COM (2017) 487 final  du 13/09/2017

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 29/09/2017
Examen : 23/11/2017 (commission des affaires européennes)

Ce texte a fait l'objet de la proposition de résolution : Proposition de résolution sur le filtrage des investissements directs étrangers dans l'Union européenne (2017-2018) : voir le dossier legislatif


Économie, finances et fiscalité

Contrôle des investissements étrangers

Proposition de résolution européenne et avis politique
de MM. Jean Bizet et Franck Menonville

COM (2017) 487 final - Texte E 12388

(Réunion du 23 novembre 2017)

M. Franck Menonville. - Les investissements directs étrangers dans des secteurs clés de l'économie européenne sont tout à la fois un atout pour l'Union européenne mais également un sujet sensible lorsque des intérêts stratégiques et les industries du futur sont en jeu. C'est dans ce cadre que s'inscrit la proposition de règlement sur le filtrage des investissements directs étrangers, annoncée par Jean-Claude Juncker lors de son discours sur l'état de l'Union le 13 septembre dernier, et déposée le jour même par la Commission européenne.

Cette proposition répond à une demande franco-germano-italienne. Dans un courrier adressé en février dernier à la commissaire chargée du commerce, les ministres de l'économie français, allemand et italien ont en effet souhaité que la Commission examine, à la demande d'un État membre, et sur le fondement de critères économiques, les conditions de réalisation d'une opération d'investissement envisagée par un investisseur étranger.

La Commission a réagi, avec une célérité qui doit être soulignée. En recherchant, dans un premier temps, comment l'absence de réciprocité et l'existence de financements publics ou l'intervention d'entreprises d'État pourraient être des critères de refus d'investissements étrangers dans les entreprises européennes. Elle a en outre publié en mai un document de réflexion sur la mondialisation. Ce document préconise que l'Europe contribue à la mise en place d'un ordre mondial plus équitable et plus équilibré. Il doit être fondé sur des règles en matière de commerce et d'investissement qui ouvrent les marchés sur la base d'une véritable réciprocité.

La France a demandé l'inscription du sujet au Conseil européen des 22-23 juin. Celui-ci a chargé la Commission de se pencher sur « les moyens de déceler et de vérifier les investissements des pays tiers dans les secteurs stratégiques », sans toutefois souscrire à un renforcement du contrôle au niveau européen.

Après un certain tassement en raison de la crise de 2008, les investissements directs étrangers, et plus particulièrement chinois, ont connu une progression spectaculaire, au cours des toutes dernières années. Pour plus de détails, je vous renvoie à notre rapport écrit d'où il ressort que l'Union européenne est la principale source et la principale destination des investissements directs étrangers dans le monde, devant les États-Unis et des investisseurs plus traditionnels comme la Suisse ou le Japon dont la part relative diminue alors que, dans le même temps, certaines économies émergentes, comme le Brésil et surtout la Chine, accroissent rapidement leur présence dans les entreprises européennes. Ces investissements tendent désormais à se tourner vers des secteurs clés ou des technologies d'avenir, ce qui pose la question de la protection des intérêts stratégiques de l'Europe. D'autant que la réciproque n'est pas possible et que les règles de concurrence ne sont pas respectées lorsque l'investisseur est une entreprise d'État ou un fonds d'investissement que celui-ci promeut.

Il n'existe en l'état aucun contrôle des investissements directs étrangers au plan européen. Même si le contrôle au titre des concentrations peut conduire à interdire des opérations au nom du maintien de la concurrence, ou si, dans le cadre de certaines politiques sectorielles ciblées, il est, par exemple, procédé à la vérification de la sécurité des approvisionnements en matière énergétique, la sécurité des réseaux et des systèmes, ou encore la sécurité prudentielle en cas d'acquisitions dans le secteur financier.

L'article 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne permet aux États membres de prendre des mesures à l'égard d'investissements étrangers mais pour des raisons tenant exclusivement à la sécurité ou à l'ordre public. La Cour de justice de l'Union européenne considère que la gravité de la menace doit être établie et que les mesures doivent respecter les principes de proportionnalité et de sécurité juridique.

À ce jour, treize États membres ont mis en place des dispositifs de contrôle dont la portée, le champ et les modalités sont très divers. Les seuils de prise de participation à partir desquels un contrôle est effectué varient ainsi de 5 à 50 %. Les secteurs concernés sont plus ou moins étendus mais comprennent généralement celui de la défense. Les critères sont variables : impact sur les infrastructures, les approvisionnements ou des technologies critiques, accès à des informations sensibles, contrôle de l'investisseur par un État étranger. Enfin, le contrôle intervient soit a priori, comme en France, imposant une notification préalable des opérations et une instruction approfondie, débouchant éventuellement sur des conditions dont le respect sera contrôlé, soit a posteriori.

Même si le dispositif français est l'un des plus aboutis, on est bien loin d'un pilotage de la stratégie souveraine de la France, ainsi que nous avons pu le constater avec le commissaire à l'information stratégique et à la sécurité. Ce dispositif a pourtant été renforcé en 2014 par le décret Montebourg, qui a ajouté six nouveaux secteurs considérés comme essentiels à la préservation des intérêts nationaux.

Dans la période récente, d'autres législations nationales ont été introduites et récemment renforcées. Ainsi en Allemagne en 2004 pour protéger les industries nationales de défense, dispositif étendu en 2017 après la prise de contrôle d'une entreprise de robots par un investisseur chinois qui a généré un électrochoc.

M. Jean Bizet, président. - La proposition de règlement n'est en rien, il faut le souligner, une mesure ou une réaction protectionniste à l'encontre des investissements étrangers. Ceux-ci sont indispensables pour la croissance et l'emploi en Europe. Elle devrait simplement permettre de garantir la transparence des mécanismes nationaux de contrôle des investissements étrangers, lorsqu'ils existent, et faciliter l'identification des stratégies d'investissement susceptibles de porter atteinte aux intérêts européens.

La proposition de règlement établit tout d'abord un cadre pour l'examen, par les États membres, des investissements directs étrangers dans l'Union européenne, pour des motifs tenant à la sécurité ou à l'ordre public, ou par la Commission en cas d'investissement susceptible de porter atteinte à des projets ou des programmes présentant un intérêt pour l'Union. Elle organise par ailleurs une coopération entre les États membres qui devrait permettre une identification et un suivi des investissements étrangers dans l'Union européenne.

Si le contrôle demeure une simple faculté pour les États membres, il serait désormais encadré par des exigences cumulatives de prévisibilité, de délais et de protection des informations confidentielles. Il devra être non discriminatoire et être assorti de voies de recours juridictionnelles. La liste non limitative des facteurs susceptibles d'être pris en considération comporte les effets potentiels sur les infrastructures critiques, les technologies critiques et la sécurité de l'approvisionnement en « intrants » essentiels, l'accès à des informations sensibles ou la capacité de contrôler de telles informations, enfin le fait que l'investisseur soit sous le contrôle d'un pays tiers, notamment au moyen d'un important appui financier.

Ces mécanismes de contrôle seraient désormais notifiés à la Commission. Leur mise en oeuvre ferait l'objet d'un rapport annuel. Les États membres qui n'ont pas mis en place un tel contrôle devront produire un rapport statistique annuel.

La proposition de règlement organise par ailleurs un dispositif d'échanges d'informations systématiques entre la Commission et les États membres. Ces échanges passeront par des points de contacts nationaux. Les États membres pourront formuler des observations dont l'État décisionnaire tiendra « dument compte ».

Enfin, il est prévu que la Commission examine les investissements susceptibles de porter atteinte à des projets ou programmes présentant un intérêt pour l'Union et formule un avis que l'État membre concerné pourra ne pas suivre à condition de justifier sa décision. En l'état, sept programmes sont listés : la radionavigation par satellite - Galileo -, l'observation de la terre depuis l'espace, - Copernicus -, le programme Horizon 2020, les réseaux transeuropéens de transport, d'énergie et de télécommunications.

Il convient tout d'abord de souligner que la proposition de règlement aura besoin d'une forte impulsion politique pour prospérer et être ensuite effectivement mise en oeuvre. La Commission, on l'a dit, a été inhabituellement réactive. La présidence bulgare pourrait en faire l'une de ses priorités. Mais plusieurs États membres, qui ont un fort besoin d'investissements ou qui s'inscrivent dans une longue tradition libérale, sont réticents devant une démarche dont ils craignent qu'elle soit perçue comme une marque de défiance par les investisseurs étrangers, sans compter qu'elle leur apparaît de surcroît créatrice d'une charge administrative nouvelle.

Il convient donc d'insister sur le fait que le dispositif ne comporte pas d'intention protectionniste : l'Europe reste ouverte aux investissements étrangers. Pour autant, la question doit être appréhendée dans un cadre global et l'Union européenne ne doit pas être naïve. À cet égard, comme cela a souvent été dit au sein de notre commission, la politique de la concurrence doit prendre en considération les enjeux du XXIème siècle et savoir faire émerger les champions européens de l'avenir. L'Union européenne doit être vigilante et attentive au respect des règles de concurrence. Elle doit veiller à la réciprocité, objectif qu'elle poursuit également dans les négociations commerciales, y compris en combattant l'application extraterritoriale des lois. On le sait, le « temps économique » va souvent beaucoup plus vite que le « temps politique » mais il est indispensable que l'Europe se dote sans tarder d'une vision globale de ses intérêts stratégiques.

M. André Gattolin. - La question des investissements directs étrangers dans l'Union européenne est un sujet essentiel. La Commission européenne a fait montre d'une bonne réactivité, à la hauteur des enjeux mais la réponse n'est pas encore tout à fait calibrée à cette hauteur. La Commission va émettre des avis mais le pays concerné ne sera pas tenu de les suivre ! On peut s'inquiéter quand on voit que l'Irlande ne réclame pas aux GAFA les impôts qu'ils lui doivent.

Que définit-on comme des États étrangers ? Les États membres de l'Espace économique européen, qui investissement des sommes considérables dans l'Union européenne, - 875 milliards d'euros, soit plus de 5 % du CAC 40 français -, sont plutôt des partenaires que des États étrangers. Par ailleurs, quelle sera la situation des investissements réalisés par le Royaume-Uni après le Brexit ?

Cette question des investissements directs étrangers ne relève pas d'une démarche protectionniste mais d'une régulation fondée sur la réciprocité. Je rappelle que je m'étais élevé contre la reconnaissance du statut d'économie de marché à la Chine, position qui a d'abord été fortement critiquée avant d'être finalement retenue. Je me réjouis qu'on ne l'ait pas accordée quand je vois la crise de l'acier. J'attire également l'attention sur le détournement par la Chine du programme européen « Tout sauf les armes » qui a éliminé les contingents et droits de douane pour la totalité des produits importés des pays les plus pauvres et dont bénéficie par exemple le Cambodge. Les entreprises chinoises en profitent, avec une main d'oeuvre moins chère, pour exporter vers l'Europe des quantités considérables de produits textiles, - ceux-ci représentent 74 % des exportations du Cambodge -, à travers des investissements massifs dans ce pays dont on peut douter que celui-ci tire un véritable bénéfice. Il est devenu impératif de se préoccuper de toutes ces pratiques qui sont très dommageables pour l'économie européenne.

Mme Colette Mélot. - Il faut mieux défendre nos intérêts. La marge de manoeuvre est étroite et il ne faut pas que ce soit au détriment de la croissance. Il faut également éviter que certains États européens - les plus libéraux - soient moins regardants, au détriment des autres qui ne bénéficieraient alors plus de ces investissements. La Commission européenne sera-t-elle en mesure de réguler les choses en la matière ?

M. Yannick Botrel. - L'Europe doit se protéger dans le domaine économique. Lors d'élections récentes, les opinions publiques ont manifesté leur défiance à l'égard d'une Europe passoire. Il est donc important de répondre à ce besoin de sécurité et d'avancer dans cette direction. D'autres pays, comme les États-Unis, sont infiniment moins naïfs : il suffit de voir le montant des amendes infligées. La situation actuelle est caractérisée par un déséquilibre résultant notamment de l'absence de réciprocité. Vous avez évoqué des domaines stratégiques, cela me paraît vital. Certaines entreprises ne présentent pas un caractère stratégique évident alors même que leur rachat emporte des délocalisations, voire leur disparition. L'Europe devrait aller au-delà pour répondre aux préoccupations des opinions publiques.

M. Jean-Yves Leconte. - La protection de la sécurité et de l'ordre public justifie les inquiétudes que soulèvent certains investissements. Le marché européen est très ouvert et doit le rester. Il faut que l'Union européenne puisse continuer à investir hors d'Europe pour assurer sa croissance.

La protection des innovations européennes est insuffisante. À cet égard, l'évolution de la pratique de l'Office européen des brevets (OEB) apparaît inquiétante : parce qu'elles assurent des rentrées financières plus élevées, les demandes d'enregistrement de brevets introduites par les grandes entreprises étrangères sont traitées par priorité par rapport à celles des entreprises européennes dont les inventions sont donc protégées avec retard. L'office privilégie ainsi son chiffre d'affaires à court terme plutôt que la protection de l'innovation européenne qui devrait être prioritaire.

Mme Laurence Harribey. - Les enjeux sont importants. Ce projet de règlement est révélateur de l'absence de stratégie européenne et d'une politique de concurrence qui s'est enfermée sur elle-même alors que priorité aurait dû être donnée à la création de champions européens. L'Union européenne fonctionne en la matière comme une maison dont les chambres ne communiquent pas entre elles mais qui laisse entrer comme elles veulent les souris venues de l'extérieur ! Le projet de règlement reste sur une vision très défensive et pas offensive. Il est dès lors d'autant plus urgent et pertinent de travailler sur la stratégie industrielle européenne.

M. René Danesi. - La proposition de résolution européenne rappelle dans son point 9 que l'Union européenne ne prend pas suffisamment en compte ses intérêts stratégiques en s'opposant à la création de géants européens en raison du risque de monopole sur le marché européen qui en résulterait, position qui a facilité la prise de contrôle d'entreprises européennes par des investisseurs étrangers.

M. Didier Marie. - La question est très sensible. Il faut favoriser une Union européenne ouverte mais pas à tous vents. Il est en outre crucial de lutter contre le protectionnisme des autres marchés et de multiplier les partenariats amicaux. Enfin il faut veiller aux intérêts stratégiques, voire au-delà. La définition de ces intérêts est trop limitative. Elle ne comprend par exemple pas l'acquisition de terres agricoles comme nous en connaissons en France : 9 000 hectares ont ainsi été achetés cette semaine par des investisseurs chinois dans l'Allier. Il en est de même en matière de nanotechnologies : il faut regarder les conséquences de l'acquisition de bases de données par des investisseurs étrangers. La proposition de règlement va permettre d'avancer mais il est urgent de définir une stratégie globale. L'Union européenne doit être ouverte mais prudente.

M. André Reichardt. - La définition des intérêts stratégique est délicate à réaliser. Je préside une agence de promotion des investissements étrangers en Alsace. Le métier de chasseur d'investissements étrangers a bien changé. Je prendrai l'exemple de l'Alsace qui est bien placée et qui apparaît très attractive mais sans que l'on sache toujours les raisons personnelles pour lesquelles un investisseur est intéressé par une entreprise. Certains cherchent parfois à s'approprier une innovation que nous n'avions pas identifiée et ont effectué à cet effet des recherches préalables sur l'ensemble du territoire, en particulier auprès de start-up que je découvre grâce à eux. Il faut donc à la fois être les meilleurs pour attirer les investissements étrangers dont nous avons besoin et savoir protéger l'innovation. Cette démarche exige une bonne définition des intérêts stratégiques. C'est ainsi que la parapharmacie concentre actuellement beaucoup d'intérêts.

M. Daniel Gremillet. - La politique court derrière la finance. Le texte proposé est a minima alors que le Brexit a déclenché une alarme : nos opinions publiques s'inquiètent de l'absence de politique industrielle européenne et de la timidité de l'Union européenne à l'égard du non-respect du principe de libre concurrence. Nous avons eu l'occasion de l'évoquer la semaine dernière lors de l'audition de Michel Barnier : quelle Europe, quelle économie voulons-nous, telle est la vraie question. J'ai le sentiment profond d'une vraie faiblesse politique dans l'approche européenne.

M. Jean Bizet, président. - Je vous remercie pour la qualité de vos réactions. Ce rapport d'information arrive à point nommé. C'est l'image de l'Europe qui est en jeu. Il est essentiel que l'Union européenne ait une vision offensive face à la mondialisation et adopte une posture stratégique. Lors d'un entretien avec le président du Sénat auquel j'ai participé, Michel Barnier a insisté sur la position du secrétaire d'État américain au commerce qui invite le Royaume-Uni à se ranger aux normes américaines plutôt qu'à celles de l'Union européenne. C'est directement attaquer nos préférences collectives.

Construire une vision plus politique de l'Europe doit être la ligne de conduite de la refondation de l'Union européenne. Il faut promouvoir une Europe puissance plutôt qu'une Europe espace.

Quelques éléments de précision. L'évolution de la pratique de l'Office européen des brevets est préoccupante : il conviendrait que notre groupe de travail sur la propriété intellectuelle entende rapidement son président. Les États de l'Espace économique européen sont des pays tiers au regard des investissements directs étrangers. Ils ne doivent pas devenir des chevaux de Troie. La proposition de règlement apporte une réponse calibrée. Celui-ci s'appliquera directement à tous les États membres, sans qu'il soit besoin d'une transposition. La négociation préalable à son adoption va être difficile et je vais insister la semaine prochaine auprès de mon homologue bulgare de la COSAC pour que la Bulgarie en fasse une priorité de sa présidence. Quant à la définition des intérêts stratégiques, elle doit être précise et évolutive car il y a des domaines encore inconnus ou qui ne sont pour le moment pas matures.

M. Franck Menonville. - La proposition de règlement constitue une première étape et marque une prise de conscience de la part des pays européens. Il faut faire évoluer les contours de la définition des intérêts stratégiques.

Sur la situation particulière des investissements agricoles et fonciers, ce sont des questions essentielles qui sont en jeu, en particulier l'indépendance alimentaire et agroalimentaire qui doit être intégrée dans les intérêts stratégiques.

M. Jean Bizet, président. - Sur le foncier agricole, il faut savoir que la Chine a besoin de superficies considérables pour assurer la couverture de ses besoins alimentaires. Elle n'hésite d'ailleurs pas à acheter des terres en Afrique dont elle prélève la couche supérieure.

M. Didier Marie. - La proposition de résolution européenne pourrait évoquer la question de la définition des intérêts stratégiques.

M. Jean Bizet, président. - Je vous propose de compléter à cette fin le point 17 par les mots suivants : « souligne la nécessité d'une définition évolutive des intérêts stratégiques européens ».

*

À l'issue du débat, la commission des affaires européennes a, à l'unanimité, autorisé la publication du rapport d'information et adopté la proposition de résolution européenne, ainsi que l'avis politique qui en reprend les termes et qui sera adressé à la Commission européenne.


Proposition de résolution européenne

(1) Le Sénat,

(2) Vu l'article 88-4 de la Constitution,

(3) Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et en particulier ses articles 63, 64 et 207,

(4) Vu le document de réflexion de la Commission européenne sur la maîtrise de la mondialisation publié le 10 mai 2017,

(5) Vu la résolution du Parlement européen du 5 juillet 2017 sur l'élaboration d'une stratégie industrielle ambitieuse de l'Union européenne en tant que priorité stratégique pour la croissance, l'emploi et l'innovation en Europe et en particulier les points 16 à 20,

(6) Vu les conclusions du Conseil européen du 23 juin 2017 (EUCO 8/17),

(7) Vu la proposition de règlement COM(2017) 487 du Parlement européen et du Conseil du 13 septembre 2017 établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l'Union européenne,

(8) Vu la communication COM(2017) 494 de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au comité des régions du 13 septembre 2017 « Accueillir les investissements directs étrangers tout en protégeant les intérêts essentiels »,

(9) Soulignant que l'Union européenne est l'un des marchés les plus ouverts du monde, en matière commerciale comme en matière d'investissements ;

(10) Rappelant que l'Union européenne est la principale source et la principale destination des investissements directs étrangers dans le monde ;

(11) Considérant que les investissements directs étrangers ont un impact positif sur la croissance et l'emploi dans l'Union européenne, qu'ils stimulent la productivité et l'innovation, qu'ils rendent les entreprises européennes plus compétitives et ouvrent de nouveaux marchés aux exportations de l'Union européenne ;

(12) Considérant toutefois que certains investisseurs étrangers, en particulier certaines entreprises publiques et des États, ne respectent pas pleinement les principes d'une concurrence équitable et réciproque, y compris en matière d'investissements ;

(13) Considérant au surplus que les investisseurs étrangers recherchent de plus en plus des actifs stratégiques et que la prise de contrôle de tels actifs peut être préjudiciable aux intérêts essentiels de l'Union européenne ou des États membres et porter atteinte à la sécurité ou à l'ordre public ;

(14) Estime essentiel de maintenir l'ouverture la plus large de l'Union européenne aux investissements directs étrangers et souligne que le filtrage des investissements directs étrangers dans l'Union européenne n'est pas une marque de défiance à l'égard de ces investissements ;

(15) Souligne la nécessité d'empêcher les pratiques anti-concurrentielles et de définir et de mettre en oeuvre une stratégie européenne anti-dumping et antisubventions cohérente et efficace ;

(16) Juge nécessaire d'introduire des règles contraignantes et des engagements concernant les investissements directs étrangers dans les accords commerciaux bilatéraux ou régionaux ainsi que de renforcer la coopération multilatérale en la matière ;

(17) Salue l'initiative de la Commission européenne qui définit les éléments essentiels du cadre procédural des mécanismes nationaux de filtrage et conforte ce faisant les mécanismes de contrôle nationaux des investissements directs étrangers en cas de risque d'atteinte à la sécurité ou à l'ordre public ; souligne la nécessité d'une définition évolutive des intérêts stratégiques de l'Union européenne ;

(18) Recommande que la sécurité juridique des mécanismes de contrôle nationaux soit complétée par l'exigence que le traitement des recours contre les décisions des autorités nationales de filtrage soit rapide et efficace ;

(19) Observe que la liste des facteurs susceptibles d'être pris en compte pour des motifs de sécurité et d'ordre public permet d'éclairer les investisseurs mais qu'elle n'est pas limitative, ce qui laisse utilement place à des situations non encore identifiées ;

(20) Salue l'organisation de la protection des actifs essentiels pour des projets ou programmes européens sous l'égide de la Commission européenne ;

(21) Estime indispensable que ce contrôle puisse prendre en compte, le cas échéant, le caractère public de l'investisseur étranger ou des aides publiques dont il bénéficie ;

(22) Relève que la proposition de règlement s'articule avec le contrôle des concentrations et les législations européennes sectorielles qui traitent les effets de prises de participation étrangères ;

(23) Souligne que pour que la transparence sur les investissements étrangers dans l'Union européenne soit effective, l'identification de l'investisseur final est indispensable ;

(24) Souligne le besoin d'une coopération intra-européenne forte en matière d'identification et de suivi des investissements directs étrangers susceptibles de porter atteinte aux intérêts essentiels de l'Union européenne ou de ses États membres, à la sécurité ou à l'ordre public ;

(25) Relève que la coopération intra-européenne devrait permettre de prévenir le contournement des mécanismes nationaux d'examen des investissements directs étrangers dès lors que les États membres sollicités répondent rapidement aux demandes d'information ;

(26) Fait valoir à cet égard que les États membres auxquels des éléments d'information sont demandés par la Commission et d'autres États membres dans le mécanisme de coopération proposé par la Commission devraient être tenus de répondre dans un délai préfixé, la notion d'absence de retard indu ne paraissant pas de nature à permettre leur prise en compte effective dans les procédures de contrôle ;

(27) Souligne que la confidentialité des informations ainsi échangées doit être strictement protégée ;

(28) Estime indispensable qu'à partir des informations échangées dans le cadre de la coopération entre les États membres et la Commission prévue par la proposition de règlement, le groupe de coordination dont la Commission a annoncé la création soit rapidement constitué pour procéder à une analyse, régulièrement actualisée, des intérêts stratégiques européens et des flux d'investissements directs étrangers dans l'Union européenne ;

(29) Préconise que ce groupe, qui doit être pérenne, soit également chargé du suivi de la coopération entre les États membres, qu'il s'assure que ceux-ci ont mis en place un dispositif de déclaration des investissements directs étrangers sur leur territoire, qu'il définisse une méthodologie commune et favorise une convergence des mécanismes nationaux de filtrage des investissements directs étrangers ;

(30) Invite le gouvernement à soutenir ces orientations et à les faire valoir dans les négociations en cours.