenir ;

(23) Constatant que les ressources de la politique de cohésion, FEDER et FSE+ pour 2021-2027 concernant la France s'élèveront à 16,02 milliards d'euros en euros 2018 ou 18,06 milliards en euros courants, soit une diminution de 5,4 % par rapport à la programmation 2014-2020 ;

(24) Demande au Gouvernement, durant les négociations à venir, de tenir une position ferme et exigeante sur la mobilisation des ressources nécessaires pour atteindre les objectifs stratégiques de la politique de cohésion régionale au risque, à défaut, de mettre en péril une politique européenne d'innovation, de croissance et d'inclusion sociale, décidée et mise en oeuvre au plus près des territoires ;

(25) Soutient la proposition de la Commission européenne d'une politique de cohésion régionale 2021-2027 qui continuera de couvrir la totalité des régions de l'Union européenne et préservera les trois catégories de régions pour sa mise en oeuvre et la répartition des fonds qui lui sont liés: régions les moins développées, en transition, les plus développées ;

(26) Prend acte du maintien de la référence par la Commission européenne, dans le cadre de la politique de cohésion, à la nomenclature des unités territoriales statistiques (NUTS 2) et aux 27 régions françaises, métropolitaines et ultramarines, sur la base antérieure à la loi du 16 janvier 2015 relative à la « délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral » ;

(27) Relève, dans ce contexte, le classement de 21 des 27 anciennes régions françaises métropolitaines et d'outre-mer en catégorie de régions en transition, de 2 en régions les plus développées et de 4 en régions les moins développées ;

(28) Souligne que les taux de cofinancement européen de la politique de cohésion régionale seront désormais de 70 %, 55 % et 40 % selon que les régions relèvent respectivement de la catégorie des régions les moins développées, en transition, les plus développées ;

(29) Approuve l'inscription, comme l'un des cinq objectifs stratégiques de la politique de cohésion, du développement territorial intégré, y compris dans les régions les plus développées, concernant les zones urbaines, periurbaines, rurales ou côtières ;

(30) Souligne, à cet égard, l'intérêt de pouvoir combiner les ressources du FEDER et du FSE+ pour des projets de développement territorial, associant les collectivités locales concernées pour la revitalisation économique, sociale et éducative d'espaces infrarégionaux urbains et ruraux ;

(31) Rappelle que la logique et l'efficacité de la politique de cohésion territoriale reposent sur un mode de gestion partagée entre l'Union, les États membres et les régions et supposent que celles-ci tiennent un rôle prééminent dans les choix stratégiques opérés au plus près des territoires et dans la répartition des fonds qui les accompagnent ;

(32) Insiste pour que, dans cet esprit, les modalités de programmation et de répartition des fonds de la politique de cohésion pour 2021-2027 fassent l'objet d'une concertation continue et confiante entre l'État et les autorités de gestion, dans le respect des prérogatives de celles-ci ;

(33) Invite l'État et les autorités de gestion à agir pour accroître la visibilité de la politique de cohésion qui constitue, au niveau des territoires, une politique de solidarité concrète et bénéfique de l'Union européenne dans la vie quotidienne des citoyens, de nature à améliorer leur perception des réalisations de l'Union européenne ;

(34) Prend acte, pour l'application du socle européen des droits sociaux et des priorités en matière sociale et d'emploi, de la création d'un Fonds Social européen « plus », qui regroupera le Fonds social européen (FSE), l'initiative pour l'emploi des jeunes (IEJ), le Fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD), ces fonds participant de la gestion partagée, ainsi que le programme pour l'emploi et l'innovation sociale (EaSI) et le programme d'action de l'Union dans le domaine de la santé, ceux-ci relevant de la gestion, directe ou indirecte, de la Commission européenne ;

(35) Rappelle que, dans la logique de la politique de cohésion régionale et des fonds qu'elle met en oeuvre, la gestion du FSE doit être faite au plus près des territoires pour répondre aux acteurs de terrain ;

