COM(2016) 128 final  du 08/03/2016

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


Le texte COM 128 consiste en une révision ciblée de la directive de 1996 concernant le détachement des travailleurs. Elle porte principalement sur la rémunération. L'article 3 de la directive de 1996 prévoit seulement que les travailleurs détachés perçoivent les taux de salaires minimaux. Le degré de qualification, l'ancienneté et les éléments de salaire annexes (primes, allocation) ne sont pas mentionnés. La Commission propose aujourd'hui une nouvelle rédaction dudit article remplaçant les termes « taux de salaires minimaux » par le mot « rémunération ». Elle détaille ensuite le terme en indiquant qu'elle vise tous les éléments de la rémunération rendus obligatoires par :

- des dispositions législatives, réglementaires ou administratives nationales ;

- des conventions collectives ou des sentences arbitrales déclarées d'application générale ;

- des conventions collectives ou sentences arbitrales qui auraient un effet général sur toutes les entreprises similaires appartenant au secteur ou à la profession concernée ;

- des conventions collectives conclues par les partenaires sociaux les plus représentatifs au niveau national.

En ce qui concerne les conventions collectives, la Commission propose qu'elles s'appliquent au-delà du secteur de la construction. Le texte de 1996 prévoit en effet la mise en oeuvre de ces textes pour ce seul secteur. Il laisse néanmoins la possibilité aux Etats membres d'appliquer l'ensemble des conventions collectives à tous les secteurs économiques. Plusieurs Etats membres, à l'instar de la France, ont opté pour cette pratique.

La Commission souhaite également qu'un État membre puisse imposer à l'ensemble de la chaîne de sous-traitance les mêmes règles de rémunération que celles qui lient le contractant principal, même si ces dispositions résultent de conventions d'application non générale.

La directive révisée prévoit, en outre, de garantir l'égalité de traitement entre travailleurs intérimaires locaux et travailleurs détachés par une société d'intérim d'un autre État membre. Douze Etats membres devront ainsi changer leur législation. Le principe du droit le plus favorable s'impose également auprès des intérimaires détachés auprès d'une entreprise liée par des conventions collectives d'application non générale.

La Commission européenne propose enfin un alignement complet du droit du travail sur celui de la sécurité sociale. Un règlement de 2004 prévoit en effet que le détachement ne peut dépasser 24 mois. Au-delà, le travailleur est rattaché au régime de protection sociale du pays d'accueil. Aux termes de la proposition de directive, la totalité du droit du travail applicable au travailleur dont le détachement dépasse 24 mois devient celui du pays d'accueil. Il en va ainsi des normes visant les licenciements. La durée de 24 mois est réputée prévue ou effective : la mesure s'applique donc de fait dès le premier jour où il devient prévisible que le détachement durera plus de 24 mois. La période de 24 mois n'est, par ailleurs, pas individualisée : en cas de remplacement de travailleurs détachés effectuant la même tâche au même endroit, la durée cumulée des périodes de détachement est prise en compte dès lors qu'ils dépassent six mois.

Ce nouveau dispositif, appelé de ses voeux par un certain nombre de gouvernements dont la France, devrait permettre de réduire les pratiques de dumping social observées ces dernières années. L'intervention de l'Union européenne est légitime puisqu'il s'agit là de la mise en oeuvre de la liberté de circulation de travailleurs. Dans ces conditions, il est décidé de ne pas intervenir plus avant au titre du principe de subsidiarité.


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 16/03/2016
Examen : 26/05/2016 (commission des affaires européennes)

Ce texte a fait l'objet de la proposition de résolution : Proposition de résolution européenne sur la proposition de révision ciblée de la directive 96-71-CE relative au détachement des travailleurs (2015-2016) : voir le dossier legislatif


Questions sociales et santé

Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services

Rapport d'information, proposition de résolution européenne
et avis politique de M. Eric Bocquet

COM (2016) 128 final - Texte E 11010

(Réunion du 26 mai 2016)

