5700/18  du 03/04/2018

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 06/04/2018
Examen : 14/06/2018 (commission des affaires européennes)


Politique commerciale

Défense contre les importations

5700/18 - Texte E 12935

(Procédure écrite du 14 juin 2018)

L'actualisation des règles communes de défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays qui ne sont pas membres de l'Union est un projet ancien qui devrait, après quatre longues années de tractations, aboutir désormais rapidement. Ces dispositifs anti-dumping dataient, pour l'essentiel, de 1995 et l'achèvement de l'Uruguay Round mené dans le cadre de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT).

L'objectif, conformément aux règles de l'OMC, est de protéger les industries européennes face à une concurrence qui ne respecte pas les règles du commerce international, en particulier par un recours au dumping. Ce dernier est structurel de la part de certains États qui interviennent par ailleurs massivement dans leur économie, en particulier par des subventions étatiques massives ou des coûts artificiellement réduits du coût de leurs matières premières.

Par ailleurs, une contrainte de calendrier obligeait, pour des raisons juridiques impératives, les États membres de l'OMC - en particulier l'Union européenne - à réviser son mode de calcul des dumpings chinois avant le 11 décembre 2016, date à laquelle le passage de la Chine au statut - tout théorique - d'« économie de marché » ne permettait plus de lui opposer des droits anti-dumping aussi élevés qu'avant. Le 4 décembre 2017, le Conseil des Ministres de l'Union européenne a approuvé un nouveau dispositif qui améliore considérablement la défense commerciale de l'Union européenne au bénéfice de ses entreprises.

Pour se mettre en accord avec le nouveau statut d'« économie de marché » de la Chine, le nouveau système de calcul ne fait plus de différence entre économies de marché et les autres mais entre pays membres ou non membres de l'OMC. Désormais, pour établir qu'un pays ou que les industries d'un secteur donné d'un pays tiers pratiquent des distorsions significatives des coûts de production, la Commission pourra établir un prix de référence en prenant en considération les coûts de production et de vente « dans un pays représentatif ayant un niveau de développement économique semblable à celui du pays exportateur ».

Sur la base de cette nouvelle méthode, l'Union européenne pourra fixer des tarifs douaniers plus élevés sur les importations objets de dumping. Les enquêtes menées sur les affaires anti-dumping seront raccourcies. Surtout, les questions sociales et environnementales sont prises en compte parmi les critères permettant de déterminer l'existence d'une distorsion du marché. Le nouveau règlement prévoit en effet que : « lors de l'évaluation de l'existence de distorsions significatives, il convient de prendre en considération, lorsque cela est approprié, les normes internationales pertinentes, dont les conventions fondamentales de l'Organisation internationale du travail (OIT) et les conventions multilatérales pertinentes en matière d'environnement ».

Le recours à la règle dite du « droit moindre » est de son côté utilement modifié : Cette règle n'est pas supprimée mais aménagée. Il sera possible d'y déroger en cas de distorsions sur les coûts des matières premières et de l'énergie utilisées dans la fabrication de produits visés par des enquêtes. Lorsque les matières premières entrent à plus de 27 % dans la production du produit et quand elles interviennent à plus de 7 % de son coût de production. Dans ces cas-là, la Commission pourra imposer des droits anti-dumping correspondant à la totalité de la marge anti-dumping réalisée (et non proportionnel au seul préjudice subi par le producteur européen, toujours inférieur).

Au total, ces dispositifs s'inscrivent dans une démarche protectrice et offensive de l'Union, à laquelle une certaine « naïveté » en ce domaine a souvent été reprochée, notamment par le Sénat. Avec la démarche en cours de surveillance renforcée des acquisitions d'actifs européens stratégiques opérées par des investisseurs chinois, la Commission entend aussi se prémunir contre des atteintes à des secteurs clés de l'industrie européenne.

Le principe d'une « Union protectrice de ses intérêts » commerciaux et économiques figurait en bonne place dans le rapport du groupe de suivi conjoint de la commission des affaires étrangères et de la commission des affaires européennes sur la « Refondation de l'Union européenne ». Le rapport abordait aussi la question de la législation nord-américaine et ses effets extraterritoriaux, contre laquelle il importait que l'Union se dote également d'un mécanisme de défense : ce sujet n'est cependant pas encore à l'agenda prévisible du Conseil ou de la Commission.

Compte-tenu de ces éléments, la commission a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte.