COM (2014) 324 final  du 04/06/2014

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 13/06/2014
Examen : 09/07/2014 (commission des affaires européennes)


Économie, finances et fiscalité

Textes E 9395 et E 9396

Adoption par la Lituanie de l'euro

COM (2014) 324 final et COM (2014) 325 final

(Procédure écrite du 9 juillet 2014)

Tous les deux ans au moins, ou ponctuellement à la demande d'un État membre, la Commission européenne et la Banque centrale européenne (BCE) publient chacune un « rapport sur la convergence » qui évalue les progrès des États membres qui n'ont encore pas adopté l'euro (à l'exception du Royaume-Uni et du Danemark) dans l'accomplissement de leurs obligations pour la réalisation de l'Union économique et monétaire (UEM). Dans leur livraison de 2014, les deux institutions ont accordé une attention plus particulière à la Lituanie qui a exprimé son souhait d'adopter l'euro à compter du 1er janvier 2015. Les résultats positifs de ces évaluations ont conduit la Commission a proposé au Conseil le 4 juin dernier d'abroger le statut dérogatoire de la Lituanie dans le cadre de l'UEM afin que ce pays puisse effectivement intégrer la zone euro à la date souhaitée. C'est l'objet des textes E 9395 et E 9396.

La candidature de la Lituanie a été évaluée sur la base des critères de convergence fixés par le traité de Maastricht :

1) Stabilité des prix : le taux d'inflation ne doit pas être supérieur de plus de 1,5 point à la moyenne des trois États membres les moins inflationnistes. Sur la période de référence (mai 2013-avril 2014), le taux d'inflation moyen de la Lituanie a été de 0,6 %, soit un niveau largement inférieur au critère de stabilité des prix dont la valeur a été établie à 1,7% ;

2) Situation des finances publiques : elle est appréciée en fonction de la dette et du déficit publics qui doivent être respectivement inférieurs à 60 % et 3 % du produit intérieur brut (PIB). Au cours de l'année de référence, le déficit public lituanien était de 2,1 % du PIB et le ratio de la dette rapportée au PIB s'est établi à 39,4 %.

3) Stabilité du taux de change : avant son éventuelle adhésion à la zone euro, il est nécessaire que l'État candidat participe au mécanisme de change du système monétaire européen, le MCE II qui est en quelque sorte l'« antichambre » de l'euro permettant d'ancrer les monnaies nationales des pays candidats à la monnaie unique. De plus, pendant les deux années qui précèdent l'adhésion, la monnaie du pays candidat ne doit fluctuer que dans une certaine marge (+/- 15% du cours pivot). Le Litas lituanien, coté dans le MCE II depuis 2004, ne s'est pas écarté de son taux pivot (3,45280 pour un euro) pendant la période de référence de deux ans.

4) Taux d'intérêt à long terme : le caractère durable de la convergence atteinte par l'État candidat est évalué au travers de l'évolution de ses taux d'intérêt à long terme. Concrètement, ils ne doivent pas excéder de plus de 2 % la moyenne de ceux des trois États membres présentant les meilleurs résultats en matière de stabilité des prix (voir 1). Le taux valable pour la Lituanie était sur la période de 3,6 %, soit nettement en deçà de la valeur de référence établie à 6,2 %.

Au-delà du respect de ces critères économiques, il est également nécessaire que la législation de l'État candidat dans le domaine monétaire (dont les statuts de sa banque centrale) soit compatible avec la législation de l'Union européenne et les statuts du système européen de banques centrales (SEBC) et de la BCE. Il s'agit de la « convergence juridique ». À cet égard, le cadre juridique de la Lituanie a été jugé pleinement compatible avec l'ensemble des exigences relatives à l'adoption de l'euro.

D'autres facteurs ont également été examinés, notamment l'évolution de la balance des paiements et l'intégration des marchés de produits, du marché du travail et des marchés financiers.

Le feu vert accordé par la Commission européenne intervient cinq ans après la récession brutale qui a frappé la Lituanie dans le sillage de la crise économique et financière mondiale. L'économie du pays a en effet connu une contraction sévère de son PIB en 2009 (-14,8 %) ; l'inflation dépassait alors les 10 % et les taux d'intérêt avoisinaient les 15%. Contrairement à son voisin letton, la Lituanie a décidé de ne pas faire appel au Fonds monétaire international. Elle n'a pas eu recours non plus à la dévaluation monétaire, laquelle aurait contrarié l'objectif (déjà manqué en 2006) de rejoindre la zone euro. Les autorités lituaniennes ont choisi de mener une politique d'ajustement macroéconomique musclée impliquant notamment des baisses importantes de salaire dans le secteur public (entre -5% et -50% suivant leur niveau de rémunération) et le secteur privé (-20% en moyenne) et la réduction (-5%) des pensions de retraite. Dès 2010, le pays a pu renouer avec la croissance, la reprise économique étant portée par les secteurs industriel et de l'énergie, ainsi que par les transports et les télécommunications. La croissance attendue en 2014 est évaluée à 3,5 % (après 3,2% en 2013) ; elle est tirée par la demande intérieure, principalement la consommation des ménages favorisée par les hausses de salaires intervenues en 2012 et la baisse du chômage. Par ailleurs, la stabilité du secteur bancaire, dominé par les banques étrangères, a été renforcée, dimension importante désormais dans l'architecture de l'Union européenne.

Il faut signaler que la Banque centrale européenne a exprimé dans son rapport de convergence quelques réserves en ce qui concerne la stabilité des prix sur le long terme. La BCE estime que les risques pesant sur l'inflation sont orientés à la hausse, en raison d'un relèvement prévisible des prix mondiaux des produits alimentaires et de l'énergie ainsi que des progressions salariales. Le processus de rattrapage de l'économie lituanienne, les niveaux du PIB par habitant et des prix étant toujours inférieurs à ceux de la zone euro, pourrait également avoir une incidence sur l'inflation à longue échéance. La BCE souligne que ces phénomènes auront d'autant plus d'impact que le pays ayant intégré la zone euro n'aura pas de marge de manoeuvre monétaire.

Les critères de convergence étant respectés, il n'y a pas lieu de s'opposer à l'adhésion de la Lituanie à la zone euro. La commission a donc décidé donc de ne pas intervenir plus avant sur ces textes.