M. Jean Bizet, président. - Le détachement des travailleurs est un sujet épineux, car il a donné lieu à de nombreuses dérives et détournements dans certains de nos territoires. Éric Bocquet a déjà travaillé la question. À partir de ses analyses, nous avons formulé des propositions consensuelles pour répondre à l'enjeu de protection des travailleurs, quel que soit le lieu où ils exercent leur activité dans l'espace du marché unique. Nous avons également posé la question de la convergence entre nos économies sur ce même marché unique. Le sens et la cohérence du projet européen sont en cause. Nous sommes désormais saisis de la proposition de révision ciblée de la directive de 1996. La révision du règlement sur la coordination du régime de sécurité sociale est quant à elle reportée dans le contexte du référendum britannique. La modification de la directive de 1996 répond au souhait de plusieurs pays, dont la France, mais elle suscite aussi l'opposition de plusieurs États membres. Le rapport de notre collègue porte sur ce nouveau dispositif. Il nous soumettra également une proposition de résolution européenne.

M. Éric Bocquet. - Vingt ans après l'adoption de la directive sur le détachement des travailleurs, la Commission européenne a présenté, le 8 mars dernier, une proposition de directive destinée à mieux définir les conditions de sa mise en oeuvre. Les élargissements successifs de l'Union européenne et la crise économique et financière ont contribué à intensifier le recours aux travailleurs détachés, l'imprécision du droit et l'absence de contrôles efficients conduisant à assimiler cette pratique à un dumping social garanti par la norme européenne.

Il ne s'agit pas de la première intervention de l'Union européenne dans ce domaine depuis 1996. Un dispositif destiné à faciliter les contrôles et à mieux faire face à des formes élaborées de fraudes au détachement et de travail illégal a ainsi été adopté en mai 2014. Il est en cours de transposition par les États membres. La commission des affaires européennes avait, lors de débats préalables au vote de ce texte, manifesté son souhait de voir renforcer les dispositifs de contrôle et plaidé pour une réflexion sur les conditions même de détachement, afin qu'elles soient plus détaillées. Il s'agissait notamment de vérifier que le détachement ne soit pas un prêt de main d'oeuvre à bas coût et réponde à l'objectif premier qui lui est assigné : pallier un manque de main d'oeuvre dans un secteur précis.

Cette problématique est toujours d'actualité. La Commission européenne a cependant sensiblement modifié son approche. Le primat accordé à la libre prestation de services est désormais tempéré par la volonté de faire émerger un principe simple : « À travail égal, salaire égal sur un même lieu de travail ».

La Commission européenne a indiqué lors de sa prise de fonctions fin 2014, puis dans son programme de travail pour 2015, qu'elle entendait proposer un paquet sur la mobilité des travailleurs. Sa présentation a finalement été différée à mars 2016, en raison notamment des négociations avec le Royaume-Uni sur le futur statut de celui-ci au sein de l'Union européenne. Le paquet se limite en fait à une proposition de révision ciblée de la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs, alors qu'il devait initialement intégrer une révision du règlement de 2004 sur la coordination des régimes de sécurité sociale ainsi qu'une communication sur la mobilité de la main d'oeuvre. La révision du règlement sur la coordination des régimes de sécurité sociale est reportée en attendant les résultats du référendum britannique.

Sept gouvernements, dont celui de la France, avaient au préalable appelé à une révision de la directive de 1996 dans une lettre adressée, le 5 juin 2015, à la Commissaire européenne à l'emploi et aux affaires sociales, Mme Marianne Thyssen. Les ministres insistent, dans ce document, sur le principe d'un salaire égal sur un même lieu de travail. Ces États souhaitaient dépasser le « noyau dur » de règles minimales prévu par la directive de 1996. À l'inverse, neuf gouvernements ont manifesté leur opposition à tout projet de révision dans un courrier également adressé à la Commissaire européenne. Ils relevaient en premier lieu que la directive d'exécution n'a pas encore été partout transposée. Ils jugeaient ensuite que toute révision pourrait remettre en cause la liberté de service et fragiliser le marché intérieur.

La Cour de justice a, de son côté, sensiblement évolué sur cette question comme en témoignent deux arrêts rendus en 2015 que je présente dans le rapport. Ils précisent les éléments intégrés dans la rémunération due au travailleur détaché et tendent à consacrer le principe d'égalité salariale.

Quatre points sont abordés par le projet : la rémunération, la durée du détachement, les chaînes de sous-traitance et le recours aux agences d'intérim.

