COM (2015) 11 final  du 13/01/2015
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 26/06/2015

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 23/01/2015
Examen : 11/02/2015 (commission des affaires européennes)

Ce texte a fait l'objet de la proposition de résolution : n° 298 (2014-2015) : voir le dossier legislatif


Économie, finances et fiscalité

Projet de budget rectificatif n° 1 au budget général 2015

COM (2015) 11 final - Texte E 9905-1

Proposition de résolution européenne et avis politique
de MM. Jean-Paul Emorine et Didier Marie

(Réunion du 11 février 2015)

M. Jean-Paul Emorine, vice-président. - Je dois d'abord excuser l'absence de notre président Jean Bizet qui est retenu dans son département pour une raison impérative.

L'ordre du jour appelle une communication de Didier Marie et de moi-même sur le plan d'investissement pour l'Europe. À l'issue de cette présentation et du débat qui suivra, nous examinerons une proposition de résolution européenne et un avis politique.

M. Didier Marie. - Je vous rappelle que, le 26 novembre dernier, notre commission a adopté un avis politique sur le plan d'investissement annoncé par le Président Juncker auquel nous n'avons pas eu de réponse pour l'instant. Le même jour, la Commission européenne présentait une communication exposant les grandes lignes de ce plan que le Conseil européen du 18 décembre 2014 a approuvées. Le 13 janvier 2015, la Commission a présenté une proposition de règlement instituant un Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) sur la base d'un accord entre la Commission et la Banque européenne d'investissement (BEI). Ce fonds, doté de 21 milliards d'euros, devrait permettre de financer les projets au titre du plan. Ce texte est accompagné de deux autres : un projet de budget rectificatif au budget 2015 de l'Union européenne, visant à tirer les conséquences des modalités de financement du plan, et une communication interprétative sur la façon dont la Commission utilisera sa marge de manoeuvre dans la mise en oeuvre des dispositions du Pacte de stabilité et de croissance.

Le plan d'investissement est conçu comme comprenant trois volets.

Son premier volet, que je vais vous présenter, est centré sur la mobilisation de 315 milliards d'euros sur les années 2015 à 2017, via le FEIS qui devrait être institué d'ici juin prochain avec l'adoption de la proposition de règlement déposée par la Commission. Ce montant est atteint grâce à une prévision d'effet levier de 1 à 15, sur une mise initiale de 21 milliards d'euros. On nous dit qu'il est dans la moyenne des programmes de l'Union et de la BEI. Ces 21 milliards d'euros sont composés de 16 milliards au titre de la garantie adossée au budget de l'Union européenne, dont la moitié sera effectivement provisionnée par un prélèvement de 2 milliards sur le budget de l'Union européenne, de 3,3 milliards sur le Mécanisme pour l'interconnexion en Europe et de 2,7 milliards sur le programme Horizon 2020, garantie qui sera mise en oeuvre progressivement. 5 milliards d'euros seront mobilisés au titre des fonds propres de la BEI. Cependant, on peut relever que l'on ne sait pas ce qui se passera en cas d'appel de la garantie au-delà de cette provision de 8 milliards. Le montant des crédits publics pour financer le plan d'investissement paraît limité, mais résulte à la fois d'un choix politique de la Commission, qui privilégie une mobilisation du marché et des liquidités, et de la modestie du budget de l'Union européenne.

La garantie serait également accordée, par l'intermédiaire de la BEI, à des plateformes d'investissement spécialisées et à des banques nationales de développement. Il est prévu que, sur ces 315 milliards d'euros, 240 milliards soient alloués à des investissements à long terme, des infrastructures pour l'essentiel, et 75 milliards aux PME et entreprises de taille intermédiaire, c'est-à-dire qui comprennent moins de 3 000 salariés, à moyenne capitalisation.

Le FEIS apportera des financements au moyen de prêts, de garanties, d'apports en fonds propres ou encore d'instruments du marché des capitaux, mais ne versera pas de subventions. On ne perçoit pas encore clairement quelle sera l'articulation entre les moyens mobilisés au titre du plan et les fonds structurels et d'investissements européens, même si la Commission assure que ceux-ci et les fonds du plan d'investissement s'additionneront. On peut à cet égard noter l'inquiétude des collectivités territoriales de voir ces fonds structurels détournés de leur destination réelle.

La proposition de règlement met en place une garantie de l'Union européenne, qui permettra à la BEI de couvrir les premières pertes éventuelles du FEIS résultant du financement de projets risqués. D'après les calculs de la Commission, ces pertes ne devraient pas excéder 3 milliards d'euros.

En outre, les États membres pourront verser des contributions au FEIS ou aux plateformes d'investissement. Dans sa communication relative à la flexibilité des dispositions du Pacte de stabilité et de croissance, dont l'objet est néanmoins plus large, la Commission indique qu'elle ne tiendra pas compte de ces contributions nationales au moment de définir l'ajustement budgétaire au titre du volet préventif ou correctif du Pacte et que, si le déficit dépasse la valeur de référence, elle n'ouvrira pas de procédure pour déficit excessif, à la condition que ce dépassement soit dû uniquement à la contribution, qu'il soit limité et qu'il reste temporaire. On peut se féliciter de cette décision, qui marque une nouvelle approche d'application des règles budgétaires en faveur de l'investissement et de la croissance. Il conviendra cependant que cette opportunité faite aux États membres n'incite pas certains d'entre eux à privilégier l'accompagnement des investissements du plan à ceux des fonds structurels qui pour le moment ne bénéficient pas des mêmes dispositions.

La proposition de règlement détaille la gouvernance du FEIS. Celui-ci serait doté d'une double structure : un comité de pilotage, composé de représentants de la Commission et de la BEI, qui déciderait de la politique générale du Fonds, de la répartition de ses actifs, de sa politique d'investissement et du profil de risque, et un comité d'investissement, composé d'un directeur exécutif et de six experts indépendants disposant d'une solide expérience du marché dans le domaine du financement de projets, ces sept personnes étant nommées par le comité de pilotage et chargées de sélectionner les projets financés par le Fonds. Il conviendrait sans doute que ces experts disposent également d'une expérience des collectivités territoriales et des politiques sociales. Il est prévu que, si des États membres contribuent au FEIS, le nombre de membres et de votes au comité de pilotage soit adapté de façon proportionnelle à ces contributions nationales, mais la Commission et la BEI disposeraient d'un droit de veto sur les décisions de ce comité. Le texte est par ailleurs silencieux sur la possibilité pour des investisseurs non européens, des fonds souverains par exemple, de contribuer au Fonds et donc de siéger au comité de pilotage. Il est probable qu'une proposition de contribution sera examinée selon des critères de nature politique selon qu'elle émane, par exemple, de la Norvège ou de la Chine...

Cette gouvernance donne la primauté aux experts. Elle est conçue comme devant permettre d'éviter toute politisation de la sélection des projets, c'est-à-dire leur répartition nationale ou par secteur, dès lors que les États membres sont souvent tentés d'invoquer un « juste retour ». Si l'objectif est louable, « dépolitisation » ne doit pas être synonyme d'illégitimité. C'est pourquoi nous pensons que l'obligation de rendre compte au niveau du comité de pilotage doit être renforcée, qu'un bilan régulier de la mise en oeuvre du plan et du fonctionnement du FEIS doit être effectué et que le Parlement européen et les parlements nationaux puissent exercer leur contrôle.

La proposition de règlement prévoit également la création d'une plateforme européenne de conseil en investissement au sein de la BEI chargée, contre une allocation annuelle de 20 millions d'euros, d'apporter une assistance technique aux investisseurs publics et privés dans le financement de projets. Ce point n'est cependant pas très clair, en particulier pour ce qui concerne son articulation avec les guichets uniques existants et son rôle envers les collectivités territoriales et dans l'accompagnement des PME-ETI.

Alors, que penser de ce premier volet du plan d'investissement ?

Il est indéniable que le plan du Président Juncker tire les conséquences de l'existence de liquidités abondantes et de la nécessité de les orienter vers l'économie réelle. À ce titre, il répond en particulier aux préoccupations françaises de mettre l'accent sur la croissance et l'investissement au niveau européen, et pas seulement sur l'assainissement budgétaire. Plusieurs personnes, lors de nos auditions à Paris comme à Bruxelles, ont considéré que ce plan était astucieux, voire « séduisant » selon l'expression de notre ancien collègue Jean Arthuis, qui préside la commission des budgets du Parlement européen. Pour autant, beaucoup de choses restent ouvertes à ce stade. D'aucuns ont même estimé que ce plan était une « vision », d'autres un « pari ».

De fait, il suscite de nombreuses interrogations.

Les trois quarts des financements devraient concerner des infrastructures. Or, la plupart d'entre elles, en particulier dans les transports et l'énergie, requièrent des subventions, alors que le FEIS les exclut. Leur retour sur investissement est généralement bien supérieur à trois ans, qui est l'horizon de mise en oeuvre du plan. À cet égard, les modalités de financement retenues pourraient être trop restrictives. Quant au quart restant, il devrait aller aux PME sur des projets plus risqués que ceux pour lesquels il existe déjà des dispositifs financiers européens qui leur sont destinés, en particulier le Fonds européen d'investissement (FEI) qui est une filiale de la BEI. Au total, le fonctionnement du FEIS pourrait mettre en évidence deux risques : la difficulté à trouver suffisamment de projets éligibles, d'une part, et un risque d'aubaine, pour les PME en particulier, d'autre part. Autrement dit, quelle sera la valeur ajoutée du plan ? Il sera nécessaire d'être vigilant à ce que des projets qui avaient de toute façon été engagés ne soient pas estampillés « plan Juncker ».

Une autre interrogation importante trouve sa source dans le rôle fondamental
- que certains considèrent comme excessif - que joue la BEI dans la mise en oeuvre du plan d'investissement. Il est avéré que c'est la BEI elle-même qui a « soufflé » à Jean-Claude Juncker l'idée de ce plan qui serait un condensé des réflexions et projets de la Banque depuis de nombreuses années. Aussi la rapidité de la présentation du plan et de la rédaction des différents textes ne serait-elle pas fortuite. De même, le fait que la BEI pourra commencer à financer des projets avant que le FEIS ne soit juridiquement opérationnel n'est pas non plus un hasard : c'est ce qu'elle fait depuis des années.

On peut penser que la BEI, à laquelle on reproche souvent sa frilosité au risque, a décidé d'associer l'Union européenne, et la garantie financière de son budget, à la conduite de projets plus risqués. De fait, le FEIS ne sera pas un établissement autonome : il n'aura pas de personnalité juridique et sera une ligne dans les écritures de la BEI. En revanche, le plan sera l'occasion pour celle-ci de recruter une centaine de personnes supplémentaires et d'accroître ses frais de fonctionnement de 105 millions d'euros au titre des dépenses administratives du FEIS. Son conseil d'administration serait le décideur final de la politique d'investissement du FEIS et chapeauterait de fait le comité de pilotage et le comité d'investissement de ce dernier, ce qui allongera encore la procédure d'instruction des dossiers, faisant craindre à certains un risque bureaucratique. De surcroît, la plateforme européenne de conseil en investissement sera gérée par la BEI. La question principale est de savoir si le FEIS ne servira qu'à apporter des garanties supplémentaires à la BEI ou s'il sera en mesure de créer l'effet de levier escompté ?

Enfin, les relations que la BEI entretiendra avec les banques nationales de développement ne sont pas claires et la mise en réseau de ces dernières contribuerait à une réalisation du plan plus efficace.

Ce plan, s'il marque une inflexion notable en faveur de l'investissement et de la croissance, et doit être salué pour cela, devra être régulièrement évalué.

Par ailleurs, il ne doit pas occulter d'autres débats relatifs aux moyens que l'Union européenne devrait se donner pour conforter cet objectif pour la croissance et l'emploi, comme l'affectation en faveur de l'investissement d'une partie des moyens du Mécanisme européen de stabilité, de la possibilité pour la BEI de lever des obligations, de la perspective de la création d'une agence du trésor ou encore d'un livret d'épargne européen.

Jean-Paul Emorine va maintenant vous présenter les deux autres volets du plan d'investissement.

M. Jean-Paul Emorine, vice-président. - Outre ses modalités de financement, que vient de nous exposer Didier Marie, le plan d'investissement comporte deux autres volets.

Le deuxième volet porte sur les projets éligibles au FEIS.

La Commission et la BEI avaient, en amont, mis en place une task force destinée à collecter des projets sur l'ensemble du territoire de l'Union et au sein de laquelle la France était représentée par le commissaire général adjoint à l'investissement. L'objectif était de démontrer l'existence de besoins en investissements auxquels les liquidités, aujourd'hui abondantes, pourraient être affectées. La task force a ainsi identifié environ 2 000 projets représentant 1 300 milliards d'euros. Beaucoup d'entre eux ne seront cependant pas éligibles au FEIS.

Mais la proposition de règlement ignore les travaux de la task force. En revanche, elle cite les cinq objectifs généraux que les projets éligibles au FEIS doivent soutenir :

- le développement d'infrastructures, en particulier dans le domaine des transports, de l'énergie et du numérique ;

- l'éducation et la formation, la santé, la recherche et le développement, les technologies de l'information et de la communication et l'innovation ;

- les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique ;

- les infrastructures dans le domaine de l'environnement, des ressources naturelles et du développement urbain ;

- le domaine social.

À titre d'illustration pour notre pays, les modalités de financement retenues empêcheraient certains projets, en particulier dans les infrastructures, qui requièrent de longues années avant de pouvoir être menés à bien, d'être éligibles au FEIS. C'est le cas, par exemple, de la liaison ferroviaire Lyon-Turin ou de la liaison fluviale Rhin-Rhône.

En revanche, trois types de projets pourraient être concernés :

1°) certains types d'infrastructures, dont le niveau de risque est difficile à apprécier, comme le Charles-de-Gaulle Express, ou plus élevé, comme les éoliennes offshore, pour lesquelles une garantie partielle pourrait permettre de boucler le financement. La rénovation/modernisation des infrastructures constitue toutefois la plus grosse part des besoins d'investissement en la matière, la mise aux normes par exemple ;

2°) le financement des entreprises : les capacités financières sont actuellement insuffisantes et le plan Juncker constitue une opportunité à saisir pour les accroître, par exemple pour moderniser l'appareil industriel ou pour faciliter le passage de la recherche-développement vers l'industrialisation ;

3°) dans les collectivités territoriales, où le potentiel est le plus important, par exemple sous la forme de partenariat public-privé. Peuvent être cités des projets de rénovation thermique des bâtiments, de modernisation de l'éclairage public ou encore de crèches. De ce point de vue, il est important que les collectivités territoriales puissent bénéficier du plan d'investissement, le financement par le FEIS de projets qu'elles soutiennent contribuant de façon significative à la réalisation de ses objectifs. Alors que le très haut débit est éligible au plan d'investissement, les personnes que nous avons auditionnées ont souligné le peu d'intérêt de ce plan pour développer ce secteur en France, compte tenu à la fois de l'avance de notre pays en la matière et de la disponibilité de liquidités indépendamment du plan.

Les projets éligibles seront sélectionnés par le comité d'investissement, mais des interrogations demeurent sur les critères de sélection. Les projets doivent présenter un profil de risque plus élevé que ceux jusqu'à présent financés par la BEI. La proposition de règlement ne reprend cependant pas les critères utilisés par la task force, à savoir une dimension européenne, une réelle viabilité économique et un impact à court terme sur l'activité économique, le plan devant être mis en oeuvre sur trois ans. En outre, dès lors qu'il est prévu que le FEIS finance des projets dans des secteurs dont le retour sur investissement est plus aléatoire et plus long et qui sont donc a priori moins attractifs pour des investisseurs privés, il est important de connaître les critères qui leur permettront d'être retenus. Enfin, on peut se demander quelle sera la valeur ajoutée du FEIS dans le financement des PME et des entreprises de taille intermédiaire, alors que le secteur financier est déjà spontanément intéressé par ce secteur. Par ailleurs, si le souci d'éviter des quotas nationaux ou sectoriels est légitime, les critères de sélection doivent néanmoins se traduire par une couverture équilibrée du territoire européen, la cohésion économique, sociale et territoriale restant l'un des objectifs majeurs de l'Union européenne. Il convient donc de les préciser sur ce point.

Pour donner une suite concrète aux propositions comme celles du rapport de MM. Pisani-Ferry et Enderlein, que nous avons auditionnés en commission, il est important que le FEIS puisse financer des projets identifiés et mis en oeuvre sur une base bilatérale. Il existe des projets non seulement franco-allemands, mais aussi franco-espagnols ou franco-italiens.

Par ailleurs, la proposition de règlement prévoit la création d'une réserve européenne de projets d'investissement dont l'objectif est de permettre aux investisseurs de disposer d'informations sur les projets potentiels. La Commission et la BEI considèrent en effet que le manque d'informations pénalise souvent les investissements.

Enfin, le troisième volet du plan d'investissement est de nature réglementaire. Il s'agit de lever les obstacles à l'investissement et de renforcer encore le marché unique de manière à démultiplier les effets du plan et à rendre l'Union européenne plus attractive.

Ce volet est présenté comme particulièrement important et crucial pour atteindre les objectifs du plan - MM. Pisani-Ferry et Enderlein ont d'ailleurs insisté sur ce point -, mais, paradoxalement, il est aussi le moins détaillé.

La communication de la Commission du 26 novembre dernier évoque trois pistes en termes très généraux : d'abord, l'amélioration de la réglementation européenne et nationale, la réduction des charges administratives ou encore une amélioration de l'efficacité de la dépense publique ; ensuite, de nouvelles sources de financement à long terme, y compris des mesures visant à créer une union des marchés de capitaux ; enfin, la suppression des obstacles à l'investissement dans le marché unique. Dans ses conclusions, le Conseil européen du 18 décembre reprend ces objectifs et évoque plus spécifiquement l'Union de l'énergie, pour laquelle la Commission est invitée à présenter une proposition globale « bien avant le Conseil européen de mars 2015 », et le marché unique numérique, pour lequel la Commission est également invitée à présenter une communication ambitieuse « bien avant le Conseil européen de juin 2015 ».

La Commission devrait présenter dans les prochains mois diverses initiatives couvrant ce troisième pilier, ainsi qu'une communication sur l'implication des banques nationales de développement.

Ce troisième volet est certes ambitieux, mais s'apparente surtout, tout au moins pour l'instant, à une déclaration d'intention. C'est pourquoi il convient d'obtenir davantage d'informations, en particulier sur la manière dont il pourrait effectivement contribuer à la levée des obstacles réglementaires - objectif que nous partageons naturellement pourvu que soient respectées les normes sociales et environnementales.

Enfin, nous devrons nous montrer très vigilants sur la mise en oeuvre du plan d'investissement et plus particulièrement sur le rôle des collectivités territoriales.

Tant la Commission que le Conseil ont la volonté d'aller vite sur le plan d'investissement afin que des projets puissent être financés et engagés dès cette année. Les négociations ont commencé le 19 janvier au sein d'un groupe ad hoc du Conseil, où les questions restent nombreuses à ce stade. Il est prévu que le Conseil ECOFIN adopte une orientation générale le 10 mars en vue d'un accord politique en mai puis d'un accord en première lecture au Parlement européen, sur le rapport des commissions des affaires économiques et monétaires et des budgets, d'ici la fin du premier semestre.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, Didier Marie et moi-même vous invitons à adopter l'avis politique et la proposition de résolution européenne qui vous ont été préalablement distribués.

M. Simon Sutour. - De nombreuses interrogations demeurent sur ce plan d'investissement, même s'il comporte beaucoup de choses positives. Il est notamment tourné vers la croissance et l'emploi, ce qui permet de réorienter l'Europe jusqu'alors excessivement axée sur la rigueur budgétaire. Je suis en revanche, moi aussi, réservé sur l'effet de levier « fantastique » qui permettrait de mobiliser 315 milliards d'euros à partir de 21 milliards, d'autant plus que, lors d'un déplacement à Bruxelles, il m'a été dit que les crédits publics s'établissaient en réalité à 6 milliards d'euros. Ainsi, si l'idée du plan est bonne, il convient toutefois de lui consacrer de véritables moyens, et une part conséquente du budget européen devrait lui être allouée. Par ailleurs, j'ai une inquiétude qui tient à ce que les crédits affectés au plan d'investissement proviennent en réalité de crédits existants du cadre financier pluriannuel, notamment les fonds structurels.

M. Daniel Raoul. - Les 21 milliards d'euros de crédits publics constituent en partie du « recyclage ». Je suis moi aussi sceptique sur l'effet de levier de 1 à 15. Je note une contradiction entre les alinéas 20 et 21 de la proposition de résolution européenne qui nous est soumis : comment les projets financés au titre du fonds pourront-ils à la fois présenter un profil de risque élevé et être économiquement viables ? Cela pose d'ailleurs la question du profil des projets qui seront retenus. Je considère que les projets d'aménagement du territoire, dont le retour sur investissement ne sera pas immédiat, sont aussi importants que les projets industriels.

M. André Gattolin. - Le plan d'investissement du président Juncker soulève des doutes sur plusieurs aspects. Je m'interroge moi aussi sur la crédibilité de l'effet de levier. Je rappelle d'ailleurs que c'est le quatrième plan d'investissement que l'on nous soumet depuis une vingtaine d'années. L'effet de levier ne fonctionnera que si les projets retenus sont rentables suffisamment rapidement. Par ailleurs, la BEI n'est pas habituée à gérer des dossiers concernant des PME-PMI, mais plutôt des gros dossiers d'investissement, et n'a guère non plus de compétences en matière d'éducation ou de politique sociale. Elle n'est pas non plus habituée à prendre des risques importants. Enfin, elle n'entretient guère de très bonnes relations avec la Caisse des Dépôts et Consignations, ni avec les organismes comparables dans les autres États membres. Je note d'ailleurs que la Caisse des Dépôts française s'est rapprochée récemment de son homologue allemande. Je suis également inquiet de ce que le Parlement européen soit tenté d'obtenir un droit de veto sur chacun des projets sélectionnés au titre du plan : cela me paraît excessif.

M. François Marc. - Je souligne également la contradiction entre les alinéas 20 et 21 de la proposition de résolution européenne. Une part de risque est indispensable.

M. Alain Richard. - Nous avons peut-être cru un peu trop rapidement que le plan Juncker allait régler tous nos problèmes. Un choc d'investissement est en effet nécessaire, mais ces investissements doivent être rentables. Actuellement, ni le Parlement européen ni le Conseil européen n'ont de majorité pour rompre avec les principes de base de la politique monétaire commune. Nous ne sommes pas dans un contexte où l'on va relancer la croissance par une hausse des dépenses publiques. Le plan du président Juncker repose en partie sur des prêts bancaires, mais les bénéficiaires de ces prêts doivent être capables de les rembourser. Je partage également les réserves qui ont été formulées sur la BEI et ses capacités à gérer des dossiers à hauteur de 315 milliards d'euros.

M. Philippe Bonnecarrère. - Pour ma part, j'approuve la proposition de résolution européenne et le projet d'avis politique qui nous sont soumis. Je considère que les critiques envers le plan d'investissement sont un peu sévères. Je rappelle que les grandes lignes de ce plan ont été formulées à un moment où les récentes décisions de la Banque centrale européenne en matière monétaire n'avaient pas encore été annoncées. De même, la Commission européenne est obligée d'agir avec le budget dont elle dispose et qui est limité. Elle a la volonté de l'optimiser et c'est une bonne chose. On ne peut pas exiger de l'Europe à la fois qu'elle adopte une politique d'investissement en soutien des États membres, et dans le même temps, qu'elle réclame des économies budgétaires. Je rappelle que nous avons nous-mêmes beaucoup de difficultés à dégager des capacités d'investissement qui ont plutôt diminué au cours des dernières années.

M. André Reichardt. - Il conviendrait d'éclaircir la question du montant des crédits publics alloués au plan d'investissement. S'agit-il de 21 milliards d'euros ou de 6 milliards ? Comment ce montant sera-t-il réparti ? Selon quels projets ? Si je considère que la possibilité pour les collectivités territoriales de bénéficier du plan est une bonne chose, nous devons aussi nous garder du risque de demandes disparates et mobilisant de faibles crédits. Pour ce qui concerne la place des investisseurs ressortissants d'États tiers à l'Union européenne dans la gouvernance du plan, je suppose qu'ils demanderont des contreparties en échange de financements.

Mme Fabienne Keller. - Il existe effectivement des interrogations sur la gouvernance du plan. J'ai lu des informations selon lesquelles une liste de projets avait déjà été publiée, sur des thématiques proches de celles du grand emprunt. Le commissariat général à l'investissement est chargé d'instruire ces dossiers. Je voulais donc connaître l'articulation entre le niveau européen et le niveau national pour la mise en oeuvre de ces projets.

M. Michel Billout. - Les difficultés d'accorder du crédit à ce plan d'investissement sans se poser de nombreuses questions apparaissent rapidement, d'autant plus que l'Union européenne est dépourvue de ressources propres, ce qui rend l'exercice particulièrement difficile, comme on le voit avec les discussions sur la taxe sur les transactions financières. Je rappelle que, au cours de leur audition, MM. Pisani-Ferry et Enderlein avaient mis en garde sur la façon dont l'Allemagne avait sensiblement réduit ses investissements au cours des dernières années, ce qui a des répercussions sur l'état de ses infrastructures. Le mérite de la proposition de résolution européenne qui nous est soumise est de poser les bonnes questions, et pour cette raison je suis prêt à le soutenir. Sur la gouvernance, nous pouvons nous interroger sur le crédit à apporter aux experts ; c'est pourquoi il me semble indispensable d'ajouter une dimension de contrôle démocratique. Je suis en revanche plus réservé sur le volet réglementaire du plan.

M. Didier Marie. - Je voudrais d'abord rappeler que le plan d'investissement est né d'un compromis politique : le président Juncker avait pris un certain nombre d'engagements devant le Parlement européen, dont une inflexion de la politique européenne en faveur de la croissance et de l'emploi. Il avait ainsi annoncé une mise en oeuvre rapide de ce plan. Celui-ci part du constat qu'il existe des liquidités abondantes aujourd'hui en Europe et qu'il est nécessaire de les orienter vers des projets risqués assis sur une garantie. La Commission européenne et la BEI font valoir que l'effet de levier de 1 à 15 se situe dans la moyenne des expériences passées en matière d'investissement : ainsi, l'augmentation du capital de la BEI de 10 milliards d'euros en 2012 a donné lieu à un effet de levier de 1 à 18, et de 1 à 20 pour le projet COSME. Les 21 milliards d'euros de crédits publics alloués au fonds se répartissent en 5 milliards au titre de la BEI, et en deux fois 8 milliards sur le budget de l'Union européenne, 8 milliards constituant la garantie proprement dite et les 8 autres milliards devant être mobilisés uniquement en cas de besoin. La Commission nous a d'ailleurs indiqué que la garantie du budget de l'Union européenne ne devrait pas être sollicitée au-delà de 3 milliards d'euros, ce qui, selon elle, rend suffisants les 8 milliards prévus. Les projets financés doivent certes présenter un profil plus risqué, mais il convient aussi d'éviter de financer des « éléphants blancs » sans valeur ajoutée significative, comme cela a pu exister dans le passé. Les alinéas 20 et 21 cherchent à exprimer cette double préoccupation. Mais nous sommes naturellement ouverts pour préciser la rédaction si nécessaire. À cette fin, nous vous proposons de modifier les points 18 de l'avis politique et 21 de la proposition de résolution européenne afin de retenir le critère d'une « perspective raisonnable de bonne viabilité économique » des projets. Sur la Caisse des Dépôts et Consignations, il y a effectivement une rivalité historique entre la BEI et les banques nationales de développement. C'est pourquoi la proposition de résolution européenne souhaite la structuration d'un réseau européen de ces banques, qui devrait permettre une meilleure mise en oeuvre du plan d'investissement, y compris au niveau de la plateforme d'ingénierie que la Commission propose d'instaurer.