(36) Souligne l'importance de la coopération territoriale européenne, qui constitue un des piliers de la politique de cohésion régionale, dans ses trois dimensions transfrontalière, transnationale et interrégionale ;

(37) Considère que le recours aux instruments financiers et au nouveau programme InvestEU dans le cadre de la politique de cohésion devra avoir un caractère complémentaire et n'être décidé que sur une base volontaire, en fonction de la nature des projets dans le cadre du partenariat régional ;

(38) Juge indispensables les mesures de simplification administrative proposées par la Commission européenne pour clarifier, faciliter et accélérer la mise en oeuvre et la gestion des projets, en particulier la réduction de 11 à 5 du nombre des objectifs stratégiques, la rédaction d'un règlement allégé commun à tous les fonds, la suppression de la réserve de performance, de la procédure de désignation des autorités de gestion et du statut d'autorité de certification, le recours facilité aux options de coûts simplifiés, l'exigence différenciée du système de gestion et de contrôle d'un État membre selon sa performance administrative éprouvée sur au moins deux années ;

(39) Fait valoir la nécessité de contribuer activement, au niveau national, à la simplification de la politique de cohésion en particulier en s'abstenant de toute surrèglementation par rapport aux règles européennes concernant la mise en oeuvre des programmes ou la gestion des projets par les autorités de gestion régionales ;

(40) Met en garde contre une adoption tardive du cadre financier pluriannuel par le Parlement européen et le Conseil, soit après les élections européennes de mai 2019, qui conduirait à un démarrage des programmes postérieurement à janvier 2021 et affecterait gravement leur efficacité et celle de la politique de cohésion régionale dans son ensemble.

Mme Nelly Tocqueville, présidente. - Je demande à mes collègues de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable s'ils sont d'accord pour adopter dès aujourd'hui cette proposition de résolution européenne, en application de l'alinéa 3 de l'article 73 quinquies du Règlement.

Il en est ainsi décidé.

La proposition de résolution européenne est adoptée sans modification par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

M. Jean Bizet, président. - Le groupe de suivi pourra communiquer afin de souligner notamment la fragilisation de la ruralité qui résultera de cette politique. Au sein du premier pilier, on observera une accélération des convergences, que nous n'avons toutefois pas encore quantifiée. La PAC baissera de 3,9 % dans nos territoires d'outre-mer, alors que leurs handicaps naturels demeurent. Sur l'optimisation de la consommation des crédits, le groupe de suivi fera des propositions aux autorités de gestion que sont les régions. Il faudra les inviter, avec les EPCI, à mobiliser de l'expertise en matière d'ingénierie pour une consommation optimale. Le Brexit fait sortir un contributeur net à hauteur de 14 milliards d'euros... Et nous ne connaissons pas encore le coût des barrières tarifaires, et non-tarifaires, qui seront instaurées ensuite ! Le groupe de suivi sur le Brexit les évalue à 4 milliards d'euros au minimum pour la France, sachant que les régions les plus impactées seront les Hauts-de-France et la Picardie, et que la filière de l'agroalimentaire - et donc la ruralité - souffrira particulièrement.

C'est Pascal Allizard qui sera le mieux placé avec Gisèle Jourda pour nous faire le point sur la route de la soie, à la suite du travail qu'ils ont mené sur la question. Ce projet est en train de déstabiliser indirectement certains pays européens. D'un côté, l'Europe propose des subventions assorties de règles et de valeurs. De l'autre, l'Empire du Milieu apporte des prêts, mais sans critères, sans code des marchés publics, sans valeurs et assortis d'une grande rapidité d'exécution. Cela peut séduire, mais hypothèque l'État qui les accepte ! De plus un arc islamique est en train de s'établir, avec l'implication de la Turquie de l'Arabie Saoudite.

Je vous propose d'adresser la proposition de résolution européenne à la Commission européenne dans le cadre du dialogue politique.

Il en est ainsi décidé.