Premier point : la rémunération. En l'état actuel de sa rédaction, la directive de 1996 prévoit seulement que les travailleurs détachés perçoivent les taux de salaire minimal prévus par la loi ou les conventions collectives. Le degré de qualification, l'ancienneté et les éléments de salaire annexes ne sont pas mentionnés. Seules les allocations propres au détachement sont considérées comme faisant partie du salaire minimal, au sein duquel ne peuvent être intégrées les dépenses de logement, de nourriture et de voyage liées au détachement. La Commission propose aujourd'hui une nouvelle rédaction remplaçant les termes « taux de salaire minimal » par « rémunération ». Celle-ci permettrait de majorer sensiblement le coût d'un travailleur détaché. Le coût salarial mensuel d'un ouvrier polonais dans le bâtiment détaché en France pourrait passer de 1 587 à 1 960 euros, ce qui reste cependant en deçà du coût d'un salarié français - 2 146 euros, charges sociales obligent. Cette révision va incontestablement dans le bon sens. Les conventions collectives à portée restreinte c'est-à-dire régionales ou établies au niveau de l'entreprise, ne sont pas abordées par la révision. Il s'agit là d'une des failles du dispositif à l'heure où les accords d'entreprise prennent une place sans cesse croissante au sein de la hiérarchie des normes sociales. Ainsi, aux termes de la révision ciblée, l'accord d'entreprise pourrait ne pas profiter aux travailleurs détachés au risque de continuer à rendre leur recrutement plus attrayant. J'estime donc que la révision ciblée doit intégrer ce type d'accord. Je souhaite également que les conditions de logement dignes soient intégrées dans les normes devant s'appliquer aux travailleurs détachés.

Deuxième point : la durée de détachement. Aux termes de la proposition de révision ciblée, la totalité du droit du travail applicable au travailleur dont le détachement dépasse 24 mois devient celui du pays d'accueil. La durée de 24 mois est réputée prévue ou effective : la mesure s'applique donc de fait dès le premier jour où il devient prévisible que le détachement durera plus de 24 mois. La période de 24 mois n'est pas individualisée : en cas de remplacement de travailleurs détachés effectuant la même tâche au même endroit, la durée cumulée des périodes de détachement sur ce poste est prise en compte dès lors qu'elle dépasse six mois. Enfin, le droit du travail s'applique dès lors que le salarié détaché a effectué plusieurs missions dans un même État et que leur durée cumulée dépasse 24 mois. Il convient de rappeler, à ce stade, que la moyenne d'un détachement en France atteint 47 jours. La rédaction actuelle du texte laisse la possibilité de cumuler ces détachements sur différents postes dès lors que la somme de ces périodes n'atteint pas 24 mois. Il est donc possible d'imaginer qu'un travailleur détaché effectue des prestations de service 23 mois sur 24 dans un même pays sans qu'il ne soit concerné par l'application intégrale du droit du travail. Dans ces conditions, il convient d'apprécier la durée cumulée sur une période plus large. Je souhaite, comme le Gouvernement, que soit mise en avant une période de référence de 36 mois. Par ailleurs, l'absence de prise en compte des détachements inférieurs à six mois dans le calcul des durées cumulées en cas de remplacement des salariés, peut apparaître comme une invitation à contourner le dispositif et fragiliser la portée de la mesure. J'estime qu'il convient de supprimer ce seuil.

Troisième point : les chaînes de sous-traitance. La Commission européenne propose qu'un État membre puisse imposer à l'ensemble de la chaîne de sous-traitance les mêmes règles de rémunération que celles qui lient le contractant principal, même si ces dispositions résultent de conventions d'application non générales. L'idée est séduisante mais je m'interroge sur la chaîne de sous-traitance elle-même. Un donneur d'ordre dans le secteur de la construction peut-il imposer des conventions collectives à une entreprise de gardiennage à qui il a sous-traité la surveillance du chantier ? Cette disposition devra donc être précisée.

Dernier point : le recours aux agences d'intérim. La directive révisée prévoit, en outre, de garantir l'égalité de traitement entre travailleurs intérimaires locaux et travailleurs détachés par une société d'intérim d'un autre État membre. Le texte n'aborde pas véritablement la question de la réalité de l'activité des agences d'intérim et le risque que celles-ci s'avèrent être de véritables entreprises boîte aux lettres, sans activité dans le pays d'envoi. Les autorités des pays d'accueil peuvent aujourd'hui demander un certain nombre d'éléments en vue d'apprécier si l'entreprise qui détache ses salariés exerce réellement une activité substantielle dans le pays où elle est affiliée. La notion d'activité substantielle reste cependant relativement imprécise. Afin de prévenir le recours à de faux détachements, il semble nécessaire d'aller plus loin en imposant des critères quantifiables : le chiffre d'affaires annuel d'une entreprise dans un pays d'accueil ne devrait pas dépasser 25 % de son chiffre d'affaires annuel.

Plus largement, Il apparaît également indispensable de pouvoir s'assurer de l'antériorité du contrat à la prestation ainsi que de sa solidité. Le Gouvernement porte au Conseil l'idée d'une double contrainte « 3 mois + 3 mois », soit un trimestre d'affiliation et un trimestre d'exercice avant tout détachement. Je suis favorable à cette proposition qui concernerait, au premier chef, les agences d'intérim et permettrait de juguler les phénomènes de « double détachement » : recrutement par une agence d'intérim d'un pays voisin puis détachement.

J'aurais souhaité que la Commission présente en même temps une révision du règlement de 2004 sur la coordination des régimes de sécurité sociale. La question du formulaire A1 doit en effet être posée. Ce certificat est transmis aux autorités des États d'accueil pour attester de l'affiliation du travailleur détaché à un régime de sécurité sociale de l'État d'envoi. Il s'agit aujourd'hui de sécuriser ce formulaire, en y apposant par exemple une photo du détenteur. Ledit formulaire devrait également être envoyé préalablement au détachement. Il doit pouvoir être déqualifié, dès lors qu'il existe de sérieux doutes quant à la réalité de l'affiliation du salarié détaché au régime de sécurité sociale du pays d'envoi. Plus largement, la question de la réalité de l'affiliation au régime de sécurité sociale doit être posée. Une solution pourrait consister, aux fins de contrôle, en un recouvrement direct par les États d'accueil des cotisations sociales. Cette solution a été portée par la mission commune d'information du Sénat sur la commande publique dans son rapport publié en octobre 2015.

Nous devons être ambitieux sur ce texte comme nous l'avons été en 2013. Adoptée à l'unanimité, notre résolution a incontestablement porté et on retrouve nombre de ses préconisations dans la directive d'exécution adoptée en mai 2014. Je mesure néanmoins les obstacles. Le Conseil est divisé et 11 parlements nationaux ont jugé que la proposition de la Commission ne respectait pas le principe de subsidiarité, déclenchant la procédure dite de « carton jaune ». Nous devons néanmoins réaffirmer nos positions. C'est le sens de la proposition de résolution européenne que je soumets à votre examen.

M. Jean-Yves Leconte. - L'alinéa 18 me semble déjà satisfait. À partir du moment où la société fait une prestation de service, elle la facture et on ne peut pas accepter de facture sans numéro de TVA.

M. Claude Kern. - Merci pour cet excellent travail. Cette résolution est très attendue. J'ai vécu deux ou trois cas dans mon département où les travailleurs détachés étaient hébergés comme des bêtes, sans eau courante, ni électricité, dans les champs, dans un cabanon. Dans certaines prisons, les détenus sont mieux logés que les travailleurs.

M. Jean Bizet, président. - Pourriez-vous expliciter la période des 24 et 36 mois ? Nous verrons comment cette proposition de résolution évoluera. Il serait bon d'établir une fiche synthétique. Nous sommes souvent interpellés sur le terrain et il faut que nous puissions répondre.

M. André Gattolin. - Les questions reviennent sur les mêmes sujets de manière directe et précise. Cette fiche serait presque un outil de communication.

M. Jean Bizet, président. - Durée des séjours, salaires, conditions de travail : sur tous ces sujets, nous pourrions échanger avec la chambre des métiers.

M. Éric Bocquet. - Concernant l'alinéa 18, l'Office central de lutte contre le travail illégal nous a dit que le droit n'autorisait pas que les bases de données soient utilisées à d'autres fins que celles pour lesquelles elles ont été créées.

M. Jean-Yves Leconte. - Si une entreprise fait un devis, elle donne son numéro de TVA qui figure dans la base publique. La seule difficulté, c'est lorsqu'un pays n'actualise pas correctement sa base.

M. Éric Bocquet. - Les conditions d'hébergement ont déjà été évoquées dans le rapport précédent. D'abondants témoignages attestent de conditions innommables. Ils sont l'illustration dramatique de situations inqualifiables, dont il est bon de rappeler l'existence dans ce texte.

M. Pascal Allizard. - Quid d'un citoyen français qui créerait sa société à l'étranger puis serait détaché sur une prestation en France ? Il pourrait ainsi contourner les problèmes de sécurité sociale, des caisses de retraite, etc. ? Est-ce que la résolution en tient compte ?

M. Jean-Yves Leconte. - Ce citoyen ne peut pas faire autrement. Il est citoyen européen. Il a le même droit que les autres.

M. Pascal Allizard. - C'est une déclinaison de la loi El Khomri.

M. Éric Bocquet. - On serait dans le cas d'un faux détachement. Plusieurs sociétés ont déjà utilisé ce système, notamment dans le secteur des transports. Je pense, par ailleurs, qu'il n'est nul besoin de la loi El Khomri pour gagner de la compétitivité.

M. Jean-Yves Leconte. - Les PME et les TPE des pays d'envoi ne sont souvent pas familières des contraintes et des modes de fonctionnement prévus par le droit européen. Je plaide pour une procédure de déclaration préalable centralisée au niveau européen. Sans cela, il n'y a pas de suivi possible du processus.

M. Éric Bocquet. - On peut faire les plus belles règles du monde. Si le contrôle fait défaut, l'imagination a le champ libre pour tous les types de fraudes. Sur la durée des 24 ou 36 mois, je relis le rapport : « La durée de 24 mois est réputée prévue ou effective. La mesure s'applique donc de fait dès le premier jour où il devient prévisible que le détachement durera plus de 24 mois. Par ailleurs, à la différence du règlement de 2004, la période de 24 mois n'est pas individualisée. En cas de remplacement de travailleurs détachés effectuant la même tâche au même endroit, la durée cumulée des périodes de détachement sur ce poste est prise en compte dès lors qu'elle dépasse 6 mois. Enfin, le droit du travail s'applique dès lors que le salarié détaché a effectué plusieurs missions dans un même État et que leur durée cumulée dépasse 24 mois. La limitation du détachement va incontestablement dans le bon sens. Il apparaît nécessaire de la préciser tant elle peut paraître à l'heure actuelle inopérante. La moyenne des détachements en France atteint 47 jours. La rédaction actuelle du texte laisse la possibilité de cumuler ces détachements sur différents postes dès lors que la somme de ces périodes n'atteint pas 24 mois. Il est donc possible d'imaginer qu'un travailleur détaché effectue des prestations de services 23 mois sur 24 sans qu'il ne soit concerné par l'application intégrale du droit du travail. Dans ces conditions, il convient d'apprécier la durée cumulée sur une période plus large. Le Gouvernement a fait part de sa volonté de promouvoir une période de référence de 36 mois ». C'est une piste intéressante.

M. Jean Bizet, président. - Je vous remercie pour ces réponses.

À l'issue du débat, la commission des affaires européennes a autorisé la publication du rapport d'information et adopté, à l'unanimité, la proposition de résolution européenne, ainsi que l'avis politique qui en reprend les termes et qui sera adressé à la Commission européenne.