M. Jean-Paul Emorine- Le plan d'investissement permettra d'apporter des garanties à des entreprises qui n'auraient pas pu les trouver sans lui. Pour que les projets financés soient rapidement et efficacement mis en oeuvre, il convient de les décliner au niveau des territoires. De ce point de vue, le numérique constitue un très bon exemple : le plan permet de financer des projets de très haut débit, mais il faut que les collectivités territoriales s'y impliquent pour leur donner une réalité sur le terrain.

M. Didier Marie. - Il est important que les collectivités territoriales puissent présenter des projets au FEIS. Je rappelle qu'aujourd'hui, 55 % de l'investissement en Europe proviennent des collectivités territoriales. Nous ne devons donc pas nous priver de leurs capacités de levier. Le risque de saupoudrage n'est pas nul, mais il doit être évité par la définition des critères de sélection de projets qui seront retenus par le comité d'investissement. La rédaction que nous proposons pour ce qui concerne le positionnement des investisseurs hors Union européenne vise précisément à obtenir des informations complémentaires sur leur rôle éventuel et sur leur implication dans la gouvernance du plan.

M. Jean-Paul Emorine. - La rédaction de l'alinéa relatif au volet réglementaire obéit à la même préoccupation d'obtenir des précisions sur sa contribution à la réalisation du plan. Par exemple, il existe aujourd'hui des obstacles réglementaires qui empêchent les collectivités territoriales d'intervenir dans le développement du très haut débit.

À l'issue du débat, la commission a adopté l'avis politique et la proposition de résolution européenne à l'unanimité dans la rédaction suivante :

Avis politique sur le plan d'investissement pour l'Europe

1. Vu la communication de la Commission européenne du 26 novembre 2014 intitulée Un plan d'investissement pour l'Europe (COM (2014) 903 final),

2. Vu les conclusions du Conseil européen du 18 décembre 2014, en particulier les paragraphes 1 et 2,

3. Vu la proposition de règlement de la Commission européenne du 13 janvier 2015 sur le Fonds européen pour les investissements stratégiques (COM (2015) 10 final),

4. Vu le projet de budget rectificatif n° 1 au budget général 2015 du 13 janvier 2015 (COM (2015) 11 final),

5. Vu la communication de la Commission européenne du 13 janvier 2015 intitulée Utiliser au mieux la flexibilité offerte par les règles existantes du Pacte de stabilité et de croissance (COM (2015) 12 final),

6. La commission des affaires européennes du Sénat fait les observations suivantes :

7. Dès lors que l'investissement constitue l'une des priorités majeures de l'Union européenne, elle réitère son soutien de principe au plan d'investissement pour l'Europe, dont les grandes lignes ont été présentées par la Commission européenne le 26 novembre 2014, qui devrait permettre de mobiliser 315 milliards d'euros sur les années 2015 à 2017 ;

8. Néanmoins, en l'absence, à ce jour, de réponse de la Commission européenne à certaines des questions soulevées dans son avis politique du 26 novembre 2014, elle estime que des incertitudes subsistent sur plusieurs aspects de ce plan ;

9. Elle demande que le plan d'investissement mobilise des ressources additionnelles de manière à ce que les modalités de son financement ne compromettent pas la mise en oeuvre des programmes européens déjà approuvés ;

10. Elle déplore l'insuffisance des crédits publics consacrés au financement du plan d'investissement, qui résulte directement de la modestie du budget de l'Union européenne ;

11. Elle se montre réservée sur la crédibilité du ratio de 1 à 15 retenu pour calculer l'effet de levier susceptible de mobiliser 315 milliards d'euros auprès d'investisseurs privés à partir de 21 milliards d'euros de crédits publics ;

12. Elle regrette que le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) dont l'institution est proposée exclue a priori tout recours aux subventions pour financer les projets des petites et moyennes entreprises et entreprises de taille intermédiaire (PME-ETI) et du secteur public, certains d'entre eux, notamment les projets d'infrastructures dont le retour sur investissement n'est pas immédiat, pouvant requérir ce type de financement ; elle regrette que le secteur public n'ait pas accès aux garanties du FEIS et s'inquiète dès lors de ce que les modalités de financement de ce dernier risquent de restreindre le nombre de projets éligibles et empêchent ainsi le plan d'investissement d'atteindre ses objectifs ;

13. Elle considère que le FEIS doit prendre en compte de manière significative le financement de projets bénéficiant aux PME-ETI et souhaite dès lors connaître la façon dont il s'articulera avec les dispositifs existants, en particulier avec le fonds européen d'investissement de la Banque européenne d'investissement, afin d'éviter tout effet d'aubaine ;

14. Constatant que des interrogations demeurent sur l'impact des modalités de financement proposées sur l'utilisation des fonds structurels déjà alloués à la politique de cohésion, en particulier sur l'articulation entre le FEIS et les fonds structurels et d'investissement européens, elle demande que des engagements fermes soient pris sur la préservation de ces crédits dans un contexte marqué par la réduction drastique des dotations financières nationales aux collectivités territoriales ;

15. Elle est favorable à ce que les contributions nationales éventuelles au FEIS ne soient pas prises en compte dans le calcul du déficit public et de la dette publique au titre de l'application du Pacte de stabilité et de croissance et souhaite que l'engagement de la Commission européenne en ce sens soit fermement confirmé ;

16. Elle demande que les relations entre la Banque européenne d'investissement et les banques nationales de développement en vue de la mise en oeuvre du plan d'investissement soient précisées et considère que celle-ci sera favorisée par la constitution d'un réseau européen des banques nationales de développement ;

17. Faisant observer que la task force constituée sous la direction de la Commission européenne et de la Banque européenne d'investissement a identifié environ 2 000 projets représentant 1 300 milliards d'euros au titre de la réserve de projets d'investissement, elle considère que le FEIS doit financer en priorité des projets présentant un profil de risque élevé et qui n'auraient pas vu le jour sans ce plan d'investissement ;