Proposition de résolution européenne

1. Le Sénat,

2. Vu l'article 88-4 de la Constitution,

3. Vu l'article 57 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

4. Vu l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

5. Vu la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services,

6. Vu la directive 2014/67/UE du 15 mai 2014 relative à l'exécution de la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services et modifiant le règlement (UE) n°1024/2012 concernant la coopération administrative par l'intermédiaire du système d'information du marché intérieur,

7. Vu le règlement (CE) n°883/2004 du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale,

8. Vu le règlement (CE) n°987/2009 du 16 septembre 2009 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale,

9. Vu le règlement (CE) n°1072/2009 du 21 octobre 2009 établissant des règles communes pour l'accès au marché du transport international de marchandises par route,

10. Vu la proposition de directive modifiant la directive 96/71/CE du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services (COM (2016) 128 final),

11. Estime que le détachement des travailleurs doit permettre de répondre à un manque de main d'oeuvre dans un secteur précis et faciliter la mobilité au sein de l'Union européenne ;

12. Constate que la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services et le règlement (CE) 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ont pu conduire à faire émerger des distorsions de concurrence et des pratiques de concurrence sociale déloyale entre les entreprises au sein de l'Union européenne et ne protègent pas suffisamment les droits des travailleurs détachés ;

13. Salue le souhait de la Commission européenne de réviser la directive 96/71/CE afin de garantir l'égalité de traitement des salariés exerçant une même tâche au même endroit et estime cependant que les avancées sont insuffisantes ; regrette que la révision du règlement (CE) 883/2004 soit reportée et souhaite une modification du règlement (CE) n°987/2009 du 16 septembre 2009 qui en fixe les modalités d'application ;

14. Considère que le texte révisé de la directive 96/71/CE devrait faire référence à l'article 151 du Traité sur le fonctionnement l'Union européenne sur les objectifs sociaux de l'Union européenne ;

15. Regrette que cette révision ne s'applique pas au secteur des transports ; considère que l'application aux opérations de cabotage de la directive 96/71/CE ne doit pas se limiter à une mention dans un considérant ;

16. Juge indispensable que le salarié détaché soit affilié depuis au moins trois mois au régime de sécurité sociale dans l'État d'établissement de l'entreprise qui le détache et qu'il ait exercé une activité au sein de cet entreprise et de cet État durant au moins trois mois ;

17. Estime que le chiffre d'affaires annuel d'une entreprise pris en compte dans un autre pays que celui où elle est établie ne devrait pas dépasser 25 % de son chiffre d'affaires annuel ;

18. Souhaite que la base de données européenne VIES qui contient les numéros d'immatriculation à la TVA pour les transactions transfrontières puisse être utilisée aux fins de contrôle de l'existence réelle de la société qui détache dans le pays d'établissement ;

19. Approuve la décision de limiter la durée du détachement à 24 mois mais estime que cette durée doit être appréciée dans le cadre d'une période de référence de 36 mois ;

20. Considère que l'absence de prise en compte des détachements inférieurs à six mois dans le calcul des durées cumulées en cas de remplacement des salariés peut constituer une incitation à contourner la limitation de la durée de détachement ; demande, en conséquence, la suppression de ce seuil ;

21. Juge indispensable que la rémunération prévue par conventions à portée restreinte, régionales ou établies au niveau de l'entreprise, s'applique aux salariés détachés, sous peine, dans le cas inverse, de créer de nouveaux risques de concurrence sociale déloyale ;

22. Souhaite que la mention de conditions d'hébergement dignes des travailleurs soit intégrée dans le « noyau dur » prévu à l'article 3 de la directive 96/71/CE ;

23. Estime indispensable que l'application des règles en matière de rémunération s'impose à toute la chaîne de sous-traitance et regrette que le dispositif prévu par le texte COM (2016) 128 final ne soit pas obligatoire ; demande que soient précisées les règles quant à cette application dès lors que la chaîne de sous-traitance regroupe des entreprises dont les conventions collectives ne sont pas identiques ;

24. Considère que le certificat A1 d'affiliation au régime de sécurité sociale du pays d'établissement doit être fourni préalablement à toute opération de détachement sous peine de sanctions ; souhaite qu'il puisse être inopposable, dès lors qu'il existe des doutes sérieux quant à la réalité de l'affiliation du salarié détaché au régime de sécurité sociale du pays d'établissement ;

25. Souhaite, aux fins de contrôle de la réalité de l'affiliation à un régime de sécurité sociale et du montant de la rémunération versée, que soit mis en place un système de recouvrement des cotisations sociales visant les travailleurs détachés par les États membres d'accueil qui les reverseraient ensuite aux États où les entreprises sont établies ;

26. Invite le gouvernement à soutenir ces orientations et à les faire valoir dans les négociations en cours.