18. Elle est d'avis que ces projets, dont le financement doit être précédé d'une évaluation préalable approfondie, doivent répondre à trois critères cumulatifs pour être mis en oeuvre : une dimension européenne véritable, une perspective raisonnable de bonne viabilité économique et un impact à court terme sur l'activité économique ;

19. Dès lors que le plan d'investissement prévoit de financer des projets dans des secteurs pour lesquels le retour sur investissement est plus aléatoire et plus long et donc a priori moins attractifs pour des investisseurs privés, par exemple l'éducation et la formation, la santé, la recherche et le développement ou encore le domaine social, elle demande que soient précisés les critères de sélection de projets dans ces secteurs, susceptibles de les rendre éligibles au FEIS ;

20. Elle défend avec intérêt la possibilité pour les collectivités territoriales de bénéficier du plan d'investissement et considère que l'éligibilité au FEIS de projets qu'elles soutiennent apporterait une contribution significative à la réalisation des objectifs du plan d'investissement ;

21. Elle souhaite que soient établis des critères de sélection des projets aboutissant à une couverture équilibrée du territoire européen, la cohésion économique, sociale et territoriale restant l'un des objectifs majeurs de l'Union européenne ;

22. Elle est favorable à ce que le plan d'investissement puisse financer des projets identifiés et mis en oeuvre sur une base bilatérale ;

23. Pour que le plan d'investissement atteigne ses objectifs et respecte des critères prédéfinis de sélection des projets, elle estime que l'éligibilité de ces derniers au FEIS doit être préservée de toute interférence de nature à favoriser un « saupoudrage » des crédits et la tentation d'une répartition nationale ou par secteur ; elle partage donc la proposition d'une sélection des projets réalisée par le comité d'investissement comprenant des experts indépendants dont certains devront aussi disposer d'une solide expérience des collectivités territoriales et des politiques sociales ;

24. Pour autant, elle considère que la mise en oeuvre du plan d'investissement et le fonctionnement du FEIS ne sauraient être soustraits à toute responsabilité de nature démocratique et demande donc que soit précisée l'obligation de rendre compte au niveau du comité de pilotage de manière à la rendre effective ; dans le même objectif, elle réclame également qu'un bilan régulier en termes coûts/bénéfices du plan d'investissement et du fonctionnement du FEIS soit effectué et que le Parlement européen et les parlements nationaux puissent exercer un contrôle véritable à leur endroit ;

25. Elle souhaite que soient apportées des précisions sur la possibilité pour des investisseurs non ressortissants d'États membres de l'Union européenne de contribuer au FEIS et donc sur les conditions de leur participation au comité de pilotage ;

26. Elle demande des informations complémentaires sur le fonctionnement de la plateforme européenne de conseil en investissement chargée d'apporter une assistance technique aux autorités compétentes des États membres et aux investisseurs publics et privés, en particulier sur son articulation avec les guichets uniques existants et sur son rôle envers les collectivités territoriales et dans l'accompagnement des PME-ETI ;

27. Elle insiste sur la nécessité de parvenir à un environnement plus favorable aux investissements grâce à un allégement et à une harmonisation des réglementations européennes et nationales et souhaite à ce titre que le volet réglementaire du plan d'investissement soit mieux documenté, en particulier pour ce qui concerne la contribution de l'union de l'énergie et du marché unique du numérique à la levée des obstacles réglementaires à l'investissement dans l'Union européenne dans le respect des normes sociales et environnementales ;

28. Elle se montrera très vigilante sur la mise en oeuvre du plan d'investissement et plus particulièrement sur le rôle des collectivités territoriales.

Proposition de résolution européenne sur le plan d'investissement pour l'Europe

1. Le Sénat,

2. Vu l'article 88-4 de la Constitution,

3. Vu la communication de la Commission européenne du 26 novembre 2014 intitulée Un plan d'investissement pour l'Europe (COM (2014) 903 final),

4. Vu les conclusions du Conseil européen du 18 décembre 2014, en particulier les paragraphes 1 et 2,

5. Vu la proposition de règlement de la Commission européenne du 13 janvier 2015 sur le Fonds européen pour les investissements stratégiques (COM (2015) 10 final),

6. Vu le projet de budget rectificatif n° 1 au budget général 2015 du 13 janvier 2015 (COM (2015) 11 final),

7. Vu la communication de la Commission européenne du 13 janvier 2015 intitulée Utiliser au mieux la flexibilité offerte par les règles existantes du Pacte de stabilité et de croissance (COM (2015) 12 final),

8. Dès lors que l'investissement constitue l'une des priorités majeures de l'Union européenne, affirme son soutien de principe au plan d'investissement pour l'Europe, dont les grandes lignes ont été présentées par la Commission européenne le 26 novembre 2014, qui devrait permettre de mobiliser 315 milliards d'euros sur les années 2015 à 2017 ;

9. Estime néanmoins que des incertitudes subsistent sur plusieurs aspects de ce plan ;

10. Sur les modalités de financement du plan d'investissement

11. Demande que le plan d'investissement mobilise des ressources additionnelles de manière à ce que les modalités de son financement ne compromettent pas la mise en oeuvre des programmes européens déjà approuvés ;

12. Déplore l'insuffisance des crédits publics consacrés au financement du plan d'investissement, qui résulte directement de la modestie du budget de l'Union européenne ;

13. Se montre réservé sur la crédibilité du ratio de 1 à 15 retenu pour calculer l'effet de levier susceptible de mobiliser 315 milliards d'euros auprès d'investisseurs privés à partir de 21 milliards d'euros de crédits publics ;

14. Regrette que le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) dont l'institution est proposée exclue a priori tout recours aux subventions pour financer les projets des petites et moyennes entreprises et entreprises de taille intermédiaire (PME-ETI) et du secteur public, certains d'entre eux, notamment les projets d'infrastructures dont le retour sur investissement n'est pas immédiat, pouvant requérir ce type de financement ; regrette que le secteur public n'ait pas accès aux garanties du FEIS et s'inquiète dès lors de ce que les modalités de financement du FEIS risquent de restreindre le nombre de projets éligibles et empêchent ainsi le plan d'investissement d'atteindre ses objectifs ;

15. Considère que le FEIS doit prendre en compte de manière significative le financement de projets bénéficiant aux PME-ETI et souhaite dès lors connaître la façon dont il s'articulera avec les dispositifs existants, en particulier avec le fonds européen d'investissement de la Banque européenne d'investissement, afin d'éviter tout effet d'aubaine ;

16. Constatant que des interrogations demeurent sur l'impact des modalités de financement proposées sur l'utilisation des fonds structurels déjà alloués à la politique de cohésion, en particulier sur l'articulation entre le FEIS et les fonds structurels et d'investissement européens, demande que des engagements fermes soient pris sur la préservation de ces crédits dans un contexte marqué par la réduction drastique des dotations financières nationales aux collectivités territoriales ;

17. Est favorable à ce que les contributions nationales éventuelles au FEIS ne soient pas prises en compte dans le calcul du déficit public et de la dette publique au titre de l'application du Pacte de stabilité et de croissance et souhaite que l'engagement de la Commission européenne en ce sens soit fermement confirmé ;

18. Demande que les relations entre la Banque européenne d'investissement et les banques nationales de développement en vue de la mise en oeuvre du plan d'investissement soient précisées et considère que celle-ci sera favorisée par la constitution d'un réseau européen des banques nationales de développement ;

19. Sur les secteurs et projets financés par le plan d'investissement

20. Faisant observer que la task force constituée sous la direction de la Commission européenne et de la Banque européenne d'investissement a identifié environ 2 000 projets représentant 1 300 milliards d'euros au titre de la réserve de projets d'investissement, considère que le FEIS doit financer en priorité des projets présentant un profil de risque élevé et qui n'auraient pas vu le jour sans ce plan d'investissement ;

21. Est d'avis que ces projets, dont le financement doit être précédé d'une évaluation préalable approfondie, doivent répondre à trois critères cumulatifs pour être mis en oeuvre : une dimension européenne véritable, une perspective raisonnable de bonne viabilité économique et un impact à court terme sur l'activité économique ;

22. Dès lors que le plan d'investissement prévoit de financer des projets dans des secteurs pour lesquels le retour sur investissement est plus aléatoire et plus long et donc a priori moins attractifs pour des investisseurs privés, par exemple l'éducation et la formation, la santé, la recherche et le développement ou encore le domaine social, demande que soient précisés les critères de sélection de projets dans ces secteurs, susceptibles de les rendre éligibles au FEIS ;

23. Défend avec intérêt la possibilité pour les collectivités territoriales de bénéficier du plan d'investissement et considère que l'éligibilité au FEIS de projets qu'elles soutiennent apporterait une contribution significative à la réalisation des objectifs du plan d'investissement ;

24. Souhaite que soient établis des critères de sélection des projets aboutissant à une couverture équilibrée du territoire européen, la cohésion économique, sociale et territoriale restant l'un des objectifs majeurs de l'Union européenne ;

25. Est favorable à ce que le plan d'investissement puisse financer des projets identifiés et mis en oeuvre sur une base bilatérale ;

26. Sur la gouvernance du Fonds européen pour les investissements stratégiques

27. Pour que le plan d'investissement atteigne ses objectifs et respecte des critères prédéfinis de sélection des projets, estime que l'éligibilité de ces derniers au FEIS doit être préservée de toute interférence de nature à favoriser un « saupoudrage » des crédits et la tentation d'une répartition nationale ou par secteur ; partage donc la proposition d'une sélection des projets réalisée par le comité d'investissement comprenant des experts indépendants dont certains devront aussi disposer d'une solide expérience des collectivités territoriales et des politiques sociales ;

28. Pour autant, considère que la mise en oeuvre du plan d'investissement et le fonctionnement du FEIS ne sauraient être soustraits à toute responsabilité de nature démocratique et demande donc que soit précisée l'obligation de rendre compte au niveau du comité de pilotage de manière à la rendre effective ; dans le même objectif, réclame également qu'un bilan régulier en termes coûts/bénéfices du plan d'investissement et du fonctionnement du FEIS soit effectué et que le Parlement européen et les parlements nationaux puissent exercer un contrôle véritable à leur endroit ;

29. Souhaite que soient apportées des précisions sur la possibilité pour des investisseurs non ressortissants d'États membres de l'Union européenne de contribuer au FEIS et donc sur les conditions de leur participation au comité de pilotage ;

30. Demande des informations complémentaires sur le fonctionnement de la plateforme européenne de conseil en investissement chargée d'apporter une assistance technique aux autorités compétentes des États membres et aux investisseurs publics et privés, en particulier sur son articulation avec les guichets uniques existants et sur son rôle envers les collectivités territoriales et dans l'accompagnement des PME-ETI ;

31. Sur le volet réglementaire du plan d'investissement

32. Insiste sur la nécessité de parvenir à un environnement plus favorable aux investissements grâce à un allégement et à une harmonisation des réglementations européennes et nationales et souhaite à ce titre que le volet réglementaire du plan d'investissement soit mieux documenté, en particulier pour ce qui concerne la contribution de l'union de l'énergie et du marché unique du numérique à la levée des obstacles réglementaires à l'investissement dans l'Union européenne dans le respect des normes sociales et environnementales ;

33. Se montrera très vigilant sur la mise en oeuvre du plan d'investissement et plus particulièrement sur le rôle des collectivités territoriales ;

34. Invite le Gouvernement à soutenir ces orientations et à les faire valoir dans les négociations en cours.